Résistance au nazisme en Alsace-Moselle

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La résistance au nazisme en Alsace et Moselle concerne la résistance dans les trois départements annexés (Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin) à l'Allemagne.

Sommaire

[modifier] Résistance allemande ou française ?

La résistance en Alsace-Moselle est évidemment très spécifique. Si les intéressés étaient ou se considéraient comme Français, les mouvements actifs dans ces pays n'étaient pas membres du Conseil national de la résistance (ce qui compliqua la reconnaissance de leur qualité de résistant après-guerre), ne recevaient aucune aide alliée (armes, radios[1]...) et n'avaient donc que peu de relations avec les autres mouvements en France.

La Moselle est intégrée au Gau de Westmark et l'Alsace devenant "Elsass" rejoint le Gau de Baden-Elsaß, et sont donc des territoires allemands, on ne peut donc l'intégrer à la Résistance intérieure française. Malgré des contacts avec la résistance allemande au nazisme, tels ceux de Georges Wodli, on ne peut pas parler de coordination étroite, la résistance en Alsace-Moselle ne peut être véritablement considérée comme une résistance allemande bien qu'elle se déroule sur le territoire allemand. Les activités résistantes en Alsace-Lorraine ont donc indéniablement un caractère spécifique.

Sur les spécificités de la situation locale, voir les actes du colloque "Annexion et nazification en Europe" (Metz, 7 et 8 novembre 2003), publiés sous la direction de Sylvain Schirmann (Université de Strasbourg), sur le site internet du Mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck [4]

[modifier] En Alsace

voir : réseau Wodli Le cheminot et responsable communiste Georges Wodli joua un rôle déterminant dans l'organisation de la résistance notamment ouvrière en Alsace annexée[2]. Il joua aussi un rôle important en Moselle annexée en rencontrant Jean Burger, instituteur communiste messin, à qui il demanda de structurer la résistance CGT/PC en Moselle (le "Groupe Mario"). D'autres cheminots jouèrent un rôle de premier plan, par exemple Charles Hoeffel ou le jeune apprenti Jean Geiger qui fut l'un des fondateurs de "L'Espoir français"[3].

[modifier] En Moselle

Selon Marcel Neigert, les Mosellans ne sont pas contentés de résister localement: des expulsés, évacués et autres personnes ayant quitté le département se sont engagés aux Forces Françaises Combattantes (Castille, Gallia, Buckmaster...) ou aux Mouvements Unis de la Résistance /Forces Françaises de l'Intérieur. Pour la seule année 1944, les Allemands arrêteront 133 Mosellans (38 dans les FFC, 95 dans les MUR ou FFI).[4]

[modifier] Premiers faits de résistance

Peu après l'entrée des troupes allemandes à Metz le 17 juin 1940, un groupe de lycéens rejoint par des apprentis et quelques employés des postes forment « l'Espoir Français », mais 19 arrestations entre le 18 juin et le 15 juillet 1941 décapitent le mouvement, qui agissait essentiellement par diffusion de tracts et par des tâches de renseignement.

Dès le 12 août une première opération de sabotage sur des lignes téléphoniques est attestée.

Le 15 août, pour la Fête de l'Assomption, un rassemblement a lieu place Saint-Jacques à Metz où sont déposés des bouquets de fleurs bleues, blanches et rouges au pied d'une statue de cette place.

A l'automne 1940, le commandant Scharff et d'autres anciens officiers et sous-officiers forment le groupe « Mission Lorraine ».

[modifier] La population en action

En plus de la manifestation place Saint-Jacques, une autre manifestation aura lieu également le 1er septembre 1942 place de la Préfecture à Metz et à Sarreguemines. Entre autres manifestations symboliques, on peut aussi rappeler le drapeau français hissé sur la mairie d'Hagondange le 11 novembre 1942.

Enfin, de nombreux anonymes ont aidé les résistants matériellement, en informations, en cachant ou ravitaillant des prisonniers de guerre évadés, dont la Moselle est presque un passage obligé vers la France.

Nombre d'anonymes ont participé à des actions plus ciblées, notamment à des filières d'évasion de prisonniers de guerre, comme celui de la religieuse sœur Hélène de l'hospice Saint-Nicolas de Metz, sur tout le département. Les trains de marchandises, les passages dans les usines sidérurgiques à cheval sur la frontière, dans les bois ou en campagne furent autant de moyens de passer une frontière pourtant très surveillée. Plusieurs milliers de jeunes furent réfractaires à l'enrôlement dans la Wehrmacht et le Reichsarbeitsdienst et devinrent donc des clandestins recherchés. Il faut citer les Malgré-nous (mosellans et alsaciens mobilisés contre leur volonté sous l'uniforme allemand, notamment sur le front russe) qui furent nombreux à déserter. Enfin dans la région du Donon, ce sont des maquisards aidés de Russes évadés qui libérèrent quelques villages.

Comme dans le reste de la France, les femmes jouèrent un rôle important dans l'organisation de la résistance même si elles restèrent souvent dans l'ombre. On peut citer l'exemple d'Annie Schulz, qui abrita dans son logement la planque de Jean Burger, alias Mario dans la Résistance ou Margot Durrmeyer, militante des Jeunesses communistes qui joua un rôle important dans la constitution du Groupe Mario[5].

[modifier] Principaux groupes de résistance

Le groupe Mario tient son nom du pseudonyme employé par son animateur principal Jean Printemps, chargé par le communiste Georges Wodli l'activité des militants des chemins de fer, du secteur sidérurgique et du secteur houiller, mission confirmée par le comité national militaire des FTPF et le comité directeur du Front National. Le mouvement divisa son action en 27 secteurs. Pour suivre le parcours de Jean Burger dès les années trente on peut se reporter à sa biographie dans le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français[6]. Une présentation plus complète est issue des actes d'un colloque traitant de la résistance en France annexée tenu à Strasbourg en novembre 2004 sous l'égide de la Fondation entente franco-allemande (FEFA) et de l'Université de Metz[7].

Son action consistait en la formation de groupes de combat de trois personnes, la constitution de dépôts d'armes, l'aide aux évadés, la réalisation et la diffusion de tracts, les sabotages, l'aide aux familles des militants arrêtés et la préparation de la libération. L'action du groupe fut considérable, mais 752 personnes considérées comme appartenant au réseau furent arrêtées entre août et septembre 1944. Mario avait lui été pris en septembre 1943. A la Libération, le groupe est donc très affaibli. Il s'était constitué autour des nombreux ouvriers présents en Moselle industrielle et notamment des immigrés polonais (mineurs de charbon) et italiens (mineurs de fer) qui payèrent un lourd tribut à leur engagement contre le nazisme[8].

Second groupe notable, le groupe Derhan fut fondé par Joseph Derhan, ouvrier à Hagondange qui avait formé en 1942 un groupe nommé "Parti De Gaulle" composé d'une cinquantaine d'ouvriers de la vallée de l'Orne. Actif dans les années 1942 et 1943, le groupe sera démantelé par les Allemands entre janvier et mai 1944. Son principal dirigeant était déjà mort au Fort de Queuleu à Metz. Le groupe s'était donné pour mission l'accumulation d'armes pour la Libération, la propagande pro-gaulliste et l'incitation à refuser l'enrôlement dans la Wehrmacht et le Reichsarbeitsdienst (RAD).

Le commandant Scharff ("Emmanuel") et son groupe « Mission Lorraine », qui ont intégré l'Armée Secrète le 13 mai 1941, puis l'ORA en octobre 1943, plus en retrait jusqu'à l'approche des forces alliées sortirent de l'ombre en meilleur état que les restes des groupes cités plus haut. Ils sont intégrés aux FFI sous les ordres du commandant Krieger ("Gregor"), Scharff devenant son adjoint. Les trois départements annexés formaient la région C4, sous la responsabilité du chef de la région C, le colonel Grandval. Les 4000 FFI du département avaient pour mission de combattre l'armée allemande, de rétablir l'ordre public et une administration civile provisoire. Les FFI désorganisèrent l'arrière des lignes allemandes, facilitant l'avance des troupes américaines.

Toutefois, Scharff et Krieger étaient rivaux, car le premier jugé trop proche du général Giraud; ils ne se rencontrèrent pour la première fois que le 21 novembre 1944 ! Dans les faits, les quatre brigades de FFI de l'ouest du département restèrent sous l'autorité réelle de l'"adjoint" Scharff dont le poste de commandement était situé à Jœuf (Meurthe-et-Moselle), contre un seul pour Krieger, quand les groupes de l'est mosellan restèrent de facto autonomes.

Selon les archives allemandes, 7761 ont été arrêtés, soit plus d'1% de la population, dont 1053 pour appartenance à des mouvements de résistance et 164 pour actes de résistance isolés (2379 car Juifs, 23 pour passage de courrier, etc...). 5812 ont été déportés, 2960 n'en revenant pas; 1798 ont été internés, 96 y mourant. La résistance dans le département fut donc très active, mais beaucoup y laissèrent leur vie.

[modifier] Liens internes

[modifier] Lien externe

[modifier] Sources

  1. Selon Neigert, ce n'est qu'à partir de juillet 1944 qu'un premier poste radio du réseau Mithridate relia la résistance mosellane à la France
  2. Marie-Louise Goergen (sous la direction de), Cheminots et militants. Un siècle de syndicalisme ferroviaire, Paris, Editions de l’Atelier, 2003, p.422 à 424
  3. Sur tous ces cheminots voir leur notices biographiques (souvent accompagnées de photographies inédites) dans Marie-Louise Goergen avec Eric Bélouet (direction), Cheminots engagés. 9500 biographies en mémoire (XIX-XXème siècles), Paris, Editions de l'Atelier, 2007. [1]
  4. Marcel Neigert, La Résistance en Moselle, Cahiers du Cercle Jean Macé n°10, 1983
  5. Laurence Thibault (direction), Les femmes et la Résistance, Paris, AERI-Documentation française, 2006. [2]
  6. Claude Pennetier (sous le direction de), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier – mouvement social français. 1940-1968 (Le Maitron), 1940-1968, tome 2, Paris, Editions de l’Atelier, 2006, p. 430 à 432. [3]
  7. Pierre Schill, « Jean Burger, un itinéraire pacifiste, antifasciste et résistant en Moselle (1932-1945) », dans Alfred Wahl (direction), Les résistances des Alsaciens-Mosellans durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), Metz, Centre régional universitaire lorrain d’histoire, 2006, p. 71 à 90
  8. Sur ce point voir: Pierre Schill, « Les mineurs de charbon étrangers membres du groupe de Résistance ‘‘Mario’’ en Lorraine annexée (1940-1945) », dans Institut d’Histoire Sociale Minière, Mineurs immigrés. Histoire, témoignages (XIXè-XXè siècles), VO éditions, 2000, p. 243 à 261.

[1] [2]