Introduction à la littérature fantastique

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Introduction à la littérature fantastique est un essai de Tzvetan Todorov paru en France en 1970.

Sommaire

[modifier] Composition de l'ouvrage

Le livre comporte 10 chapitres :

  1. Les genres littéraires
  2. Définition du fantastique
  3. L'étrange et le merveilleux
  4. La poésie et l'allégorie
  5. Le discours fantastique
  6. Les thèmes du fantastique : introduction
  7. Les thèmes du "je"
  8. Les thèmes du "tu"
  9. Les thèmes du fantastique: conclusion
  10. Littérature et fantastique

[modifier] Une définition précise du fantastique

Pour Todorov, le genre fantastique existe. Il explique que ce genre repose sur la définition suivante : "Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît pas les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel". Le lecteur est balancé entre une interprétation rationnelle et irrationnelle.

Ainsi, Alvare dans Le Diable amoureux se demande si les Sylphides existent ou bien s'il s'agit simplement d'une illusion qui prend la forme d'un rêve.

Todorov ne s'en tient pas à sa définition, il analyse celles de Vladimir Soloviov, de Castex, de Louis Vax ou de Roger Caillois, qu'il remet en cause.

Il développe plusieurs exemples en citant notamment Le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jan Potocki, La Princesse Brambilla de Hoffmann ou Aurélia de Gérard de Nerval. Le personnage d'Aurélia ne sait pas vraiment si ses visions proviennent de son esprit dérangé ou si elles sont le résultat d'une certaine clairvoyance. Le personnage nage dans cette ambiguïté et y plonge le lecteur. De plus, l'écrivain utilise deux procédés -l'imparfait et la modalisation- pour accentuer cet effet brumeux.

Todorov conclut que le thème récurrent de ces différents ouvrages est celui de la folie. Dans chacun d'eux, on est amené à se demander si le personnage est fou -victime d'hallucinations- ou si cette "folie" est le signe d'une raison supérieure. Le doute subsiste.

[modifier] L'étrange et le merveilleux

[modifier] L'étrange

Lorsque le texte, en apparence surnaturel, débouche sur une interprétation rationnelle, dans laquelle se sont les lois naturelles qui prédominent, il entre alors dans la catégorie de "l'étrange". On trouve différents exemples de ce genre dans le roman noir où prévalent deux tendances: le "surnaturel expliqué" (chez Clara Reeves et Ann Radcliffe) ou celle du "surnaturel accepté" (ou du "merveilleux" chez Horace Walpole, Lewis et Mathurin). "Dans l'étrange, on ramène l'inexplicable à des faits connus, à une expérience préalable et par là, au passé." Ce genre se retrouve dans la littérature d'horreur, dans les romans de Dostoïevsky.

[modifier] Le merveilleux

Dans le cas du merveilleux, les événements ne provoquent aucune réaction particulière ni chez les personnages, ni chez le lecteur implicite. On lie souvent le merveilleux aux contes de fées, pourtant cette catégorie les dépasse largement. "Les Mille et une nuits" devrait être caractérisé de conte merveilleux et non de conte de fées.

Le merveilleux hyperbolique: Les phénomènes sont surnaturels car les unités de mesure sont beaucoup plus grandes que celles que nous connaissons. Sindbad le marin, par exemple, affirme avoir vu des "poissons longs de cent et deux cents coudées". Tout est exagérément décrit.

Le merveilleux exotique: On raconte des histoires de pays étrangers au lecteur. Pourtant, ces histoires ne sont pas vraisemblables. Le rhinocéros se bat avec l'éléphant et tombe aveugler par son sang. Un roc les enlève et les emporte.

Le merveilleux instrumental: Apparaissent ici des objets irréalisables à l'époque décrite. Le merveilleux instrumental se rapproche du merveilleux scientifique, qu'on appelle aujourd'hui la science-fiction. Ici, le surnaturel est expliqué d'une manière rationnelle mais à partir de lois que la science contemporaine ne reconnaît pas. Pensons au "magnétisme" qui relève du surnaturel et que l'on retrouve dans le "Spectre fiancé", "Le Magnétiseur" de Hoffmann ou "Un fou?" de Maupassant.

[modifier] Aux frontières du fantastique

Le fantastique-étrange: Des événements qui paraissent surnaturels tout au long de l'histoire, y reçoivent à la fin une explication rationnelle. "La Manuscrit de Saragosse" en est un bel exemple. Tous les miracles y sont rationnellement expliqués en fin de récit. Souvent, les hasards, les coïncidences, le rêve, l'influence des drogues, l'illusion des sens, la folie tentent de réduire le surnaturel et permettent de donner une explication rationnelle à un phénomène qui ne l'était pas au départ. La nouvelle d'E.Poe "La Chute de la maison Usher" illustre un étrange proche du fantastique. La soeur de Roderick Usher se lève de son tombeau, alors qu'elle est sensée être morte et se jettent dans les bras de son frère. Tous les deux meurent. La maison s'écoule alors. Poe donne une explication rationnelle à la "résurrection" de la soeur: "des crises fréquentes, quoique passagères, d'un caractère presque cataleptique, en étaient les diagnostics très singuliers." Chez Edgar Poe, on ne trouve pas de contes fantastiques à proprement parler, sauf peut-être les "souvenirs de M.Bedloe" ou le "Chat noir". Ses nouvelles relèvent presque toutes de l'étrange et quelques-unes du merveilleux.

Le fantastique -merveilleux: Il se caractérise par l'existence et l'acceptation d'événements surnaturels. "La Morte amoureuse" de T.Gauthier en est un bel exemple. Un moine, Romuald, tombe amoureux de Clarimonde et assiste à sa mort. Celle-ci le hante encore dans ses rêves. Il ne mène plus une vie austère, mais vit à Venise avec Clarimonde qui se maintient en vie grâce à son sang, qu'elle vient sucer pendant la nuit. Romuald n'y voit pas une illusion des sens, mais croit en l'intervention du diable. Un autre abbé, Sérapion, viendra apporter la preuve formelle qu'il s'agit bien de l'influence d'un être maléfique. Il ira déterrer le cercueil de Clarimonde, aussi fraîche que le jour de sa mort, une goutte de sang aux lèvres. Saisi d'une pieuse colère, il jettera de l'eau bénite sur le cadavre qui tombera en poussière. "Véra" de Villiers de l'Isle Adam fonctionne également sur ce même principe.

[modifier] L'allégorie et la poésie

La poésie ne peut être fantastique, même s'il existe des anthologies de poésie fantastique, car elle n'est pas fictive. Elle renvoie de par son étymologie à la création et offre différentes visions du monde en passant par un travail sur le rythme, les sonorités et le discours émotif.

De même, l'utilisation du sens allégorique écarte une interprétation purement fantastique du texte. En effet, l'allégorie implique l'existence d'au moins deux sens pour les mêmes mots, mais le sens littéral doit s'effacer au profit du sens allégorique (figuré). Il n'y a donc plus de place pour l'hésitation propre au fantastique.

Dans "Riquet à la houppe", par exemple, Perrault conclut son histoire par une morale symbolique. Le surnaturel n'a plus cours: "Ce que l'on voit dans cet écrit/ Est moins un conte en l'air que la vérité même./ Tout est beau dans ce que l'on aime;/ Tout ce qu'on aime à de l'esprit." Riquet à la houppe est devenu beau aux yeux de la princesse, non parce qu'il s'est transformé physiquement, mais parce que l'amour de la jeune femme l'a transfiguré.

Dans "L'homme à la cervelle d'or" d'A.Daudet, l'allégorie prédomine également dans l'épilogue. L'homme est obligé tout au long du récit de vendre une partie de sa cervelle pour vivre. Il sait qu'il perd par ce commerce une partie de son intelligence, mais ne peut y remédier. Cette histoire devient fable universelle et illustre symboliquement le destin de nombreux artistes, obligés de "faire du pain de leur intelligence", connaissant les souffrances de l'homme à la cervelle d'or.

Dans "La peau de chagrin" de Balzac, le fantastique est tué par l'allégorie qui s'indique indirectement. La peau est une allégorie de la vie et de ses désirs exaucés. Chaque fois qu'un désir est assouvi, la peau se rétracte. Lorsqu'elle est réduite à néant, l'homme qui la détient, meurt.

Cette théorie est également développée pour "Véra" de Villiers de l'Isle Adam, "William Wilson" de Poe et "Le Nez" de Gogol.

[modifier] Les caractéristiques du discours fantastique

1-Emploi du discours figuré: "Véra" n'est autre que le développement au sens propre d'une expression figurée: "L'amour est plus fort que la mort". Les comparaisons et les métaphores introduisent le surnaturel et le nourrissent. Certaines comparaisons, dans "Véra" suggèrent la résurrection par exemple.

2-L'énonciation: Le narrateur est souvent utilisé à la 1ère personne, cela permet une meilleure identification du lecteur et introduit le doute inhérent au fantastique: dit-il la vérité? Ment-il? Est-il fou? Dans "La vénus d'Isle", si le fantastique-merveilleux apparaît, c'est précisément parce que les indices du surnaturel sont observés par un narrateur archéologue et digne de confiance, tout pénétré des certitudes de la science.

3-La composition: D'après Penzoldt, on observe une gradation dans le discours fantastique qui se caractérise par l'importance de l'effet final. Pensons à la mort du personnage principal dans la "Vénus d'Isle" que la statue semble avoir tué et qui est amenée peu à peu. La femme de pierre a d'abord un air vivant. Le personnage affirme ensuite qu'elle lui a serré le doigt. A la fin, des marques sont retrouvées sur son corps ainsi que la bague. Sommes-nous en présence d'un pygmalion hallucinant ou la statue s'est réellement animée? Si cette théorie de la gradation fonctionne pour bon nombre de nouvelles de Poe et pour celle de Mérimée, elle n'est pas généralisable à Maupassant par exemple où la première apparition est souvent le point culminant de la nouvelle.

[modifier] Les thèmes du fantastique

Le fantastique se définit comme une perception particulière d'événements étranges qui produisent un effet particulier sur le lecteur : peur, horreur ou simplement curiosité. Ce genre entretient le suspense, la présence d'éléments fantastiques favorise cette tension.

Todorov remet en question la critique thématique, dont le meilleur représentant est J-P Richard. Il poursuit son argumentation en mettant en cause certains théoriciens de la littérature fantastique, tels que Penzoldt ou Roger Caillois qui superposent les thèmes sans leur donner une cohérence interne. Il cite Caillois et ses classes thématiques: le pacte avec le démon (Faust), le spectre condamné à une course désordonnée (Melmoth), la "chose" indéfinissable et invisible, mais qui pèse et qui est présente (Le Horla), les vampires (nombreux exemples), la statue, le mannequin, l'armure, l'automate qui soudain s'animent et acquièrent une redoutable indépendance (La Vénus d'Isle)...

Todorov s'oppose à cette méthode qui vise à classer des thèmes indépendamment les uns des autres. Il explique qu'on ne peut isoler un thème de l'histoire. Les deux sont corrélativement liés. Pour lui, les critiques se sont contentés de dresser des listes d'éléments surnaturels sans réussir à en faire ressortir l'organisation.

Todorov se propose donc de faire ce que les autres avant lui n'ont pas fait. Il va classer les thèmes qui peuvent apparaître ensemble, en fonction de leur co-présence.

[modifier] Les thèmes du "je"

Dans Les Mille et une nuits, l'histoire du second calender fait ressortir plusieurs thèmes. Le premier est celui de la métamorphose. Un homme se transforme en singe, tandis que le génie se métamorphose en vieillard, en lion et en gros scorpion. L'autre thème tient à l'existence même d'êtres surnaturels, tels que le génie et la princesse-magicienne et à leur pouvoir sur la destinée humaine. Ces derniers ont pour fonction, en général, de suppléer à une causalité déficiente. Ils remplacent ce que nous appelons communément: le hasard, la chance. Il reprend pour étayer son argumentation une phrase d'Erckmann-Chatrian : « Le hasard, qu'est-ce, après tout, sinon l'effet d'une cause qui nous échappe? ». Ce type de récit privilégie le pan-déterminisme, c'est-à-dire que tout doit avoir une cause; le recours au surnaturel est habituellement un bon moyen de pouvoir tout expliquer.

Le pan-déterminisme se rencontre chez Nerval, dans Aurélia notamment. Rien n'est l'effet du hasard : l'heure à laquelle on est né, le nom de la chambre, tout est chargé de sens.On trouve généralement aussi un effacement des limites entre le physique et le mental. À Nerval d'ajouter: « Mais, selon ma pensée, les événements terrestres étaient liés à ceux du monde invisible. » Pareille rupture des limites entre matière et esprit était considérée, au XIXe siècle, par les psychiatres, comme la première caractéristique de la folie. Le psychotique était défini comme incapable de distinguer le perçu et l'imaginaire. Cette abolition des frontières entre visible et invisible se rencontre aussi chez les humains ayant ingéré de la drogue. Elle a pour conséquence l'effacement des limites entre sujet et objet, le temps est souvent suspendu comme on le déclare au narrateur d'Aurélia: "Le temps est mort: désormais, il n'y aura plus ni années, ni mois, ni heures." L'espace est également transformé.

En somme, la mise en question de la limite entre matière et esprit engendre plusieurs thèmes: le pan-déterminisme, la multiplication de la personnalité (liée à la métamorphose: on est plusieurs personnes en même temps mentalement, on le devient physiquement),la rupture de la limite entre sujet et objet, la transformation du temps et de l'espace.On remarque qu'il existe une correspondance entre les thèmes fantastiques et les catégories qui servent à définir le monde du drogué, du psychotique ou du jeune enfant (théorie de Piaget), c'est pourquoi le titre "thèmes du "je"" a été retenu.

[modifier] Les thèmes du "tu"

Un des premiers thèmes explorés par Todorov, concernant les thèmes du "tu" est la sexualité."Louis Lambert" de Balzac ou "Le Club des hachichins" de Gautier sont cités pour illustrer cet élan d'une puissance insoupçonnée. Le désir sexuel exerce sur Ambrosio, le héros du "Moine" de Lewis une emprise exceptionnelle. Son intensité est parfois trop grande et conduit à certaines dérives comme le viol manqué d'Antonia: "Son coeur lui battait dans la bouche, tandis que de l'oeil il dévorait ces formes qui allaient bientôt être sa proie.(...). Il éprouva un désir vif et rapide qui l'enflamma jusqu'à la frénésie." Le désir est généralement incarné par la figure surnaturelle du "diable", synonyme de "libido". La séduisante Mathilde, dans "La Moine" est "un esprit secondaire, mais malin", serviteur fidèle de Lucifer.

La littérature fantastique explore tous les interdits liés à la sexualité, elle brise les tabous en faisant intervenir le surnaturel. L'inceste constitue une de ces variétés les plus fréquentes. Pensons à "Peau d'âne" de Perrault, au père criminel, amoureux de sa fille, mais aussi à "l'histoire du premier calender" dans Les Mille et une nuits qui rapporte l'amour entre un frère et une soeur. Dans "Le Moine", Ambrosio tombe amoureux de sa propre soeur Antonia, la viole et la tue après avoir assassiné leur mère.

L'homosexualité est une autre variété d'amour charnel. Dans "Vathek" de Beckford, la relation entre Alasi et Firouz est homosexuelle, même si plus tard on découvrira que le prince Firouz n'est autre que la princesse Firouzah. L'ambiguïté sur le sexe de la personne est très prisée de la littérature fantastique.

L'amour à trois ou plus de trois est une troisième variété du désir. Dans le "troisième calender", ce dernier vit avec ses quarante femmes. Dans une scène du "Manuscrit trouvé à Saragosse", on a vu Hervas au lit avec trois femmes, la mère et ses deux filles.

La joie sadique est également mise en scène dans "Le Manuscrit" avec la princesse de Mont-Salerno qui raconte comment elle se plaisait "à mettre la soumission de [ses] femmes à toutes sortes d'épreuves(...). [Elle] les punissait soit en les pinçant, soit en leur enfonçant des épingles dans les bras et les cuisses." Il en va de même dans "Vathek" où Carathis se plaisait à donner des dîners fameux avec d'exquises femmes et au moment où la joie était à son comble, elle faisait couler des vipères sous la table et vidaient des pots remplis de scorpions.

On passe ensuite de la cruauté à la mort. Chez Perrault, par exemple, s'établit une équivalence entre l'amour sexuel et la mise à mort. Dans "Le Petit Chaperon rouge", se mettre au lit avec une personne du sexe opposé, équivaut à "être mangé, périr". Dans "La Morte amoureuse" de Gautier, le prêtre éprouve un désir sensuel pour le corps mort de Clarimonde. La nécrophilie va souvent de pair avec le vampirisme. En effet, Romuald découvre bientôt que Clarimonde n'est autre qu'un vampire qui se nourrit de son sang. Il l'aime pourtant et lui aurait donné tout le sang dont elle avait besoin si l'abbé Sérapion ne l'avait réduite à néant.

Les thèmes du "tu" sont particulièrement liés au désir sexuel à ses formes excessives, interdites et perverses. L'intervention du surnaturel permet généralement d'éviter la censure et de ne pas trop choquer le lecteur, plongé dans des pulsions souvent immorales et transgressives.

[modifier] Littérature et fantastique

Après avoir essayé d'analyser les structures du fantastique, Todorov s'intéresse à ses fonctions: pourquoi le fantastique?

La littérature fantastique permet de franchir certaines limites, d'aborder des thèmes interdits. Mais grâce à l'intervention du diable, les déchaînements sexuels sont mieux acceptés par toute espèce de censure. "La fonction du surnaturel est de soustraire le texte à l'action de la loi et par là même de la trangresser." Si le réseau des thèmes du "tu" relève directement de la censure et des tabous, il en va de même des thèmes du "je" qui renvoient à la folie. Tandis que le pervers est emprisonné, le schizophrène connaît une autre forme d'enfermement: la maison de santé.

Par ailleurs, il y a un lien entre les thèmes du fantastique et les recherches psychologiques. Si la littérature fantastique admet le "pan-déterminisme", la psychanalyse reconnaît précisément ce même déterminisme sans faille:"Dans la vie psychique, il n'y a rien d'arbitraire, d'indéterminé", écrit Freud dans Psychopathologie de la vie quotidienne.

La littérature fantastique reprend cette opposition, propre à la littérature en général, celle entre réel et irréel. Elle part généralement de faits qui semblent réels pour aller vers le surnaturel, en crescendo. Pourtant, ce schéma n'est pas propre à l'ensemble des oeuvres de ce genre. Dans La Métamorphose de Kafka, on assiste au passage du surnaturel dans la toute première ligne du texte "Au matin, au sortir d'un rêve agité, Grégoire Samsa s'éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine" à celui du naturel: personne ne semble s'étonner de cette métamorphose, même pas les membres de sa famille. Apparaît alors ce que Freud nomme l'"inquiétante étrangeté". La transformation apparaît bien comme un événement choquant, impossible, qui pourtant finit par devenir possible, et même naturel, paradoxalement.

En conclusion, l'oeuvre de Kafka, comme le souligne Maurice Blanchot dans " Kafka et la littérature", met en scène la contradiction inhérente à la littérature même, l'antithèse entre le verbal et le transverbal, entre le réel et l'irréel. Le fantastique se veut le miroir de ce doute, de cette formidable hésitation entre visible et invisible, entre matière et esprit.

[modifier] Voir aussi