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Cette page contient les versions françaises de poèmes persans présentées chaque mois sur le portail Iran

[modifier] Avril 2008

Extrait de Bustan
(Saadi)
Ô caravanier va doucement, car c'est ma vie que tu emportes,
et mon cœur ravi s'en va, avec la belle que tu emportes.
Elle s'éloigne, me laissant seul, plaintif et malheureux,
et son départ, comme une pointe, déchire mon être douloureux.
J'ai tenté de cacher ma blessure par des ruses et des sortilèges,
mais mon sang débordant témoigne qu'au seuil de mon âme tout se désagrège.
Ô caravanier retiens sa litière, tire les rênes de ta caravane,
car le cyprès de mon cœur ravit mon âme au pas de ta caravane.
Oui, ma belle s'en va fièrement, m'abandonnant au fiel de la solitude,
ne me demandez plus rien, car la vie m'a ôté toute sa plénitude.
La belle insoumise s'en va, me laissant dans toute ma douleur,
et je me retrouve, tel un brûle-parfum, la tête en flammes et en pleurs.
Malgré la cruauté, les fausses promesses de ma douce infidèle,
j'ai gravé en mon cœur et sur mes lèvres ce souvenir doux d'elle.
Oui, reviens ma charmante bienaimée, reviens donc éclairer mes yeux,
reviens, car mes cris de détresse bouleversent la terre et les cieux.
Je ne dors ni le jour, ni la nuit, refusant le moindre conseil,
je m'en vais sans but, inapte, l'âme débridée par cette passion sans pareille.
J'ai cherché à pleurer pour que le chameau de ta litière s'envase sous mes larmes,
mais je n'ai pu le faire, mon cœur, tant ton départ me désarme.
Je ne veux ni attendre, ni délaisser ma tendre bienaimée,
alors qu'en fait, cela serait la solution préférée.
Il y a diverses façons de dire comment l'âme du corps se retire,
or moi, j'ai vu de mes yeux comment ma vie s'est mise à partir.
Sa'adi l'infidèle, me dit-elle, tu n'aurais pas dû de mon amour te plaindre,
face à ta tyrannie qu'aurais-je fait, ma belle, lui dis-je, si ce n'est que m'en plaindre!

[modifier] Mars 2008

Apparition
(Hafez)
Décoiffé, le front moite, souriant et ivre,
col déchiré, poème en bouche et verre en main,
le regard querelleur et la lèvre ironique,
hier, à minuit, il vint me voir et, s’asseyant,
Penché sur moi, il demanda, d’une voix triste :
« dors-tu, ô toi qui m’aimes depuis si longtemps ?... »
L’amant auquel, la nuit, on sert un pareil vin :
qu’il s’en enivre ! Ou qu’en amour, qu’il soit païen !
Va, dévôt, et ne donne pas tort aux ivrognes :
Boire est leur destinée, et ils n’y peuvent rien !
Pour moi, je bus tout ce qu’Il versa dans ma coupe,
Que ce fût vin d’ivrogne ou vin de paradis…
Combien, pour Hâfez et d’autres, ont brisé de repentirs
La Beauté avec ses boucles, et la Coupe, avec son tire !

[modifier] Février 2008

Je fis un Hymne de la mort
(Ahmad Shamlou)
Voici la houle lente du temps qui me traverse
tel un fleuve de fer
Voici la houle lente du temps qui me traverse
telle une mer d'acier et de pierre.
Sur le passage du zéphyr je chantai un nouvel hymne
Sur le passage de la pluie je chantai un nouvel hymne
Sur le passage de l'ombre je chantai un nouvel hymne.
En toi demeuraient le nénuphar et la pluie
En moi la dague et le cri.
En toi demeuraient le jet d'eau et le rêve
En moi l'étang et l'obscurité.
Sur ton passage je chantai un nouvel hymne.
Je fis d'une feuille un hymne
Plus verdoyant qu'un bois
Je fis d'une vague un hymne
Plus palpitant que le cœur humain
Je fis de l'amour un hymne
Plus retentissant que la mort.
Plus vert que la forêt
Je fis un hymne de la feuille
Plus palpitant que le cœur de la mer
Je fis un hymne de la vague
Plus retentissant que la vie
Je fis un hymne de la mort.