Harmonie des sphères

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L’harmonie des sphères est une théorie d'origine pythagoricienne, fondée sur l'idée que l'univers est régi par des rapports numériques harmonieux, et que les distances entre les planètes dans la représentation géocentrique de l'univers — Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, sphère des fixes — sont réparties selon des proportions musicales, les distances entre planètes correspondant à des intervalles musicaux.

Dans les textes anciens, cette théorie connaît beaucoup de variantes, et l'on peut distinguer trois formes d'harmonie des sphères — même si cette distinction n'est pas proposée par les textes anciens.

  • Dans un premier type d'harmonie des sphères, la musique de l'univers se compose d'une échelle montante ou descendante qui procède par degrés conjoints, et dans laquelle les intervalles sont définis par les distances entre planètes. Ainsi, chez Pline l'Ancien, Histoire Naturelle II, 84, la distance Terre-Lune est évaluée à un ton, et les planètes sont ensuite étagées selon une gamme montante.
  • Dans le second type, il s'agit également d'une gamme procédant par intervalles conjoints — d'un demi-ton ou d'un ton, exceptionnellement d'un ton et demi — dans laquelle les intervalles entre planètes sont définis par la vitesse respective des planètes. C'est l'interprétation qui semble être celle de Cicéron, dans le fameux Songe de Scipion qui terminait sa République, VI,18 : le son émis par la lune, qui est la planète qui tourne le moins vite, est ainsi présenté comme le plus grave, alors que la sphère des fixes émet le son le plus aigu.
  • Enfin, le troisième type d'harmonie des sphères repose sur une interprétation du fameux passage du Timée dans lequel Platon décrit la fabrication des proportions de l'Âme du Monde par le Démiurge : ce passage est fondé sur la série numérique 1, 2, 3, 4, 9, 8, 27 — qui correspond à la fusion de la série des premières puissances de 2 (2, 4, 8) et de la série des premières puissances de 3 (3, 9, 27). Or, de cette série, on peut tirer les rapports numériques sur lesquels sont fondés les intervalles musicaux : le rapport de 1 à 2 (rapport double) correspond à l'octave, le rapport de 2 à 3 (rapport appelé hémiole - selon le grec - ou sesquialtère selon le terme latin) à la quinte, le rapport de 3 à 4 (épitrite ou sesquitierce) à la quarte, et le rapport de 9 à 8 (épogde ou sesquioctave) au ton. Ce passage difficile est interprété de manières différentes dans de nombreuses spéculations néoplatoniciennes, qui utilisent cette série pour décrire les rapports de distances entre les planètes — on peut évoquer notamment l'interprétation de Macrobe, dans le Commentaire au Songe de Scipion, II, 2-4.

Cette représentation de l'univers comme une harmonie a eu tellement de succès dans l'Antiquité que Boèce, au début de son Institution musicale (I,2), en fait l'une des trois parties de la musique — dans sa célèbre tripartition entre musica mundana (musique du monde, ou harmonie des sphères), musica humana (musique de l'homme, c'est-à-dire harmonie intérieure qui unit les parties de l'âme et les éléments du corps) et musica in instrumentis (musique instrumentale, au sens où nous l'entendons aujourd'hui). Le succès de cette représentation du monde, véhiculée par toute la tradition antique reprise par Boèce, ne faiblira pas pendant le Moyen Âge.