Royaume du Cayor

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Localisation du Cayor sur une carte du fleuve Sénégal de 1889
Localisation du Cayor sur une carte du fleuve Sénégal de 1889

Le Royaume du Cayor est un ancien royaume du Sénégal (1566-1886) situé entre les fleuves Sénégal et Saloum.

Le nom Cayor viendrait de gaayi djoor, signifiant « ceux du sable ».

Sommaire

[modifier] Histoire

Wolof du Cayor (gravure de 1890)
Wolof du Cayor (gravure de 1890)

Le Cayor était un royaume vassal de l'empire du Djolof qui prit son indépendance en 1549. D'après les recherches historiques, ce sont les impôts élevés et le sentiment d'humiliation (en effet les royaumes vassaux devaient fournir du sable en autres dons au souverain du Djolof, ce qui a augmenté le sentiment de colère de l'aristocratie du Cayor). Mais la principale cause, et l'offense personnelle, que le bourba Lélé Fouli Fak, avait infligée au damel du Cayor de l'époque (1549) Amari Ngoné Sobel Fall, ce qui aboutit à la grande bataille de Danki, grâce à laquelle il put prendre son indépendance. Des voyageurs européens et arabes relatèrent même cette indépendance, mais c'est le Vénitien Alvise Ca'Da Mosto qui en a peut-être le plus parlé lors de son voyage sur les côtes du Sénégal en 1455. Le Cayor après son indépendance est petit à petit devenu l'un des royaumes les plus puissants du Sénégal, même plus riche économiquement que le Djolof. Malgré les conflits qui ont marqué l'histoire entre le Cayor et le Djolof, le damel du Cayor devant le bourba Djolof, lui devait respect en souvenir que celui-ci l'avait mis à l'état de vassal, il en était également ainsi avec le brak du Waalo et les bours du Sine et du Saloum.

Le Cayor vivait du commerce atlantique (c'était un grand royaume esclavagiste), mais aussi de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche, du commerce de la gomme arabique et autres produits qu'il recevait du commerce avec les Européens et les États de Mauritanie.

Au Cayor les ethnies étaient très diverses. Les Wolofs y étaient majoritaires et détenaient le pouvoir, mais il y avait aussi des Peuls, des Toucouleurs, des Sérères, des Mandingues, des Lébous et des Maures. Les ethnies se répartissaient selon les provinces, certaines ethnies étaient majoritaires dans certaines provinces ainsi de suite, mais de manière générale on trouvait partout des individus de toutes ethnies.

Le philosophe Kocc Barma Fall chez le damel du Cayor (installation de Amadou Makhtar Mbaye)
Le philosophe Kocc Barma Fall chez le damel du Cayor (installation de Amadou Makhtar Mbaye)

Le Cayor était dirigé par le Damel qui arrivait au pouvoir selon une filiation matrilinéaire. Le damel était élu par l'assemblée des notables de la cour, dirigée par le grand diaraf, et le diaoudin-boul, qui est le chef de la classe des nobles au Cayor. Le Cayor était divisé en lamanats (constitués de communautés villageoises) dirigés par des Lamanes, ces derniers élisant à leur tour le Paleen-Dedd qui était l'intermédiaire entre le Damel et les Lamanes. Ces derniers détenaient le pouvoir sur les terres qu'ils pouvaient céder aux nouveaux arrivants. Ils détenaient en outre le pouvoir de lever l'impôt pour le compte du Damel, avec les Tiédos. Les Lamanes détenaient aussi un certain pouvoir de police. Ce sont les chefs des communautés villageoises qui nommaient les Lamanes. Le Cayor était divisé en provinces : le grand Ndiambour, le Sagata, le Diander, le Mbakhol, le Mboul, le Mékhé, le Saniokhor, le Ntiolom, le Gandiol, le Guet, le Dialakhar.

Les Lamanes devaient chaque année se présenter devant le Damel pour restituer les impôts. En cas de non-versement des impôts, les communautés villageoises et les lamanats encouraient de grands risques car le Damel et l'aristocratie du Cayor pratiquaient très régulièrement le pillage (lël) et la prise d'otages. En effet le damel du Cayor régnait en roi absolu, mais, malgré cela, on pouvait voir dans la manière de gouverner du damel, surtout en temps de paix, quelques éléments de la démocratie.

Le Cayor a souvent, après son indépendance, vassalisé son voisin du sud le Baol. Plus d'une dizaine de fois l'on pouvait voir des damel-teigne. Le Cayor a été l'un des royaumes qui a le plus guerroyé non seulement avec le Djolof et le Baol, mais aussi contre les Maures, et les marabouts islamistes spécialistes du djihad, puis contre les Européens, contre la colonisation. Le Cayor était craint, car il était réputé pour ses guerriers prestigieux. La province du Ndiambour, qui était la seule province où les musulmans étaient majoritaires, a plus d'une fois voulu prendre son indépendance, car il ne supportait pas l'animisme des souverains du Cayor. Il réussit plusieurs fois à s'en détacher, mais le Cayor réussit toujours à reprendre la province. Abdul-Kader, un almamy du Fouta-Toro, a un jour voulu lancer un djihad contre le Cayor, il regroupa toute son armée jusqu'aux marigots de la frontière entre le Cayor et le Waalo. Le Ndiambour bien sûr était du côté d'Abdul-Kader et croyait qu'avec ce djihad, la province pourrait prendre son indépendance de façon définitive, mais le damel de l'époque, Amari Ndella Coumba Fall, réunit ses Tiédos qui avaient été mis au courant des intentions d'Abdul-Kader. Celui-ci fut pris par surprise et battu par le Cayor. Le damel prit l'almamy en otage et le garda à sa cour pendant quelques mois de façon à s'assurer que l'almamy n'attaquerait plus le Cayor. Depuis lors, plus aucune guerre sainte ne fut lancée contre le Cayor.

Une autre bataille qui a son importance dans l'histoire du Cayor, est celle qui opposa le chef de la communauté lébou de l'époque, Dial Diop, et le damel Amari Ndella Coumba Fall. C'était en 1812. Le damel persécutait sans cesse les Lébous qui peuplaient la presqu'île du Cap-Vert, vassale du Cayor, puis un jour Dial Diop, décida de mettre fin aux persécutions et livra une bataille contre l'armée du Cayor. Dial Diop gagna et regroupa les populations lébous, pour fonder la République lébou de la presqu'île du cap vert, qui était remarquable dans sa politique sociale et territoriale. La Republique lébou fut aussi créée avec l'aide des musulmans du Diambour, dont certains ont quitté la province pour s'installer sur la presqu'île, lors de la défaite d'Abdoul Kader Kane, sur qui ils ont compté pour islamiser le Cayor tout entier. A la fin du XIXe siècle, Lat Dior Ngoné Latir Diop, l'un des plus grands damels du Cayor, est également considéré comme l'un des plus grands résistants contre la colonisation françaises au Sénégal, au même titre que Alboury Ndiaye, El Hadji Omar Tall ou Samori Touré.

Avec l'arrivée des Européens et le début du commerce atlantique, certains comptoir commerciaux furent construits qui au début payaient des impôts au damel, avant de prendre leur autonomie avec l'impulsion de la colonisation au e siècle. C'est le cas d'abord des territoires qui, comme Dakar, furent cédés aux Européens en vertu d'accords avec les Lébous et le fameux serigne Ndakarru. D'autres territoires, anciens comptoirs de la traite négrière, furent repris aux Portugais (premiers Européens au Sénégal) et par les Français : c'est le cas de Gorée (qui passa aux Hollandais et aux Britanniques plusieurs fois), et Portugal, plus tard Rufisque (Rio Fresco). Au nord, la création du comptoir de traite de Saint-Louis a permis aux territoires limitrophes appartenant au Cayor de s'enrichir et de manifester des velléités d'indépendance.

Le plus célèbre des damels du Cayor – et l'un des derniers – fut Lat Dior, tombé au champ d'honneur le 27 octobre 1886 à la bataille de Dekhele avec deux de ses fils, contre les troupes françaises et les troupes dissidentes du Cayor conduites par le Capitaine Vallois. (Voir rapport du Capitaine Vallois, en date du 27 octobre 1886, relatif à la bataille de Dékheulé au Lieutenant Colonel Vaugny Commandant suprérieur des troupes à Saint Louis - Faidherbe n'était plus au Sénégal à cette époque)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

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