Discuter:United States v. Lopez

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L'ampleur du revirement me semble exagérée. La Cour n'a pas de tout temps tranché contre les Etats fédérés sur tous les sujets. Et Marbury ne contient aucune question de fédéralisme, ni de commerce. Disons que depuis le New Deal, elle a une interprétation particulièrement généreuse de la clause de commerce de l'article 1 section 8. En étant méchant, : le pouvoir de légiférer sur le commerce inter-états permet de réguler des activités qui ne sont ni du commerce, ni inter-états. L'arrêt habituellement présenté comme emblématique est Wickard v. Filburn (1942). Didup 31 janvier 2007 à 21:13 (CET)

Les problèmes de répartition des compétences (et donc de la souveraineté) sont escamotés dans la Constitution fédérale, c'est donc au juge de décider. L'instauration même d'un contrôle de constitutionnalité des lois et constitutions fédérées vis-à-vis de la constitution fédérale (par l'arrêt Marbury) par une cour fédérale veut (forcément) dire qu'il y a une jurisprudence en faveur du fédéralisme. (Voir à ce sujet les travaux de Kelsen en matière de contrôle de constitutionnalité et de partage de la souveraineté dans le fédéralisme, qui prônait le contrôle par une cour à composition mixte).
Mais si l'on veut parler du contenu même des arrêts (et non pas du principe de contrôle de constitutionnalité) clairement en faveur de la fédération, alors il est vrai que la première jurisprudence en la matière est un peu plus tardive. Mais bien avant 1942, il y a eu la jurisprudence McCulloch v. Maryland en 1819 (sur la création d'une banque centrale). La cour a fait une interprétation tout à fait constructive de la 'necessary and proper clause' : si le pouvoir (fédéral) est approprié, alors il est présumé nécessaire, ce qui signifie que le pouvoir fédéral a le choix des moyens pour arriver au but ainsi fixé (par lui-même). Elle escamote complètement le 10è amendement (qui fonde la compétence de principe des États fédérés) en disant qu'elle aurait dû dire 'les pouvoirs non expressément donnés au pouvoir fédéral appartiennent aux États fédérés'. Cela vide cette clause entièrement de son sens... À partir de cet arrêt il y a eu un phénomène de contournement constant des deux clauses implicites de pouvoirs de la fédération : clause de commerce et clause nécessaire (notamment en ce qui concerne la législation fédérale interdisant la prostitution, la ségrégation ou la législation en matière sociale).
L'arrêt Lopez est un coup d'arrêt franc à cet expansionnisme, puisque l'on retourne à une interprétation stricte de la clause de commerce. Je ne peux m'empêcher de voir là un lien direct avec le fait que le président de la cour était (pour la première fois, je crois, mais il me faudrait vérifier), un antifédéraliste. Ce qui est, de mon point de vue personnel, un grand dommage... une telle législation (sur l'interdiction de la vente et du port d'armes à feu autour des écoles) aurait dû être mise en place dans un pays tel que les États-Unis depuis longtemps... carthae 31 janvier 2007 à 22:10 (CET)
Il y a McCulloch sur "necessary and proper", il y a Gibbons précisément sur la clause de commerce, ce sont des arrêt majeurs. La Cour Marshall a été favorable a l'État fédéral. Cependant, la jurisprudence de la Cour n'est pas constante entre la mort de Marshall et le new Deal. Il y a Knight par exemple, : "Commerce succeeds to manufacture, and is not a part of it", et c'est loin d'être un arrêt isolé. D'autre part, Je ne suis pas convaincu du tout que Marbury soit intrinsèquement fédéraliste (dans le sens de 1803). Je n'ai pas lu Kelsen sur le sujet. Le contrôle juridictionnel des lois fédérales est habituellement présenté comme une garantie pour les États fédérés. Pour moi, l'alternative au contrôle effectif de la constitutionnalité est la loi écran au niveau fédéral, qui laisserait les États sans défense face au Congrès. Lopez écarte une norme fédérale, sur la base de Marbury donc, et ce au profit de l'autonomie des États. Je ne conteste pas que ce soit un arrêt important et un revirement, mais pas d'une jurisprudence constante de deux siècles. Didup 31 janvier 2007 à 23:12 (CET)
Pour ce qui est de la nature 'fédéralisante' (pardon pour le néologisme, si c'en est un) du contrôle de constitutionnalité, il faut noter que l'argument de Marshall, selon lequel l'absence de contrôle reviendrait à laisser le Congrès empièter sur les pouvoirs fédérés peut se retourner contre lui : c'est aussi valable pour une cour fédérale. Le pouvoir d'interprétation en dernier ressort de la Constitution (ce qui est en réalité la définition de la souveraineté, la "compétence de la compétence" : pouvoir de juger de la répartion des compétences) est un monopole qui menacerait l'ordre juridique et la constitution. De plus, le pur et dur fédéraliste Hamilton (fondateur du parti fédéraliste, quand même), dès 1787 (The Federalist n°78) défendait bec et ongles le contrôle de constitutionnalité. Selon lui, si on s'oppose au contrôle de constitutionnalité, cela veut dire qu'on estime que les représentants du peuple (congrès ou assemblées législatives fédérées) sont supérieurs au peuple (fédéral) lui-même. C'est donc au juge de faire respecter la volonté du peuple (position dangereuse, vu que le peuple ne s'est pas exprimé sur cette question...). Dès le départ, le contrôle était donc conçu comme un moyen de favoriser le fédéralisme.
Je me suis mal exprimée pour ce qui est de l'arrêt McCulloch. En réalité, dans cet arrêt, alors même qu'elle développe tout une théorie sur la 'necessary and proper clause', la Cour décide de fonder sa jurisprudence sur la clause de commerce. La Cour permet ainsi au Congrès de prendre toute les lois utiles (cf le terme 'appropriées'), même lorsque la finalité n'est pas commerciale. C'est un peu un mélange des deux clauses.
Pour ce qui est des revirements de jurisprudence entre Marbury et Lopez, tu as tout à fait raison, il faudrait préciser ce que j'ai mis dans l'article, en rajoutant les grands 'moments' d'interlude (bla, bla, depuis la jurisprudence Marbury, sauf entre A et B...) et en supprimant la référence à une jurisprudence bicentenaire. Si tu pouvais le faire, je t'en serai reconnaissante, car je ne connais pas les dates et tu as l'air de t'y connaître dessus.
Merci pour ces précisions. carthae 1 février 2007 à 00:08 (CET)
EDIT : Je crois avoir trouvé la réponse à ma question, s'agissant de savoir s'il y avait eu des présidents de la Cour de antifédéralistes avant Lopez. En réalité, les fédéralistes sont les démocrates, tandis que les anti sont les républicains. Ce qui veut dire que la Cour qui a empêché la mise en place du New Deal était bien républicaine (Roosevelt étant démocrate). Et en 1995, c'était le démocrate Clinton qui était au pouvoir, avec une Cour républicaine (juges élus sous son prédécesseur, Bush père). En clair, l'évolution suit l'alternance politique de la Cour. Y aurait-il un tableau récapitulatif quelque part ?
Sur Marbury, je reste non convaincu. Les Etats ne perdent rien à ce que l'interprète suprême de la Constitution soit la Cour plutôt que le Congrès. Ils gagnent me semblent ils à ce que les deux organes puissent se disputer. Pour que l'État fédéral leur impose quelque chose, il faut que le Congrès le décide, et que la Cour le juge légal. Ils perdent bien sur au contrôle par la Cour suprême de la conformité de leurs propres lois (Fletcher v. Peck), mais celle ci serait concevable (à mon sens nécessaire) même sans Marbury, avec un principe de la loi écran au niveau fédéral. Je crois que c'est comme ça en Suisse. Que Hamilton, fédéraliste, soutienne le contrôle de constitutionnalité ne me semble pas suffisant pour montrer que ce contrôle est fédéraliste. Les fédéralistes et Hamilton en particulier sot aussi assez méfiant vis à vis de la démocratie, disons soucieux d'éviter la tyrannie de la majorité. Je relis en vitesse le fédéraliste 78 : le contrôle s'impose parce que la constitution mets des limites au pouvoir législatif. Il ne cite certes pas dans ces limites celles dues à l'autonomie des États, qui ne sont pas ses préférées, mais ce sont pourtant les principales.
Pour la jurisprudence sur la clause de commerce, je tâcherai de trouver les arrêts marquants. Mais il me semble qu'il n'y a rien dans Lopez qui puisse s'apparenter à une remise en cause de McCulloch (non que tu dises ça dans l'article - je viens d'ailleurs de survoler McCulloch, mais vraiment un survol rapide, la clause de commerce ne me paraît pas y jouer un rôle décisif, j'ai l'impression qu'il est au moins autant question du pouvoir de lever des impôts). Mon impression est que c'est seulement une jurisprudence de quelques décénnies qui est remise en cause, la Cour refusant que le lien entre la norme et le commerce inter-États soient trop ténu. Certainement pas des arrêts remontant à Marshall, et en fait un très très large pouvoir de régulation de l'activité économique, issu du New Deal, demeure. Enfin, je tâcherai de faire une petite compil d'arrêt et tu me diras ce que tu en penses. Didup 1 février 2007 à 01:07 (CET)
À propose du Edit : Taney d'une certaine façon, la Cour Taney est souvent présentée comme une remise en cause (partielle) du fédéralisme de la Cour Marshall. Sinon, une remarque sur le mot fédéraliste : son sens actuel aux États-Unis n'est pas celui du parti de Adams et Hamilton, il signifie favorable à l'autonomie des États. Et ce n'est pas surprenant, le mot ne signifie pas la même chose selon le contexte : en Espagne, renforcer les régions, dans l'Union européenne, renforcer le centre. Aujourd'hui, la "Société fédéraliste', qui est une association influente d'étudiant en droit et de juriste (je crois que le Chief Justice en fait parti) est un groupe conservateur, certainement proche du parti républicain. Mais l'autonomie des États n'est pas la position constante du parti républicain. Ce n'est certainement pas celle de Lincoln et des républicains de la Reconstruction. Je soupçonne qu'être pour le renforcement ou la réduction du gouvernement central ne soit en général qu'une conséquence d'autres positions politiques, non institutionnelles : on est pour le pouvoir central si on approuve sa législation dominante. Et on peut être plus ou moins en sa faveur selon le domaine. La majorité conservatrice de Bush v. Gore n'y semble pas très soucieuse de l'autonomie des États. Dernier point, le rôle du Chief Justice n'est pas forcément prépondérant, question de circonstances et de personnalité. Après tout, il n'a qu'une voix, comme les autres. Il peut être dans la minorité. Didup 1 février 2007 à 09:50 (CET)
L'alternative n'est pas entre Cour et Congrès (tous deux organes fédéraux), comme voudrait le faire croire Marshall, mais entre des organes fédéraux et des organes mixtes (quelle que soit leur nature). J'essayerai de retrouver l'œuvre exacte de Kelsen qui en fait l'analyse...
Le fédéralisme est la répartition sur plusieurs niveaux territoriaux de la souveraineté (ce qui est très difficile à concevoir pour nous Français, vu que l'on conserve toujours la vision de Bodin avec une souveraineté unique et indivisible). Elle peut être ascendante (des Etats se fédèrent) ou descendante (un Etat se scinde). A ce propos, l'Espagne, qui est comme l'Italie un Etat régional (décentralisation poussée), n'est pas un très bon exemple, puisque ce n'est pas exactement de la souveraineté qui est donnée aux autonomies (même si on n'en est pas loin, les autonomies n'ont pas (encore) un caractère étatique). Un meilleur exemple aurait été la provisoire Communauté des États indépendants (qui fait suite à l'URSS).
Pourtant, s'il est vrai que le fédéralisme s'oppose aux Etats unitaires (centraux), la position des fédéralistes était principalement d'assurer un niveau fédéral puissant ; l'autonomie des Etats fédérés n'était donc pas prise véritablement en considération, vu que c'était le cheval de bataille de leur opposition.
Pour aller dans le même sens, le fédéralisme a été tellement loin pour accorder des pouvoirs à l'Etat fédéral, que certains ont même été amené à dire que les Etats-Unis étaient un Etat unitaire plus que d'un Etat fédéral. Aujourd'hui, le pouvoir des Etats fédérés est très amoindri face au tout puissant Etat fédéral. Et cela a été grandement aidé par le contrôle de constitutionnalité de la Cour. C'est ce mouvement bicentenaire là qui est général. Pour moi, les jurisprudences qui reviennent en arrière que tu as citées ne sont pas de nature à remettre en cause ce mouvement général (un peu comme une récession au lieu d'une dépression). Mais c'est vrai que cela reste important et qu'il fallait les préciser. Après considération, je pense que l'arrêt Lopez, vu qu'il n'a pas vraiment eu de suites, est dans la même lignée que ces jurisprudences : il n'est pas de nature à remettre en cause le mouvement séculaire de centralisation.
Tu as raison de préciser que faire l'équivalent entre l'opposition fédéraliste/anti et démocrates/républicains serait trop réducteur. Néanmoins, je remarque une certaine tendance (enfin, par deux fois seulement pour l'instant) : il s'agissait pour Lopez comme lors du New Deal d'une Cour où l'opposition républicaine s'était réfugiée. Je pense qu'il s'agit plus ici d'aléas de la politique qui font que les républicains se mettent alors à soutenir la position selon laquelle ils seraient les derniers remparts de la souveraineté des Etats fédérés contre la tyrannie de l'Etat central, car celui-ci, pour pouvoir mettre en oeuvre sa politique (démocrate), veut imposer aux Etats fédérés plus d'Etat fédéral. Saurais-tu par hasard si le contraire s'est déjà produit ? Une Cour dans laquelle les démocrates se seraient réfugiés pour s'opposer à la politique républicaine du gouvernement central tout en soutenant qu'elle aurait pour mission de protéger les Etats ?
carthae 2 février 2007 à 22:28 (CET)