Galerie espagnole

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Louis-Philippe, roi des Français de 1830 à 1848, 1841, par Franz Xaver Winterhalter.
Louis-Philippe, roi des Français de 1830 à 1848, 1841, par Franz Xaver Winterhalter.

La Galerie espagnole, aussi appelée « Musée espagnol » a été fondée au sein du Palais du Louvre sur décision du roi Louis-Philippe Ier en 1838.

Sommaire

[modifier] Contexte historique et culturel

Jusqu'à la Révolution française, l'art espagnol est peu exposé en France. Il fait son apparition au Louvre avec les guerres napoléoniennes et l'importante politique de saisies dirigée par Dominique Vivant Denon. Ces œuvres sont toutefois renvoyées hors de France à la suite du Congrès de Vienne (1814-1815).

Louis-Philippe va donc prendre, vers 1835, la décision de fonder une galerie de peinture espagnole au sein du Louvre. Ses motivations sont doubles. Tout d'abord, il cherche à renouer le contact avec la dynastie espagnole de Bourbons (les relations ayant été mises à mal par l'occupation napoléonienne) et ainsi se placer dans la filiation de la grande famille royale européenne afin de légitimer son pouvoir. Deuxièmement, il veut faire de la peinture espagnole, l'outil d'un renouveau d'inspiration de la peinture française. En effet, depuis l'émergence du romantisme et sa reconnaissance officielle, est apparu le besoin de nouvelles sources d'inspirations, loin de l'Italie antique et néoclassique.

En parallèle d'un goût très affirmé pour le passé national, comme l'illustre la Galerie des Batailles, les peintres français vont donc se tourner vers cette nation qui offre de nouvelles possibilités et est un exemple de réalisme extrême (on pense aux portraits de nains de Vélasquez).

[modifier] Création de la galerie

Le baron Taylor
Le baron Taylor

A partir de 1810, l'Espagne est bouleversée par l'occupation et la répression française ; vont s'en suivre des problèmes d'instabilité et de succession. La mise en place de ministres libéraux conduira à la sécularisation des ordres religieux, permettant la sortie hors du territoire espagnol des nombreuses œuvres de leurs collections. Les marchands européens vont donc se précipiter en Esapgne ; Louis-Philippe profitera de cette situation.

En 1835, il finance une « mission artistique » dirigée par le baron Isidore Taylor (commissaire royal du Théâtre Français, c'est-à-dire administrateur général de la Comédie-Française) chargée de constituer rapidement une importante collection de peinture espagnole. Taylor connaît l'instabilité politique espagnole et les opportunités qu'elle représente, il acquière donc un ensemble collosal de plusieurs centaines de tableaux s'étalant des primitifs (XVe siècle) au Siècle d'or espagnol. S'il va s'appliquer à élaborer une collection prestigieuse et représentative, la majorité des œuvres sont quasiment inconnues du public car issues des collections religieuses : les grands-chefs d'œuvres réputés de la peinture espagnoles appartenant aux collections royales.

En 1838 est inaugurée cette « Galerie espagnole » à grand renfort de publicité et de propagande royale. Louis-Philippe va en effet insister sur le fait que la collection a été acquise sur les fonds personnels du roi. De nombreux tableaux vont susciter l'admiration du public, notamment une centaine de Zurbaran (tel le Saint François en méditation conservé à la National Gallery de Londres[1]) qui saisissent les Romantiques par leur naturalisme[2]. La collection qui présente plus de 400 toiles est cependant critiquée pour son manque de lisibilité et sera considéré comme un « joyeux mélange ». Taylor a en effet envoyé en masse les tableaux, sans sélection préalable, et personne n'a, au Palais du Louvre, les connaissances suffisantes pour effectuer une telle sélection. Les grands maîtres, tels Murillo et Zurbaran côtoyent donc des peintres beaucoup moins importants. Précisons que sur ces centaines de toiles à peine une dizaine sont issues des collections royales préexistantes (Vélasquez ou Le mendiant de Murillo (vers 1645) issu des collections Louis XVI[3]). Hormis les grandes références artistiques que nous venons de citer, cette galerie va être l'occasion de l'exposition d'artistes jusqu'alors mal connu car ne correspondant pas au goût de l'époque, comme Le Greco. Notons enfin la présence de Francisco Goya (les jeunes[4] et les vieilles[5] ou les majas au balcon) connu des élites (Vivant Denon possédait l'un de ses recueils et Delacroix l'a énormément copié[6]) mais probablement pas du public.

[modifier] Influence et pérennité

Majas au balcon, 1808-1812, par Francisco Goya, Metropolitan Museum.
Majas au balcon, 1808-1812, par Francisco Goya, Metropolitan Museum.

Louis-Philippe illustre par cette galerie que sa volonté de légitimité politique passe aussi par sa « politique culturelle ». Cette galerie sera d'ailleurs tellement associée à son image qu'elle sera démantelée à sa chute et envoyée avec lui en exil ; seules deux toiles resteront au Louvre. La collection sera démantelée à Londres en 1853[7].

Cette collection aura toutefois pu être observée par de nombreux artistes et intellectuels de l'époque et va profondément marquer certains d'entre eux. Elle illustre parfaitement une orientation progressive de la peinture du XIXe siècle vers une facture plus libre permettant de mieux saisr la réalité et de donner l'impression de vie par la touche. En cela, Vélasquez sera dorénavant considéré comme l'un des plus grand maître de la peinture européenne. Edouard Manet dira à son sujet, dans une lettre du 14 spetembre 1865 adressée à Baudelaire, qu'il est « le plus grand peintre qu'il y ait jamais eu »[8].

Edouard Manet est en outre l'artiste emblématique de cette influence espagnole au XIXe et le revendique ouvertement, aussi bien dans sa facture que dans ses thématiques : ses blancs et noirs qui choqueront tant le public dans Le Déjeuner sur l'herbe ((Musée d'Orsay, Salon des Refusés de 1863) sont inspiré de la manière espagnole (Goya notamment) tandis que Lola de Valence (Musée d'Orsay, 1862) représente une comédienne des nombreuses troupes espagnoles qui tournaient à l'époque. La référence espagnole peut même se faire plus directe avec le Portrait d'Émile Zola (Musée d'Orsay, 1868[9]), où comme un hommage à ses modèles il représente sur le mur une reprodution des Buveurs (dit aussi Bacchus) de Vélasquez, mais aussi avec Le Balcon (Musée d'Orsay, 1868), citation évidente des Majas au balcon conservé au Metropolitan Museum de New York[10]

Manet effectuera des voyages en Espagne, mais il n'est pas le seul : Henri Regnault, prix de Rome et orientaliste réputé, va même quitter la Villa Médicis pour achever sa formation en Espagne[11]. Illustration de l'attrait pour cet « exotisme proche » et sa pérennité tout au long de la deuxième moitié du XIXe siècle.

[modifier] Notes et références

  1. Fiche et image de l'œuvre
  2. Présentation de l'exposition Manet Vélasquez sur le site du Musée d'Orsay
  3. Fiche de la Base Atlas (Musée du Louvre)
  4. Conservé au Musée des Beaux-Arts de Lille.
  5. Image ici
  6. Catalogue de l'exposition Goya au Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris (Petit Palais).
  7. Présentation de l'exposition Manet-Vélasquez sur le site du Musée d'Orsay
  8. Présentation de l'exposition Manet-Vélasquez sur le site du Musée d'Orsay
  9. Image ici
  10. Catalogue Manet-Velasquez : la Manière espagnole au XIXe siècle, Réunion des Musées Nationaux, 2002.
  11. Présentation de l'exposition Manet-Vélasquez sur le site du Musée d'Orsay

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Collectif, Manet - Velasquez : la Manière espagnole au XIXe siècle, Réunion des Musées Nationaux, 2002 (ISBN 2711844900)