Symbolisme du kanji Ba

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Le concept de Ba est au cœur du modèle de la « création de connaissance » popularisé par le professeur Ikujiro Nonaka de l'Université Hitostubashi à Tokyo. Ba est un idéogramme kanji dont la partie gauche peut être assimilée à la terre, à l’eau bouillante ou à ce qui soulève, et dont la partie droite signifie ce qui rend possible (enable). D’un coté, il désigne un potentiel, de l’autre un moteur ou un mouvement qui imprime une direction. On qualifie de good ba, les bonnes situations relationnelles où l’on "s’énergise", celles qui rendent créatif et où les interactions sont dynamiques et positives. On peut assimiler le ba à un milieu où les personnes (potentiel) qui s’y (moteur) investissent, éprouvent une satisfaction d'évolution qualitative. La partie droite de cet idéogramme renvoie à la philosophie du yin et du yang, soit de la transformation permanente où la réalité est entendue comme une succession d’événements dont le flux est sans fin. Dans un langage cognitif, il est possible de traduire ba par communauté (stratégique) de connaissance.

L’usage du concept remonte au philosophe Kitaro Nishida qui désigne ainsi un espace physique où réside un pouvoir caché, où l’on reçoit de l’énergie lorsque l’on s’y plonge. Il ne s’agit pas seulement d’un lieu mais aussi d’un moment durant lequel se vit un processus dynamique de mutation et d’émergence. Un ba peut être mémorisé, il est ouvert à une continuité de relation au sein d’une atmosphère, d’une ambiance qui renvoie à un climat particulier lié à un espace-temps partagé par une communauté (a shared space in motion). Pour Nishida, ce que nous qualifions de temps, d’espace et de forces physiques sont simplement des concepts établis afin d’organiser les faits et de les expliquer. Dans cette perspective, un ba se manifeste comme un niveau de conscience collective et en développement à travers des interactions internes à un groupe et avec ses environnements utiles.

À l'article des sciences cognitives, Ikujiro Nonaka définit le ba comme un espace partagé de relations en émergence. Cet espace peut être physique (le bureau ou des lieux de travail dispersés), mental (expériences partagées, idées, idéaux) ou toute combinaison des deux. Pour lui, ce qui différencie le ba des interactions humaines ordinaires est le concept de création de connaissance. Le ba fournit une plate-forme, qui, dans une perspective transcendante, intègre toute l’information requise (…) le ba est un contexte porteur de sens. L’échange de données, d’informations et d’opinions, la mobilisation et la collaboration sur un projet pour affronter l’inconnu et la nécessité traduisent le ba dans l’organisation. Pour ce faire, l’aménagement de vides, d’espaces de tension créative et de relations lui sont favorables. Le ba comporte aussi une sorte d’indétermination orientée et ouverte, tacitement vécue comme un cercle de connivence. Il ne se décrète pas mais requiert une adhésion volontaire. Il ne se construit pas sur le mode du command and control propre à un management pyramidal traditionnel mais plutôt sur celui d’un energize and stimulate déployé dans un climat d’attention et de respect mutuel. Il est fondamentalement subjectif et relationnel et on s’y investit parce qu’il y règne un intérêt commun et que les relations humaines n’y sont pas l’objet d’affrontements.

[modifier] Bibliographie

  • Pierre Fayard, Le réveil du samouraï. Culture et stratégie japonaise dans la société de la connaissance, Dunod, Paris, 2006.
  • Kitaro Nishida, Logique du lieu et vision religieuse du monde, Osiri, Paris 1999.
  • Ikujiro Nonaka & David Teece (sous la direction de), Managing industrial knowledge. Creation, transfert and utilisation. Sage Publication, London-Thousand Oaks-New Delhi, 2001.

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