Eunuque

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Eunuque en 1749
Eunuque en 1749

On appelle eunuque un homme castré. La castration se limite généralement à l'ablation des testicules mais il arrive qu'elle concerne également le pénis, connue alors sous le nom de pénectomie (souvent avec un tube inséré pour garder l'urètre ouvert).

Dès le commencement de l'histoire, il y a des références aux eunuques.

Le mot vient du grec ancien : εὐνή eunê (« lit ») et ἔχω ekhô (« garder »), soit « gardien du lit » (en latin cubicularius) — ce qui atteste le rôle traditionnel de l'eunuque comme gardien du harem.

Sommaire

[modifier] Histoire

Dans la Chine ancienne, la castration était à la fois une punition traditionnelle (jusqu'à la dynastie Sui) et un moyen d'obtenir un emploi dans le service impérial. À la fin de la dynastie Ming il y avait 70.000 eunuques (宦官 huàn'guān, ou 太監 tàijiān) dans la Cité interdite. La valeur d'un tel poste était importante car elle pouvait permettre d'obtenir un pouvoir immense qui dépassait celui du premier ministre; cependant, la castration par elle-même fut finalement interdite. Le nombre d'eunuques n'était plus que de 470 en 1912, lorsque la fonction fut abolie. La justification de cette obligation pour les fonctionnaires de haut rang était la suivante : puisqu'ils ne pouvaient procréer, ils ne seraient pas tentés de prendre le pouvoir pour fonder une dynastie. À certaines périodes, un système similaire a existé au Viêt Nam et en Inde.

Eunuque gardien d'un harem
Eunuque gardien d'un harem

Dans l'Empire ottoman et autres terres musulmanes, des eunuques étaient affectés à la garde et à l'administration des harems ou sérails, c'est-à-dire de l'habitation privée dans lesquelles les épouses d'un homme important étaient logées et tenues à l'écart du monde. Un homme non châtré autre que le maître de maison n'aurait pas pu être admis dans une telle enceinte, de peur qu'il n'entretienne une liaison avec une des épouses. On pensait que la castration ôtait les désirs sexuels et la possibilité de coït. Si l'on en croit Voltaire, c'était loin d'être toujours le cas, puisqu'il nous dit dans le Dictionnaire philosophique à l'article « Joseph » : « le kisler-aga, eunuque parfait, à qui on a tout coupé, a aujourd’hui un sérail à Constantinople : on lui a laissé ses yeux et ses mains, et la nature n’a point perdu ses droits dans son cœur. Les autres eunuques, à qui on n’a coupé que les deux accompagnements de l’organe de la génération, emploient encore souvent cet organe. » Qu'on lise aussi la lettre IX des Lettres persanes.

La pratique de la castration était également installée en Europe chez les Grecs et les Romains. Aux périodes les plus anciennes, elle a surtout concerné le domaine religieux. Ceux qui vénéraient la déesse Cybèle par exemple pratiquaient des rituels d'auto castration, sanguinaria.
Même à l'époque chrétienne la pratique se perpétua ; comme les femmes n'étaient pas autorisées à chanter dans les églises, leur place était prise par les castrats. La pratique demeura populaire jusqu'au XVIIIe siècle et en partie au XIXe siècle. Le plus fameux castrat italien ne mourut qu'au début du XXe siècle.

La secte russe du XVIIIe siècle, Skoptzy (скопцы), est un exemple de culte de la castration. Ses membres voyaient cela comme une voie pour renoncer aux péchés de la chair. Au XXe siècle, plusieurs membres du culte de la Porte du Paradis ont également été trouvés castrés - apparemment volontairement - pour les mêmes raisons.

[modifier] Les eunuques "dès le ventre de leur mère"

Il y a beaucoup de preuves qui indiquent que les cultures anciennes et médievales employaient le mot « eunuque » d'une manière très différente de celle que l'on connaît de nos jours. Dans la collection de la loi civile de Rome Ancienne, créée par Justinien dans le VIe siècle et connue comme le Digeste ou Pandects, les eunuques se décrivent comme « non pas malades ou défectifs » et comme capables physiquement de la procréation (Digeste 21.1.6.2) -- c'est-à-dire, à moins qu'une « partie nécessaire » de leur anatomie ne leur manque (D 21.1.7). Ça implique que quelques eunuques ont un corps complet. On dit que le mot « eunuque » est une désignation générale qui inclut les eunuques « naturels » tant que ceux qui avaient souffert quelque blessure physique (D 50.16.128). Les eunuques se distinguent des castrati dans la loi de Rome : les eunuques, si non pas castrés, pouvaient se marier des femmes (D 23.3.39.1), instituer des hériters (D 28.2.6), et adopter les enfants (Institutions de Justinien 1.11.9); cependant, les castrati étaient exclus de chacun de ces droits-ci. Dans son essai, "Living in the Shadows: Eunuchs and Gender in Byzantium," Kathryn M. Ringrose démontre que les sociétés eunuques n'incluaient pas seulement les hommes castrés mais aussi les homosexuels, les transgenres, les ascétistes, les célibataires, et une rangée très grande des hommes qui étaient impuissants ou désintéressés des femmes pour des raisons diverses. En Inde, par exemple, une étude récente (Citation) des « eunuques » révela que seulement 8% étaient vraiment castrés, et moins d'1% était intersexés (hermaphrodites). La plupart des eunuques indiens étudiés étaient des homosexuels efféminés ou des travestis transgenres, ce qui pousse plusieurs historiens à se demander si une telle réalité n'existait pas aussi dans d'autres cultures « eunuques ». Si ceci est vrai, cela donnerait de nouvelles perspectives au verset 12 du 19e chapitre de l'Évangile selon Matthieu:

« Car il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère; il y en a qui le sont devenus par les hommes; et il y en a qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne. »

[modifier] Pathologie

La relation pathologique au corps caractérisée par le désir d’être un eunuque est appelée le syndrome skoptique, nommé d’après la secte Skopty. Ce désir est encore présent dans la population contemporaine, comme le prouvent certains forums internet sur le sujet. Il y aurait des réseaux souterrains permettant de réaliser la castration sans licence médicale.

Les actes d'autocastration restent extrêmement rares et surviennent la plupart du temps sur un terrain psychotique ou secondairement suite à un abus de drogue (telle que l'alcool ou une autre). Ils sont potentiellement graves de par les complications sexuelles et urinaires qu'ils peuvent entraîner. La première description scientifique d'une autocastration a été faite en 1901[1], et depuis les cas publiés dans la littérature sont rares[2].

[modifier] Légendes

Suivant le dictionnaire de la mauvaise information de Tom Burnham, les eunuques ne pouvaient pas avoir de coït avec les femmes du harem qu’ils surveillaient. Cependant si la castration intervient après la puberté, ce qui était le plus fréquent pour les serviteurs, il peut y avoir érection et donc coït, mais sans pouvoir féconder. Toujours selon Burnham, beaucoup de femmes préfèrent avoir ces eunuques comme amants car ils n’éjaculent pas et peuvent tenir l’érection plus longtemps.

[modifier] Eunuques chinois célèbres

[modifier] Références

  1. Stroch D. : Self-castration. Letter to the Editor. JAMA, 1901 ; 36 : 270.
  2. L'automutilation génitale : à propos de 3 cas. Progrès en Urologie (2004), 14, 540-544.

[modifier] Voir aussi