Henri Duveyrier

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Henri Duveyrier
Henri Duveyrier

Henri Duveyrier voyageur et géographe, né le 28 février 1840, est le fils du saint-simonien Charles Duveyrier. Le destinant à une carrière dans le négoce, celui-ci l'envoie de 1854 à 1855 en Allemagne, pour lui faire suivre des études commerciales. Mais dès cette époque, il a, comme il le confiera plus tard, l'intention d'explorer "quelque partie inconnue de l'Afrique". Il arrache à son père la permission de faire un court voyage d'essai en Algérie, qu'il accomplit au printemps 1857 sous la direction du géographe Oscar Mac-Carthy, lequel 25 ans plus tard aidera Charles de Foucauld dans son voyage au Maroc. Duveyrier tire de ce périple un récit publié après sa mort sous le titre: Journal de voyage dans la province d'Alger.

Le 1er mai 1859, le jeune explorateur quitte Paris pour le voyage qui allait le rendre célèbre. Après plusieurs mois passés dans le Sahara algérien et tunisien, il atteint Ghadamès en août 1860, et parvient à s'attirer la protection du chef touareg Ikhenoukhen, auprès de qui il demeure sept mois. Son intention est de rejoindre le Soudan, mais la fatigue l'oblige à renoncer, et il gagne Tripoli le 2 août 1861, d'où un vapeur le ramène à Alger en octobre. Là, une grave maladie (peut-être le typhus) le terrasse, et le laisse plusieurs mois sans mémoire et sans raison. Son hôte à Alger, le saint-simonien Auguste Warnier, spécialiste du monde "indigène", s'empare de ses notes et commence à rédiger à sa place le rapport demandé par le gouvernement de l'Algérie. Ce rapport sera publié en 1864 sous le titre Les Touaregs du Nord. Il est difficile, aujourd'hui encore, de discerner ce qui vient de Duveyrier et ce qui vient de Warnier dans ce livre, mais il semble que l'apport de Warnier concerne seulement le plan et la rédaction et non le fond, qui appartient à Duveyrier. Ce livre vaut aussitôt au jeune explorateur la grande médaille d'or de la Société de Géographie, dont il devient l'un des piliers.

Son livre donnait des Touaregs Kel Ajjer une image favorable. Le portrait n’était pas infidèle, mais les Touaregs ne pouvaient garder ce visage débonnaire dès lors que les Français s’avanceraient en conquérants dans leur pays. Or c'est bien ce qui ne tarda pas à se passer. On projeta même de faire traverser le Sahara par le chemin de fer. Une colonne chargée d’une étude préparatoire quitta Laghouat en novembre 1880 et entreprit sous la direction du colonel Paul Flatters de traverser le Hoggar. Elle fut massacrée au début de l’année 1881. De plus, maintenant que les Touaregs comprenaient que ces voyageurs isolés n’étaient que l’avant-garde d’une armée d’occupation, leur attitude se faisait hostile, et d’autres Européens subirent le même sort que Flatters. Ne soupçonnant pas combien les Touaregs s’effrayaient de l’expansion française au Sahara, Duveyrier ne parvenait pas à s’expliquer leur croissante hostilité envers les voyageurs qui se risquaient chez eux. Et il pensa pouvoir l'attribuer aux menées occultes de la Senoussiyya, une confrérie fondée au début du siècle. Il exprima ses hypothèses, assez extravagantes, dans une brochure parue en 1884: La confrérie musulmane de Sîdi Mohammed ben ‘Alî Es-Senoûsî et son domaine géographique, en l’année 1300 de l’hégire – 1883 de notre ère. Très affecté par les événements du Sahara, déçu aussi de n'avoir pu entreprendre de nouveaux voyages (si l'on excepte en 1874 sa participation à la mission François Elie Roudaire en Algérie, dans la région des chotts, et trois courts voyages en Tripolitaine et au Maroc, en 1883, 1885 et 1886), Duveyrier semble de surcroît s'être senti abandonné lorsque, le 16 janvier 1890, son ami Charles de Foucauld a quitté le siècle pour entrer à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges. Il s'est donné la mort le 25 avril 1892, à l'âge de 52 ans. L'historien Jean-Louis Triaud a parlé de lui comme "un pur perdu dans le siècle".

[modifier] Sources

  • (fr) Le livre d'Or de l'Algérie, Narcisse Faucon, Challamel et Cie Éditeurs Librairie Algérienne et Coloniale, 1889.
  • (fr) Jean-Louis Triaud, 1995. La légende noire de la Sanûsiyya. Une confrérie musulmane sous le regard français (1840-1930), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2 tomes.
  • (en) Michael Heffernan, 1989. The limits of utopia : Henri Duveyrier and the exploration of the Sahara in the nineteenth century, The Geographical Journal 155 (3), 1989 : 349-352.
  • (fr) René Pottier, 1938. Un prince saharien méconnu. Henri Duveyrier. Paris.
  • (fr) Henri Duveyrier, 1864, L'exploration du Sahara. Les Touaregs du Nord. Paris, Challamel.
  • (fr) Henri Duveyrier, 1884, La confrérie musulmane de Sîdi Mohammed ben ‘Alî Es-Senoûsî et son domaine géographique, en l’année 1300 de l’hégire – 1883 de notre ère, Paris, Société de Géographie.
  • (fr) Henri Duveyrier, 2006. Journal d'un voyage dans la province d'Alger, Paris, Éditions des Saints Calus.
  • (fr) Dominique Casajus, 2007. Henri Duveyrier. Un saint-simonien au désert, Paris, Ibis Press.
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