Affiche rouge

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Affiche rouge (homonymie).
Pour la chanson L'Affiche rouge, voir Strophes pour se souvenir

L'Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l'occupation nazie. Elle fut tirée à 15 000 exemplaires.

Sommaire

[modifier] Le contenu de l'affiche

L'affiche, dont l'image figure ci-contre, comprend :

  • un slogan : « DES LIBERATEURS ? LA LIBÉRATION ! PAR L'ARMÉE DU CRIME »
  • les photos, les noms et les actions menées par dix résistants du groupe Manouchian :
    • GRZYWACZ : Juif polonais, 2 attentats
    • ELEK : Juif hongrois, 5 déraillements
    • WASJBROT : Juif polonais, 1 attentat, 1 déraillement
    • WITCHITZ : Juif polonais, 15 attentats
    • FINGERCWAJG : Juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements
    • BOCZOV : Juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats
    • FONTANOT : Communiste italien, 12 attentats
    • ALFONSO : Espagnol rouge, 2 attentats
    • RAYMAN : Juif polonais, 13 attentats
    • MANOUCHIAN : Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés
  • six photos d'attentats ou de destructions, représentant des actions qui leur sont reprochées.

La mise en page marque une volonté d'assimiler ces dix résistants à des terroristes : la couleur rouge ; le triangle formé par les portraits apportent de l'agressivité ; les six photos en bas, pointées par le triangle, soulignent leurs aspects criminels.

L'affichage partout dans Paris fut accompagné par la diffusion large d'un tract reproduisant :

  • au recto, une réduction de l'affiche rouge,
  • au verso, un paragraphe de commentaire fustigeant « L’ARMEE DU CRIME, Contre la France » [1].

[modifier] L'histoire de l'affiche rouge

L'affiche est placardée à la suite à l'arrestation des 23 membres du groupe Manouchian, affilié aux FTP - MOI (Francs-tireurs et partisans - Main d'œuvre immigrée).

L'affiche sert à la propagande nazie qui stigmatisera l'origine étrangère de la plupart des membres de ce groupe, principalement des Arméniens et des Juifs d'Europe de l'Est.

Le réseau Manouchian était constitué de 23 résistants communistes, dont 20 sont étrangers, des espagnols rescapés de Franco, enfermés dans les camps français des Pyrénées, des Italiens résistant au fascisme, Arméniens, Juifs surtout échappés à la rafle du Vel'd'Hiv' de 1942 et dirigé par un Arménien, Missak Manouchian. Il faisait partie des mouvements de Résistance communiste et était le responsable des FTP MOI de la région parisienne. [2] Ils sont enterrés dans le cimetière d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, où une stèle a été érigée en leur mémoire.

Bien des années après, en 1985, Stéphane Courtois et Mosco Boucault réalisent un documentaire, Des terroristes à la retraite [3]. Ce long métrage, qui met en scène Simone Signoret en voix-off, accuse la direction de l'époque du parti communiste français (PCF) d'avoir lâché voire vendu le groupe Manouchian.

Un documentaire diffusé sur France 2 le 15 mars 2007 veut contredire cette thèse, en suivant l'historien Denis Peschanski, lequel s'appuie sur de nouveaux documents dans les archives russes, françaises (aux Archives nationales et à la préfecture de police) et allemandes. D'après ces documents d'archives ouverts récemment, la chute du réseau est le fruit du travail de la seule police française. Ce sont les deux branches créées par les Renseignements généraux ; les Brigades Spéciales 1 et 2, la BS2, dirigée par Fernand David firent un travail de filatures pendant des mois. Lorsque Marcel Rayman commit avec Léo Kneler et Celestino Alfonso, l'attentat du 28 septembre 1943, il abat le docteur Von Ritter qui était l'un des principaux organisateurs du Service du travail obligatoire, il était déjà suivi, depuis deux mois, et ce n'est que plus tard à force de recoupements et au fil des arrestations, dont celle de Davidovitch qui avoua sous la torture, et fut libéré, que le groupe fut démantelé.

[modifier] Les 23 membres du groupe Manouchian

La liste suivante des 23 membres du groupe Manouchian signale par la mention (AR) les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l'affiche rouge :

  • Celestino Alfonso (AR), Espagnol de 27 ans
  • Olga Bancic, Roumaine de 32 ans
  • Joseph Boczov (Boczor József; Wolff Ferenc) (AR), Hongrois de 38 ans - ingénieur chimiste
  • Georges Cloarec, Français de 20 ans
  • Rino Della Negra, Italien de 19 ans
  • Thomas Elek (Elek Tamás) (AR), Hongrois de 18 ans - étudiant
  • Maurice Fingercwejg (AR), Polonais de 19 ans
  • Spartaco Fontano (AR), Italien de 22 ans
  • Emeric Glasz (Békés (Glass) Imre), Hongrois de 42 ans - métallurgiste
  • Jonas Geduldig, Polonais de 26 ans
  • Léon Goldberg, Polonais de 19 ans
  • Szlama Grzywacz (AR), Polonais de 34 ans
  • Stanislas Kubacki, Polonais de 36 ans
  • Arpen Tavitian, Arménien de 44 ans
  • Césare Luccarini, Italien de 22 ans
  • Missak Manouchian (AR), Arménien de 37 ans
  • Marcel Rayman (AR), Polonais de 21 ans
  • Roger Rouxel, Français de 18 ans
  • Antoine Salvadori, Italien de 43 ans
  • Willy Szapiro, Polonais de 29 ans
  • Amédéo Usséglio, Italien de 32 ans
  • Wolf Wajsbrot (AR), Polonais de 18 ans
  • Robert Witchitz (AR), Français de 19 ans

[modifier] La postérité

Photographie du mémorial de l'affiche rouge à Valenciennes.
Photographie du mémorial de l'affiche rouge à Valenciennes.
  • A l’initiative de Robert Badinter, une proposition de loi, votée le 22 octobre 1997 décide de l’édification d’un monument à la mémoire des résistants et otages fusillés (dont les 23 membres du Groupe Manouchian) au Mont Valérien entre 1940 et 1944. Un monument, réalisé par le sculpteur et plasticien Pascal Convert, à la mémoire de ces 1006 fusillés est inauguré le 20 septembre 2003.

[modifier] Bibliographie

Sources, témoignages et ouvrages universitaires :

  • Monique Lise Cohen - Jean-Louis Dufour (dir.), Les Juifs dans la Résistance, Editions Tirésisas, 2001.
  • Stéphane Courtois - Denis Peschanski - Adam Rayski, Le sang de l'étranger, Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance, Fayard, 1989.
  • Jean-Emmanuel Ducoin (dir.), Groupe Manouchian. Fusillés le 21 février 1944. Des héros, à la vie, à la mort, Paris, SIEP, Hors-série de l’Humanité, 50p (avec le DVD La traque de l’Affiche rouge et en poster la reproduction de l’Affiche), février 2007. Sommaire consultable sur le site de l’Humanité : [2] et sa présentation : [3]
  • Guy Krivopissko (dir.), La vie à en mourir, lettre des fusillés, 1941-1944, Paris, éditions Taillandier, 2003.
  • Garnier-Raymond, L’affiche rouge, Paris, fayard, 1975.
  • Gaston Laroche, On les nommait des étrangers, Paris, Les éditeurs français réunis, 1965.
  • Denis Peschanski, Des étrangers dans la résistance, Paris, l’Atelier, 2002.
  • Jacques Ravine, La Résistance organisée des Juifs en France (1940-1944), Paris, Julliard, 1973.
  • Adam Rayski, L’Affiche rouge, Paris, Mairie de Paris, 80p, 2003 (Version originale : Immigranten und Judeninder französischen Résistance, Verlag Schwarze Risse, Berlin, 1994). Brochure téléchargeable (format Pdf) sur le site de la Mairie de Paris : [4]
  • Benoît Rayski, L’Affiche rouge, 21 février 1944. Ils n’étaient que des enfants…, Dijon, Le Félin, 121p, 2004.
  • Tchakarian, Les Francs-tireurs de l’Affiche rouge, Paris, 1986.
  • Boris Holban, Testament : Après quarante-cinq ans de silence, le chef militaire des FTP-MOI de Paris parle, Calmann-Lévy, 1989. ISBN 2-7021-1778-3.

Documentaires :

  • Pascal Convert, Mont-Valérien, au nom des fusillés, One Line Productions, 52 minutes, 2002. Point de vue de l’auteur lors du soixantième anniversaire de l’exécution du groupe Manouchian dans le quotidien l’Humanité (« Les nouvelles censures », édition du 21 février 2004) : [5]
  • Stéphane Courtois – Mosco Boucault, Des terroristes à la retraite, 84 minutes, 1985.
  • Denis PeschanskiJorge Amat, La traque de l’Affiche rouge, 72 minutes, compagnie des Phares et Balises en collaboration avec la Fondation Gabriel Péri et l’Humanité, 2006. Voir le résumé : [6]

Film :

[modifier] Liens connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Le site de l’académie de Versailles propose l’étude de cette image de propagande : [1].
  2. Le chef des FTP-MOI de Paris fut Boris Holban jusqu'à la Libération sauf pour la période d'août à novembre 1943, son remplaçant étant alors Manoukian.
  3. (en) Fiche du documentaire Des terroristes à la retraite sur IMDb.
  4. "L'Affiche rouge", sur l'album Léo Ferré chante Aragon


Autres langues