Plan Colombie

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La Colombie vit depuis plusieurs décennies un conflit armé complexe qui oppose des groupes de guérilla (les principaux étant les FARC et l’ELN) à l'État colombien. À partir de la fin des années 1970, ce conflit s'est aggravé à cause de l'émergence de groupes paramilitaires d'extrême droite. Le 20 juin 1998, Andrés Pastrana Arango est élu Président, avec l'espoir de trouver une solution politique négociée au conflit. En accordant aux FARC une zone démilitarisée (le 7 novembre 1998) de 42 000 kilomètres carrés, le gouvernement colombien a permis la reprise, en janvier 1999, de négociations depuis longtemps au point mort. De façon simultanée, le Gouvernement colombien met également en place le plan Colombie (en espagnol, El Plan Colombia), qui est alors considéré par certains secteurs de l'opinion colombienne comme un plan alternatif visant à combattre les guérillas tout en cherchant le dialogue avec elles. Le Plan Colombie est né en partie avec les discours électoraux d’Andrés Pastrana, réclamant une espèce de Plan Marshall, en même temps que des stratégies nouvelles de lutte contre le narcotrafic.

Sommaire

[modifier] Prémices

Le plan Colombie est à la fois une « nouvelle » politique et une continuation de l’engagement passé des États-Unis.

En effet, au début des années 1960, sous le président John F. Kennedy, Washington avait lancé son programme de contre-insurrection en formant des forces militaires spéciales conçues pour attaquer des « ennemis intérieurs ». En Colombie, cela visait les communautés d’autodéfense, particulièrement dans la région de Marquetalia. Le Pentagone a poursuivi par la suite sa présence contre-insurrectionnelle en Colombie.

Le plan Colombie du président Bill Clinton est donc l’extension et l’approfondissement de la « guerre intérieure » du président Kennedy.

Sous Kennedy, la contre-insurrection était justifiée par la menace du communisme international. Aujourd’hui, c’est la menace de la drogue qui est l’argument de cette politique. La seconde différence majeure entre le programme de contre-insurrection de Kennedy et le Plan Colombie de Clinton, c’est l’échelle et l’ampleur de l’intervention. En effet, le Plan Colombie est un programme à long terme, qui se chiffre en milliards de dollars et qui implique des fournitures d’armes modernes à grande échelle. En revanche, le programme de contre-insurrection de Kennedy était plus modeste. Ceci s’explique par le contexte politique qui est différent, que ce soit en Colombie ou dans le monde. Dans les années 1960, les guérillas colombiennes étaient un petit groupe isolé. Or, aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

[modifier] Création du Plan Colombie

Lorsque Andrès Pastrana arrive au pouvoir, il souhaite engager un plan de développement économique qui sortira la Colombie de la violence et du narcotrafic. Pour cela, il comptait mettre en valeur les exportations légales du pays, comme les fleurs, le textile et d'autres produits que les nations plus riches taxent abondamment. Ceci avait pour objectif de valoriser les entreprises et les produits légaux colombiens en les rendant plus accessibles sur les marchés étrangers afin d'inciter paysans et travailleurs à prospérer dans d'autres secteurs que la culture et la transformation de la drogue.

Le plan Colombie a été proposé en août 1998 par le président colombien Andrés Pastrana. Il parlait d’engager des négociations de paix avec les dirigeants des FARC-EP et cherchait surtout à mettre en place un programme de développement social suffisamment structuré qui devrait permettre d'offrir aux paysans une alternative concrète à la culture de la coca. Cette première version du Plan Colombie [1] comprenait plusieurs investissements dans les sphères de la production, l’infrastructure et du développement social. Ces investissements focalisaient notamment les régions les plus pauvres, qui présentaient un haut niveau de violence et une économie illégale fondée sur la culture des drogues. Le but était de permettre le développement de cultures alternatives à la coca

Réclamant aux États-Unis l'aide nécessaire à la réalisation de son plan de développement, Pastrana ne reçut de Washington que des stocks d'armes et du matériel militaire.

Colin Powell lors d'une visite en Colombie, pour appuyer le Plan Colombie.
Colin Powell lors d'une visite en Colombie, pour appuyer le Plan Colombie.

L’administration Clinton et Andrés Pastrana ont décidé en 1999 de mettre en œuvre conjointement un « plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l’État », ce qui n'avait en fait plus rien à voir avec la mission originale que s'était donnée Andrès Pastrana. Le premier objectif déclaré était de mettre fin au trafic de drogue dans ce pays en démarrant une vaste opération de fumigation des cultures de coca, notamment dans le sud de la Colombie, région qui concentre une forte présence des FARC. On a découvert ensuite que le Plan avait en réalité un objectif supplémentaire, celui de vaincre la guérilla. Cet aspect du Plan n’a cependant jamais été reconnu par Washington à l’époque où Bill Clinton était en fonction [1993-2001]. C’est devenu toutefois plus explicite dans les versions ultérieures du Plan conçues par l’administration de George W. Bush, qui a défini le « narco-terrorisme » comme étant l’objectif principal à combattre, associant ainsi la lutte contre la guérilla à la guerre contre la drogue. Conçu et rédigé en anglais, sous l'œil attentif des conseillers du Département d'État américain, mais sans consultation du congrès colombien, le Plan Colombie prévoyait une aide extérieure de 7,5 milliards de dollars à Bogotá, dont 1,3 milliard d'aide américaine, essentiellement militaire. Ce plan était destiné essentiellement à la résolution du problème du narcotrafic, problème considérable pour la Colombie, pays producteur et exportateur, et pour les États-Unis, premier consommateur des stupéfiants produits par la Colombie.

Lorsque les États-Unis ont mis en place le plan Colombie, il était prévu que l’Union européenne prenne part à ce Plan avec une aide de 650 millions d'euros. L'UE s'est retrouvée prise entre d'un côté les États-Unis, le gouvernement Pastrana, certains pays européens qui soutiennent individuellement le Plan (Espagne, Pays-Bas...) et les transnationales qui investissaient déjà sur place et, d'un autre côté, sa propre réticence à entrer dans un conflit armé compte tenu de sa situation actuelle et le début d'une dénonciation de la situation par certaines ONG. Pour l’UE, l’accent devait être mis sur la réforme agraire et sur l’obtention d’une distribution plus équitable des richesses internes plutôt que sur une résolution purement militaire du problème. L’alternative de l’UE a finalement été de proposer une aide de 105 millions d’euros pour la période 2000-2006 avec comme objectif fondamental de promouvoir le respect des droits de l’homme, du droit international humanitaire et des libertés.

[modifier] Objectifs

  • Renforcement des infrastructures judiciaires colombiennes
  • Aide aux paysans et encouragement aux cultures de substitution
  • Développement et protection des droits de la personne
  • Aide humanitaire pour les 2 millions de personnes déplacées par les conflits
  • Équipement militaire et entraînement des soldats et policiers engagés dans la lutte contre la drogue et les FARC

Les stratégies proposées pour atteindre ces objectifs se fondaient essentiellement sur une augmentation de la capacité militaire de lutte contre le narcotrafic et sur la fumigation par agents biologiques des champs de coca, afin de réduire l’étendue de ces cultures. Le plan prévoyait également le financement d’actions sociales (programmes d’éducation, mise sur pied d’infrastructures), mais 70 % des fonds se sont vus destinés aux dépenses militaires.

[modifier] Critiques

Plusieurs gouvernements européens et latino-américains, ainsi que les principales organisations internationales de défense des droits de l'Homme, reprochent au Plan Colombie sa trop grande militarisation. Il ne ferait, en effet, que déplacer les conflits et les trafiquants d'une région vers une autre ou les repousser hors des frontières du pays.

Par ailleurs, les détracteurs du Plan Colombie lui reprochent essentiellement de prendre uniquement pour cible la guérilla marxiste, et de n'exercer aucun contrôle sur les paramilitaires. L'élément le plus critiqué est l'intensification de la destruction des cultures de coca, qui risque de mener tout droit à une « véritable guerre biologique. En effet, les défoliants utilisés pour détruire les plantations sont loin d'être inoffensifs. L'épandage par avion de glyphosate, herbicide puissant et hautement toxique, affecte aussi les cultures vivrières. La terre devient stérile, les sources d'eau ont été contaminées par les agents chimiques utilisés lors des opérations. Le bétail a lui aussi été atteint et de nombreuses bêtes sont mortes. Tout ceci met en danger la sécurité alimentaire et sanitaire des paysans et de leurs familles. La fumigation a ainsi pour conséquence de contraindre les familles au déplacement, parce que leurs champs sont anéantis et qu'elles sont en situation d'insécurité.

[modifier] Résultats

Ce plan, dont l'essentiel ne consiste qu'à renforcer l'armée colombienne et à asseoir davantage les positions américaines en Colombie, a rapidement causé la fin des fragiles pourparlers de paix engagés avec les guérillas marxistes et les FARC. Le 23 février 2002, les pourparlers de paix sont officiellement rompus entre la guérilla et le gouvernement Pastrana. Le lendemain, l'armée colombienne réoccupait la zone démilitarisée, la guerre avec les FARC reprenant de plus belle. En 2002, le Congrès américain a octroyé 625 millions de dollars supplémentaires au Plan Colombie, rebaptisé pour l'occasion « Initiative andine antidrogue ».

L’arrivée massive d’avions de fumigation en 2000 a entraîné l’augmentation du nombre de maladies, des déplacements de population et la destruction massive des cultures légales.

Par ailleurs, le Plan Colombie comprenait aussi des programmes de développement alternatif dans le Putumayo. À travers ces projets, l’objectif était de persuader les paysans de passer des cultures de coca à des cultures légales. Dans le cadre de ce que l’on appelle des « pactes sociaux », les paysans ont une année pour se débarrasser de leur coca en échange d’aides financières. Ils peuvent remplacer leur coca par des cultures légales qui sont supposées être achetées et transportées dans des usines de traitement. Ils peuvent aussi participer à des projets locaux mis sur pied par plusieurs agences internationales. Toutefois, le plan Colombie a accordé beaucoup moins d’importance aux programmes de ce type qu’aux fumigations aériennes. Par conséquent, presque la totalité des projets alternatifs mis en œuvre dans le Putumayo ont échoué, souvent avant même qu’ils aient pu avoir un impact positif sur les communautés locales.

L'échec du plan Colombie a conduit le gouvernement des États-Unis à concevoir et mettre en marche l'Initiative Régionale Andine, rejeté par le Venezuela. Cette initiative montre, au-delà de l'échec du Plan, de quelle façon le conflit interne colombien commence à constituer un sérieux danger pour la stabilité économique, politique, sociale régionale. En effet, les zones frontalières de Colombie, difficiles à contrôler de par leur superficie et topographie, sont utilisées facilement pour le trafic de drogue, d'armes et sont des lieux privilégiés de repos pour les groupes armés illégaux.

[modifier] Références

  1. (es) [http://www.ciponline.org/colombia/plancol98.htm Première version du plan Colombie (publiée en Mai 1999)