Suovetaurile

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Suovetaurile, Musée du Louvre
Suovetaurile, Musée du Louvre

Dans la Rome antique, le suovetaurile désignait un sacrifice de purification, où l'on immolait trois victimes mâles, un porc (sus), un mouton (ovis) et un taureau (taurus) à Mars afin de bénir et de purifier la terre.

C'était l'un des rites traditionnels les plus sacrés de la religion romaine : on y conduisait en procession solennelle ces trois animaux autour de l'endroit ou de l'assemblée qu'il fallait purifier, puis on les égorgeait.

Le détail du rituel nous est parvenu grâce à Caton l'Ancien [1] : la première étape consistait à mener les trois animaux autour des limites de la terre à bénir, en prononçant les paroles suivantes :

Cum divis volentibus quodque bene eveniat, mando tibi, Mani, uti illace suovitaurilia fundum agrum terramque meam quota ex parte sive circumagi sive circumferenda censeas, uti cures lustrare.
(« Je t'ordonne, Manius[2], de promener cette triste victime autour de mon domaine et de ma terre, soit en totalité, soit seulement sur la partie que tu jugeras à propos de purifier, afin qu'il l'aide des dieux le succès couronne mes entreprises[3] »)

Le sacrifice est alors affectué, et la prière à Mars doit être faite :

Mars pater, te precor quaesoque uti sies volens propitius mihi domo familiaeque nostrae, quoius re ergo agrum terram fundumque meum suovitaurilia circumagi iussi, uti tu morbos visos invisosque, viduertatem vastitudinemque, calamitates intemperiasque prohibessis defendas averruncesque; utique tu fruges, frumenta, vineta virgultaque grandire beneque evenire siris, pastores pecuaque salva servassis duisque bonam salutem valetudinemque mihi domo familiaeque nostrae; harumce rerum ergo, fundi terrae agrique mei lustrandi lustrique faciendi ergo, sicuti dixi, macte hisce suovitaurilibus lactentibus inmolandis esto; Mars pater, eiusdem rei ergo macte hisce suovitaurilibus lactentibus esto
« Mars notre père, je te conjure d'être propice à moi, à ma maison et à mes gens; c'est dans cette intention que j'ai fait promener une triple victime autour de mes champs, de mes terres et de mes biens, afin que tu en écartes, éloignes et détourne les maladies visibles et invisibles, la stérilité, la dévastation, les calamités et les intempéries : afin que tu fasses grandir et prospérer mes fruits, mes grains, mes vignes et mes arbres : afin que tu conserves la vigueur a mes bergers et à mes troupeaux, et que tu accordes santé et prospérité à moi, à ma maison et à mes gens. Aussi, pour purifier ma champs, mes terres et mes biens, et pour faire un sacrifice expiatoire, daigne agréer ces trois victimes à la mamelle que je vais immoler. Mars notre pére, agréez dans ce but ces trois jeunes victimes[4]. »

Du pain doit ensuite être offert, et les paroles dites simultanément :

Eiusque rei ergo macte suovitaurilibus inmolandis esto.
(« Sois glorifié par cette victime suovitaurilienne[5]. »)

Si la divinité n'est pas apaisée, le propriétaire doit refaire le sacrifice en disant :

Mars pater, siquid tibi in illisce suovitaurilibus lactentibus neque satisfactum est, te hisce suovitaurilibus piaculo.
(« Mars notre père, si quelque chose t'a déplu dans ce sacrifice des trois jeunes victimes, accepte en expiation ces trois autres[6]. »)

Les suovetaurilias peuvent avoir un caractère public ou privé : ainsi les fermes étaient bénites par des suovetaurilias rurales et privées lors de la fêtes des Ambarvales en mai. En revanche, des suovetaurilias publiques solenelles étaient faites tous les cinq ans lors des cérémonies de lustration.

De même, lorsqu'un temple était détruit, le site devait en être purifié par une suovetaurilia afin qu'il puisse être reconstruit[7].

Une suovetaurilia était également offerte pour bénir l'armée partant en campagne[8] .

[modifier] Notes et références

  1. Caton l'Ancien , De Re Rustica, CXLI.
  2. « Manius » dans ce passage peut être une divinité secondaire liée aux Mânes
  3. Traduction publiée sous la direction de M. Nisard, Firmin-Didot, Paris, 1877
  4. Traduction idem
  5. Traduction idem
  6. Traduction idem
  7. Ainsi en fut-il lorsque le Capitole fut détruit en 69.
  8. Un tel sacrifice, effectué par l'empereur Trajan, est décrit sur la colonne Trajane