Helmuth Plessner

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Helmuth Plessner
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Naissance 4 septembre 1892
à Wiesbaden
Décès 12 juin 1985 (à 93 ans)
à Göttingen

Helmuth Plessner (4 septembre 1892 à Wiesbaden – 12 juin 1985 à Göttingen) fut un philosophe et sociologue allemand et l’un des principaux représentants (avec Max Scheler et Arnold Gehlen) de l’anthropologie philosophique. Totalement méconnu dans les pays francophones, un seul de ses ouvrages a été traduit en langue française : Le rire et le pleurer. Une étude des limites du comportement humain (1941/1995).

[modifier] L'anthropologie plessnerienne

Le fondement de l’anthropologie philosophique fut de mettre à profit les enseignements des sciences de la nature (biologie, zoologie, éthologie, paléoanthropologie, etc.) et des sciences humaines pour tenter de cerner les caractéristiques de l’espèce humaine, sa position spécifique dans le monde face au règne minéral, végétal et animal. Contrairement à Scheler, Plessner ne questionne aucunement l’essence intemporelle de l’homme ni ne détermine l’humain (tout comme le fera Gehlen) par son caractère inachevé et lacunaire. L’anthropologie plessnerienne (principalement développée dans son ouvrage Die Stufen des Organischen und der Mensch ) se fonde autour de la catégorie de « positionalité excentrique ». Celle-ci se veut une réponse à deux questions directrices :

  • 1. Que différencie le vivant de l’inanimé ?
  • 2. Comment s’organise le vivant ?

La première question trouve réponse dans le concept de limite (« Grenze »). Contrairement aux corps non organisés, les organismes disposent d’un rapport à leur environnement, rapport régulé par leurs propres limites. Les plantes et les animaux sont ainsi des êtres déterminés pas leur limite (ou frontière) spécifique. La seconde réponse est indissociable du concept de position. Plessner distingue trois formes (ou étapes) d’organisation du vivant : le végétal, l’animal et l’humain, chacun possédant une positionalité spécifique. Les plantes sont structurées de façon ouverte car elles ne possèdent aucun organe central. Les animaux sont une organisation centrée (ou fermée) car leur vie s’agence autour d’un centre constitutif et nécessaire. La positionalité des hommes est au contraire excentrique puisque, par nature, l’homme peut entretenir un rapport réflexif à vie. La conscience de soi constitue un élément de ce rapport réflexif que Plessner – contrairement à la tradition philosophique – n’évalue pas comme un phénomène mental ("geistig") mais, au contraire, le considère au regard de son origine biologique. Ce mode d’organisation est selon lui indissociable d’un double aspect (Doppelaspekt) : en tant qu’un être humain nous possédons un corps (Körper) et nous sommes également un corps (Leib). De cette positionalité excentrique, Plessner déduit trois lois anthropologiques :

  • 1. La loi de l’artificialité naturelle (la culture)
  • 2. La loi de l’immédiateté médiatisée (l’histoire)
  • 3. La loi du lieu utopique (la religion)

Dans un ouvrage ultérieur (Macht und menschliche Natur), Helmuth Plessner y ajoutera une quatrième loi, celle de l’insondabilité (Unergründlichkeit) de l’homme ouvrant à des considérations d’ordre politique. Partant de la constitution biologique de l’homme, Plessner eut pour objectif de fonder philosophiquement la sociologie et ses disciplines sœurs. L’objection courante envers l’anthropologie selon laquelle celle-ci resterait restreinte à une conception anhistorique de l’essence humaine ne trouve ici aucune pertinence. Bien au contraire, les lois fondamentales de Plessner affirment notre ouverture au monde et la nécessité de le façonner artificiellement, historiquement et socialement – et ce en raison de notre constitution singulière. L’un des principaux mérites de Plessner fut d’avoir dépassé le conflit entre sciences naturelles et sciences de l’esprit - lequel légitime la fallacieuse incompatibilité entre les perspectives subjectives et objectives. Le fondement de cette querelle trouve son origine selon Plessner dans le mauvais emploi de la « double aspectivité » relative à la situation humaine : le fait que l’homme conjointement soit et possède son corps et son existence physique, qu’il se sait simultanément être une chose corporelle et un être d’esprit. Depuis Descartes, la pensée occidentale surmonte cette difficulté en accordant le primat de l’esprit ou du physique (la tension objet-sujet). Cette pensée exagère à l’excès le monde mental de l’expérience et celui physique au lieu de les penser de façon continue dans une imbrication mutuelle. Le clivage entre le point de vue naturel et celui de la conscience divise les sciences de la nature et de l’esprit en cela qu’il excède la représentation globale que l’homme se fait de lui-même. En conservant la double perspective de l’imbrication, Plessner dépasse ce problème. Sa philosophie fondée sur des faits biologiques réitère de façon constante l’examen de la composition paradoxale de l’expérience humaine de soi et du monde.

[modifier] Principale bibliographie

  • L'idée scientifique. Une ébauche sur sa forme (1913)
  • Crise de la vérité transcendantale (1918)
  • L'unité des sens. Fondement d'une esthésiologie de l'esprit (1923)
  • Les limites de la communauté. Une critique du radicalisme sociale (1924)
  • Les étapes de l'organique et l'homme. Introduction à l'anthropologie philosophique (1928)
  • Pouvoir et nature humaine. Pour une anthropologie du point de vue historique sur le monde (1931)
  • Le rire et le pleurer. Une étude des limites du comportement humain (1941, trad. fr. : 1995)
  • Pour une anthropologie du comédien(1948)
  • Le sourire (1950)
  • La nation retardée. Sur la corruptibilité de l'esprit bourgeois (1959, première édition 1935)
  • La question sur la Conditio humana (1961)
  • L'émancipation du pouvoir (1962)
  • Anthropologie des sens (1970)

[modifier] Liens