Vérité des prix

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La vérité des prix est l'opération qui consiste à facturer un service au pro rata des ressources qu'il mobilise, lorsque c'est possible. Quand le coût du service se décompose en frais fixes et frais variables, la question devient plus difficile à trancher, et l'est en général par :

  • répartition arbitraire des frais fixes entre utilisateurs (réels ou potentiels)
  • facturation des consommations au coût marginal

Sommaire

[modifier] Deux exemples célèbres (France)

[modifier] La taxe à l'essieu

Icône de détail Article détaillé : Taxe à l'essieu.

Les transporteurs ferroviaires estimaient que la route constituait une concurrence déloyale au rail, puisqu'ils payaient leurs rails et que les camions ne payaient pas leurs routes. Les ingénieurs des routes savaient aussi que les gros véhicules détérioraient plus leurs ouvrages, et souhaitaient également que ce facteur soit pris en compte.

Une étude montra que l'usure d'une route était -- pour une vitesse donnée de véhicule -- proportionnelle à la cinquième puissance du poids par essieu (en d'autre termes, doubler le poids par essieu multiplie par 32 l'usure de la route). Une taxe à l'essieu proportionnelle à cette cinquième puissance[1] fut instituée[2], faisant rentrer dans les trois cercles vertueux suivants :

  1. L'entretien des routes se payait de lui-même au pro rata de leur usure par les camions.
  2. Les constructeurs et transporteurs furent ainsi directement incités à multiplier le nombre d'essieux, ce qui fut bénéfique à la bonne conservation des routes.
  3. La loyauté de la concurrence entre la route et le rail réapparut.

[modifier] Le voyageur de Calais

Cette parabole est due à l'économiste Maurice Allais, devenu depuis « Prix Nobel » d'économie :

Un voyageur monte subitement à Calais dans un train en partance pour Paris. On se demande quel est le coût associé à sa décision.

  • Le contrôleur, pour sa part, observe que le train serait parti de toute façon avec ou sans ce voyageur, et que la différence de consommation d'électricité n'est pas même mesurable. Il est donc tenté de dire que le coût pour la compagnie est nul.
  • Le chef de convoi perçoit les choses différemment : si on lui ajoute trente voyageurs comme celui-ci, il va bien devoir ajouter une voiture[3] à son convoi. Il annonce donc que le coût réel est le trentième du coût de cette voiture pendant ce temps-là.
  • Le chef de ligne observe que c'est bien beau d'ajouter des voitures, mais que passée une quinzaine, il va être obligé de doubler son train. Pour lui, le coût doit donc englober non seulement le trentième du coût de la voiture, mais aussi le 1/450ème (30x15) du prix d'une motrice... et de la rémunération de son conducteur.
  • Le chef de réseau ne l'entend pas de cette oreille : c'est bien joli de lui ajouter des trains sur une ligne, mais passé une certaine densité de trains à l'heure, il va se voir obligé de doubler la ligne pour que ces trains puissent continuer à passer sans encombre. Il ajoute donc la participation au coût de la ligne, etc.

On arrive de proche en proche au coût exact du billet pour le transporteur. Quand il est ainsi calculé (et une marge commerciale ajoutée en conséquence), la vérité des prix est devenue telle que le fait que le voyageur - s'il est en situation régulière - monte ou ne monte pas dans le train, même si son exemple est suivi de milliers de voyageurs comme lui, ne mettra jamais le transporteur en situation critique.

Cet exemple est bien entendu simplifié, mais l'idée générale s'y trouve.

[modifier] Quelques contre-exemples

Réciproquement, l'absence de vérité des prix conduit tôt ou tard à des dysfonctionnements :

[modifier] Inscriptions universitaires en Belgique

La vérité des prix peut également éviter des situations comme celle connue par la Belgique jusqu'en 2006. Le gouvernement de ce pays, soucieux d'encourager l'accès aux profession paramédicales, pratiquait une politique de frais d'inscription universitaire plus modeste que la France limitrophe, la différence étant donc à la charge du budget de l'État. Les frontaliers étaient en conséquence davantage tentés de s'inscrire en Belgique (le fait qu'on n'y pratique pas de concours d'entrée a pu jouer également). La proportion d'étudiants français augmenta à un point tel qu'ils atteignaient 86% des effectifs dans certains disciplines (Plus de 80 % en médecine vétérinaire de l'université de Liège en 2005).

Le gouvernement belge décida à la rentrée 2006 de plafonner le pourcentage d'étudiants étrangers, et de procéder à leur sélection par tirage au sort. « C’est injuste, mais c’est la moins mauvaise des solutions », estime le recteur Pierre de Maret. À Liège, selon le professeur Freddy Coignoul « Nous avions envisagé un système de premier arrivé, premier servi, mais il allait falloir appeler l’armée ! »

Ce système est à comparer aux grandes universités américaines de la Ivy League qui facturent leurs études aux étudiants étrangers au minimum à prix coûtant, et adaptent le nombre de candidats au nombre de places en augmentant le montant des frais scolaires autant que nécessaire.

[modifier] Hôpitaux en France

Réciproquement, les hôpitaux français du Nord-Pas de Calais ont vu quelque temps affluer des patients britanniques traversant la Manche pour se faire soigner dans des conditions plus avantageuses. Une facturation respectant la vérité des prix en France aurait évité que cela ne coûte quoi que ce soit au contribuable français.

[modifier] Notes

  1. Pour des raisons pratiques, comme on n'imaginait pas d'adapter le montant de la taxe à chaque camion ou à chaque essieu, on procéda en fait par paliers discrets
  2. Note : c'est ici la considération de vérité des prix et son rôle dans l'établissement de la taxe à l'essieu qui est évoqué, même si d'autres enjeux et considérations ont évidemment joué un rôle dans l'histoire de cette taxe
  3. Le mot "wagon" n'est utilisé que pour les marchandises

[modifier] Sujets liés