Fort de Charenton

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Le fort de Charenton est un ouvrage militaire défensif construit en 1842 sur la commune de Maisons-Alfort et faisant parti du dispositif de protection de Paris décidé par Adolphe Thiers.

Sommaire

[modifier] Présentation

La chute de Napoléon, en 1814 puis la défaite de Waterloo en 1815 virent Paris occupée par une armée d'invasion. Pour parer à toute nouvelle occupation, il fut décidé la construction d'un dispositif défensif. L'enceinte de Paris vit le jour en 1841. Elle était composée d'une fortification ceinturant la ville renforcée par 16 forts positionnés à quelques kilomètres de celle-ci. Le fort de Charenton faisait partie de ce système. Actuellement occupé par la gendarmerie nationale, le fort vit passer différents régiments ainsi que des troupes d'occupation lors de la guerre franco-allemande de 1870 et la Seconde Guerre mondiale.

[modifier] Histoire de l'enceinte de Thiers

Article principal : Enceintes de Paris.
La poterne des Peupliers, l'un des seuls vestiges encore visibles de l'enceinte de Thiers
La poterne des Peupliers, l'un des seuls vestiges encore visibles de l'enceinte de Thiers

Paris était une ville qui n'avait jamais été envahie par une armée ennemie, sauf si l'on considère la période de la guerre de 100 ans où les bouguignons, alliés aux anglais, l'occupèrent. Il fallut attendre la chute de Napoléon pour voir deux armées occuper la capitale française en moins d'un an, en 1814 puis à la suite de la défaite de Waterloo en 1815.

Louis-Philippe, proclamé roi des Français en 1830, était convaincu que la clé de la défense du territoire était d'empêcher Paris de tomber trop facilement aux mains des armées étrangères comme en 1814. Aussi conçut-il le projet de construire autour de la capitale une enceinte de fortifications qui rendrait la ville imprenable.

Un premier projet fut présenté à la Chambre des députés au début de 1833 par le maréchal Soult, président du Conseil et ministre de la Guerre. Il suscita d'emblée une très vive résistance de la part de la gauche, dont les orateurs soupçonnèrent – ou feignirent de soupçonner – de la part du gouvernement des arrière-pensées de politique intérieure : on affirmait que les fortifications étaient en réalité destinées non à défendre la France, mais à menacer les Parisiens au cas où ils viendraient à se révolter contre le pouvoir royal.

À cette enceinte entourant Paris se rajoutait un système de 16 forts détachés[1], placés à quelques kilomètres de Paris afin de constituer une première ligne de défense dont le fort de Charenton.

[modifier] Doctrine militaire de l'emploi des forts

Pour mieux comprendre l'importance de ces ouvrages militaire, il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Au milieu du XIXe siècle, les routes sont peu nombreuses. En raison de la taille d'une armée en campagne, celle ci est tenue d'emprunter les axes de communication existants afin que les charriots d'approvisionnement puissent la suivre sans s'enliser dans les chemins de terre à la mauvaise saison.

Ainsi, un ouvrage militaire, placé sur un axe important de communication est à même de ralentir fortement voire de stopper une troupe composée de plusieurs milliers d'hommes. Le fort de Charenton rempli cet office du fait de son positionnement sur les actuelles RN6 et RN19 qui étaient respectivement, à l'époque, les routes de Genève et de Belfort ainsi que la proximité du pont de Charenton sur la Marne et du pont à l'anglais sur la Seine.
En temps de guerre, le fort rempli plusieurs fonctions :

  • Il permet à une troupe composée de plusieurs centaines d'hommes d'être parfaitement abritée d'une attaque ennemie. En contrepartie, les assaillants seront soumis aux coups des défenseurs en raison de la structure du terrain qui, de par son aménagement, leur est défavorable.
  • Si l'ennemie ignore l'ouvrage et le contourne, il se retrouve face au risque potentiel de se faire attaquer sur ses arrières par les militaires occupants le fort. Pour éviter ce risque, il est obligé de laisser une partie de ses troupe défendre ses arrière ou neutraliser l'ouvrage en empêchant par exemple toute sortie des occupants. Cela a pour inconvénient de l'affaiblir en réduisant ses effectifs disponibles.
  • Cela permet de concentrer et de protéger l'artillerie. Egalement, c'est un point d'appui pour des troupes amies.

Aujourd'hui, si les forts ont perdu tout intérêt militaire, à l'époque, quand l'ennemie voulait le prendre, les soldats devaient monter à l'assaut sous la mitraille des défenseurs bien protégés par d'épaisses murailles et tirants de meurtrières.

[modifier] Le fort de Charenton

Entrée du Fort de Charenton
Entrée du Fort de Charenton

Le fort de Charenton est un ouvrage militaire défensif dont la construction, ainsi que celle de ses homologues, fut décidée le 03 avril 1841 par le vote d'une loi proposée par Adolphe Thiers. Le coût de cet ouvrage fût de 5 millions de francs de l'époque soit un peu plus de 9 millions d'euros actuels. Sa construction ainsi que son aménagement dura 5 ans. Initialement, les fort devaient prendre le nom de la commune sur laquelle ils étaient implantés, ici Maisons-Alfort. Cependant, dans le cas présent, il porte le nom de la ville qu'il devait défendre, soit Charenton.

[modifier] Choix du lieu d'implantation

Dans un premier temps, Il a tout d'abord été question d'édifier ce fort sur le plateau de Saint-Maurice, les terrains étaient même achetés. L'administration militaire changea d'avis et se décida pour l'emplacement actuel.[2]

Au milieu du XIXe siècle, Maisons-Alfort est en pleine campagne. L'emplacement choisi pour implanter le fort est un monticule, la « butte de Gramont », avec la vue parfaitement dégagée mis à part du coté de l'école vétérinaire, ce qui ne gène en rien puisque celle-ci est positionnée au nord-ouest de l'emplacement en se dirigeant sur Paris. Le lieu est d'autant plus stratégique que lors de la bataille de Paris en 1814, les corps autro-wurtembergeois du prince de Wurtemberg attaquèrent et enlevèrent facilement les ponts de Charenton -défendu par les élèves de l'école vétérinaire et quelques troupes régulières- et de Saint-Maur, points de passages obligés sur la Marne[3]. Le fort de Charenton, du fait de son positionnement entre les actuelles RN6 et RN19 qui étaient respectivement les routes de Genève et de Belfort ainsi que la proximité du pont de Charenton sur la Marne et du pont à l'anglais sur la Seine rempli parfaitement son rôle de chien de garde tel que décrit par Victor Hugo.

[modifier] La construction

[modifier] Le fort

Vue aérienne du fort de Charenton, au premier plan les immeubles de la Garde républicaine construits en 1930
Vue aérienne du fort de Charenton, au premier plan les immeubles de la Garde républicaine construits en 1930

Il fut décidé de construire le fort selon le « système Vauban ou des places ». La construction nécessita l'acquisition d'un terrain d'une surface approximative de 26 hectares dont l'expropriation de certains propriétaires ne se fit pas sans difficultés. Le fort proprement dit occupe une surface d'environ 10 hectares pour un périmètre estimé de 1500 mètres. Le roi Louis-Philippe posa la première pierre le 19 avril 1841, soit deux semaines seulement après le vote de la loi, et l'enceinte fut terminée dans le courant de l'année suivante[4].

[modifier] Les casernes

Devant loger plusieurs centaines d'hommes, le fort devait disposer de toute l'infrastructure nécessaire à son hébergement ainsi qu'à son entrainement. En 1843, il fut décidé l'aménagement des bâtiments selon le programme suivant :

« Les casernes seront disposées pour loger quatre compagnies d'un effectif de 110 hommes environ avec leurs sous-officiers, et pour recevoir en même temps le petit état-major avec la plus grande partie des accessoires pouvant trouver place dans quelques-unes des casemates des forts ou dans le rez-de-chaussée du pavillon d'officiers, qui en général fera pendant au corps de caserne. Elles seront élevées de deux étages au dessus du rez-de-chaussée, et se composeront d'une série de travées de 6,50 m de largeur, éclairées par deux fenêtres sur chacune des façades, et desservies de deux en deux par des escaliers ayant 3 m de largeur de cage et débouchant sur la façade principale sans être précédés de vestibule. En outre, deux autres escaliers, avec entrée sur les pignons, seront disposés dans chacune des des travées extrêmes, que l'on divisera en petites chambres. Les chambres de la troupe occuperont les grandes travées ; elles seront en communication entre elles et avec les paliers des escaliers par les portes pratiquées dans les murs de refend contre la façade principale ; elles auront une longueur de 14,10 m, une hauteur sous plafond de 3,45 m, et pourront recevoir vingt-quatre lits.

On abritera le bâtiment par un toit à deux pans couvert en zinc, avec pignon aux deux extrémités et, pour éviter la dépense qu'occasionnerait des fermes en charpente, on surmontera les murs de refend, à partir du dessus du plancher du grenier, par des piliers en maçonnerie, sur lesquels reposeront les pannes. En outre, comme ces pièces de charpente, en raison de leur portée, auraient besoin d'un fort équarrissage pour supporter seules le poids de la couverture, on les renforcera par des contre-fiches qui permettront d'en réduire les dimensions à celles des bois ordinaires du commerce.

On pratiquera, dans tous les murs de refend, tant au rez-de-chaussée qu'à chaque étage, des tuyaux de cheminée, qui seront dévoyés, et dont la réunion constituera une souche unique débouchant au faîte du bâtiment.

Les escaliers seront en bois, et la première volée, allant du rez-de-chaussée au premier étage, aura une ou deux marches de plus que la seconde, ce qui permettra d'avoir, sous le palier intermédiaire, une hauteur suffisante pour y passer commodément et parvenir dans les petites chambres ménagées en arrière de ces escaliers[5]. »

En 1930, des bâtiments sont construits à l'extérieur du fort pour accueillir le 3ème groupe à cheval de la 1ère légion de garde républicaine mobile. A ce jour seulement une dizaine d'immeubles subsistent le long du boulevard Charles-de-Gaulle.

Lors de l'occupation allemande à compter de 1940, de petits bunkers furent construits à la pointe de chaque bastion, ils accueillirent chacun une ou plusieurs mitrailleuses.

[modifier] Emploi et occupation du Fort

[modifier] De la construction à la deuxième guerre mondiale

Le fort de Charenton dans les lignes prussiennes lors de la commune de Paris.
Le fort de Charenton dans les lignes prussiennes lors de la commune de Paris.

Achevé en 1845, il est employé dans un premier temps comme prison suite à la révolution de 1848. Quelques années après la prise de pouvoir par Napoléon III, en 1859, le fort est armé d'une artillerie bénéficiant de la dernière avancée technologique de l'époque, le canon rayé. Les pièces installées, des « canons longue portée », pouvaient tirer à 3 000 m.[4].

Lors de la guerre franco-allemande de 1870, grâce à son artillerie, le fort participa à la défense de Paris face aux Prussiens. « Le fort avait été armé de canons à longue portée, qui appuyaient nos troupes ; notamment, dans les combats du Moulin-Saquet, de la Gare-aux-bœufs, et de Mont-Mesly, détruisant en partie Choisy-le-Roi, occupé par les troupes allemandes. Fort heureusement, l'artillerie ennemie ne répondit jamais et aucun projectile ne tomba, ni sur le fort, ni sur le village. »[6] Suite à la victoire de ces derniers, l'ouvrage fut livré aux troupes d'occupation en février 1871 et évacué le 30 septembre de la même année. De ce fait le fort sera un témoin distant de la Commune de Paris.

Les renseignements manquent pour connaitre l'emploi du fort jusqu'en 1910, date à laquelle, une partie du 59ème régiment d'artillerie, le 1er groupe pour être précis, s'installe dans les casernes. Lors de la Première Guerre mondiale cette unité est remplacée par une partie du 3ème régiment d'artillerie coloniale. En 1914, le fort est occupé par le 32ème régiment divisionnaire jusqu'à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale où il est envoyé au front. Suite à l'attaque allemande de mai 1940, l'unité sera pratiquement détruite.

[modifier] Depuis la seconde guerre mondiale

Peu d'informations subsistent de l'occupation allemande. Lors de cette période, le fort servit de dépôt de munition et une station radio y fut installée. Devant l'avance alliée et la chute de Paris, il fut abandonné le 25 août 1944. Avant de prendre la fuite, les allemands minèrent les centaines de tonnes d'explosifs entreposées avec un système de mise à feu fonctionnant à l'acide. Grâce à la présence quasi immédiate du démineur Roger François, l'explosion ainsi que la destruction d'une grande partie de la ville fut évitée.

A partir de 1944 le fort voit passer des unités de la gendarmerie, un centre pour détenus politique, pour mineur délinquants. En 1950, Le fort est attribué à la gendarmerie[7]. En pleine période de décolonisation, le fort est un « centre de de rassemblement des détachements de relève en Extrême-Orient » qui verra passer plus de 6 000 gendarmes en partance pour l'Indochine[8]. La guerre terminée, différents services de la gendarmeries vont s'installer dans le fort, on y verra tour à tour le commandement des écoles en 1959 jusqu'au début des années 2000, le GIGN y sera créé en 1974 avant d'être transféré à Satory en 1983. Actuellement le fort est occupé par différents services de la directions de la gendarmerie nationale et le service historique de la gendarmerie.

[modifier] Bibliographie

  • (fr) Fascicule « Le Fort de Charenton, 150 ans d'histoire » - 1995
  • (fr) Amédée Chenal - « Histoire de Maisons-Alfort et d’Alfortville » - 1898[9]
  • (fr) Maisons-Alfort, Mille ans d'histoire AMAH, 2 tomes 1984-1986 :
    • Tome I - Des origines au XIXe siècle
    • Tome II - le XXe siècle

[modifier] Notes et références

  1. Source : Liste des ouvrages détachés extraite du site de référence, http://www.fortifs.org/
  2. Amédée Chenal - Histoire de Maisons-Alfort et d’Alfortville p.60
  3. Amédée Chenal - Histoire de Maisons-Alfort et d’Alfortville p.52
  4. ab Maisons-Alfort, Mille ans d'histoire, p. 143
  5. Fascicule « Le Fort de Charenton, 150 ans d'histoire » édité en 1995 par le service historique de la défense, disponible à la médiathèque de la ville
  6. Amédée Chenal - Histoire de Maisons-Alfort et d’Alfortville p.75
  7. Par décision ministérielle en date du 30 novembre 1950
  8. Fascicule « Le Fort de Charenton, 150 ans d'histoire » p 22
  9. cliquer sur ce lien pour télécharger l'ouvrage complet d'Amédée Chenal - « Histoire de Maisons-Alfort et d’Alfortville »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

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