Paysage d'hiver

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Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver, 1565, Anvers, musée des Beaux-arts
Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver, 1565, Anvers, musée des Beaux-arts
Hendrik Avercamp, Paysage d'hiver, c. 1610, 78 x 132 cm, Amsterdam, Rijksmuseum
Hendrik Avercamp, Paysage d'hiver, c. 1610, 78 x 132 cm, Amsterdam, Rijksmuseum
Esaias van de Velde, 1618, 29 x 50 cm, Munich, Alte Pinakothek
Esaias van de Velde, 1618, 29 x 50 cm, Munich, Alte Pinakothek
Isaac van Ostade, 1640/45, 33,5 x 40 cm, Dresde, Gemäldegalerie
Isaac van Ostade, 1640/45, 33,5 x 40 cm, Dresde, Gemäldegalerie
Aert van der Neer, 1648, Londres, National Gallery of England
Aert van der Neer, 1648, Londres, National Gallery of England
Aert van der Neer, Rivière gelée en hiver, c. 1650, 64 x 79 cm, Rijksmuseum, Amsterdam
Aert van der Neer, Rivière gelée en hiver, c. 1650, 64 x 79 cm, Rijksmuseum, Amsterdam

Paysage d'hiver ou Scène d'hiver est le titre donné à de nombreux tableaux de peintres flamands et néerlandais du XVIe siècle et XVIIe siècle. L'ensemble de ces œuvres compose un genre particulier de la peinture de paysages.

Sommaire

[modifier] Histoire

Le peintre flamand Pieter Bruegel l'Ancien (1525-1569) peut être considéré comme le créateur de la tradition du paysage hivernal, particulièrement développée en Hollande par Hendrick Avercamp (1585-1634) « le meilleur peintre de scènes d'hiver[1] ».

Une large part de ces peintures figurent de nombreux patineurs et joueurs de golf évoluant sur des rivières ou canaux gelés. C'est que, chez les Hollandais, « le sport hivernal était le patinage », explique Paul Zumthor. « Durant les quelques semaines où lacs et canaux étaient gelés, personne ne quittait plus ses patins. Jeunes et vieux, hommes et femmes, prédicants, magistrats, princes, tout le monde vivait sur la glace. On se passionnait, il y avait des champions célèbres », ajoute-t-il, précisant qu'« à La Haye, les jeunes nobles organisaient des courses de traîneaux sur les canaux proches du palais[1] ».

[modifier] Peintres flamands et néerlandais de paysages d'hiver

  • Pieter Bruegel l'Ancien (Brueghel, près de Breda, c. 1525 - Bruxelles, 1569)
  • Pieter Bruegel le Jeune (Bruxelles, 1564 - Anvers, 1638), fils de Pieter Bruegel l'Ancien
  • Jacob Grimmer (1595 - ?)
  • David Vinckboons (Malines, 1576 - Amsterdam?, c. 1633)
  • Pieter Balten (actif c. 1596)
  • Joos de Momper (Anvers, 1564 - Anvers,1635)
  • David Vinckboons (Malines, 1576 - Amsterdam, vers 1632)
  • Hendrick Avercamp (Amsterdam, 1585- Kampen, 1634)
  • Adam van Breen (Amsterdam, 1585 - Norvège, 1646)
  • Adriaen van de Venne (Delft, 1589 - La Haye, 1662)
  • Esaias van de Velde (Amsterdam, 1587 - La Haye, 1630)
  • Christoffel van den Berghe (vers 1590 - après 1642)
  • Mattheus Molanus (vers 1590 -1645)
  • Jan van de Velde (1593 - 1641)
  • Antonie Verstralen (Gorkum, 1593/4 - Amsterdam, 1641)
  • Jan van Goyen (Leyde, 1596 - La Haye, 1656)
  • Philippe de Momper (Anvers c. 1598 - c. 1634)
  • Salomon van Ruysdael (Naarden, 1600-1603 - Haarlem, 1670)
  • Aert van der Neer (Amsterdam, 1603/4 - Amsterdam, 1677)
  • Rembrandt van Rijn (Leyde, 1606 - Amsterdam, 1669)
  • Barent Avercamp (Kampen, 1612-1672 ou 1679), neveu ou frère cadet d'Hendrick Avercamp
  • Philips Wouwerman (Haarlem, 1619 - Haarlem, 1668)
  • Aelbert Cuyp (Dordrecht, 1620-1621 - Dordrecht, 1691)
  • Adriaen Verdoel (vers 1620 - après 1695)
  • Isack van Ostade (Haarlem, 1621 - Haarlem, 1649)
  • Jan Steen (Leyde, 1625 - Leyde, 1679)
  • Jan van de Cappelle (Amsterdam, 1626 - Amsterdam, 1679)
  • Klaes Molenaer (Haarlem, av. 1630 - 1676)
  • Adriaen van de Velde (Amsterdam, 1636 - Amsterdam, 1672)

[modifier] Interprétations

Selon Bernard Lamblin, « le paysage d'Hiver est au XVIIè siècle le paysage hollandais par excellence. Les peintres hollandais ont rencontré peu de concurrence sur ce terrain ». « Reste qu'il est rare », ajoute-t-il, « qu'ils offrent une image de cette saison dépouillée de son cortège d'incidents pittoresques. C'est que la présence de l'homme et de ses jeux se laisse moins facilement oublier dans les scènes hivernales; c'est aussi que le joug de la tradition flamande y est plus lourd à secouer. L'ombre des paysages allégoriques des « Saisons » et des « Mois » n'a pas totalement cessé de se projeter sur nombre de paysages hivernaux » [2]. On ne peut cependant conclure de ces « survivances » que les peintres hollandais ne se soient pas intéressés à la Nature elle-même : « si l'homme est toujours présent, il ne joue pas le premier rôle ».

Bernard Lamblin développe ainsi une comparaison entre les natures mortes et les paysages hollandais. Le relatif effacement de l'homme que manifeste cette peinture de paysages signifie-t-il qu'elle « cherche à nous faire sentir le caractère fragile de son existence, l'absurdité de son agitation face au devenir éternel de la Nature? Certainement pas. »[3] La Nature morte hollandaise est « remplie d'allusions à notre finitude »[4]. « Foncièrement anthropocentrique »[5], elle fourmille, à travers la dimension symbolique des objets qu'elle rassemble, chandelles, montres ou lépidoptères, d'« allusions à notre condition temporelle »[6]. Au contraire, « le paysage présente un monde où nous sommes chez nous, une nature qui ne proclame ni n'insinue que notre existence est précaire. Ce serait plutôt l'expression tacite d'un contentement que nous découvrons dans le paysage des Pays-Bas, le sentiment que ce coin d'univers n'est pas grandiose, mais qu'il est le point d'ancrage de notre pouvoir humain. »[7]

[modifier] Philosophie

À propos de la peinture hollandaise le philosophe Hegel emploie dans son Esthétique l'expression « le dimanche de la vie », qui conviendrait particulièrement à la peinture de Paysages d'hiver.

Alors même que l'art hollandais, écrit-il, « passe des sujets insignifiants et grossiers aux scènes de la vie paysanne, à la nature grossière et vulgaire, ces scènes sont tellement pénétrées de naïve gaieté et de joie spontanée que ce sont cette gaieté et cette joie qui semblent constituer le vrai contenu, et non la grossièreté et la vulgarité des scènes. (...) Le moment idéal réside justement dans cette licence exempte de soucis : c'est le dimanche de la vie, qui nivelle tout et éloigne tout ce qui est mauvais; des hommes doués d'une aussi bonne humeur ne peuvent être foncièrement mauvais ou vils »[8].

[modifier] Postérité de ce thème

Le peintre italien Francesco Foschi ( 1710-1780) est célèbre pour ses nombreux paysages d'hiver, de même, le dernier représentant de la dynastie des peintres van Loo: Jules-César-Denis van Loo (1743-1821).

Au XXe siècle il serait encore possible de trouver une lointaine postérité du Paysage d'hiver flamand et néerlandais dans plusieurs peintures non figuratives de Manessier. Bernard Ceysson met ainsi en rapport les « paysages hollandais » qu'il réalise en 1955 et 1956, après un voyage en Hollande en février 1955, avec l'œuvre d'Avercamp. Fête en Zeeland (1955) lui semble ainsi « devoir être mis en parallèle avec L'Hiver d'Hendrick Avercamp ». « On sait », ajoute-t-il, « que Manessier a peint, en hommage à cet artiste, une petite étude », datée 1969, « reprenant dans sa forme en tondo celle de Scène d'hiver avec patineurs près d'un château » (Mauritshuis, La Haye).[9]

[modifier] Jugements

« Cependant ces petits maîtres amenuisèrent leurs images à l'anecdote amusante de promeneurs, de patineurs, d'un repas de paysans. Conteurs et indifférents à l'unité d'impression, ils ne résistèrent pas à la joie d'une tache vive, un vermillon qui étonne parmi les gris et les blancs. Ils n'ont surtout jamais fait qu'un paysage indéfiniment répété, Arentsz des pêcheurs dans les polders, Avercamp le patinage. »

Robert Genaille[10]

[modifier] Notes et références

  1. ab La vie en Hollande au XVIIe siècle, introductions de Paul Zumthor, Musée des arts décoratifs, Paris, 1967, np., notice n° 84
  2. Bernard Lamblin, Peinture et temps, Librairie Méridiens-Klincksieck, 1983, p. 372
  3. op. cit. p. 372
  4. op. cit. p. 372
  5. op. cit. p. 602
  6. op. cit. p. 610
  7. op. cit. p. 372
  8. Hegel, Esthétique, traduction S. Jankélévitch, troisième volume, collection Champs, Flammarion, Paris, 1979, p. 314. Raymond Queneau reprend l'expression pour titre de l'un de ses romans publiée en 1952
  9. Manessier, textes de Bernard Ceysson, Jean-Marie Lhôte et Christine Manessier, La Renaissance du Livre, Tournai, 2000, p.22, (ISBN 2804604217)
  10. Robert Genaille, La peinture hollandaise, Éditions Pierre Tisné, Paris, 1956, p. 26

[modifier] Bibliographie

 : source utilisée pour la rédaction de cet article

  • Robert Genaille, La peinture hollandaise, Éditions Pierre Tisné, Paris, 1956.
  • La vie en Hollande au XVIIè siècle, Exposition organisée par l'Institut néerlandais, introductions de Paul Zumthor, Musée des arts décoratifs, Paris, 1967, np
  • Bernard Lamblin, Peinture et temps, Librairie Méridiens-Klincksieck, Paris, 1983 (ISBN 2-8594-4072-0) et (ISBN 2-8655-3053-5); (2e édition, 1987) (ISBN 2-8656-3132-X)).
  • en Peter C. Sutton, Masters of 17th-Century Dutch Landscape Painting, textes de Peter C. Sutton, Simon Schama et Alain Chong, Rijsksmuseum, Amsterdam - Museum of Fine Arts, Boston - Philadelphia Museum of Art, 1987, 564 p (ISBN 0-87846-281-1).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes (à des images de Paysages d'hiver)

  • [2] Jean Van Goyen, Patineurs devant un château médiéval, 1637, 42 x 57 cm, Musée du Louvre
  • [3] Jean van Goyen, Hiver, 1625, 44 x 44,5 cm, Rijksmuseum, Amsterdam
  • [4] Essias van de Velde, Paysage d'hiver, 1623, 25,9 x 30, 4 cm, National Gallery, Londres
  • [5]Jan van de Capelle, Scène d'hiver, 1652/3, 51,5 x 67,4 cm, Rijksmuseum, Amsterdam