Humanae Vitae

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Humanae Vitae est le nom de la lettre encyclique « sur le mariage et la régulation des naissances » promulguée par le pape Paul VI le 25 juillet 1968 et rendue publique quatre jours plus tard. Ce nom correspond aux deux premiers mots de la version latine de l'encyclique, qui commence ainsi : « Humanae vitae tradendae munus gravissimum », c'est-à-dire « Le très grave devoir de transmettre la vie humaine »[1].

À l'époque, l'encyclique eut l'effet d'une bombe, car elle déclarait « intrinsèquement déshonnête » toute méthode artificielle de régulation des naissances, réaffirmant ainsi la position traditionnelle de l'Église à l'encontre d'une opinion publique très largement favorable à un assouplissement de la doctrine catholique. Cette prise de position déclencha une profonde crise d'autorité dans l'Église.

Sommaire

[modifier] Réaffirmation de la doctrine catholique

Dans cette encyclique, le Magistère rappelle que la doctrine de l'Église sur le mariage est fondée « sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation » (HV, 12).

Dans cette encyclique, le Pape exprime la doctrine de l'Eglise catholique sur la contraception artificielle :

« En conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et chrétienne du mariage, nous devons encore une fois déclarer qu'est absolument à exclure, comme moyen licite de régulation des naissances, l'interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout l'avortement directement voulu et procuré, même pour des raisons thérapeutiques. Est pareillement à exclure, comme le Magistère de l'Eglise l'a plusieurs fois déclaré, la stérilisation directe, qu'elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l'homme que chez la femme.

Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation. »
    — HV, 14

L'encyclique encourage toutefois le recours aux méthodes naturelles de régulation des naissances, tout en rappellant discrètement que celles-ci ne sont licites qu'à certaines conditions : « Si donc il existe, pour espacer les naissances, de sérieux motifs dus, soit aux conditions physiques ou psychologiques des conjoints, soit à des circonstances extérieures, … » (HV, 16).

L'encyclique mettrait en cause l'infaillibilité pontificale :

« Mais lorsque le Magistère traite de ce qui le concerne en propre, la Foi et la morale, et que, sur la question de la nature du mariage, de l’acte conjugal et du caractère coupable de la contraception, le Magistère a parlé de façon répétée, constante et claire pendant des générations, toutes les conditions d’infaillibilité telles que Lumen Gentium les a exposées semblent être réunies, ce qui signifie que les catholiques – y compris les théologiens – doivent donner leur assentiment à ces enseignements.[2] »

[modifier] La controverse

[modifier] Des oppositions

Dans une atmosphère de remise en cause de l'autorité établie, en Amérique comme en Europe, l'encyclique apparut comme un refus pur et simple de la contraception.

Aux États-Unis, dès le lendemain de la publication de l'encyclique, paraissait dans le New York Times un article signé par plus de deux cents théologiens catholiques où l'on déclarait explicitement que « l’encyclique n’est pas un enseignement infaillible » et que par conséquent « les époux peuvent décider de façon responsable en accord avec leur conscience que la contraception artificielle est permise en certaines circonstances »[2].

Dans les semaines qui suivirent, plusieurs conférences épiscopales, un peu partout dans le monde, tout en reconnaissant l'autorité du pape, tentèrent d'adoucir quelque peu le caractère contraignant de l'encyclique en mettant l'accent sur la primauté de la liberté de conscience individuelle[3]. Au Canada par exemple, les évêques publièrent le 27 septembre une déclaration[4] qui reconnaissait aux personnes confrontées à ce « qui leur semble être un conflit de devoirs, par exemple, accorder les impératifs de l'amour conjugal avec ceux de la paternité responsable » le droit de choisir « honnêtement la voie qui leur semblait la meilleure », pourvu qu'elles aient « fait un effort sincère pour se conformer aux directives données, sans toutefois y parvenir ».

En novembre, le Time Magazine, comparant l'importance de l'encyclique à celle des 95 thèses de Luther, faisait le constat suivant : « Parce qu'elle reflétait les opinions d'une minorité distincte de moralistes et de théologiens catholiques, l'encyclique souleva une tempête sans précédent de protestation et d'opposition au sein de l'Église. Des millions de laïques, des prêtres et même des évêques firent clairement savoir qu'ils ne pouvaient tout simplement pas accepter, sans restrictions, l'enseignement d'humanae vitae. En même temps, plusieurs prétendaient que leur opposition n'affectait en rien leur adhésion au catholicisme. Ce faisant, ils soulevaient des questions encore plus profondes et plus troublantes concernant les limites de la liberté et de l'autorité dans l'Église catholique — et le droit pour le pape de parler au nom du magistère de l'Église. »[5].

Même les Pères conciliaires furent ébranlés. En janvier 1969, le cardinal Alfrink, archevêque d'Utrecht, et huit autres évêques de Hollande, déclarèrent l'encyclique « non convaincante sur la base de l'argumentation fournie »[6]. Deux ans plus tard, le théologien allemand Hans Küng remettait pour sa part en cause le principe même de l'infaillibilité[7].

En France, le magazine Témoignage chrétien publia une lettre ouverte intitulée « Si le Christ voyait ça », séparant le pape de l'Église-peuple de Dieu. Certains rebaptisèrent malicieusement l'encyclique Digitus in Ogino, allusion à Digitus in Oculo, employé par Mgr Duchesne pour qualifier l'encyclique Gravissimo officii munere du pape Pie X.[réf. nécessaire]

[modifier] Et des soutiens

La très grande majorité des évêques, partout dans le monde, se rallia finalement à l'encyclique. Ce fut aussi le cas de plusieurs théologiens.

L'abbé Victor-Alain Berto, le théologien privé de Mgr Lefebvre au Concile Vatican II, et secrétaire du Coetus Internationalis Patrum (groupe des évêques traditionnels) pendant le Concile[8], affirmait par exemple : « Mais il y a aussi des cas où le Magistère ordinaire de l'Église, sans déclaration en forme, sans définition promulguée, est INFAILLIBLE : c'est quand il est constant, quand il est universel, quand enfin il donne le contenu de son enseignement comme objet de foi, ou en connexion nécessaire avec la foi.[9] »

[modifier] Voir aussi

[modifier] notes et références

  1. Paul VI, Encyclique Humanae vitae, 1968 [version latine] [version française].
  2. ab Ralph M. McInerny, Ce qui a mal tourné avec Vatican II : une explication de la crise catholique, 1998 [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2008)].
  3. (en) « Soft Line on Contraception », dans le Time Magazine du 4 octobre 1968 [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2008)].
  4. Surnommée la déclaration de Winnipeg [lire en français une version commentée (page consultée le 2 janvier 2008)].
  5. (en) « Catholic Freedom v. Authority », dans le Time Magazine du 22 novembre 1968 [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2008)].
  6. (en) « Declaration of Independence », dans le Time Magazine du 17 janvier 1969 [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2008)].
  7. Hans Küng, Infaillible ? Une interpellation, Desclée De Brouwer, Paris, 1971, 276 p.
  8. Précisions données sur le site Web de la Fraternité Saint-Pie-X [à cette page (page consultée le 2 janvier 2008)].
  9. Abbé Victor-Alain Berto, « L'Encyclique Humanae vitae et la conscience », dans la Pensée catholique n° 117 (1968) [lire en ligne (page consultée le 2 janvier 2008)].

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes