Ensemencement des nuages

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L’ensemencement des nuages est une forme de modification du temps. Il peut être utilisé pour disperser le brouillard, supprimer la grêle ou augmenter les précipitations. La condensation de la vapeur d'eau en eau liquide pour la formation des nuages et des précipitations nécessite la présence dans l'air de noyaux de condensation solide. La condensation directe sans noyaux n'est pas à proprement parler strictement impossible mais elle est thermodynamiquement très défavorable. La quantité de noyaux de condensation dans l'air peut donc être un facteur limitant au passage de la vapeur d'eau atmosphérique en eau liquide (nuage, précipitation).

Cessna 210 avec un dispositif pour l'ensemencement de nuages
Cessna 210 avec un dispositif pour l'ensemencement de nuages

Sommaire

[modifier] Principe

Les gouttelettes d’un nuage avant de précipiter grossissent par captation d’autres gouttelettes. Naturellement, les nuages non précipitants et les brouillards sont constitués d’une multitude de gouttelettes d’eau microscopiques ou de cristaux de glace qui ne sont pas suffisamment gros pour tomber et atteindre le sol sous forme de précipitations (dans les conditions normales de sursaturation il faut plus de 10H pour faire grossir une goutte jusqu’à 100 microns). Les expériences d’ensemencement visent à rompre cet équilibre en accélérant la croissance rapide de certaines de ces particules par introduction de particules artificielles (aérosols) dans les nuages pour en modifier la composition. Et l’iodure d’argent est la particule artificielle communément utilisée à cet effet.

Les difficultés d’approvisionnement en eaux à cause de la sécheresse persistante ont conduit beaucoup de pays de par le monde à recourir à l’ensemencement des nuages pour provoquer les précipitations. Cette technologie mise au point aux Etats-Unis consiste à déverser dans le nuage des sels d’iodure d’argent ou de sodium. Ce déversement se fait par le biais de vecteurs qui peuvent être soit des avions qui ensemencent directement le nuage à la base ou au sommet, soit des générateurs qui ensemencent à partir du sol grâce aux courants ascendants. Les sels d’iodure d’argent dont les noyaux ont une structure cristalline semblable à celle de la glace, agissent comme des noyaux géants de condensation. Les gouttelettes d’eau contenues dans le nuage s’agglomèrent autour des noyaux de cristaux de sels, s’alourdissent et précipitent générant ainsi la pluie. L'ensemencement des nuages par des noyaux d'iodure d'argent peut donc favoriser la formation des nuages et des précipitations. Néanmoins, si la présence de noyaux de condensation s'avère quasi-nécessaire, elle n'est pas suffisante : l'état thermodynamique de l'atmosphère doit absolument permettre la condensation (rôle de la quantité de vapeur d'eau, de la température, pression etc.). L'ensemencement des nuages n'est donc en aucun cas une solution miracle au problème de sécheresse.

Les produits les plus fréquemment utilisés pour l'ensemencement des nuages sont :

[modifier] Utilisation

Pratiquée en Australie depuis plus de 50 ans, dans le sud de l’Italie en Sicile et en Sardaigne, au Brésil, au Canada, l’Alberta l’utilise pour faire crever des nuages avant que la grêle ne tombe, beaucoup de pays commencent à recourir à cette technologie pour lutter contre la sécheresse. Expérimentée au Maroc depuis les années 1980, les pays de l’Afrique subsaharienne réunis autour du CILSS (Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse) ont décidé de mettre en pratique cette nouvelle technologie. En 2004, l’Organisation Météorologique Mondiale, dépendante des Etats-Unis recensait plus de 100 projets de modification artificielle du temps mis en œuvre par des dizaines de pays en particulier dans les régions arides et semi-arides. Le plus grand projet actuel est mené en Chine. De 1995 à 2003 plus de 210 milliards de m3 de précipitations ont été créés au coût de 266 millions de dollars américains.

Mais la technique ne fait pas l’unanimité, l’augmentation des précipitations n’excédant guère les 12% et nul ne pouvant estimer si cette augmentation est due à l’ensemencement ou au déroulement naturel du climat. La technique demande aussi le maintien des avions dans l’air pendant une soixantaine de minutes entraînant ainsi un dégagement de gaz à effet de serre. La communauté scientifique est partagée quant à l’efficacité du système.

Quoique certains scientifiques sous-tendent que les quantités d’iodure d’argent émises lors de l’ensemencement des nuages sont infimes et sans conséquences négatives, d’autres allant jusqu’à dire que l’iodure d’argent est bon pour le cœur et que les mineurs dans les mines d’argent vivent plus longtemps, je souhaiterais attirer l’attention quant aux risques de l’iodure d’argent sur l’écosystème terrestre et aquatique soumis à des années et des années d’ensemencement de nuages.


[modifier] Autres applications

L'ensemencement peut aussi être utilisé lorsqu'un orage menace, pour lutter contre la grêle. L'enrichissement de l'air en noyaux de condensation favorise aussi le passage de la phase gazeuse en phase solide, et donc la formation de grêle. Cela parait contradictoire, mais en fait il n'y a pas de paradoxe : l'ensemencement des nuages est censé favoriser la formation de nombreux grêlons de petite taille et ainsi lutter contre la croissance d'un nombre plus restreint de grêlons sur l'humidité atmosphérique disponible.


[modifier] Toxicologie de l'argent

L’argent fait partie des métaux nobles. Il est très réactif et peut former de nombreux complexes en solution. Ses sels sont en général peu solubles, sauf le nitrate, le perchlorate, le fluorure, l’acétate et le chlorate. Le sel le moins soluble est Ag2S. En ce qui concerne les composés solubles, la réaction avec les halogénures et halogénoïdes donne des complexes plus ou moins stables dont l’ordre de stabilité décroissante est le suivant : I > CN > Br > SCN > Cl > F. Des complexes peuvent être formés également avec des groupements sulfhydriles et aminés, avec des sulfures, le thiosulfate ainsi qu’avec des composés organiques.

[modifier] Effet bactéricide

Les propriétés antibactériennes de l'argent sont connues depuis l'Antiquité, où ce métal fut utilisé pour purifier l'eau. Des onguents et pommades contenant de l'argent furent aussi couramment employés pour nettoyer des plaies. En revanche, l'usage de l'argent sous forme de nanoparticules est très récent. L'intérêt étant de garder une bonne efficacité antibactérienne tout en réduisant les quantités nécessaires de ce métal coûteux. En effet, plus les « morceaux » d'un matériau sont petits et plus leur surface relative par rapport à leur masse est importante, et donc plus ils sont actifs.

[modifier] Impact de l’iodure d’argent

Sols: La majorité de l’argent rejeté dans l’environnement demeure dans les sols à proximité du lieu de l’émission.

Végétaux: Pour l’herbe et les plantes cultivées, les racines sont les tissus qui accumulent le plus l’argent environ 3 fois plus que la plante entière ( Ratte, 1999).

Animaux: Chez les animaux, 10% d’une dose orale d’argent peut être absorbé à travers la peau, par les poumons et le tractus gastro-intestinal et est ensuite distribué vers le foie, le cerveau et les muscles. Les 90% sont rejetés dans les fécès.

Espèces aquatiques: En solution l’ion argent est extrêmement toxique pour les plantes et animaux aquatiques Parmi les organismes végétaux, le phytoplancton et le périphyton présentent un taux d’accumulation de l’argent en solution très important et rapide, fonction de l’espèce, de son stade de croissance et de la chimie du milieu. L’argent s’accumule dans les tissus de certaines espèces marines et d’eaux douces. Une analyse par absorption spectrophotométrie pratiquée sur cinquante huîtres pris le long de la côte géorgienne a montré que la concentration d’argent était à la limite de la détection dans les coquilles (au dessous de 1 ppm) mais présent dans les tissus à une concentration de 10 à 20 ppm (Casarett and Doul, 1975; Windom and Smith, 1972). Les analyses de l’agence EPA sur les poissons et les amphibiens ont montré que l’argent était l’élément le plus toxique pour ces espèces comparé aux autres métaux et métalloïdes. Parmi les espèces testées les individus les plus sensibles sont les plus petites de la chaîne alimentaire et celles vivant dans les eaux de faible salinité et de faible dureté. L’argent induit un syndrome de stress variant d’une classe animale à l’autre. Chez les espèces marines il est associé à une dépression respiratoire pour les gastropodes et une augmentation de la consommation d’oxygène pour les mollusques bivalves

Homme: L’Office de l’Environnement, Health and Safety, UC Berkeley classe l’iodure d’argent en composé inorganique non soluble et dangereux. Beaucoup d’articles médicaux démontrent que l’homme absorbe l’iodure d’argent par la respiration (poumons, narines) et par la peau. Une légère exposition peut causer des irritations, des lésions rénales et pulmonaires et aussi l’argyrisme (décoloration bleue de la peau). Une sévère exposition peut entraîner une hémorragie gastro-entérite, augmentation du rythme cardiaque et un argyrisme sévère. Une chronique ingestion d’iodure peut causer l’iodisme qui se manifeste par une éruption cutanée, un écoulement nasal, des maux de tête, une irritation des muqueuses, une perte de poids, l’anémie et enfin l’argyrisme.

[modifier] Méthodes d’analyse

Pour un meilleur contrôle afin de vérifier la présence d’iodure d’argent dans les échantillons d’eau, de sol, des plantes, de l’air ensemencé doit être régulièrement pris avant et après chaque opération d’ensemencement de nuages. La méthode de dosage dépend de la concentration en ions Ag+ et des autres ions interférents, Pour une concentration de l'ordre de 10-2 M à 10-3 M, un simple dosage volumétrique convient à condition d'éliminer au préalable les ions interférents ou doser d’abord ces ions interférents par une autre méthode puis faire la différence avec ce qu'on aura mis en jeu au total avec le dosage des ions Ag+. Pour des concentrations plus faibles, c'est-à-dire inférieures à 10-3 M et jusqu'à 10-5 M et même 10-6 M, alors il faut l'absorption atomique. Pour des concentrations en dessous de 10-6 M, l'absorption atomique n' est plus sensible, il faut alors un dosage polarographique impulsionnel utilisant la technique du dépôt cathodique suivi de la redissolution anodique sur électrode à goutte pendante de mercure ou sur électrode de carbone vitreux. On peut aussi utiliser un titrage coulométrique avec détection ampérométrique Avec la quantité d’ions libérés lors de l’ensemencement des nuages, l’absorption atomique sera la méthode adéquate.

Une concentration en argent mesurée dans des échantillons d’eau a donné les résultats suivants (Cooper and Jolly, 1987): [AgI]après ensemencement = (10-450ng/L), [AgI]avant ensemencement = (0-20ng/L)

Pour des pays où la majeure partie de la population boit l’eau de pluie, les risques de contamination à l’iodure d’argent deviennent préoccupant.

Un ensemencement de nuages régulier, année après année se traduira par un effet cumulatif de l’iodure d’argent dans les écosystèmes. L’iodure d’argent est très toxique pour les espèces aquatiques surtout les plus petits dont il bloque le stade de reproduction. Dans les pays du Sahel où il est pratiqué on constate un assèchement précoce des feuilles de certains arbres, l’argent s’accumulant dans les racines remonte évidemment vers les feuilles. En plus de l’iodure d’argent, il faut noter la quantité importante de gaz à effet de serre rejeté dans l’environnement et tenir compte également des bruits assourdissants des avions et générateurs de l’opération.

[modifier] Efficacité

L'expérimentation a montré que si la limitation de la croissance des grêlons grâce à l'ensemencement marchait dans certains cas, il peut tout aussi bien s'avérer sans utilité ou pire, néfaste voire dangereux, en n'empêchant pas la croissance des grêlons tout en augmentant leur nombre. Les météorologues sont donc dans leur grande majorité défavorables à ce type d'action.

[modifier] Références

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes