Euripe

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38°27′46″N 23°35′21″E / 38.46278, 23.58917

Image satellite du détroit de l'Euripe, séparant l'Eubée de la Grèce continentale (le nord est en bas à droite)
Image satellite du détroit de l'Euripe, séparant l'Eubée de la Grèce continentale (le nord est en bas à droite)

L'Euripe ou Détroit de l'Euripe (en grec : Εύριπος) est un bras de la mer Égée qui sépare l'Eubée (île d'Eubée) de la Béotie et de l'Attique, en Grèce.

Sommaire

[modifier] Un étrange phénomène physique

Au niveau de la ville de Chalcis, le détroit se rétrécit au point de ne plus former qu'un étroit chenal traversé par un pont mobile de longueur modeste.

À cet endroit, l'Euripe offre une particularité physique singulière, sur laquelle s'interrogent aujourd'hui encore savants et marins : le courant, très fort au niveau du passage le plus étroit, s'inverse sept fois par jour, avec de courtes périodes de répit où la navigation peut s'opérer sans danger.

Le pont mobile sur l'Euripe à Chalcis
Le pont mobile sur l'Euripe à Chalcis
Strabon, La Géographie I, 3, 12 : « La question du flux et du reflux de l'Océan a été traitée tout au long par Posidonius et par Athénodore. Pour ce qui est des courants alternatifs des détroits, autre question qui demande à être traitée plus scientifiquement que nous ne pouvons le faire dans le présent ouvrage, il nous suffira de dire qu'il n'y a rien d'uniforme dans la manière dont ces courants se comportent au sein des différents détroits, à en juger du moins par l'apparence : autrement, comment expliquer que, dans l'espace d'un jour, le courant du détroit de Sicile, ainsi que le marque Ératosthène, change deux fois de direction et celui de l'euripe de Chalcis sept fois, tandis que le courant du détroit de Byzance n'en change pas du tout et poursuit invariablement sa marche de la mer de Pont vers la Propontide, sauf de temps à autre quelques interruptions, pendant lesquelles, au dire d'Hipparque, il demeurerait complètement stationnaire ? » [1]
Pline l'Ancien, Histoire naturelle, II, 100 :« Il y a cependant des marées particulières en certains lieux : ainsi le flux vient plusieurs fois dans le détroit de Messine à Tauromenium, et sept fois le jour et la nuit dans l'Euripe, auprès de l'Eubée. La marée est au plus bas pendant trois jours dans le mois, au septième, au huitième, au neuvième jour de la lune. A Cadix, la fontaine proche du temple d'Hercule, laquelle est renfermée dans une espèce de puits, augmente et diminue, tantôt en même temps que l'Océan, tantôt à des époques opposées. » [2]

Aristote, déjà, s'interrogeait sur ce curieux phénomène physique, qui ne semble pas en relation - du moins, directe - avec le mécanisme commun des marées. Une légende veut que le philosophe, de désespoir de ne trouver aucune explication au phénomène, se soit jeté dans les eaux tumultueuses de l'Euripe [3] !

Une signalisation précise et impérative fournit au niveau de Chalcis les informations nécessaires à la navigation : sens du courant et permission de passage.

[modifier] Références historiques

[modifier] Références littéraires

  • Platon (Phédon, 90c) : Socrate compare l'inconstance de la pensée de certains philosophes aux retournements de l'Euripe.
  • L'Euripe est vraisemblablement à l'origine du nom d'Euripide.
  • Les poètes de la Renaissance prennent l'Euripe pour symbole de la passion inconstante :
« Si m'acollant me disoit : chere Amie,
Contentons nous l'un l'autre, s'asseurant
Que ja tempeste, Euripe, ne Courant
Ne nous pourra desjoindre en notre vie... »
Louise Labé, Sonnet XIII (1555). [4]
« Il faisait nuit ; le ciel sinistre était sublime ;
La terre offrait sa brume et la mer son abîme.
Voici la question qui se posait devant
Des hommes secoués par l'onde et par le vent :
Faut-il fuir le détroit d'Euripe ? Y faut-il faire
Un front terrible à ceux que le destin préfère,
Et qui sont les affreux conquérants sans pitié ?
Ils ont une moitié, veulent l'autre moitié,
Et ne s'arrêteront qu'ayant toute la terre.
Demeurer, ou partir ? Choix grave. Angoisse austère.
Les chefs délibéraient sur un grand vaisseau noir... »
Victor Hugo, La Légende des Siècles, nouvelle série (1862). [5]
« Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe »
Guillaume Apollinaire, Alcools (1913).

[modifier] Notes, références

  1. Strabon, Geographica, texte bilingue, in Hodoï Elektronikaï, BCS.
  2. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, texte et traduction, in remacle.org.
  3. Aristote est effectivement mort à Chalcis en 322 av. J.-C.
  4. Sonnet XIII de Louise Labé, avec commentaire, in ens. lettres, ac. Lyon.
  5. Victor Hugo, La Légende des siècles, Le détroit de l'Euripe,, in ATILF, Université de Nancy 2.