Soltau (camp de concentration)

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Le camp de Soltau était, pendant la Première Guerre mondiale, un camp de prisonniers situé à environ 80 km de Hanovre, à l'est de Brême (Bremen) et au sud de Hambourg, dans le Land de Basse-Saxe. Construit dans les marais de Lüneburg, et disposé en baraquements entourés de miradors et de barbelés, il s'agissait du principal camp de 'représailles' de la zone c'est-à-dire d'un camp situé à proximité d'une zone de feu ou dans une zone géographique aux conditions réputées difficiles. Ce camp dépendait du kommando d'Ostenholz.

Sommaire

[modifier] Le camp de Soltau et la Belgique

La Belgique est envahie par l'Allemagne en août 1914 et occupée sauf dans la petite portion du territoire située au-delà de l'Yser qui résiste.

Rapidement en Belgique occupée, les Allemands exigent qu'un certain nombre de Belges travaillent pour eux de manière "volontaire".

Réfractaires au travail obligatoire pour les Allemands (et notamment à l'engagement pour travailler dans les chemin de fer sur les convois allemands) de nombreux Belges refusent de signer un engagement volontaire.

Au titre de représailles un certain nombre de jeunes villageois de Marcq-lez-Enghien (une dizaine, tous enterrés au cimetière Saint-Martin dans la pelouse d'honneur) sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés à Soltau près de Hambourg où ils resteront prisonniers plusieurs années.

Le plus gros contingent venait cependant de la ville de Soignies. Les futurs déportés durent se présenter à l'Eglise des Franciscaines à la rue de la Station. En attendant leur départ, ils étaient rassemblés dans la rue de Scouvemont qui, par la suite, fut renommée "rue des Martyrs de Soltau". 842 sonégiens embarquèrent dans des wagons à bestiaux à la Gare de Soignies. 35 ne reviendront jamais. Tous resteront marqués à vie par deux années d'épreuves et de privation.

Après quelques jours de voyage, entassés dans ces wagons, ils arrivent dans le village de Soltau. De là à pied, ils se rendent au camp construit par les soldats belges prisonniers dans une zone marécageuse avoisinante.

[modifier] Soltau, le camp des Belges

Le camp de Soltau était un véritable camp de concentration. Au total il y avait à l'époque 534 camps en Allemagne dont entre 120 et 150 considérés comme camps principaux. Le camp de Soltau était aussi appelé le camp des Belges.

Il avait en effet été construit au départ par les soldats belges faits prisonniers eux-mêmes dès le début 1914. Il y existait une importante bibliothèque avec des ouvrages en français et en flamand. Y étaient internés essentiellement des Belges et des Français, civils et soldats (pour les Français, ceux de la région du Xe corps d'armée) mais aussi des Russes qui y étaient plus malheureux car totalement coupés de leur pays, ne recevant ni courrier ni colis et enfin une série d'autres nationalités (des zouaves, des tirailleurs sénégalais, etc.)

Dans les baraquements du camp, les prisonniers logeaient à 120. L'hygiène déficiente nécessitait un épouillage régulier. De 5 à 10 prisonniers décédaient chaque jour à Soltau. Pour le reste, l'organisation était semblable à celle de tous les autres camps : corvée de latrine, de cuisine, de nettoyage, de menuiserie (pour la réalisation de cercueils notamment...). Le courrier censuré à plusieurs niveaux n'arrivait pas toujours à destination. Parfois des séances obligatoires de courrier à destination des familles de prisonniers sont organisées par les Allemands. Le soir le couvre-feu est imposé. La vie du camp s'organise : un théâtre, un orchestre sont constitués. Les Allemands prennent des photos qu'ils revendent aux prisonniers pour les envoyer aux familles.

Beaucoup d'archives de famille de l'époque (photos, lettres, etc.) ont malheureusement disparus. Y figuraient notamment des chansons venues de Soltau...comme celles ci-dessous.

Un des prisonniers, Jules Vanliefferinghen, parlait souvent d'une cage au centre du camp de Soltau où étaient enfermés des prisonniers dont un russe devenu fou et qui menaçait les autres prisonniers d'un balai qu'il prenait pour un fusil. Il se souvenait également d'un compagnon de chambrée sonégien, horloger de son état, obligé de travailler la terre avec les autres et dont les mains étaient en sang... Il avait beau proclamer son état d'horloger, rien n'y faisait. Les sévices et les brutalités étaient monnaie courante : les prisonniers étaient obligés de prendre une couverture pour se ceindre les reins afin d'amortir les coups de crosse qui pleuvaient. La discipline du camp était très stricte. La punition courante est le "poteau" : l'homme puni est attaché par le cou, pieds et mains liés derrière le pieu, et est privé de nourriture. Il reste ainsi attaché pendant deux heures. La seule obligation quotidienne des prisonniers est un travail obligatoire et parfois illusoire : retourner la terre et bêcher à longueur de journée dans les marais pour les assécher.

La nourriture était rationnée et de mauvaise qualité : le pain était à portion congrue. Les prisonniers devaient tirer au sort pour savoir à qui attribuer les tartines du milieu du pain, plus grandes (pains ronds) que celles de la périphérie. Il y avait bien sûr carence en protéines et nombreux sont les prisonniers qui moururent de dénutrition et de maladies intercurrentes. Jules Vanliefferinghen avait toujours été sensible de la gorge : il fit des angines à répétition et un total d'une dizaine d'abcès amygdaliens qui étaient percés par le médecin du camp au lazaret et traité par de la glace, en l'absence bien entendu d'antibiotiques. (En Belgique au contraire à l'époque, les abcès de la gorge étaient plutôt traités par des cataplasmes de lin chauds).

Un documentaire existe concernant ce camp : Soltau, 1914 - 1918 (inédits RTBF 5 octobre 2001). Le commentaire journalistique dit ce qui suit : " Un camp de prisonniers construit par les soldats belges envoyés là-bas en captivité après l'offensive allemande de 1914. Pour passer le temps les soldats allemands photographient les prisonniers de guerre, la construction des baraquements, le lazaret, la poste, le barbier, la vie du camp. Moyennant quelques services, les soldats détenus étaient autorisés à envoyer ces documents à leur famille. Un étonnant album de photos conservé précieusement au sein d'une famille ( i.e. la famille Pletinckx d'Uccle ).

Comme tous ses camarades de déportation, Jules Vanliefferinghen reviendra en novembre 1918. Il a alors 33 ans et est très amaigri, présentant un véritable kwashiorkor (déficit protéinique chronique). Son œdème était si marqué qu'on dut couper son pantalon et scier ses sabots pour les extraire. Le médecin consulté par la famille à son retour au pays vu son état alarmant lui prescrit le repos et la diète avec une réalimentation très progressive.

Beaucoup de ses compagnons de déportation meurent rapidement après la fin de la guerre (dénutrition et grippe espagnole en 1919). Lui se remet progressivement de ses privations en se réalimentant petit à petit. Il restera cependant toujours particulièrement maigre par la suite mais ses privations ne l'empêchèrent pas d'atteindre un état avancé.


Les souvenirs d'un autre compagnon de déportation, Georges Tondeur, ont eux été conservés et publiés en wallo-picard hennuyer, sous la forme d'une pièce en vers intitulée : SOLTAU ! avec comme sous-titre : La mort dans un camp de travail en Allemagne pendant la première guerre mondiale.

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