Gladiateur Borghèse

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Le Gladiateur Borghèse après restauration
Le Gladiateur Borghèse après restauration

Le Gladiateur Borghèse est une statue grecque de l'époque hellénistique, œuvre d'Agasias d'Éphèse. Longtemps interprétée comme un gladiateur, d'où son nom traditionnel, elle représente en fait un guerrier. Elle est exposée dans la galerie Daru du musée du Louvre sous le numéro Ma 527.

Sommaire

[modifier] Découverte

La statue est découverte à l'état fragmentaire vers 1609 à Nettuno (aussi appelé Porto Anzio, ancienne Antium), dans les ruines de la villa de l'empereur Néron[1]. Elle est aussitôt achetée par le cardinal Scipion Borghèse[2], qui la fait restaurer en 1611, probablement par le sculpteur Nicolas Cordier : les quatorze morceaux principaux découverts sont remontés ensemble ; le restaurateur restitue le bras droit manquant dans le prolongement arrière de la silhouette, ainsi que l'oreille droite et le sexe[3]. La statue est alors identifiée comme une représentation de gladiateur ; elle rejoint le reste des collections du cardinal au casino Borghèse, sur le Pincio, à Rome, où elle a l'honneur d'une salle spécialement dédiée.

Vu sous un autre angle
Vu sous un autre angle

Elle devient connue par toute l'Europe sous le nom de « Gladiateur Borghèse », suscitant nombre de copies et de moulages. Ainsi, dès 1630, le roi Jacques Ier d'Angleterre en obtient un moulage et fait réaliser un tirage en bronze pour les jardins de St. James's Palace[4]. Les collectionneurs privés ne sont pas en reste : le quatrième comte de Pembroke fait couler par Eustache Le Sueur un autre tirage qui rejoint ses jardins de Wilton. Dans son ouvrage sur ces jardins, Isaac de Caus réserve une planche à la statue, « la plus célèbre de toutes celles que l'Antiquité nous a laissées[5]. » L'érudit allemand Winckelmann est le premier à rejeter l'identification de la statue comme celle d'un gladiateur : effectivement, les Grecs ne connaissaient pas les spectacles de gladiateurs. Il reconnaît alors le Gladiateur comme un guerrier.

En 1807, le prince Camille Borghèse, en proie à des difficultés financières, se décide à se séparer d'une partie des collections familiales. Il prend contact avec des collectionneurs anglais, mais c'est son beau-frère Napoléon Ier qui se porte finalement acquéreur. Le Gladiateur est sans conteste la pièce la plus importante de la cession ; il est expédié par voie de terre — pour éviter toute interception anglaise — dans le premier lot vers Paris, qu'il atteint en octobre 1808. Il entre dans les collections du musée du Louvre sous le numéro d'accession 527.

Abîmé par les moulages successifs, le Gladiateur Borghèse a été restauré en 1996 dans le cadre des travaux du « Grand Louvre ». Les restaurations du XVIe siècle ont été conservées, mais la surface du marbre, qui était devenue très brune, a été nettoyée. La statue a ensuite été placée dans la galerie Daru rouverte au public, où elle fait pendant aux Esclaves de Michel-Ange, situés dans la galerie Mollien qui lui est symétrique.

[modifier] Description

La statue, en marbre du Pentélique, représente un homme nu légèrement plus grand que nature — elle mesure 1,69 mètre du sommet de la tête à la plinthe[6] —, selon toute vraisemblance un soldat en train de combattre un cavalier situé sur sa gauche[7]. Fortement incliné vers l'avant, il lève la tête et se protège en portant haut son bouclier, dont l'attache est sculptée sur le bras gauche. La jambe gauche est tendue en arrière dans le prolongement de l'axe du torse ; seule la pointe du pied repose sur le sol. La jambe droite fléchie supporte le poids du corps, l'équilibre de la statue étant assuré par un étai en forme de tronc d'arbre joint à la partie haute de la cuisse droite. Le bras droit a été restauré complètement tendu, renforçant ainsi la tension latérale de l'œuvre, mais sans nécessité particulière : il aurait très bien pu être plié. La main droite restaurée tient un tronçon d'épée.

[modifier] Datation

Signature de l'artiste
Signature de l'artiste

Le tronc d'arbre porte la signature de l'artiste : ΑΓΑΣΙΑΣ ΔΩΣΙΘΕΟΥ ΕΦΕΣΙΟΣ ΕΠΟΙΕΙ[8] / Agasias Dôsitheou Ephesios epoiei — « Agasias, fils de Dosithéos, Éphésien, a fait ». Inconnu par ailleurs, Agasias est sans doute un parent plus jeune du sculpteur Agasias (début du Ier siècle av. J.-C.), lui-même fils du sculpteur Ménophilos, tous deux ayant travaillé à Délos pour des commanditaires romains[9]. Le sculpteur du Gladiateur Borghèse appartenait probablement à une école de sculpteurs produisant des copies ou des variantes d'œuvres hellénistiques célèbres.

Le rendu particulièrement précis de la musculature renvoie à l'école du baroque pergaménien[10], de même que la pose en diagonale rappelle certaines statues du groupe des Grands Gaulois dédiés par les Attalides de Pergame[11]. La tête a été rapprochée de la Tête Fagan du British Museum, qui appartient au type de l’Hermès à la sandale créé par Lysippe[12].

Sur la base notamment du tracé des lettres de la signature, on considère généralement que l'œuvre a été réalisée entre 130 et 90 av. J.-C.[13] Les historiens de l'art se partagent sur son statut exact. Certaines penchent pour une copie de bonne facture d'un original du IIIe siècle av. J.-C.[14] ; d'autres y voient une adaptation originale d'un modèle pergaménien[15] ou lysippéen[16] ; d'autres encore un original[17].

[modifier] Notes

  1. Hamiaux, p. 54.
  2. Francis Haskell et Nicholas Penny, Pour l'amour de l'antique. La Statuaire gréco-romaine et le goût européen, Hachette, coll. « Bibliothèque d'archéologie », Paris, 1988 (édition originale 1981) (ISBN 2-01-011642-9), p. 34-35.
  3. Hamiaux, p. 54.
  4. Haskell & Penny, p. 41.
  5. Haskell & Penny, p. 46.
  6. Hamiaux, p. 51.
  7. Hamiaux, p. 51.
  8. Inscriptiones Graecae, XIV, 1226.
  9. Marion Muller-Dufeu, La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques, éditions de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, coll. « Beaux-Arts histoire », 2002 (ISBN 2-84056-087-9), p. 865 et 867.
  10. Hamiaux, p. 51.
  11. Rigdway, p. 83.
  12. Ridgway, p. 83.
  13. Hamiaux, p. 54 et Ridgway, p. 53.
  14. R. R. R. Smith, La Sculpture hellénistique, Thames & Hudson, coll. « Histoire de l'art », Paris, 1996 (ISBN 2-87811-107-9), pl. 54.
  15. Jean Marcadé, Au Musée de Délos. Étude sur la sculpture hellénistique en ronde bosse découverte dans l'île, Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, no 215, 1969, p. 371-373.
  16. Margarete Bieber; The Sculpture of the Hellenistic Age, Columbia University Press, New York, 1955, p. 162 et Muller-Dufeu, op. cit., p. 867.
  17. Heide Froning, Marmor-Schmuckreliefs mit griechischen Mythen im 1. Jh. v. Chr.: Untersuchungen zu Chronologie und Funktion, éd. Philipp von Zabern, Mayence, 1981, p. 60-62 et 108-109.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Marianne Hamiaux, Les sculptures grecques, tome II, Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1998 (ISBN 2-7118-3603-7), p. 50-54.
  • Alain Pasquier et Brigitte Bourgeois, Le Gladiateur Borghèse et sa restauration, éd. du musée du Louvre, Paris, 1997, (ISBN ISBN 2-901785-07-7).
  • (en) Brunilde Sismondo Ridgway, Hellenistic Sculpture I. The Styles of ca. 331-200 B.C., University of Wisconsin Press, Madison, 2001 (ISBN 0-299-11824-X), p. 83.

[modifier] Liens externes

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