Discuter:Paritarisme

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[modifier] Origines historiques de la notion de paritarisme

De même que pour l'article sur les conseils des Prud'hommes il faudrait élargir les références historiques concernant la naissance de cette notion de paritarisme, son origine récente de 1948 n'étant pas, à mon avis, suffisante.

[modifier] Article trouvé sur le site de la CFDT

(http://www.cfdt.fr/actualite/protection_sociale/assurance_maladie_sante/archives/dossier_paritarisme_01.htm)

Paritarisme

Une saga aux multiples rebondissements

L'histoire du paritarisme en France est celle d'un enjeu fondamental : la maîtrise des garanties dont bénéficient les assurés et la légitimité des acteurs qui y prétendent. Contrairement à d'autres modes de couverture, à l'œuvre dans les pays dits « Beveridgiens », la protection sociale française est en effet essentiellement liée au monde du travail, dans la logique d'un système « Bismarckien ». Ce qui peut expliquer l'attachement quasi viscéral des Français à une sécu, souvent conçue comme un droit ouvert et intangible.

À partir du moment où on considère que la protection sociale est étroitement attachée au travail et non au simple fait d'être un « résident » se pose la question de savoir qui doit la gérer. « Nous », disent les patrons dès la fin du XIXe siècle, s'appuyant essentiellement sur la retraite. C'est ainsi que se développent des caisses patronales propres à l'entreprise, généralement dans la grande industrie. Avec un objectif : stabiliser la main-d'œuvre, qui doit faire carrière dans le même établissement pour faire valoir ses « prétentions », puisque les prestations ne sont pas encore considérées comme des droits mais comme une libéralité patronale.

1.- L'État absent à l'origine Contrairement à ce que nous connaissons aujourd'hui, l'État, à cette époque, n'existe pratiquement pas dans ce domaine. Il intervient en 1894 pour organiser les retraites des mineurs et en 1895 pour fixer les règles de gestion des fonds perçus par les caisses de retraite, quel que soit leur secteur d'activité. Essentiellement pour garantir les cotisants contre une faillite de l'institution de prévoyance à laquelle ils sont affiliés. Mais les rudiments de protection sociale mis en place sont essentiellement le fait des employeurs. Ils obtiendront que la première législation générale, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes (ROP) du 5 avril 1910, permette que leurs caisses puissent intégrer le nouveau dispositif de prévoyance obligatoire en conservant leur statut propre, pour peu qu'elles alignent leurs prestations sur celles prévues par la loi. Celle-ci stipule que les conseils d'administration des caisses d'entreprise sont composés de six membres, trois représentants de l'employeur et trois pour les ouvriers affiliés. Elle ouvre également la possibilité de créer des caisses, également paritaires, à l'initiative de sociétés de secours mutuel ou de syndicats professionnels (la loi de 1898 les autorise sous forme mutualiste), et des caisses territoriales, départementales ou régionales, soumises, elles à un régime tripartite (égalité de représentation des assurés, des employeurs et de l'État). La logique de la loi de 1910 est qu'une contribution égale entraîne une représentation égale. Mais nombre de caisses patronales continueront de fonctionner en marge de la loi en mettant à profit les imprécisions législatives. En outre, la prédominance patronale dans les conseils d'administration est d'autant plus forte que les employeurs désignent le plus souvent les représentants ouvriers et qu'ils s'appuient, dans les caisses territoriales, sur un très actif réseau de sociétés de secours liées au patronat chrétien.

La bagarre des années 1920 Le débat sur le paritarisme revient sur le tapis dans les années vingt. Cette fois, l'État entend tenir une place importante dans l'assurance sociale. En 1921, un premier projet de loi, issu pour l'essentiel du ministère du Travail, veut instaurer un tripartisme associant les employeurs, les assurés et l'administration. Il est rejeté par la Chambre des députés et le Sénat, mais, en 1924, victoire du Cartel des gauches aidant, s'engage un processus qui aboutit à la loi de 1928. Sous la pression du mouvement syndical, elle impose dans les futures caisses une place prépondérante pour les représentants des assurés. Les conseils d'administration sont composés d'un minimum de 18 membres : au moins la moitié d'assurés, deux « praticiens" et 6 employeurs au minimum. Cependant, les caisses d'origine patronale déjà autorisées pourront intégrer le nouveau dispositif en conservant leur mode de gestion. En outre, les organisations d'employeurs utiliseront les sociétés de secours mutuel, professionnelles et interprofessionnelles pour préserver leur capacité d'intervention dans la protection sociale. Si bien qu'à la fin de 1932, 360 caisses primaires sur 788 sont d'origine patronale et regroupent 11 % du total des affiliés. On peut noter que cette situation a permis à l'exercice libéral de trouver un allié influent pour échapper à la médecine de caisse.

Le paritarisme revient par la complémentaire Au fil des ans, la faiblesse des assurances obligatoires quant à la population couverte et aux prestations fournies permet aux employeurs de démontrer que les avantages complémentaires (surtout pour la maternité) accordés par les caisses qu'ils dirigent de facto sont largement supérieurs. En 1936, les conventions collectives instaurées par la loi du 24 juin leur donnent l'occasion de cette démonstration, essentiellement en ce qui concerne la retraite des cadres : le premier accord adjoignant une couverture complémentaire à une convention collective soit signé le 24 mai 1937 entre l'UIMM et la Fédération nationale des syndicats d'ingénieurs. Les caisses patronales gestionnaires des régimes conventionnels issus de ces accords se verront en outre confortées par le relèvement du plafond d'assujettissement aux assurances sociales, qui fait passer sous régime obligatoire des affiliés aux régimes conventionnels. En effet, pour ne pas obliger ces affiliés à s'inscrire dans une caisse primaire, le décret-loi du 31 décembre 1938 autorise les régimes conventionnels à se substituer aux caisses d'assurance sociale. « C'est par ce biais, notent Gilles Pollet et Didier Renard, que la gestion paritaire est introduite dans la protection sociale obligatoire  ».

2.- Les bouleversements de la Libération L'attitude du patronat pendant la Seconde Guerre change la donne et la réforme qui intervient à la Libération reconnaît le rôle des syndicats ouvriers pendant la Résistance en leur donnant un rôle clé dans les nouveaux organismes de protection sociale. Dès lors, le CNPF n'a plus guère d'autre influence que dans la retraite complémentaire des cadres. Ceux-ci sont dorénavant obligatoirement affiliés au régime de base, mais leurs prestations complémentaires sont gérées par l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc), créée le 14 mars 1947 et administrée paritairement. D'une certaine manière, l'Agirc servira de base pour valoriser la gestion paritaire. Et la négociation syndicale dans les entreprises et les branches aboutira à la généralisation de la retraite comlplémentaire pour tous les salariés. L'Association des régimes de retraite complémentaire (Arrco) voit d'abord le jour le 8 décembre 1961 sur le modèle de l'Agirc, avant de devenir totalement obligatoire par la loi du 29 décembre 1972. De même, l'instauration de l'Unedic en 1958 adoptera ce modèle purement paritaire, sous l'impulsion du CNPF et de FO.

La méfiance syndicale À l'époque de la création de ces institutions, les organisations de salariés ne sont guère partisanes du paritarisme égalitaire en général. Ainsi, lorsque le CNPF se voit accorder une stricte parité de représentation entre patrons et salariés dans les conseils d'administration par la réforme du 21 août 1967 (les représentants des salariés détenaient auparavant les trois quarts des sièges), CGT et CFDT s'insurgent contre le « mauvais coup" porté à la Sécurité sociale. Toutefois, cette unité dans la dénonciation des ordonnances de 1967, qui perdurera longtemps (un des premiers gestes de la gauche au pouvoir sera de réduire en 1982 la représentation patronale à 2/5e, avant que le gouvernement Juppé rétablisse l'égalité en 1996), ne signifie pas unité dans l'action pour tenter de rétablir la « gestion ouvrière » de la sécu. En allant rapidement, on pourrait dire que les deux centrales récusent une réforme qui « remet les pouvoirs des conseils d'administration aux mains du patronat » (Syndicalisme du 31 août 1967). Mais l'une, la CGT, y voit essentiellement la perte d'un pouvoir liée à sa position majoritaire chez les salariés, puisque les administrateurs ne sont plus élus mais désignés par les organisations représentatives, selon une répartition qui favorise les « petites » confédérations (CGC et CFTC-maintenue). L'autre, la CFDT, est notamment heurtée par le fait que la caisse nationale de Sécurité sociale, instrument de redistribution globale, est remplacée par trois caisses séparées (maladie, vieillesse, famille) qui doivent chacune tendre à l'équilibre financier. Ce qui va à l'encontre de sa revendication d'une « planification démocratique des prestations sociales » intégrée dans le Plan et sous-tendue par une différenciation en fonction « des problèmes différents selon les couches de population  ». De son côté, FO, officiellement opposée au paritarisme, mais engagée dans une politique contractuelle avec le patronat et en rivalité avec la CGT, ne va pas tarder à s'allier avec le patronat pour gérer la nouvelle Sécurité sociale.

Participer ou non à la nouvelle sécu ? Que faire dans ces conditions ? Désigner des administrateurs malgré l'opposition aux nouvelles règles ? Paradoxalement, cette position est adoptée plus rapidement par la CGT que par la CFDT. Ce n'est finalement qu'à une voix de majorité que le Conseil confédéral se résoudra finalement à rallier la proposition du bureau confédéral de nommer (dans l'optique d'une "présence contestataire") des administrateurs CFDT. Le paritarisme tel que nous le connaissons aujourd'hui a donc bien failli sombrer à cette époque et FO prend, pour près de trente ans, la présidence de la Maladie et le CNPF celle de la Vieillesse. Il faudra attendre le virage de la « resyndicalisation  », à partir de 1978, pour que la CFDT réinvestisse le champ de la protection sociale dans l'optique du paritarisme.

La formation professionnelle, autre aspect du paritarisme En dehors de la sécurité sociale proprement dite, l'âpreté des négociations autour du paritarisme se retrouve au moment des négociations sur la formation professionnelle, précédant la loi du 16 juillet 1971 qui l'inscrit dans le Code du travail, puis les réformes qu'elle connaîtra à partir de 1993. La division syndicale, certaines contradictions internes aux organisations (la CGT, par exemple, est opposée au paritarisme de gestion des fonds de formation, considérant que ce domaine est celui d'un grand service public de l'éducation, mais revendique un droit de regard sur la formation dans l'entreprise et la branche) et même des différences de conceptions philosophiques (outil d'épanouissement personnel et citoyen pour la CFDT, essentiellement professionnel pour la CGT) ne vont pas favoriser l'instauration d'un véritable paritarisme dans la formation. La loi tranche finalement en imposant une forme de paritarisme de gestion à travers les Fonds d'assurance formation (FAF). L'État interviendra de manière encore plus significative par la loi quinquennale de 1993 sur l'emploi et la formation professionnelle. En toile de fond, le soupçon de confusion des genres entre la collecte des fonds et l'offre de formation.

Le handicap de la faiblesse syndicale Les organisations syndicales ont longtemps répugné à s'engager dans une démarche réellement co-décisionnelle qui dépasse le rôle traditionnel des syndicats en France. Pour deux raisons essentielles : une défiance idéologique vis-à-vis de ce qui pourrait ressembler à de la « collaboration de classe  » et une faiblesse des effectifs qui ne leur permet pas de trouver suffisamment de militants pour « se mêler de ce qui, a priori, ne [les] regarde pas  », selon un sentiment encore très répandu. Dans un article paru en 1997, Hughes Blassel et Jean-Paul Jacquier estimaient en effet à 70 000 le nombre de mandats nécessaires au fonctionnement des institutions paritaires françaises, tous genres confondus, dont 40 000 pour les syndicats et 30 000 pour le patronat. Cela peut paraître relativement faible - après tout, il y a bien 36 000 conseils municipaux, mais, même en tenant compte des cumuls de mandats, cela représente effectivement une force militante, une organisation et un travail de formation des mandatés qui n'est pas forcément à la portée d'organisations syndicales françaises affaiblies par la désyndicalisation. Un véritable paritarisme décisionnel réclame en outre un engagement et donc une prise de responsabilités que n'ont pas toujours souhaité endosser les syndicats. FO elle-même, très engagée dans le contractuel, a décliné l'invitation de Georges Pompidou, alors Premier ministre du général De Gaulle (c'était au moment de la promulgation des ordonnances de 1967) à instaurer un pouvoir réellement paritaire dans la Sécurité sociale, sur le modèle de l'Unedic ou de l'Agirc-Arrco. Le contexte politico-social et l'ampleur des responsabilités, ainsi que la probable impopularité des mesures à prendre, lui ont laissé penser que les administrateurs patronaux ou syndicaux ne pouvaient assumer ce pouvoir alors que croissaient sans cesse les dépenses de santé et que se creusait l'écart entre les actifs et les autres.

3.- L'œil de l'État dans le paritarisme L'État s'est donc invité dans le paritarisme. À travers des « personnalités qualifiées  » qu'il nomme dans les conseils d'administration, la désignation des directeurs des caisses et la validation des décisions par l'administration. Il arrive également qu'il oblige les partenaires sociaux à négocier ou s'y substitue lorsque ceux-ci ne parviennent pas à se mettre d'accord. Ce fut le cas, par exemple, en 1982 pour l'Unedic, Pierre Bérégovoy (ministre des Affaires sociales) modifiant par décret du 24 novembre le taux de cotisation et le niveau des prestations des allocations chômage. L'intervention de l'État agacera toujours le patronat, qui dénonce régulièrement la confusion des pouvoirs. C'est ainsi qu'il décide en juillet 1983 de ne plus siéger au conseil d'administration de l'Unedic (il reviendra après l'accord de 1984, qui instaure la séparation des responsabilités et du financement entre l'assurance chômage, paritaire, et les régimes de solidarité assumés par l'État). De même, il pratique la politique de la chaise vide à l'assurance maladie entre 1993 et 1995, n'occupant plus pendant cette période son siège de vice-président de la Cnam. Parallèlement, ces années d'inaction des partenaires sociaux ont favorisé l'intervention de l'administration centrale, au-delà d'une volonté politique clairement affirmée - et parfois contre elle - dans la gestion des organismes de sécurité sociale. Ce que l'on constate clairement depuis 1995, où une surveillance tatillonne et un juridisme pointilleux entravent les tentatives des caisses, surtout en ce qui concerne la santé, pour occuper pleinement leur place dans la mise en œuvre d'une véritable réforme.

Le « garant de l'intérêt général  » La présence de l'État n'est pas en soi illégitime. D'abord, il participe au financement de la protection sociale. Et surtout, les décisions dépassent souvent les seuls patrons et salariés représentés par leurs organisations respectives, puisqu'elles produisent des normes (accès aux prestations et fixation de leur niveau, taux des cotisations…) qui concernent tous les résidents, quels que soient leur statut et leur rapport au travail. L'État, « garant de l'intérêt général  », est donc habilité à intervenir, au moins pour vérifier que les dispositions adoptées par les partenaires sociaux n'y contreviennent pas. En outre, il intervient souvent pour corriger un déséquilibre consubstantiel aux rapports sociaux : le paritarisme, « face pacifiée  » du rapport capital-travail comme le souligne Alain Supiot, a eu besoin de l'État pour affirmer dans la loi la représentation syndicale face à la position prépondérante des employeurs.

La difficulté à sortir de l'affrontement idéologique Il reste qu'aujourd'hui, le monde a changé. Revendiquer la gestion des assurances sociales par les représentants des assurés, seuls ou majoritaires, comme ce fut le cas dans les caisses issues des sociétés de secours mutuel créées par les syndicats avant la guerre, puis à la Libération pour la Sécurité sociale dans le cadre d'une conjoncture historique exceptionnelle, est-il encore possible ? Longtemps considéré comme la véritable « démocratie sociale  », ce mode de gestion appartient à une époque où les syndicats se situaient dans une perspective de « dépérissement  » du capitalisme et d'encadrement dirigiste du marché, et tentaient de préfigurer, là où ils le pouvaient, l'alternative du pouvoir ouvrier contre le pouvoir patronal. Cette ambition, si partagée soit-elle à l'époque, n'a probablement fait que retarder, voire empêcher l'instauration d'un véritable paritarisme où les contributeurs à la protection sociale auraient pu soustraire la production de normes d'intérêt général à l'affrontement idéologique. D'où la responsabilité renvoyée à l'État, alors qu'en Allemagne, par exemple, les caisses doivent assumer devant leurs assurés les modifications nécessaires de cotisations et de prestations. Il est vrai que dans ce pays, le paritarisme a toujours eu un lien direct avec la contribution financière, qu'aucun des partenaires n'a jamais sérieusement contesté. La loi de 1883 y crée des caisses gérées par 1/3 de représentants du patronat, pour 2/3 des salariés. L'instauration d'une égalité numérique, acquise en 1951, se fera par ajustements successifs, résultat d'un consensus sur le compromis social entre employeurs et salariés, alors qu'en France, le paritarisme fut longtemps contesté par les syndicats et imposé le plus souvent par la puissance publique. « Mes thèses ont prévalu, écrit ainsi Jacques Décors en 1974 à propos de la loi sur la formation professionnelle, mais j'ai bien conscience des risques que je prenais à l'époque, puisque, dans le fond, le système que j'imposais en quelque sorte causait des allergies de natures diverses aux ministères, aux organisations syndicales et aux penseurs de toutes sortes.  »

La tentation du Tout-État ? Peut-on alors s'en remettre simplement à l'État, en considérant qu'il est en fin de compte le seul légitimé à assurer la protection sociale ? Cela faillit être le cas à la Libération, l'aspiration « Beveridgienne  », très présente dans la philosophie du Conseil national de la Résistance et dans l'esprit de Pierre Laroque (le père de la Sécurité sociale), ressurgissant à ce moment où tout était à reconstruire. Mais cela échoua à cause de l'opposition conjuguée - pourtant diamétralement opposée dans ses motivations - des organismes d'origine patronale et des régimes ouvriers déjà constitués (dont les régimes dits « spéciaux  » ), qui voulaient garder la maîtrise de la collecte des cotisations et des prestations versées. De surcroît, nous sommes aujourd'hui engagés dans une évolution globale des rapports sociaux, où le contractuel, individuel mais aussi collectif, tend à rééquilibrer le poids du législatif, qui avoue de plus en plus son impuissance à assurer davantage qu'un socle minimal de protection. Autrement dit, est-il raisonnable aujourd'hui, alors que l'État est pris dans la tourmente de la redéfinition de ses propres prérogatives, de lui confier entièrement la gestion de notre protection sociale, c'est-à-dire de nous prémunir contre les aléas de tous ordres qui surviennent tout au long d'une vie humaine ? Il faut savoir que les régimes qui résistent le mieux aux crises et aux transformations politico-sociales sont basés sur le paritarisme ou le tripartisme (partenaires sociaux + État), conclut une étude sur la protection sociale en Europe menée par Olli Kangas, universitaire finlandais. De même, le financement par les cotisations assises sur le salaire apparaît sur le long terme plus stable que celui reposant sur la fiscalité, car moins sujet à des revirements politiques.

4.- La nécessité d'une adaptation permanente

Toutefois, cette stabilité a un revers : elle s'accompagne d'une difficulté à prendre en charge les besoins de nouvelles couches de population dont le rapport au travail se distend, voire se dissout. Apparaissent alors des associations et des ONG qui portent des intérêts en tous genres et peuvent mettre en porte-à-faux les organismes traditionnels par un travail de lobbying. Ce qui constitue un réel défi pour le paritarisme. Le paritarisme serait-il donc, à l'instar de la démocratie vue par Churchill, « le plus mauvais des systèmes, à l'exclusion de tous les autres  » ? Il est clair, surtout en France, qu'il n'est pas dénué d'arrière-pensées, chacun des acteurs ayant des intérêts particuliers à faire valoir. Mais il est également évident que ces intérêts prennent d'autant plus de poids quand le paritarisme n'assume pas ou très peu la gestion réelle des organismes qu'il est censé administrer. On l'a bien vu avec l'assurance maladie : de 1967 à 1996, les partenaires sociaux avaient sur le papier de réels pouvoirs au sein de la Cnam, et même l'obligation de se préoccuper de l'équilibre financier des branches. Mais ils n'en ont pas usé. Alors, chacun s'est montré plus soucieux de satisfaire ses mandants que de faire évoluer le système de soins dans le sens de l'intérêt général. FO a surtout cherché à conforter sa présidence qui lui conférait une stature nationale incontournable et servait d'emblème à sa politique contractuelle. La CGT s'est posée dans le rôle d'opposant rituel. La CFDT, restée longtemps sur la difficulté à avaler les ordonnances de 1967, a concentré ses forces sur d'autres terrains. Les représentants patronaux, eux, se sont montrés volontiers réceptifs aux pressions des professionnels de santé et des industriels de ce secteur. Résultat, l'administration s'est substituée aux partenaires sociaux, les gouvernements ont adopté des mesures au gré d'échéances ou d'impératifs qui n'ont pas toujours grand-chose à voir avec la santé publique et les dépenses n'ont cessé de grimper.

L'école de la responsabilité Quels que soient les événements qui affecteront les organismes paritaires de Sécurité sociale, il paraît donc absolument indispensable de redéfinir les rôles, de reconfigurer les pouvoirs et de refonder la légitimité des acteurs. Car outre qu'il semble in fine préférable de confier à ceux-ci, à leur juste mesure, la responsabilité de décider de dispositions qui affectent la vie quotidienne de tous, le paritarisme bien conçu est également une irremplaçable école de la responsabilité, notamment parce que la tentation de revendications démagogiques ne tient plus lorsqu'on est chargé de les appliquer. Il est également un apprentissage de la négociation, une manière d'apprendre à se connaître, à se parler et à s'entendre dans tous les sens du terme en dépassant les corporatismes et les fameux intérêts « de boutique  ».n

Sources : Le Paritarisme, institutions et acteurs, La Revue de l'Ires n° 24 ; La représentation sociale territoriale, La Revue de l'Ires n° 25 ; L'Invention de la CFDT, Editions de l'atelier et CNRS éditions ; Le Droit de la retraite en France et L'Assurance chômage en France, Que sais-je ; Critique du Droit du travail (Puf) et Parité, Egalité, majorité dans les relations collectives du travail, Alain Supiot.