Clérico-nationalisme

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Le clérico-nationalisme désigne un courant idéologique représenté au Québec durant les années succédant à la Première Guerre mondiale jusqu'à la fin des années 50 (fin du gouvernement de Maurice Duplessis et avènement de la Révolution tranquille). Ce terme a été forgé par Paul-André Linteau, qui a été taxé de révisionnisme par le chercheur Ronald Rudin. Son équivalent en France est National-catholicisme.

Cette idéologie est véhiculée notamment par Henri Bourassa, les éditorialistes de son journal Le Devoir ou la Ligue des droits du français. Sa forme la plus accomplie est diffusée par Lionel Groulx et la Ligue d'Action française. Le projet clérico-nationaliste est orienté systématiquement vers le passé, il prône une vision conservatrice en matière de politique et défend la "race" canadienne-française, son essor et ses intérêts. Rigoureusement catholique et représenté surtout par des membres du clergé, ce courant défend les valeurs traditionnelles comme la famille (respect de la hiérarchie, soumission de la femme à l'autorité de son mari, natalisme).

Le clérico-nationalisme défend également l'agriculture et le mode de vie rural, il met en garde contre les périls de la ville et exalte l'éducation religieuse populaire. Avec Groulx et la Ligue de la défense du français, le clérico-nationalisme adopte des positions intransigeantes et puristes pour la défense de la langue française. Sur ce point, le clérico-nationalisme s'aligne sur les normes du français parlé en France (la mère patrie), considéré comme norme de référence. En matière culturelle et littéraire, Groulx et ses confrères restent foncièrement traditionalistes et loin des courants modernistes français et européens en général. Ils se font les promotteurs d'une littérature du terroir, conservatrice et nationaliste qui s'oppose, à la même époque, aux tenants de l'exotisme ou parisianisme (École littéraire de Montréal) lequel se caractérise par la recherche esthétique (l'art pour l'art) en excluant toute forme d'engagement patriotique.

À partir des années 30, d'autres courants nationalistes québécois plus radicaux (laïques ou indépendantistes) vont se constituer et contribueront à réduire l'influence du clérico-nationalisme. C'est le cas notamment des mouvements animés par Paul Bouchard ou Adrien Arcand et le groupe des Jeune-Canada. Durant les années 40, l'opposition se fait plus vive encore à l'idéologie incarnée par la génération de Groulx; les jeunes artistes de Refus global rassemblés autour de Paul-Émile Borduas rejette violemment le clérico-nationalisme qu'ils jugent réactionnaire et se veulent résolument modernes, anticléricaux, voire même révolutionnaires. Cette contestation aura peu d'effet en son temps, mais la génération de la Révolution tranquille retrouvera, à bien des égards, l'héritage de cette nouvelle forme d'engagement qui ouvre la porte au marxisme et aux idées d'extrême gauche.

Après le règne de Duplessis, le clérico-nationalisme - souvent associé à la Grande noirceur - disparaît progressivement au profit du libéralisme incarné notamment par Jean Lesage. Sans toutefois avoir été dominante, cette idéologie incarné par Lionel Groulx et ses continuateurs durant près d'un demi siècle constitue un courant d'idées influent dans l'histoire du Québec au XXe siècle. Le clérico-nationalisme a fédéré de nombreux intellectels et des acteurs appartenant à différents milieux nationalistes dont la vocation était la défense de la tradition canadienne-française face à la montée du libéralisme, du laïcisme, de l'essor de la vie urbaine et du capitalisme dans la province. Les oppositions et les débats souvent passionnés qu'il a suscité furent peuvent être considérés comme le creuset principal de la réflexion sur la modernité, l'influence du catholicisme dans la vie politique et l'idée de progrès au Québec à une époque charnière de son histoire.

[modifier] Référence

  • Paul-André Linteau, René Durocher et Jean-Claude Robert, "Le courant clérico-nationaliste", dans Histoire du Québec contemporain. De la confédération à la crise (1867-1929), Montréal, Boréal, "Compact", 1989, t. 1, p. 700-707.

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