Aldo Moro

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Élu le: -
Prédécesseur (1963): Giovanni Leone
Prédécesseur (1973-1974): Mariano Rumor
Successeur (1968): Giovanni Leone
Successeur (1976-1979): Giulio Andreotti
Date de naissance: 23 septembre 1916
Lieu de naissance: Maglie (Italie)

Aldo Moro (né le 23 septembre 1916 à Maglie dans la province de Lecce, Pouilles – mort le 9 mai 1978 à Rome ou dans les environs, assassiné par les Brigades Rouges) était un juriste (professeur de droit pénal) et un homme politique italien de premier plan.

Sommaire

[modifier] Biographie

Aldo Moro a exercé la fonction de Président du conseil des ministres de la République italienne à cinq reprises. - du 4 décembre 1963 au 26 juin 1964, - du 22 juillet 1964 au 21 janvier 1966, se succédant à lui-même, - du 23 février 1966 au 5 juin 1968, se succédant à lui-même, et étant ensuite remplacé par Giovanni Leone (2e gouvernement), - du 23 novembre 1974 au 7 janvier 1976, succédant à Mariano Rumor (5e gouvernement), - du 12 février 1976 au 30 avril 1976, se succédant à lui-même, et étant ensuite remplacé par Giulio Andreotti (3e gouvernement).

L'un des principaux dirigeants historiques et pour longtemps chef de l'aile progressiste de Democrazia cristiana (DC, en français, la Démocratie chrétienne), homme fort tolérant et très respecté à gauche, Aldo Moro était considéré comme un homme d'une grande patience et un médiateur de talent, tout particulièrement dans la vie de son parti. Il fut enlevé et assassiné par des terroristes des Brigades Rouges.

Aldo Moro reste connu comme le principal artisan du Compromesso storico (en français, le Compromis historique) entre son parti, la Démocratie chrétienne (DC), et le Parti communiste italien (PCI), dirigé par Enrico Berlinguer.

[modifier] Débuts politiques

Sa carrière politique est née au crépuscule du fascisme dans les groupes universitaires GUF (Jeunesses Universitaires Fascistes).

Professeur de droit pénal à la faculté de jurisprudence de l'université de Bari à partir de 1940, en 1941 il rejoint et devient président de la FUCI (Fédération Universitaire des catholiques italiens).

Après la Seconde Guerre mondiale, Moro fut élu à l'Assemblée Constituante en 1946. Il participa à la rédaction de la nouvelle Constitution et fut ensuite réélu comme député à la Chambre des Députés en 1948 pour y servir jusqu'à sa mort. Il a été sous-secrétaire d'état aux Affaires Étrangères (1948 - 1950), garde des sceaux, ministre de la Justice (1955 - 1957), de l'Éducation Nationale (1957 - 1958) et des Affaires Étrangères (1979 - 1972 et 1973 - 1974). Il a été secrétaire de la Démocratie Chrétienne de 1960 à 1963 et président de ce parti de 1976 jusqu'à sa mort.

Juriste renommé, il a été professeur de droit et procédure pénale à la faculté de Sciences Politiques de l'Université de Rome « La Sapienza » de 1960 jusqu'à la mort.

[modifier] Le « Compromis historique »

Pendant les années 1970, Moro porta son attention sur le projet d'Enrico Berlinguer de Compromis historique. Le dirigeant du PCI (Parti communiste italien) proposait une alliance entre les communistes et les démocrates-chrétiens à une époque de grave crise économique, politique et sociale en Italie. Moro, qui présidait alors la Démocratie chrétienne, fut l'un de ceux qui contribuèrent à former un gouvernement de « solidarité nationale ».

Moro fut chef de cinq gouvernements de centre-gauche, de décembre 1963 à juin 1968, puis à nouveau de novembre 1974 à avril 1976. Mais jamais il ne put diriger une coalition issue du Compromis historique.

[modifier] Enlèvement et assassinat

Le 16 mars 1978, il fut enlevé en plein Rome, via Fani, par les Brigades rouges, un groupe terroriste d'extrême gauche dirigé par Mario Moretti. Les assaillants assassinèrent les cinq gardes du corps de Moro afin de l’enlever. Après une détention de 55 jours, Moro fut assassiné à Rome ou dans les environs. Son corps sans vie fut finalement retrouvé le jour même dans le coffre d'une automobile.

Moro était en route pour une session de la Chambre des représentants lorsqu’il fut enlevé. Lors de cette session les députés devaient discuter le vote de confiance au nouveau gouvernement de Giulio Andreotti qui pour la première fois recevait l’aval du parti communiste. Ce devait être la première application de la vision stratégique que partageait Moro avec Berlinguer (chef du PCI) de Compromis historique.

L'enlèvement
L'enlèvement

Les Brigades rouges proposèrent d’épargner la vie de Moro en échange de la libération de plusieurs de leurs compagnons emprisonnés. Durant la détention, il a été suggéré que certaines personnes dans les services secrets ou l'appareil d'État savaient où se situait le lieu de détention (un appartement romain), et que même Romano Prodi (l’ancien président de la Commission européenne) était impliqué dans une étrange histoire d’indication de la rue où était détenu Moro. En effet, Prodi participa à une séance de spiritisme pendant laquelle les esprits indiquèrent Gradoli comme lieu de détention. Une descente de police dans le village de Gradoli (près de Viterbe) ne donna rien, mais on apprit plus tard que l'une des bases des Brigades Rouges se trouvait rue Gradoli à Rome.[réf. nécessaire]

Pendant cette période, Moro écrivit des lettres aux principaux dirigeants de la DC ainsi qu’au Pape Paul VI (qui plus tard célébra personnellement la messe de funérailles de Moro). Dans ses lettres, Moro prônait comme objectif prioritaire pour l’État de sauver des vies, et affirmait que le gouvernement devait s’évertuer à satisfaire les demandes de ses geôliers. La plupart des dirigeants du parti de la Démocratie chrétienne soutenait que les lettres ne reflétaient pas les aspirations sincères de Moro, et refusèrent toute tentative de négociation, rejetant ainsi les requêtes de la famille Moro. Dans son appel aux terroristes, le Pape Paul VI demanda la libération « sans conditions » de Moro.

Suivant les indications des Brigades rouges, son corps sans vie fut retrouvé dans le coffre d'une automobile via Caetani, à mi-chemin des sièges de la DC et du PCI. Sans doute un dernier acte symbolique à l’attention de la police et des institutions qui gardaient toute la nation, et sa capitale en particulier, sous une surveillance stricte et sévère.

[modifier] Le mystère entourant sa disparition

La capture de Moro, la cause et les méthodes de son assassinat n'ont pas été complètement éclaircies à ce jour, en dépit de plusieurs procès et de nombreuses enquêtes, ainsi que d’une attention nationale et internationale soutenue. Certains ont envisagé que les lettres de Moro comportaient des messages codés à l’attention de sa famille et de ses collègues. D’autres ont douté de la validité de ces lettres, et envisagé une éventuelle censure. Le chef des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa (qui sera plus tard assassiné par la mafia) trouva des copies des lettres de Moro dans une maison milanaise ayant appartenu à des terroristes. Mais ce ne fut que des années après cette découverte qu’elle furent rendues publiques.

Certains ont suggéré que les Brigades rouges avaient été infiltrées ou manipulées par les services secrets américains via Gladio pour discréditer la cause communiste. Cette théorie se fonde sur le fait que l'effort fourni par Moro pour intégrer des communistes au sein du gouvernement n'avait pas reçu l'approbation des États-Unis. Aucune preuve n'a pu être trouvée pour l'appuyer.

Il est néanmoins établi que le gouvernement italien, conseillé par des fonctionnaires états-uniens, a délibérément fait échouer les négociations. Dans un documentaire d'Emmanuel Amara (2006) réalisé pour la série de France 5, « Les derniers jours d'une icône », Steve Pieczenik, un ancien négociateur en chef états-unien ayant travaillé sous les ordres des secrétaires d'Etat Henry Kissinger, Cyrus Vance et James Baker, raconte comment il a participé au court-circuitage des négociations afin qu'elles n'aboutissent pas, avec comme recours éventuel de « sacrifier Aldo Moro pour maintenir la stabilité politique en Italie ». « J'ai instrumentalisé les Brigades rouges pour tuer Moro », ajoute-t-il. Un peu plus tard, dans le même documentaire, Francesco Cossiga, ministre de l'Intérieur de l'époque, confirme cette version des faits[1]. C'est aussi la conclusion à laquelle est arrivé le journaliste d'investigation américain Webster G. Tarpley.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Daniele Ganser, Les Armées secrètes de l'OTAN, Gladio et Terrorisme en Europe de l’Ouest, éditions Demi-Lune, 2007 (ISBN 978-2-917112-00-7). Le chapitre 6 entièrement consacré à l'Italie évoque en détail l'affaire Aldo Moro; p. 101 à 125.
  • Emmanuel Amara, Nous avons tué Aldo Moro, Patrick Robin Editions, 2006, (ISBN 2352280125)[2]
  • Aldo Moro, Mon sang retombera sur vous, Tallandier, 2005.
  • Leonardo Sciascia, L'Affaire Moro, Grasset, 1978.

[modifier] Liens internes

  • False flag
  • Gladio : Licio Gelli a été accusé d'être impliqué dans l'assassinat d'Aldo Moro, dans la mesure où le chef des services secrets de l'époque, accusé de négligence lors de cette affaire, était membre de Propaganda Due (P2).
  • Les circonstances de sa mort sont traitées dans le film Buongiorno, Notte de Marco Bellocchio en 2003, d'après le livre d'un ancien membre des Brigades rouges, Anna Laura Braghetti.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. « Pourquoi le pouvoir italien a lâché Aldo Moro exécuté en 1978 », sur Rue89. Extrait du documentaire d'Emmanuel Amara
  2. Un livre peu connu huit mois après sa parution, commenté ici.