Horace

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Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus), né à Venosa le 8 décembre 65 av. J.-C. et mort à Tivoli le 27 novembre 8 av. J.-C., compte parmi les plus illustres poètes de tous les temps. Mais son œuvre, à double niveau d’écriture, fait aisément l’objet de malentendus et de contresens, comme en témoigne par exemple le détournement de la fameuse devise Carpe diem, ou de la non moins célèbre formule Aurea mediocritas (« juste milieu précieux comme l'or »), tirées respectivement des Odes, I, 11 et II, 10.

Sommaire

[modifier] Biographie

Horace était fils d'affranchi. Son père exerçait le métier de coactor, c'est-à-dire caissier des ventes aux enchères. Ce père modèle, qui a des ambitions pour son fils, va même jusqu’à s’installer à Rome afin de lui assurer la meilleure éducation possible. Vers dix-huit ans, il l’envoie à Athènes, tel un fils de famille, pour y couronner son cursus par l’étude du grec et de la philosophie.

Après l'assassinat de Jules César en 44 av. J.-C., Horace s’enrôle dans l'armée des Libérateurs, et se fait si bien remarquer de Brutus que celui-ci lui confie le commandement d’une légion (il a vingt et un ans). Lors de la première bataille de Philippes, les troupes de Brutus s’emparent du camp d’Octave (le futur empereur Auguste), lequel échappe de peu à la capture. Mais lors du second combat, Octave et Marc Antoine sont vainqueurs. Quand une amnistie est déclarée pour les vaincus, Horace retourne en Italie où il apprend la mort de son père et la confiscation de ses propriétés. Réduit à la pauvreté, il trouve une place de scribe auprès d'un questeur, ce qui ne veut pas dire qu’il ait renoncé à la lutte contre l’autocratie. Seulement, selon ses propres termes (Hic stilus ueluti ensis), il troque le glaive pour le calame, et se lance, d’abord sous forme d’épodes et de satires, dans une poésie de combat dont les violentes attaques anti-octaviennes sont savamment voilées sous une surface politiquement correcte.

Il se lie très tôt d’amitié avec Virgile qui le présente à Mécène, confident d’Octave, protecteur des arts et des lettres, poète à ses heures et, s’il faut en croire Vipsanius Agrippa (Suét.-Donat, Vita Verg. 185-8), adepte d’une sorte de « double écriture » (cacozelia latens) fondée sur une subtile dialectique entre le sens patent et le sens latent, permettant de tout dire en paraissant ne rien dire du tout. Mécène le prend sous sa protection, l'introduit dans les cercles politiques et littéraires (de là des recitationes), et lui offre une propriété près de Tibur (aujourd'hui Tivoli) pour lui permettre de se ressourcer loin de l'agitation de la capitale. En 17 av. J.-C., sa réputation littéraire est si bien établie que c’est à lui que revient l’honneur de composer le « Chant Séculaire » (Carmen Saeculare) qu’interpréteront solennellement, à l’occasion des Jeux séculaires, des chœurs mixtes d’enfants choisis parmi l’élite de la noblesse romaine.

Horace l’avait annoncé, sa mort suivrait de très peu celle de son protecteur. Deux mois suffirent. Ne nous étonnons pas qu’il ait été si bon prophète, c’est qu’il savait que, Mécène disparu, Auguste n’attendrait pas longtemps pour se venger de la guerre secrète que le poète lui avait menée dans son œuvre depuis le début.

[modifier] L'œuvre d'Horace

[modifier] Satires

(publiées en 35 et 29 av. J.-C.)

Elles se regroupent en deux recueils, l'un de dix pièces et l'autre de huit (en hexamètres). Ce genre est typiquement romain, créé qu’il fut par Lucilius au deuxième siècle av. J.-C., et particulièrement propice à l’autoportrait : c’est sans doute là qu’Horace s’y dépeint le mieux. Il s’agit de « causeries » (sermones) où sont de mise la liberté de ton et la polémique, que ce soit à propos de questions sociales, éthiques, littéraires, ou encore politiques. Mais ce qui était permis à Lucilius sous la République ne l’est évidemment plus à Horace sous un Régime despotique. Au lecteur de décrypter les allusions.

[modifier] Épodes

Interne de la maison de Horace (Venosa)
Interne de la maison de Horace (Venosa)

(publiées en 29 av. J.-C.)

Les Epodes sont au nombre de dix-sept, soit au total 625 vers, dont quatre probablement apocryphes (I, 5-6 et XVI, 15-16). Horace ne les appelait pas épodes, mais iambes, se plaçant ainsi tout droit dans la lignée de Catulle, ce qu’il se garde bien de proclamer tant Catulle était maudit de César et des césariens. Il préfère, c’est moins risqué, se revendiquer d’Archiloque, inventeur du genre en Grèce - et qui s’en était servi comme d’une arme redoutable contre ses ennemis, tant privés que publics. Le ton y est celui de l’invective ; le style est âpre et tendu ; le vinaigre italique se relève çà et là d’un ail meurtrier ; l’érotisme le plus cru peut y côtoyer les accents les plus patriotiques. Comme leur nom l’indique (au moins en l’un de ses sens), les Epodes sont écrites en distiques (un vers long + un vers court) de type iambique ; la pièce 17, toute en sénaires iambiques, fait exception.

[modifier] Odes

(publiées en 22 av. J.-C. pour les trois premiers livres ; en 7 av. J.-C. pour le quatrième : dates préférables à 23 et 12 av. J.-C., plus traditionnellement admises)

Ce sont quatre livres contenant 38, 20, 30 et 15 pièces respectivement, soit au total 3038 vers, dont six sans doute apocryphes (IV, 6, 21-24 et IV, 8, 15-16). Horace les comparait fièrement aux Pyramides d’Égypte, et c’est en effet le chef-d’œuvre absolu de la lyrique romaine. Ce monument réunit tous les superlatifs, combine toutes les merveilles. Exploit métrique d’abord, avec la mise en œuvre de quatre types de strophes différentes, six variétés de distiques, et trois espèces de vers employés seuls (kata stikhon). Miracle d’équilibre ensuite, dans une harmonieuse architecture qui se déploie selon des proportions numériques aussi complexes qu’impeccables. Prodige de circulation aussi, d’interconnexions, de réseaux, de correspondances, combinaisons et symétries diverses, dont l’ensemble constitue une immense et ultrasensible chambre de résonance. Quant à l’incroyable virtuosité verbale qui tire du choix et de la place de chaque mot le maximum d’énergie possible, il suffit de dire qu’elle impressionnait Nietzsche au plus haut degré par ce qu’il appelait sa « noblesse ».

Mais là où Horace se surpasse, là où il mérite le mieux le « laurier delphique » (Odes, III, 30), c’est dans la maîtrise du contenu. En apparence, rien de plus hétéroclite que les Odes, où semblent interférer de manière aléatoire la sphère privée et la sphère publique, les amours et la politique, le monde grec et le monde latin, la mythologie la plus nuageuse et l’actualité la plus brûlante, l’épicurisme poussé jusqu’au sybaritisme, et un stoïcisme aiguisé jusqu’à l’ascétisme et à un renoncement presque monacal avant la lettre. Et pourtant, un chef d’orchestre maîtrise tous ces timbres et tous ces instruments d’une baguette souveraine. Souterraine aussi, car la partition de cette éblouissante symphonie, composée en l’honneur de la liberté humaine face à la tyrannie politique, ne se déchiffre qu’à condition d’accéder au niveau second de l’écriture, fondé principalement sur le contrôle secret de la situation d’énonciation.

[modifier] Épîtres

La statue de Horace (Venosa)
La statue de Horace (Venosa)

(publiées en 19 ou 18 av. J.-C., plutôt qu’en 20, date la plus admise, et probablement après 13 av. J.-C. pour le second recueil)

Le premier recueil compte 20 pièces (soit 1006 vers, dont sept probablement apocryphes dans la première pièce), le second 2 seulement, mais très longues (270 et 216 vers). S’y ajoute « l'Épître aux Pisons », plus connue sous le nom d'« Art poétique » (476 vers). Elles sont écrites en hexamètres, comme les Satires, et, comme elles, ce sont des « causeries » d’allure assez libre. Mais les Epîtres étant fictivement des lettres, elles s’adressent à des personnes bien précises, et le ton y est moins vif, le style plus détendu. Sous cette rassurante surface, Horace poursuit avec persévérance son combat, un combat dont l’ampleur et les péripéties, ici comme dans les Odes, ne se révéleront qu’au lecteur attentif en premier ressort à la situation d’énonciation : il importe de tenir le plus grand compte non seulement du destinataire (ami ou ennemi ?), mais aussi du locuteur, qui n’est pas automatiquement l’auteur…

La première épître du second recueil s’adresse ainsi directement à Auguste : ou comment tirer la queue du lion sans se faire mordre. Florus est le destinataire de la seconde, où Horace a déposé comme son testament spirituel et la quintessence de sa sagesse.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

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