Discuter:Typologie des langues

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J'ai copie-collé ici un article que j'avais tapé sur news:fr.sci.linguistique en vue de le retravailler entièrement. Je compte aussi changer certains des exemples de cette deuxième partie, pour éviter de trop reprendre le texte de Pottier ou corriger d'éventuelles erreurs. Vincent 1 sep 2003 à 19:53 (CEST)



        -- langues agglutinantes : ce sont des suffixes qui viennent
s'ajouter à la fin des mots pour en préciser le sens, comme en turc :

        ev    maison
        evler    maisons
        evlerim   mes maisons
        evlerimiz   nos maisons
        evlerimizde  dans nos maisons
        evlerimizdeki  qui se trouve dans nos maisons
        evlerimizdekiler  qui se trouvent dans nos maisons
        evlerimizdekilerdir (ce) sont (les choses) qui se trouvent dans nos
maisons. 

        La différence principale entre langues agglutinantes et
langues à flexions tient à la nature des lexèmes : dans une langue à
flexions, les lexèmes permettant d'actualiser un mot (d'en préciser le
sens dans un contexte donné) sont relativement libres, tandis que dans
une langue agglutinante, ce sont des morphèmes non libres qui jouent ce
rôle. Ainsi, il n'existe pas en turc de mot pour « dans », pour « mon »,
pour « qui » ; ce sont des suffixes qui les représentent. Autre langue
de cette catégorie, le japonais :

    nomu    boire
    nomimasu    boire (forme plus polie)
    nomimasen    ne pas boire
    nomimashita    avoir bu
    nomimasendeshita    ne pas avoir bu...

    Cf. aussi le hongrois, le finnois, l'élé (langue voltaïque), le
quechua ; le créole d'Haïti, le français et le latin utilisent aussi des
procédés agglutinants : « poire » => « poir-ier », habiter =>
« habita-tion »...

    Ces deux catégories constituent la famille des langues synthétiques,
dans lesquelles les lexèmes sont composés de plusieurs morphèmes (unités
de sens et de son : « maison » = un morphème, « maisonnette » = deux
morphèmes : maisons + -ette (diminutif)).

    L'autre catégorie comprend les langues dites analytiques ou
isolantes, dans lesquelles un lexème = un seul morphème, et,
généralement, une seule syllabe. Les lexèmes sont invariables. C'est le
cas du chinois ancien et du vietnamien classique (mais ces langues sont
maintenant plutôt polysyllabiques). Dans ces langues, la syntaxe est
primordiale et l'actualisation peut être rendue par le jeu de particules
renforçant les liens entre les mots ; en chinois moderne (mot à mot ;
les chiffres indiquent les tons) :

    wo3 ai4 ni3 = je aimer tu ; « je t'aime »
    ni3 ai4 wo3 = tu aimer je ; « tu m'aimes »
    ta1 ai4 wo3 = il / elle aimer moi ; « il m'aime »
    wo3men ai4 ni3men = je<pluriel> aimer tu<pluriel> ; « nous vous
aimons »
    wo3de mao1 = je<particule qui indique que ce qui suit dépend du mot
qui précède ; cf. anglais « 's »> chat ; « mon chat »
    ni3de mao1 = tu<partc. de possess> chat; « ton chat »
    wo3mende mao1 = je<pluriel><partc. de possess.> chat ; « notre
chat » etc.

    Attention, c'est un découpage grossier des langues, qui, je le
rappelle, ne rentrent jamais exactement dans de tels moules mais se
promènent entre plusieurs pôles. Ainsi, le français reste quelque peu
flexionnel (aime / aimons) mais aussi isolant (à l'oral : aime = aimes =
aime = aiment ; le pluriel est souvent inaudible : chat = chats, rat =
rats, maison = maisons etc.).

        La nomenclature des types de langue peut différer selon les
auteurs, certains types étant séparés en plusieurs groupes :
« flexionnel interne », « flexionnel externe », « agglutinant »,
« polysynthétique » et « isolant », par exemple.
<pre>
Suite : 
<pre>
        Je reprends la terminologie adoptée par Bernard Pottier dans son
article « la Typologie », in _le Langage_, encyclopédie de la Pléiade,
qui ne fait que reprendre à son tour celle de Skalic^ka. Les exemples
sont -- majoritairement -- de B. Pottier.

        Cette classification se fonde principalement sur les critères
suivants : 

        -- rapports syllabe / morphème ; 
        -- rapports formes / fonctions ; 
        -- classificateurs.

        Il établit ainsi cinq grands types (je rappelle qu'une langue
n'appartient pas à un seul type, mais qu'elle peut en représenter
plusieurs, dans des proportions variables ; généralement, une langue
*tend* vers un type mais la typologie sert surtout à caractériser
certains fonctionnements dans une même langue).


        1. Type flexionnel externe : 

        -- système paradigmatique important ; 
        -- classificateurs ; 
        -- syncrétisme formel (une même forme peut avoir plusieurs
valeurs).

        Exemples en tonga (langue bantoue) : 

        mu-ntu : « homme »          mu-tonga : « un Tonga »
        ba-ntu : « hommes »         ba-tonga : « les T. »
        bu-ntu : « humanité »       bu-tonga : « le pays T. »
        ci-ntu : « langue »         ci-tonga : « la langue T »

        On comprend comment cela fonctionne : des classificateurs
sémantiques (<mu> / <ba> [au pluriel] pour « homme », <bu> pour le
« groupe », <ci> pour la « langue »...) caractérisent des bases
indiquant la classe (<ntu> = « notion », donc <ci-ntu> = « notion de
langue »).

        En latin : 

        femin-a : « femme »   femin-æ : « les femmes » ou « pour la femme »
(cas de syncrétisme)

        Bref : le sens et la fonction sont précisés par des affixes, tandis
que la base ne bouge pas.


        2. Type flexionnel interne :

        -- système paradigmatique développé (« déclinaisons ») ; 
        -- variations vocaliques et / ou syllabiques, et non externes
(c'est la base qui change, et non les affixes).
        
        En latin (la traduction française suit d'ailleurs le même
principe) : 

        venit : « il vient »        vênit : « il vint »

        En allemand : 

trinken : « boire » / ich trank : « je bus » / ich habe getrunken :
« j'ai bu »

        Anglais : 
        
        man : « homme »            men : « hommes »

        Chinois : 

        hao3 : « (être) bon »     hao4 : « aimer »

        Les cas de pluriels internes (comme en anglais, en arabe, en
allemand...) sont bien sûr représentatifs de ce type. Le sens et la
fonction sont indiqués par des variations qualitatives à l'intérieur de
la base.

        
        2. Type agglutinant

        -- dominance syntagmatique et non paradigmatique ; 
        -- monèmes invariables et souvent monosyllabiques ; 
        -- peu de polysémie.

        Exemples autres que le turc : 

        Quechua : 

        wasi              « maison »
        wasi-cuna         « maisons »
        wasi-p            « dans la maison »
        wasi-cuna-p       « dans les maisons »
        wasi-yki-cuna-p   « dans tes maisons »

        Créole français d'Haïti : 

        li mangé          « il mange / a mangé »
        li te mangé       « il a mangé / avait mangé »
        li va mangé       « il va manger »
        li t'(e) av mangé     « il aurait mangé »

        Français : 

        pomme             [fruit]
        pomm-ier          [arbre]
        pomme-raie         [plantation]

        Le fonctionnement est simple : la base reste intacte, elle est
actualisée par des morphèmes ; à la différence du type flexionnel
externe, c'est la syntaxe qui indique la fonction, et non le paradigme
(les lexèmes restent invariables dans leur ensemble).


        2. Type polysynthétique : 

        -- réunion de lexèmes pour former une nouvelle unité lexicale ; 
        -- souvent peu de pronoms et de prépositions dans les langues
tendant principalement vers ce type.

        De nombreuses langues utilisent ce procédé, en diverses
proportions.

        Chinois (les exemples sont légion) : 

        huo3 : « feu » / qi4 : « vapeur » / che1 : « véhicule » /
gong1gong4 : « commun »
        => huo3che1 : « train »
        => qi4che1 : « voiture »
        => gong1gong4qi4che1 : « autobus »

        indonésien : 

        mata : « ?il » / hari : « jour »
        => matahari : « soleil »

        Éwé : 

        su : « lune » / vi : « enfant »
        => suvi : « étoile »

        Latin : 
        
        anima : « esprit » / aduerto : « tourner vers »
        => animaduerto : « remarquer »

        Etc.


        5. Type isolant : 

        -- monèmes indépendants et invariables ; 
        -- dominance syntagmatique. 

        L'exemple typique est le chinois, dans lequel chaque lexème est
invariable et ne prend son sens que par la syntaxe, qui est donc très
importante (au contraire des langues flexionnelles, qui se caractérisent
par une plus grande liberté syntagmatique). On ne peut changer les
lexèmes de place sans modifier le sens. 

        ta1 « il / elle » / ai4 : « aimer » / wo3 : « je »
        => ta1 ai4 wo3 : « il m'aime »
        => wo3 ai4 ta1 : « je l'aime »

        En français, des groupes comme : 
        => à mon père 
        => dans mes deux mains
        => je n'ai pas pu commencer à lire

        sont représentatifs du type isolant : chaque lexème forme une unité
qui ne prend son sens que dans l'axe syntagmatique. Chinois <*ta1wo3ai4>
ou français « *mon à père » n'ont aucun sens.