Henri Pirenne

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Henri Pirenne
Henri Pirenne

Henri Pirenne (Verviers, le 23 décembre 1862 - Uccle, le 25 octobre 1935) est un historien belge. Il est également l'une des grandes figures de la résistance non-violente à l'occupation allemande de la Belgique durant la Première Guerre mondiale.

La réputation de l'historien repose sur trois grandes contributions à l'histoire européenne. La première concerne les origines du Moyen Âge par la formation de nouveaux états et le déplacement du commerce vers le Nord. La seconde est une vue distincte de l'histoire médiévale de la Belgique et finalement un modèle pour le développement de la cité médiévale.

Sommaire

[modifier] Biographie

Henri Pirenne naît à Verviers le 23 décembre 1862. Il est l'ainé des huit enfants de Lucien-Henri Pirenne, industriel textile, et de Virginie Duesberg. Un de ses frères est le peintre Maurice Pirenne. Il fait ses études moyennes au collège communal (l'actuel Athénée royal). Un des moments importants de ces années d'études a été la lecture d'un poème au roi Léopold II, venu en 1878 à Verviers pour l'inauguration du barrage de la Gileppe.

En octobre 1879, il entre à l'Université de Liège où son père souhaite voir son fils aîné devenir ingénieur mais celui-ci peu doué dans les mathématiques entreprend des études de droit. Alors étudiant de candidature en philosophie et lettres, il est impressionné par l'érudition et l'éloquence pleine d'idéalisme de Godefroid Kurth. Il suit non seulement les leçons ex-cathedra du professeur mais également les cours pratiques que ce dernier organisait chez lui, dans son cabinet de travail. C'est au contact de ce maître que naît sa vocation d'historien. Son père l'autorise de remettre à plus tard ses études juridiques - qu'il ne reprendra jamais - et de préparer le doctorat en philosophie et lettres : il obtient le grade de docteur le 6 juillet 1883 avec un mémoire intitulé Histoire de la Constitution de la ville de Dinant au moyen âge. Avec ce mémoire, il est le lauréat du Concours des Bourses de Voyage qui est décerné par un jury universitaire.

Grâce à cette bourse, Pirenne a l'occasion d'étudier deux ans à l'étranger. Ces années lui permettent de rencontrer des historiens importants et d'acquérir des formations complémentaires. Il passe l'année académique 1883-1884 en Allemagne. D'abord à Leipzig, où il rencontre Georges Cornil et où il suit l'enseignement de Wilhelm Arndt. À Berlin, il va assidûment aux cours et aux séminaires d'Harry Bresslau et de Gustav Schmoller. L'influence de ce dernier est prépondérante et a fait de Pirenne un « historien économiste ». Il est reçu régulièrement chez Georg Waitz, le président des Monumenta Germaniae Historica et l'auteur de la Deutsche Verfassungsgeschichte.

Après l'Allemagne, Henri Pirenne passe l'année académique 1884-1885 à Paris ; il y fréquente l'École pratique des Hautes Études et l'École des Chartes. C'est dans ces deux écoles qu'il reçoit avec le plus grand profit l'enseignement d'Arthur Giry. Son cours de diplomatique aux Chartes, ses cours pratiques aux Hautes Études constituent un précieux complément à la formation que Pirenne a reçue en Allemagne. Il a l'occasion, lors de ces cours pratiques, ces «conférences» où Giry traite d'histoire urbaine, de se familiariser avec le passé des villes des Pays-Bas français.

En 1885, il est chargé à vingt-trois ans de créer à l'Université de Liège l'enseignement de la paléographie et de la diplomatique, après des aléas politiques en pleine guerre scolaire. En effet, il aurait pu être nommé dès l'année précédente par le gouvernement libéral Frère-Orban-Van Humbeeck mais celui-ci tombe le 10 juin 1884 et le gouvernement suivant dirigé par les conservateurs Malou-Jacobs-Woeste ne propose pas la nomination au chef de l'État : Pirenne avait le tort d'être libéral. Godefroid Kurth indigné de voir défait par ses amis politiques « la seule bonne chose qu'eussent faite les libéraux » intervient auprès de Jean-Joseph Thonissen qui est le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique du gouvernement Beernaert (également conservateur) pour relancer la nomination d'Henri Pirenne.

En 1886, il est professeur extraordinaire à l'Université de Gand et chargé d'y enseigner l'histoire du moyen âge et l'histoire de Belgique et le restera jusqu'en 1930[1] à l'exception de 1916 à 1918, pendant la Première Guerre mondiale, où il est captif en Allemagne.

Henri Pirenne a été le premier président de l'Union académique internationale, fondée en 1919 et dont le siège se trouve à Bruxelles.

[modifier] Captivité

La manière à laquelle Pirenne a participé à la résistance en Belgique n'est pas connue. Ce que l'on sait, c'est que Pirenne fut interrogé par l'occupant allemand le 18 mars 1916 et que cela finit par une arrestation. L'armée occupant a ordonné que les professeurs en grève à l'université de Gand continuent d'enseigner. Pierre, le fils d'Henri Pirenne a été tué au combat à la Bataille de l'Yser en 1914. Alors qu'il est interrogé, l'officier allemand demande à Pirenne pourquoi il insiste de répondre en français alors qu'il parle un excellent allemand et qu'il a fait des études doctorales à Leipzig et Berlin. Pirenne répond : «J'ai oublié l'allemand depuis le 3 août 1914», date de l'invasion allemande.

Henri Pirenne est emprisonné à Crefeld, puis à Holzminden et enfin à Jena où il est interné du 24 août 1916 jusqu'à la fin de la guerre. On lui refuse des livres mais il apprend le russe avec un officier russe capturé du Front de l'Est et lit par la suite des livres d'histoire russes que lui donne des prisonniers russes. Cela donne à l'œuvre de Pirenne une perspective unique. À Jena, il commence son histoire de l'Europe médiévale qui commence à la chute de Rome. Il écrit tout de mémoire. Plutôt qu'une chronologie période-par-période de guerres, dynasties et d'incidents, une Histoire de l'Europe présent une approche globale avec des tendances sociales, politiques et commerciales. L'œuvre est remarquable non seulement par son intuition historique mais aussi par son objectivité, surtout si l'on regarde les conditions dans lesquelles elle fut écrite.

À la fin de la guerre, Henri Pirenne arrête son travaille sur une Histoire de l'Europe au milieu du XVIe siècle. Il retourne chez lui et reprend sa vie. À sa mort en 1935, son fils Jacques qui a survécu à la guerre et est devenu un historien grâce à ses propres capacités découvre le manuscript. Il l'édite entre parenthèse en insérant les dates pour lequelles son père n'était sûr et il écrit une préface pour expliquer la provenance de l'ouvrage.

[modifier] Contributions

[modifier] Formation du Moyen Age

Il existe selon Henri Pirenne un rapport étroit entre l'expansion de l'Islam - conquête arabe et la formation du Moyen Age occidental.

En 1922, il écrit sur le sujet un article, "Mahomet et Charlemagne" dans la Revue belge de philologie et d'histoire qui aura un certain retentissement. L'article se conclut par « Sans l'Islam, l'Empire franc n'aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne sans Mahomet serait inconcevable. »[1]. Dès lors, il va enchainer articles, colloques et conférences pour appuyer sa thèse mais n'écrira que tardivement, peu avant sa mort en 1935, son ouvrage synthétisant toutes ses recherches et portant le titre de son premier article, Mahomet et Charlemagne. Le livre aura une publication posthume, en 1937.
Dans cette thèses sur les origines, il développe deux idées principales :

  • Une continuation de la civilisation méditerranéenne après les invasions germaniques; les peuples dits "barbares" se romanisent tant que la Méditerranée a pu jouer son rôle d'unité politico-économique et culturelle. L'empire romain fondé sur une structure de cités et dont le commerce est centré sur la Méditerranée est donc peu touché par les invasions barbares du Ve siècle. La culture romaine peut se maintenir au bord de la Méditerranée, le rayonnement de Constantinople prenant le relai de Rome.
  • La conquête musulmane en Afrique du Nord, en Occident (Espagne, Corse, Sardaigne et sud de l'Italie) et en Orient rompt l'unité méditerranéenne, sépare l'Orient de l'Occident. La Méditerranée occidentale n'est plus le lieu d'échange entre Europe, Afrique et Orient mais est devenue une mer musulmane. L'Occident est alors obligé de vivre en vase clos, le pouvoir politique remonte vers le nord de l'Europe occidentale, l'État franc va se développer et une économie purement terrienne va naitre.

Henri Pirenne se consacra aussi à d'autres sujets médiévistes, écrivant ainsi en 1926, un livre sur la formation des Villes au Moyen Age.

Les historiens ont longtemps débattu de la thèse de Pirenne[1]. Aujourd'hui, si on reconnait que la conquête arabe et l'expansion de l'Islam réduisit l'influence de l'empire romain d'Orient, les raisons d'une bascule vers le nord de l'économie par l'arrivée de l'Islam est beaucoup plus discutée. [1] Ainsi à la fin des années 1960, Jacques Le Goff et Jean-Noël Biraben avancent l'hypothèse que la peste qui ravagea les ports de Méditerranée et les villes du sud de l'Europe ont joué un plus grand rôle dans ce basculement. De plus les contacts commerciaux en Méditerranée ne cessèrent jamais. Les historiens avancent aussi comme cause du développement nord-européen au Moyen-Age une paix relative, une cohésion religieuse et une période climatique favorable. [1]

[modifier] Histoire de la Belgique

Au XIXe siècle, la Belgique, qui vient d’apparaître sur les cartes d’Europe, ressent le besoin pressant de s’arroger un passé qu’elle n’a pas pour s’édifier sur des fondements plus solides que le simple État tampon qu’elle est destinée à être[2]. C’est ainsi que les historiographes belges de cette époque vont développer une philosophie de l’histoire qui entend justifier historiquement l’existence de l’État belge. Henri Pirenne a donné la version la plus fortement finie de cette vision romantico-nationaliste de l’histoire de Belgique. Il s'indigne que bon nombre de ses compatriotes ne voient en leur pays qu'une oeuvre, sinon artificielle, du moins récente de la diplomatie européenne et soutiennent que l'histoire de Belgique ne commence qu'en 1830. De son propre aveu, il entend par son œuvre justifier aux yeux de tous la création de l’Etat belge et prouver, de manière contestable, que l'origine de la Belgique remonte à la nuit des temps : « A quoi bon, en effet, se dévouer au bien d'une nation factice, se sacrifier à l'avantage d'une collectivité née d'hier par la volonté de l'Europe et que cette même volonté peut supprimer demain ? » [3]. C'est ainsi qu'il consacra plusieurs années de sa vie à la constitution d'une monumentale Histoire de la Belgique en sept volumes publiée de 1899 à 1932.

On lui fera souvent le reproche de ce nationalisme belge excessif, faisant remonter la naissance de la Belgique au Traité de Verdun et le passage sous silence, pour servir cette thèse, de phénomènes historiques importants que l'école qu'il a inaugurée prenait justement en compte comme l'Art mosan. Quant à la Principauté de Liège, il est curieux de voir qu'il la met à part de l'Histoire de Belgique au point que l'on a parfois songé réunir en un volume distinct les pages qu'il lui a consacrées.

Henri Pirenne a toujours affirmé, comme par exemple devant le Congrès wallon de 1905 ce qui irrita les congressistes, que «les Wallons à proprement parler, n'ont pas d'histoire. Il n'y a pas davantage, d'ailleurs, d'histoire des Flamands» car la frontière linguistique n'a jamais été une frontère politique, culturelle ou économique.[4]

[modifier] Développement des cités médiévales

[modifier] Citations

  • L'histoire tel qu'on l'écrit ressemble à l'histoire telle qu'elle s'est passée comme une caricature ressemble au modèle[5]

[modifier] Œuvres

  • Histoire de Belgique
  • Mahomet et Charlemagne
  • Les villes du Moyen-Age, essai d’histoire économique et sociale, Bruxelles, Lamertin, 1927. [lire en ligne]

[modifier] Notes

  1. abcde "Mahomet et Charlemagne d'Henri Pirenne", Lire les Classiques, Historia n° 297, avril 2005.
  2. Anne Morelli, Les grands mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Evo-histoire, Bruxelles, 1995, p.23
  3. Henri Pirenne, La Nation belge, 3e éd., p. 1, Bruxelles-Gand, 1900, pp. 1.
  4. Lode Wils (trad. Chantal Kesteloot), Histoire des nations belges, Éd. Labor, Bruxelles, 2005, p. 212.
  5. Deneckere G., Nandrin J.-P., Gubin É., Witte E.; Nouvelle histoire de Belgique, volume I : 1830-1905.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • (en) Bryce Dale Lyon, Henri Pirenne: A Biographical and Intellectual Study, Éd. Story-Scientia, Gand, 1974, 477 p.
  • Jules Duesberg, Henri Pirenne: hommages et souvenirs, Nouvelle Société d'éditions, Bruxelles, 1938, 2 tomes.