Maison d'éducation de la Légion d'honneur

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Maison d'Éducation de la Légion d'Honneur de Saint-Denis.
Maison d'Éducation de la Légion d'Honneur de Saint-Denis.

Les maisons d'éducation de la Légion d'honneur sont des établissements scolaires secondaires français créés par Napoléon Ier et destinés, à l'origine, à l'éducation de jeunes filles dont les parents, grands-parents ou arrière-grands-parents ont été distingués par la Légion d'honneur.

Sommaire

[modifier] Historique

À cette époque, il existait de nombreux lycées militaires pour éduquer les garçons et en faire de futurs soldats, mais les filles étaient délaissées. Napoléon Ier créa ces maisons d'éducation en s'inspirant de l'ancienne Maison royale de Saint-Louis pour subvenir à l'éducation et aux besoins des filles — très souvent orphelines — de ses soldats les plus méritants, afin d'en faire de bonnes épouses et mères de futurs soldats. Son premier souhait avait été de prendre en charge les fils et les filles des officiers et des soldats morts à Austerlitz ; mais ce projet, présenté le 7 décembre 1805, fut finalement abandonné[1].

Le décret de création des maisons d'éducation de la Légion d'honneur fut signé par Napoléon Ier à Schönbrunn le 15 décembre 1805. Ce décret prévoyait la création de trois maisons, où les filles de récipiendaires de la Légion d'honneur seraient admises entre 7 et 10 ans, l'âge de sortie étant fixé à 21 ans[1].

La direction de la première maison d'éducation fut confiée à Madame Campan, ancienne lectrice des filles de Louis XV puis première femme de chambre de la reine Marie-Antoinette. Depuis 1794, Madame Campan tenait elle-même un pensionnat de jeunes filles à Saint-Germain-en-Laye, qui comptait parmi ses élèves Hortense et Stéphanie de Beauharnais, ainsi que Pauline et Caroline Bonaparte. Madame Campan voulait que la première maison d'éducation soit installée dans son pensionnat de Saint-Germain, mais Napoléon choisit le château d'Écouen, propriété de la Légion d'honneur depuis le 6 juillet 1806[1].

L'empereur, dans une lettre du 15 mai 1807, donna lui-même les grandes lignes de l'éducation qu'il voulait procurer aux jeunes filles : « Élevez-nous des croyantes et non des raisonneuses »[2]. Il préconisait des études simples, visant à « maîtriser la vanité qui est la plus active des passions du sexe » et à faire en sorte que les élèves deviennent des mères de famille modestes[1].

Le rapprochement a souvent été fait entre les maisons d'éducation de la Légion d'honneur et la Maison royale de Saint-Louis, créée par Madame de Maintenon à Saint-Cyr-l'Ecole, au bout du parc de Versailles, dans les bâtiments que Napoléon Ier affecta en 1808 à l'école des officiers de l'armée française. Cependant, le projet initial de l'empereur était de se démarquer de Saint-Cyr, dont il avait une mauvaise opinion (peut-être parce que sa sœur Élisa y fut pensionnaire). Dans sa lettre du 15 mai 1807, il précisait : « Gardez-vous de suivre l'exemple de l'établissement de Saint-Cyr où on dépensait des sommes considérables et où on éduquait mal les demoiselles. »[1]

Le 25 mars 1809, Napoléon Ier signa le décret de création d'une deuxième maison dans le cloître de l'ancienne abbaye royale de Saint-Denis, qui était propriété de l'État depuis 1790. Saint-Denis fut inauguré le 1er juillet 1811, mais l'emménagement des premières élèves n'eut lieu qu'en 1812[1].

Le 15 juillet 1810, Napoléon créa par décret les « Maisons d'orphelines de la Légion d'honneur », destinées aux orphelines de récipiendaires de la Légion d'honneur quel que soit leur grade. Ces maisons étaient tenues par des religieuses, la Congrégation de la Mère de Dieu. Trois maisons d'orphelines furent créées : l'hôtel de Corberon à Paris (ouvert en hiver 1811), l'ancien couvent d'augustins des Loges à Saint-Germain-en-Laye (ouvert au printemps 1812), et l'abbaye de Barbeaux à Fontainebleau (ouvert en juillet 1813). Dissoutes par ordonnance royale le 19 juillet 1814, les maisons d'orphelines furent rétablies le 27 septembre 1814 grâce à l'intervention de veuves d'officiers auprès de Louis XVIII. Seule l'abbaye de Barbeaux ne rouvrit pas[1].

En 1821, l'organisation des maisons d'éducation fut repensée : Saint-Denis fut réservée aux filles d'officiers supérieurs, et les autres maisons, considérées désormais comme des « succursales », aux filles d'officiers et de soldats de rang inférieur[1].

En 1881, les réformes de l'enseignement par Jules Ferry laïcisèrent les maisons religieuses. En 1890, les maisons dispensèrent des enseignements distincts : les Loges donnaient une éducation manuelle et professionnelle, Écouen préparait au commerce et à l'enseignement, tandis que Saint-Denis préparait au brevet supérieur[3].

En 1920, les Maisons d'éducation de la Légion d'honneur adoptèrent le même programme que les lycées ; les élèves les plus jeunes étudiaient aux Loges, les moyennes à Écouen et les plus grandes à Saint-Denis. De nos jours, c'est encore le cas : les Loges suivent le programme du collège et Saint-Denis celui du lycée[3].

[modifier] Écouen

Le château d'Écouen.
Le château d'Écouen.

Le château d'Écouen est l'endroit où fut installée la première maison d'éducation. La première rentrée y eut lieu le 17 novembre 1807 sous la direction de Madame Campan, nommée le 5 septembre 1807. Cependant, le premier règlement ne fut réellement établi qu'en 1809[1].

En 1814, Louis XVIII rendit le château aux Condé, qui le laissèrent plus ou moins à l'abandon à partir de 1830 ; le château redevint propriété de la Légion d'honneur à partir de 1838[1].

En 1851, l'ancienne « maison des orphelines de la Légion d'honneur » de l'hôtel de Corberon à Paris, devenue succursale de la maison d'éducation de Saint-Denis depuis 1821, fut transférée à Écouen par Napoléon III[1].

En 1962, le grand Chancelier de la Légion d'honneur mit le château à la disposition du ministère des Affaires culturelles, afin qu'il accueille le musée national de la Renaissance.

[modifier] Saint-Denis

La Maison de Saint-Denis occupe le logis de l'Abbaye royale de saint-Denis, jouxtant l'église abbatiale, la Basilique de Saint-Denis
La Maison de Saint-Denis occupe le logis de l'Abbaye royale de saint-Denis, jouxtant l'église abbatiale, la Basilique de Saint-Denis

Inaugurée le 1er juillet 1811, Saint-Denis fut placée sous la direction de madame du Bouzet, veuve d'un colonel mort à Jemmapes. L'emménagement des élèves eut lieu en 1812[1].

De 1820 à 1837, elle fut dirigée par Marie-Benoîte-Joséphine de Prévost de la Croix.

Le 1er septembre 1989, Saint-Denis a ouvert une classe préparatoire de Lettres Supérieures (hypokhâgne), et le 1er septembre 1994, une classe de Première Supérieure (khâgne). Le 1er septembre 1990 s'est ouverte une classe de BTS de commerce international, avec option de préparation au concours d'entrée dans les écoles supérieures de commerce[4].

La maison accueille aujourd'hui, dans le cloître de l'ancienne abbaye royale, 500 élèves de lycée de la 2e à la terminale ainsi que les classes d'hypokhâgne, de khâgne, et de BTS de commerce international[4].

Fermé au public, le site se visite exceptionnellement dans le cadre des Journées du Patrimoine. Le cadre sert aussi parfois pour des tournages de films. Ainsi, la Maison a été utilisée pour figurer l'« Institut des Aveugles de Duroc » dans le film Les Femmes de l'ombre.

[modifier] Les Loges

À sa première rentrée en 1811, la maison d'orphelines de la Légion d'honneur des Loges était dirigée par madame de Lezau, supérieure de la Congrégation de la Mère de Dieu. En 1814, Louis XVIII supprima par ordonnance les maisons d'orphelines, mais la maison des Loges fut rouverte la même année, et devint plus tard une maison d'éducation comme Saint-Denis et Écouen[1].

En plein cœur de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, près du camp des Loges, l'ancien couvent des Augustins accueille aujourd'hui environ 500 élèves de collège[4].

[modifier] Conditions d'admission

Les maisons sont des établissements publics, laïques et pour jeunes filles (il existe une aumônerie catholique et protestante pour les élèves pratiquantes). Les places sont réservées, par ordre de priorité[5] :

  • aux filles, petites-filles et arrière-petites-filles de membres de la Légion d'honneur
  • aux filles, petites-filles et arrière-petites-filles de titulaires de la Médaille Militaire
  • aux filles, petites-filles et arrière-petites-filles des membres de l'Ordre national du Mérite
  • aux filles et petites-filles de légionnaires étrangers (après consultation du grand maître).

L'âge minimum pour entrer dans une maison est fixé à 10 ans. Les candidates ne doivent pas dépasser, dans l'année où elles sont admises, l'âge de[5] :

  • 12 ans en 6e
  • 13 ans en 5e
  • 14 ans en 4e
  • 15 ans en 3e
  • 16 ans en 2de
  • 17 ans en 1re
  • 18 ans en terminale

Le prix de la pension pour l'année 2007-2008 était de 1740 € par an pour le secondaire et de 1902 € par an pour les classes post-baccalauréat[6]. La pension se paye par tiers au début de chaque trimestre, tout trimestre entamé étant dû en entier[3].

Les bourses d'étude de l'Éducation nationale ne sont pas acceptées par les maisons d'éducation. Cependant, les familles aux revenus modestes peuvent bénéficier d'une réduction des frais de pension, cette réduction étant accordée au cas par cas selon leur situation[5].

Les demandes d'inscription doivent être envoyées avant le 15 mars de l'année de la rentrée pour les classes post-baccalauréat, et avant le 15 avril pour le cycle secondaire ; les maisons d'éducation indiquent vers la mi-mai si les candidatures sont retenues[5].

[modifier] Internat

Toutes les élèves des Maisons d'éducation de la Légion d'honneur sont pensionnaires, et l'internat est également ouvert les week-ends. Chaque élève du secondaire doit avoir un « correspondant » habitant en région parisienne, qui sera chargé de venir la chercher quand elle sort de la maison, notamment en fin de semaine.

Les élèves des classes post-bac ont le choix entre deux régimes : soit l'internat avec un réglement assoupli où les sorties sont libres, soit l'« internat externé », où l'élève prend ses repas de midi et du soir dans l'établissement mais réside au-dehors[6].

[modifier] Uniformes

Uniforme et ceinture d'élève de terminale
Uniforme et ceinture d'élève de terminale

Le port de l'uniforme est obligatoire. Celui-ci a connu de nombreuses variations au cours des années. Sa dernière réforme date de la rentrée scolaire 2007.

Il est constitué d'une robe bleu marine, sans manches en été et à manches longues en hiver, et d'un chemisier blanc à manches courtes en été et à manches longues en hiver. L'uniforme est complété par une ceinture dont la couleur indique le niveau :

  • verte pour les classes de 6e ;
  • violette pour les classes de 5e ;
  • aurore (orange) pour les classes de 4e ;
  • bleue pour les classes de 3e ;
  • nacarat (rouge) pour les classes de 2e ;
  • blanche pour les classes de 1e ;
  • multicolore pour les classes terminales.

La ceinture est toujours portée en « baudrier ». Les élèves portent également un manteau bleu à boutons dorés et un béret pour les sorties[3].

Il est fréquent de désigner par métonymie une élève du cycle secondaire par la couleur de sa ceinture : « une verte » ou « les bleues ».

L'uniforme des classes post-baccalauréat est un tailleur bleu marine avec un badge ; le badge est jaune pour les classes préparatoires littéraires et bleu pour le BTS[7].

Le trousseau d'uniforme est acheté neuf lors de l'entrée dans une maison, et il se paye par tiers au début de chaque trimestre, y compris pour les familles qui bénéficient de réductions des frais de pension[3]. Pour l'année 2007-2008, il coûtait 438 € pour le secondaire et 408 € pour les classes post-baccaluréat[6].

[modifier] Enseignement

Article R 122 du code de la Légion d'honneur : « L'éducation donnée dans les maisons d'éducation a pour but d'inspirer aux élèves l'amour de la patrie et de la liberté ainsi que le sens de leurs devoirs civiques et familiaux et de les préparer, par leur instruction et la formation de leur caractère, à s'assurer une existence digne et indépendante. »[4]

L'enseignement dispensé dans les maisons suit les programmes de l'Éducation nationale. Les professeurs sont détachés du ministère de l'Éducation nationale auprès du grand chancelier[7].

Pour chaque niveau au collège, il existe une classe de maîtrise dans laquelle les élèves reçoivent un enseignement approfondi de chant choral, de musique et font l'apprentissage de divers instruments. Les maisons abritent des studios où les élèves peuvent jouer de leurs instruments en dehors des heures d'enseignement. Les élèves maîtrisiennes s'expriment en concerts et chantent lors de cérémonies officielles. Elles donnent chaque année le concert du président dans l'une des deux maisons, auquel assiste le président de la République ou son représentant[8].

L'enseignement des langues étrangères est important : dès la classe de 6e, les élèves peuvent étudier deux langues vivantes (anglais et allemand), et des cours de chinois existent dès la 5e[8]. L'apprentissage des langues passe également par des échanges avec des établissements étrangers ; Saint-Denis organise notamment des séjours de quatre semaines en immersion totale[6].

Les différentes sections proposées au lycée sont :

  • Littéraire (L) spécialité langues (anglais, allemand espagnol (LV3), russe (LV3), grec, latin), spécialité mathématiques, ou spécialité arts (arts plastiques, musique)
  • Scientifique (S) spécialité mathématiques, sciences de la vie ou de la terre, ou physique chimie
  • Économique et sociale (ES) spécialité anglais, allemand, maths, sciences economiques et sociales
  • Sciences et technologie de la gestion (STG) spécialité action et communication commerciales.

Le lycée de Saint-Denis propose également une préparation au test d'anglais TOEFL et au concours d'entrée à l'IEP[6].

[modifier] Résultats

En juin 2007, 99,2% des élèves de terminale de Saint-Denis ont été reçues au baccalauréat et 100% des élèves de BTS commerce international ont été reçues[6].

[modifier] Fonctionnement des Maisons d'éducation

Les maisons d'éducation sont sous l'autorité directe du grand chancelier de la Légion d'honneur. La dénomination des postes y est différente des établissements de l'Éducation nationale :

Équivalence des fonctions entre la Légion d'honneur et l'Éducation nationale
MELH Éducation nationale
Surintendante Proviseur de cité scolaire
Intendante générale Principal(e) de collège
Proviseur adjoint & Directeur/trice des études Proviseur adjoint
Censeur Principal(e) adjoint(e)
Économe Intendant(e)
Inspectrice CPE

La devise des Maisons d'éducation de la Légion d'honneur, inscrite sur leur fronton, est « Honneur et Patrie »[6], contrairement aux écoles publiques ordinaires dont la devise est celle de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Chaque classe est suivie tout au long de l'année par une chargée d'éducation (bien que la fonction soit ouverte aux hommes, il n'y a que des femmes qui occupent ces postes). La chargée d'éducation (encore appelée dame éducatrice) s'occupe de sa classe en dehors des cours : pendant les études, lors des repas (qui sont servis à table dans le réfectoire), lors des sorties extra-scolaires (visites de musées, concerts, voyages de classe, etc.). Les chargées d'éducation peuvent également proposer à leurs classes des activités socio-éducatives et pédagogiques en collaboration avec les professeurs[8].

La vie scolaire est ponctuée de cérémonies : outre le concert du président, chaque veille de vacances scolaires a lieu la « lecture du rapport » où sont annoncés les résultats des élèves ; celles qui se distinguent par leurs résultats ou leur comportement reçoivent des récompenses ou « médailles »[7]. À la fin de l'année a lieu la remise des prix, présidée par une personnalité extérieure[6].

[modifier] Jumelages

La maison d'éducation de Saint-Denis est jumelée avec plusieurs établissements étrangers[6] :

[modifier] Anecdotes

En 2002, un accent particulier fut mis sur la commémoration du bicentenaire de la Légion d'honneur : lors du défilé du 14 juillet, les élèves des maisons d'éducation formèrent un puzzle de toile géant en forme de croix de la Légion d'honneur place de la Concorde à Paris face à la tribune présidentielle. Avec leurs familles, elles furent ensuite invitées par le grand Chancelier de la Légion d'honneur à dîner avec les Cadets de West Point — présents au défilé — dans les salons de l'École Militaire, puis à admirer le feu d'artifice tiré sur le Champ de Mars.

[modifier] Notes et références

  1. abcdefghijklm Rebecca Rogers, Les demoiselles de la Légion d'honneur
  2. in Historia, N° 720, page 36
  3. abcde Dossier du CRDP de Reims sur les Maisons d'éducation
  4. abcd Historique des maisons d'éducation sur le site de la grande chancellerie de la Légion d'honneur
  5. abcd Les conditions d'admission sur le site de la grande chancellerie de la Légion d'honneur
  6. abcdefghi Site officiel de la maison de Saint-Denis
  7. abc Organisation des maisons d'éducation sur le site de la grande chancellerie de la Légion d'honneur
  8. abc Site officiel de la maison des Loges

[modifier] Bibliographie

  • Rebecca Rogers, Les demoiselles de la Légion d'honneur, Plon, 1992 (ISBN 2-259-02029-1)

[modifier] Liens externes