Peste de Marseille

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En 1720, la ville de Marseille (France) fut frappée par une épidémie de peste qui provoqua la mort d'un tiers de ses habitants et reste un épisode marquant de son histoire.

Bien que cette ville ait connu d'autres épidémies de peste (la précédente remonte en 1650), celle-ci fut particulièrement remarquable car elle doit son origine à une suite de négligences volontaires : certaines personnes haut placées ne voulaient pas proclamer l'état de peste pour des raisons financières, au plus haut niveau de la cité phocéenne. Ce sinistre épisode marqua aussi les esprits par le comportement en retour de ces hauts personnages : ils prirent le parti de venir au contact des pestiférés pour limiter la catastrophe au sein de la ville.

Gravure d'un contemporain de la Peste (actuel quartier Belsunce)
Gravure d'un contemporain de la Peste (actuel quartier Belsunce)

Sommaire

[modifier] Chronologie

[modifier] Le 25 mai 1720

Un bateau venant de Syrie nommé le Grand Saint Antoine, commandé par le capitaine Chataud accosta à Marseille. Ce bateau chargé d'étoffes précieuses portait les soupçons d'une épidémie de peste.

Pour éviter de perdre la cargaison pendant une quarantaine stricte et pour la vendre au plus vite lors de la foire de Beaucaire, les échevins de la ville :

Armoiries des Échevins
Armoiries des Échevins
  • Jean-Baptiste Estelle
  • Jean-Pierre Moustier (parfois orthographié Moustiers, Moustiés ou Moustiès)
  • Jean-Baptiste Audimar
  • et Balthazar Dieudé

placèrent l'équipage en quarantaine douce dans un dispensaire : le lazaret.

Par négligence, les marchandises de contrebande (la « pacotille ») passèrent l'enceinte du lazaret grâce à la corruption qui y régnait. Les malades qui furent touchés les premiers ont vraisemblablement tous été en contact avec les étoffes de contrebande et il s'avère que les puces porteuses se trouvaient dans les plis des tissus et non sur les rats.

[modifier] Le 20 juin 1720

Avis au public de 1720 concernant l'enlèvement des cadavre morts de la Peste
Avis au public de 1720 concernant l'enlèvement des cadavre morts de la Peste

Rue Belle-Table, une lavandière de 58 ans, Marie Dunplan, meurt après quelques jours d'agonie. Elle a un charbon sur les lèvres. Les médecins n'y prennent pas garde. Comment feraient-ils le rapprochement avec la Peste noire des temps médiévaux ?

[modifier] Le 28 juin 1720

Dans le même quartier, meurt à son tour un tailleur de 45 ans. Deux jours plus tard, c'est au tour de sa femme.

[modifier] Le 9 juillet 1720

Enfin, deux médecins, les Peyssonnel père et fils, se rendent au chevet d'un enfant de treize ans rue Jean-Galant. Et là, tout de suite, ils comprennent : la peste ! Ces deux excellents médecins avertissent les autorités. Il faut aller vite : les victimes de la contagion meurent en moins de deux jours.

[modifier] Août 1720

Evolution du nombre  de morts par jour lors de la peste à Marseille (1720)
Evolution du nombre de morts par jour lors de la peste à Marseille (1720)

Le fléau déferle sur toute la ville pour atteindre près de mille morts chaque jour autour du 30 août 1720, alors qu'on en comptait quotidiennement seulement 70 en juillet.

[modifier] Septembre 1720

Quand on se décide à boucler Marseille, début septembre, il est déjà trop tard : le bacille s'est répandu dans l'intérieur des terres et il faudra encore deux années de lutte pour éradiquer la peste du Languedoc et de la Provence. On tente de s'en protéger, sans succès, en construisant le Mur de la peste dans les Monts de Vaucluse.

Face à cette épidémie sans précédent, Mgr Belsunce alors évêque de Marseille, décide de rendre visite aux malades en leur administrant les derniers sacrements. On le vit aussi distribuer d'abondantes aumônes afin de soulager ses ouailles.

Au côté de Mgr Belsunce, on trouva aussi des personnalités telles que :

  • le Chevalier Roze,
  • l'archiviste Capus,
  • le sécrétaire Pichatty de Croissainte
  • le peintre Michel Serre,
  • le docteur Peyssonnel,
  • le docteur Bertrand,
  • le directeur de l'hôpital Bruno-Garnier
  • le lieutenant de l'amirauté Gérin-Ricard

[modifier] Épilogue

La peste sévit dans la ville jusqu'à la fin du mois d'octobre 1720 et fit environ 40 000 victimes marseillaises, soit près d'un tiers de la population. Au sortir de ce triste épisode, Mgr Belsunce plaça la ville sous la protection du Sacré Cœur de Jésus lors d'une messe célébrée le 1er novembre 1720, qui vit les échevins prononcer le vœu d'un engagement permanent qui se traduisait par une procession et une messe durant laquelle on faisait l'offrande d'un cierge de 4 livres aux armes de la ville.

Marseille connut une rechute en août 1722, mais qui ne fit cette fois que 260 morts. À l'intérieur des terres, on compte environ 50 000 victimes en Provence et 50 000 autres dans le Gévaudan.

Depuis :

  • une statue à l'effigie de Belsunce a été érigée initialement sur le Cours (actuel Cours Belsunce) puis plusieurs fois déplacée. Elle est actuellement sur le parvis de la Cathédrale de la Major,
  • on retrouve dans le centre de la ville des rues au nom des échevins,
  • jusque dans les années 1940, pour dire merde, les Marseillais prononçaient parfois le nom de Moustier,
  • la cérémonie d'engagement permanent a lieu dans l'église du Sacré-Cœur du Prado tous les ans
  • Une plaque commémorative fut créée en mémoire aux échevins. Celle-ci est visible au Musée d'Histoire de Marseille et on y peut lire :

A L'ETERNELLE MEMOIRE
DES HOMMES COURAGEUX DONT LES NOMS SUIVENT

LANGERON, COMMANDANT DE MARSEILLE
DE PILLE, GOUVERNEUR VIGUIER
DE BELSUNCE, EVEQUE;
ESTELLE, PREMIER ECHEVIN;
MOUSTIER  \     
AUDIMAR    > ECHEVIN
DIEUDE    /
ROSE, COMMISSAIRE GENERAL
POUR LE QUARTIER DE RIVE NEUVE
MALAI, JESUITE, COMMISSAIRE
POUR LA RUE DE L'ESCALE;
SERRE, PEINTRE CELEBRE, ELEVE DE PUGET
ROSE, L'AINE ET ROLLAND, INTENDANT DE SANTE
CHICOINEAU, VERNY, PEISSONNEL,
MONTAGNIER, BERTRAND,
MICHEL ET DEYDIER, MEDECINS.

ILS SE DEVOUERENT POUR LE SALUT DES MARSEILLAIS
DANS L'HORRIBLE PESTE DE 1720.

[modifier] Actualité de la recherche

En 1998, une excavation d'un charnier des victimes de l'épidémie de peste bubonique fut conduite par des étudiants de l'Université de la Méditerranée. L'excavation fournit l'occasion d'étudier plus de 200 squelettes provenant du deuxième district de Marseille connu sous le nom de Monastère de l'Observance. En plus des tests de laboratoires modernes, les archives furent étudiées pour déterminer les conditions et les dates entourant l'utilisation de ce charnier. Cette approche multidisciplinaire révèla des faits et des renseignements inconnus auparavant concernant l'épidémie de 1722. L'un des corps présentait la première attestation historique d'autopsie. La reconstitution du crâne d'un garçon de 15 ans indique qu'une autopsie fût pratiquée durant le printemps de 1722. Les techniques d'anatomie utilisés semblent être identiques à celles décrites dans un livre de médecine datant de 1708.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Autres

  • (fr) Paul Gaffarel et le marquis de Duranty, La Peste de 1720 à Marseille & en France, Perrin et Cie, Paris, 1911. lire en ligne à la BIUM de Paris disponible sur Gallica
  • (fr) Marius Dubois, Paul Gaffarel et J.-B. Samat, Histoire de Marseille , Librairie P. Ruat, Marseille, 1913.
  • (fr) Marcel Pagnol, Le Temps des Amours, chapitre 9 : Les Pestiférés.
  • (fr) Jean-Jacques Antier, Autant en apporte la mer, Presses de la cité, Paris, 1993. ISBN 2-258-03561-9
  • (fr) Jean Contrucci, Histoire de Marseille illustrée, Pérégrinateur éditeur, Toulouse, 2007. ISBN 2-910352-49-8

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