Utilisateur:Pascal57

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Mais que cache le Soleil sous sa surface ? Pour dévoiler et mettre à nu notre étoile … il suffit de rester à son écoute. En effet sous cette apparente (et trompeuse) tranquillité, le Soleil est secoué par des vibrations provoquées par la propagation de sons en son sein. Leur « écoute » constitue le seul et unique outil des astrophysiciens pour explorer le Soleil (et les étoiles) de la surface au cœur. Avant de décrire plus en détail cette jeune science qu’est la sismologie des étoiles, arrêtons-nous un instant pour répondre à une question très simple, et pourtant essentielle : pourquoi explorer et comprendre le Soleil ? Le Soleil est l’étoile la plus proche de nous. C’est la seule que l’on peut observer avec autant de détails. Elle constitue notre pierre de Rosette et joue un rôle clé dans notre connaissance de l’évolution stellaire et de la vie des autres étoiles. On comprend donc que son étude soit fondamentale. De plus, par son rôle de source de lumière et de chaleur, le Soleil influence grandement la Terre et son environnement. À cela s’ajoute le cycle solaire dont les variations du rayonnement et des particules émises ont un impact direct, que ce soit sur le climat ou sur nos systèmes de télécommunications. Enfin, le Soleil est un laboratoire unique pour étudier et tester des processus physiques dans des conditions irréalisables sur Terre. Le Soleil est un objet à la fois riche de par les phénomènes qui s’y déroulent et de par ce qu’il peut apporter à notre connaissance de la Terre et de l’Univers.

Être à l’écoute

Quelle information a-t-on sur l’intérieur du Soleil en l’observant ? On peut mesurer sa température de surface, sa luminosité, et son spectre d’absorption nous renseigne sur sa composition chimique. Mais ce ne sont des informations que sur sa surface... Seuls les neutrinos détectés, produits au cœur du Soleil, transportent une information sur les conditions régnant en son centre. Notre vision du Soleil est donc très vite limitée. Le seul outil nous permettant de le sonder en profondeur, et de l’éplucher comme un oignon, consiste à utiliser les propriétés de ses modes propres d’oscillations pour obtenir une information sur sa structure et sa dynamique interne. De plus l'utilisation de propriétés des spectres d'oscillations obtenus donne un accès direct aux grandeurs fondamentales que sont la masse et le rayon de l'étoile ainsi que l'inclinaison de l'axe de rotation de l'étoile par rapport à l'observateur. Au début des années soixante, une équipe d'astronomes solaires s'est intéressé à la convection dans la photosphère en étudiant le spectre du disque, par mesure de vitesse Doppler. Ces observations mirent en évidence la présence d’oscillations de la surface solaire, de faible amplitude (quelques cm/s), avec une période d’environ 5min pour le maximum d'amplitude. Il faudra attendre la décennie suivante pour comprendre théoriquement ce phénomène comme la manifestation de la propagation d’ondes sonores dans le Soleil. D’autres observations, par des télescopes au sol d'abord avant l'avènement de missions spatiales spécialement dédiées, vinrent confirmer ultérieurement à la fois cette découverte et la théorie via la vérification de ses prédictions. Les propriétés de ces oscillations dépendant des variations des conditions physiques et des mouvements de l’intérieur stellaire, la sismologie stellaire offre la possibilité de sonder une étoile de la même manière que les séismes renseignent les géophysiciens sur la structure du globe terrestre (cf. Figure 1).

Pourquoi le Soleil oscille-t-il ? Celui-ci, ou tout autre étoile, peut être assimilé à une cavité résonante. Sous l’action d’un mécanisme d’excitation, des ondes (des modes propres) sont générées et se propagent. Pour le Soleil, il s'agit essentiellement de modes acoustiques. C’est la même chose que pour un instrument de musique, une batterie, par exemple, composée de caisses de diamètres différents. Frappée, chacune va résonner à une fréquence différente en fonction de son diamètre, la grosse caisse sonnant plus grave que la caisse claire. C’est la même chose pour une étoile sauf que ce sont des milliers d’ondes sonores à autant de fréquences différentes qui sont excitées simultanément. ayant un diamètre de 1400000km, le Soleil « sonne » à une fréquence très basse, autour de 3 mHz, plusieurs dizaines d’octaves en dessous du seuil accessible à l’oreille humaine (de 16 à 20000 Hz). Il existe différents mécanismes d’excitation des oscillations stellaires, par exemple liés aux variations de l’opacité influençant le transport de l’énergie, ou liés aux violents mouvements convectifs à la surface d'étoile de type solaire. Ainsi différents types d'ondes peuvent être excités. Dans le cas du Soleil, et des étoiles semblables, de violents mouvements de convection à l’œuvre dans les couches superficielles, se traduisant par la granulation observée à sa surface (cf. image de gauche de la figure 1) excitent des ondes sonores. Les différents types d’ondes se propageant dans et à la surface du Soleil sont :

  • les modes de pression : ce sont des ondes acoustiques, oscillations dont la force de rappel est la pression du gaz. Ces modes sont générés dans la zone convective par la convection turbulente de surface. Ils se propagent à travers toute l’étoile, de la surface au cœur, et leur trajectoire est déterminée par les variations de la vitesse du son.
  • les modes de gravité : oscillations dont la force de rappel est la poussée d'Archimède. Ils sont confinés dans la zone radiative mais sont évanescents dans la zone convective, ce qui rend leur détection très difficile à la surface où ils atteignent une très faible amplitude (quelques mm/s) noyées dans le bruit solaire. Ceci explique qu'ils ne soient pas encore détectés sans ambiguïté. Ils sont indispensables pour pouvoir explorer en détail la structure et la dynamique dans le cœur du Soleil, où l'utilisation des modes p atteint ses limites.
  • les modes « f » : ce sont des modes présentant les mêmes caractéristiques qu’une onde de gravité de surface (comme des vagues). Ils sont utilisés pour sonder les régions les plus superficielles du Soleil.

L’amplitude des oscillations joue un rôle important dans leur détection et leur mesure, et impose des contraintes plus ou moins sévères sur les conditions d’observation. Les étoiles de type solaire présentant des oscillations de très faibles amplitudes nécessitent des observations continues et de longues durées pour sortir un spectre de bonne qualité, avec une résolution et une précision suffisantes pour estimer les caractéristiques du spectre.(cf. Figure 2)

Au cœur du Soleil

Une fois les fréquences des oscillations solaires mesurées, l’étape suivante consiste à en extraire au mieux l’information contenue sur la structure et la dynamique solaire. Pour se faire, il existe différentes techniques dont le principe reste de comparer les fréquences mesurées avec des modèles, puis de corriger ceux-ci pour améliorer l’accord avec les observations. On peut ainsi mentionner les méthodes inverses permettant de remonter à partir des observations à la structure de l'étoile.

À l'instar de la physique des particules et de la cosmologie, l’évolution stellaire a aussi son modèle standard. Celui-ci offre une description simplifiée (et loin d’être simpliste) de la vie d'une étoile, des processus à l’œuvre en leur sein (diffusion chimique, transport de l'énergie), et nécessite l’introduction d’ingrédients physiques (réactions nucléaires, composition chimique …). La confrontation entre les modèles et les observations sismiques ont permis une grande avancée dans notre compréhension du Soleil et des étoiles, grâce à l’amélioration des modèles utilisés et de leurs prédictions.

La première contribution de la sismologie a ainsi été la détermination de la stratification interne du Soleil (cf. Figure 3). Une des caractéristiques ainsi déterminées fut le profil de vitesse du son (pouvant atteindre plusieurs centaines de km/s) en fonction de la profondeur. Cette quantité dépend fortement des variations des paramètres physiques (température, densité, pression), dont le gradient de température. Or de celui-ci dépend le processus de transport de la chaleur du centre à la surface. Les transitions entre les différentes régions du Soleil peuvent ainsi être identifiées, dont la base de la zone convective, délimitant la région où s’effectue le mélange (et l’homogénéisation de la composition chimique observée à la surface solaire).

Une autre contribution majeure concerne le problème du déficit des neutrinos solaires. Les neutrinos sont particulièrement délicats à détecter mais l’amélioration des performances des détecteurs terrestres permit la mesure du flux de neutrinos captés sur Terre. Or ce flux était toujours dramatiquement bas par rapport aux prédictions théoriques du modèle standard du Soleil. L’héliosismologie apporte des contraintes importantes sur les conditions dans le cœur nucléaire du Soleil auxquelles le flux émis est très sensible (proportionnel à la puissance 24 de la température dans le cœur) et de le prédire. Le déficit observé a été expliqué en découvrant l'existence de l'oscillation des neutrinos, leur transformation dans les différentes saveurs auxquelles les détecteurs ne sont pas tous sensibles. Cette découverte a mis en évidence la robustesse du modèle solaire et est un excellent test pour la sismologie solaire.

D'autres propriétés du plasma solaire ont pu être testées en détail. Les propriétés thermodynamiques du plasma solaire variant dans les couches externes, l’étude de leurs variations a permis d’analyser l’équation d’état et la composition chimique du plasma, notamment l’abondance de l’hélium dans la zone convective (celui-ci ne pouvant être mesuré dans le spectre d’absorption du Soleil). La valeur trouvée était bien plus faible que celle attendue, correspondant à l’abondance lors de la formation du Soleil. Ce déficit a été compris comme résultant d’un processus de sédimentation de l’hélium et des éléments plus lourds au sein de la zone convective vers la zone radiative depuis l'apparition du Soleil. Ce mécanisme a ainsi pu être introduit dans les modèles d’évolution stellaire et améliorer leurs prédictions. De même l’âge du Soleil a été contraint précisément, 4.57 ± 0.11 milliards d'années, apportant ainsi de fortes indications sur l’âge d’autres étoiles.

Pas si calme que ça !

L’héliosismologie a aussi révélé la complexité de la dynamique interne du Soleil, jusqu’alors invisible et inconnue. L’observation de la surface solaire montre qu’il tourne plus vite à l’équateur (en 25 jours) qu’aux hautes latitudes (35 jours) sans que l'on sache comment cette rotation s'établit et évolue avec la profondeur. La sismologie globale (l’utilisation des modes propres de bas degré dont ceux qui se propagent jusqu’au cœur) a permis de répondre à cette question. Le profil de rotation solaire a ainsi été déduit du spectre d'oscillations solaires grâce à des techniques mathématiques adaptées (cf. Figure 4).

Dans la zone convective, la rotation varie principalement en latitude : elle est plus rapide à l’équateur qu’aux pôles, concordant avec la rotation de surface mesurée. Aux moyennes et faibles latitudes, a été découverte une couche superficielle où prend place un cisaillement dû à la rotation différentielle, proposée pour expliquer la migration des taches solaires des latitudes moyennes vers l’équateur. Au contraire la zone radiative connaît une dynamique toute différente puisqu’elle présente une rotation solide : elle tourne d’un seul bloc. La transition entre ces deux régions, dynamiquement très différentes, se fait près de la base de la zone convective au travers d’une couche de fort cisaillement, la tachocline. Cette zone est supposée jouer un rôle important dans le mécanisme de production du champ magnétique solaire via l’effet dynamo dont la compréhension est un des défis actuels de la physique stellaire.

Enfin malgré ces découvertes, on n’a pas encore accès à la dynamique du cœur solaire, pour lequel seule l’utilisation des modes de gravité, non encore découverts sans ambiguïté, est nécessaire. La sismologie globale a offert la possibilité de découvrir les larges mouvements au sein du Soleil comme jamais mais ne donne pas accès aux mouvements locaux, à plus petite échelle. Il faut alors faire employer la sismologie locale, technique récente utilisant les modes hauts degrés, les plus superficiels. Elle a permis de mettre en évidence la présence de nouveaux mouvements entre l’équateur et les pôles (la circulation méridienne). Elle a aussi permis la cartographie en 3D des écoulements locaux dans les couches les plus externes de la zone convective ou encore de révéler la dynamique sous les taches solaires (cf. Figure 4).

Pas de jalouses !

Alors que la sismologie du Soleil connaît son âge d’or, la sismologie stellaire est encore bien jeune. Bien que la découverte de la pulsation des étoiles remonte à la fin du XVIIIème siècle (les fameuses céphéides utilisées pour calibrer les mesures de distances galactiques), ce n’est que très récemment, en 2000, que fut confirmée la détection d’oscillations semblables à celles du Soleil dans une autre étoile. Suite aux nombreux succès de la sismologie pour sonder l’intérieur solaire, l’astérosismologie connaît depuis un développement important avec notamment les missions spatiales MOST*, COROT* ou encore le projet de réseau de télescopes au sol SONG*. De nombreuses étoiles, couvrant un large spectre de masses, d’âges, de stades d’évolution, sont connues pour présenter des oscillations. Le défi est de pouvoir mesurer leur spectre d’oscillations avec suffisamment de précision et de résolution pour en déduire la meilleure information sur leur structure et les processus physiques qui les habitent. Une meilleure connaissance de l’évolution stellaire passe nécessairement par le sondage et l’exploration des différents types d’étoiles dans leurs différents stades d’évolution. Cela revient à balayer les populations d’étoiles dans le diagramme HR (cf. Figure 6) puisque la vie et les processus physiques au sein des étoiles différent en fonction de leur position sur ce diagramme.

L’astérosismologie permet et permettra à n’en pas douter de faire de nouvelles avancées dans notre compréhension de la vie des étoiles et par conséquent de notre univers. Mais la qualité de l’information obtenue possède des limites et des contraintes assez fortes. En effet on ne peut pas observer les étoiles comme on observe le Soleil, c’est-à-dire sur de longues durées (de quelques mois à quelques années), en continu et en détail. Leur observation est limitée à la fois en résolution spatiale (on n’a accès qu’aux modes globaux) et fréquentielle (on ne peut atteindre la précision solaire).

Et maintenant …

L’exploration sismique du Soleil nous a révélé la complexité de l’intérieur du Soleil et notre vision en a été révolutionnée mais aussi celle de la vie des étoiles. De nombreuses et nouvelles questions se posent aux astrophysiciens pour comprendre la dynamique qui prend place dans les étoiles. Les nombreuses missions programmées pour la prochaine décennie (SDO* (2008-2013), PICARD* (2008-2011), COROT (2006-2009), Dynamics*…) permettront de s’attaquer à de nouveaux défis et objectifs : suivre l’évolution de la dynamique interne du Soleil, comprendre l’origine de l’activité solaire (et stellaire) et son impact sur la Terre et son environnement … En bref atteindre une vision complète et dynamique du Soleil, du cœur aux taches solaires. L’astérosismologie quant à elle constitue une nouvelle étape nécessaire pour comprendre la vie mouvementée des étoiles. Il est certain que les années nous réservent bien des surprises et de nouvelles interrogations. Restez à l’écoute ! (cf. Figure 5)

Webographie :

  • Le Soleil et la sismologie au Service d'Astrophysique du CEA : [1]
  • Le Soleil à l'Observatoire de Paris : [2]
  • Le site de la mission COROT : [3]
  • Le Soleil vu par SoHO (en anglais) : [4]
  • L'acoustique du Soleil, par R.A. García et S. Couvidat, dans "Le monde des sons", 2001, Dossier n°32 de Pour la Science
  • Le cours de J. Christensen-Dalsgaard sur la sismologie des étoiles (en anglais) : [5]
  • Le cours de B. Mosser sur la sismologie et la structure des étoiles (en français):[6]
  • Une revue sur la sismologie locale (en anglais) : [7]