Envoi de renforts français aux États-Unis en 1781

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Envoi de renforts français aux États-Unis (1781)

Sommaire

[modifier] Arrivée de l'Amazone

L'Amazone, partie le 28 octobre sous les ordres de La Pérouse, avec le vicomte de Rochambeau et les dépêches du chevalier de Ternay, vint débarquer à Brest. La situation était un peu changée. M. de Castries avait remplacé M. de Sartine au ministère de la marine; M. de Montbarrey, à la guerre, était remplacé par M. de Ségur.

Les Anglais avaient déclaré brusquement la guerre à la Hollande et s'étaient emparés de ses principales possessions. La France faisait des préparatifs pour soutenir ces alliés. Ces circonstances réunies avaient détourné l'attention de ce qui se passait en Amérique. Le roi donna néanmoins à M. de La Pérouse l'ordre de repartir sur-le-champ sur l'Astrée, frégate qui était la meilleure voilière de Brest, et de porter en Amérique quinze cent mille livres qui étaient déposées à Brest depuis six mois pour partir avec la seconde division. Il retint le colonel Rochambeau à Versailles jusqu'à ce qu'on eût décidé en conseil sur ce qu'il convenait de faire[1].

[modifier] Par suite des circonstances on restreint l'envoi des renforts

Les ministres convinrent qu'en l'état actuel des affaires il n'était pas possible d'envoyer la seconde division de l'armée en Amérique. On fit partir seulement, le 23 mars 1781, un vaisseau, le Sagittaire, et six navires de transport sous la conduite du bailli de Suffren. Ils emportaient six cent trente trois recrues du régiment de Dillon, qui devaient compléter les quinze cents hommes de ce régiment, dont l'autre partie était aux Antilles. Il y avait en outre quatre compagnies d'artillerie. Ces navires suivirent la flotte aux ordres du comte de Grasse jusqu'aux Açores.

Corrections à apporter :

Suffren n'a pas commandé le petit convoi escorté du Sagittaire amenant des renforts à Rochambeau ! Il est seulement parti de Brest en même temps que de Grasse et quelques heures après eux. Suffren se sépara de de Grasse au voisinage de Madère pour aller aux Indes avec quatre vaisseaux, une corvette et une frégate ainsi que quelques transports.

D'autre part les renforts n'appartenaient pas au régiment de Dillon, dont aucun homme n'était d'ailleurs avec Rochambeau (souf deux officiers de ce nom qui appartenaient à la Légion de Lauzun et non au rt de Dillon.

[modifier] Le vicomte de Rochambeau repart sur la Concorde

La frégate la Concorde, capitaine Saunauveron[2], partit de Brest trois jours après, à quatre heures du soir, escortée par l'Émeraude et la Bellone_ seulement jusqu'au delà des caps: ces deux frégates devaient venir croiser ensuite. La Concorde emmenait M. le vicomte de Rochambeau avec des dépêches pour son père; M. de Barras, qui venait comme chef d'escadre remplacer M. Destouches et prendre la suite des opérations de M. de Ternay; M. d'Alphéran, capitaine de vaisseau[3], et un aide de camp de M. de Rochambeau[4]. Enfin elle portait un million deux cent mille livres pour le corps expéditionnaire. Le Sagittaire devait apporter pareille somme; et, pour remplacer le secours promis en hommes, secours que la présence d'une puissante flotte anglaise devant Brest avait empêché de partir, le gouvernement français mettait à la disposition du général Washington une somme de six millions de livres.

Partie le 26 mars de Brest, la Concorde arriva à Boston[5] le 6 mai, sans autre incident que la rencontre du Rover, pris l'année précédente par la frégate la Junon_, dont le capitaine était le comte de Kergariou Loc-Maria. Le Rover était commandé par M. Dourdon de Pierre-Fiche, et retournait en France donner avis de l'issue de la bataille de Cap Henry, livré dans la baie de Chesapeak.

[modifier] Notes

  1. l'Astrée rentra à Boston le 25 janvier, après soixante et un jours de traversée. Elle avait à bord huit millions. Mercure de France, mai 1781, page 31. Ce chiffre de huit millions est certainement exagéré.
  2. Elle portait trente-six canons, vingt-quatre soldats de terre et trente-cinq marins. Mercure de France, avril 1781, page 87.
  3. Blanchard
  4. Pour Thomas Balch, l'aide de camp de Rochambeau et passager de la Concorde, était Cromot du Bourg.
  5. Pour Cromot du Bourg, «La ville de Boston est bâtie comme le sont à peu près toutes les villes anglaises; des maisons fort petites en briques ou en bois; les dedans sont extrêmement propres. Les habitants vivent absolument à l'anglaise; ils ont l'air de bonnes gens et très-affables. J'ai été fort bien reçu dans le peu de visites que j'ai été à même de faire. On y prend beaucoup de thé le matin. Le dîner, qui est assez communément à deux heures, est composé d'une grande quantité de viande; on y mange fort peu de pain. Sur les cinq heures on prend encore du thé, du vin, du madère, du punch, et cette cérémonie dure jusqu'à dix heures. Alors on se met à table, où l'on fait un souper moins considérable que le dîner. A chaque repas on ôte la nappe au moment du dessert et l'on apporte du fruit. Au total, la plus grande partie du temps est consacrée à la table.» Après avoir dit qu'il fit d'abord une visite au consul de France à Boston, à M. Hancock, gouverneur de cette ville, et au docteur Cooper, il ajoute: «Pendant la journée du 7 mai j'ai vu la ville autant qu'il m'a été possible; elle est très-considérable et annonce encore qu'avant la guerre ce devait être un séjour charmant. Elle est dans la plus belle position possible, a un port superbe, et, d'un endroit élevé appelé le Fanal, on a la plus belle vue du monde. On allume le fanal en cas de surprise, et à ce signal toutes les milices du pays se rassemblent; on le voit d'extrêmement loin. On y voit la position que prit le général Washington lorsqu'il s'empara de la ville et força les Anglais de l'abandonner. «Je suis parti le 8 de Boston pour me rendre à New-port. J'ai couché à quinze milles de là, et j'ai retrouvé dans l'auberge où je me suis arrêté la même propreté qu'à la ville: c'est un usage qui tient au pays. Notre aubergiste était un capitaine. Les différents grades étant accordés ici à tous les états, ou plutôt l'état militaire n'y étant pas une carrière, il y a des cordonniers colonels, et il arrive souvent aux Américains de demander aux officiers français quelle est leur profession en France. (On connaît cette anecdote: «Un Américain demandait à un officier supérieur français ce qu'il faisait en France.--Je ne fais rien, dit celui-ci.--Mais votre père?--Il ne fait rien non plus _ou_ il est ministre.--Mais ce n'est pas un état!--Mais j'ai un oncle qui est maréchal.--Ah! c'est un très-bon métier.»--L'anecdote est peut-être inventée; les uns l'attribuent à Lauzun, d'autres à de Ségur ou à de Broglie.). «Le pays que j'ai parcouru dans ces quinze milles ressemble beaucoup à la Normandie entre Pont-d'Ouilly et Condé-sur-Noireau; il est très-couvert, très-montueux et coupé de nombreux ruisseaux. Les terres cultivées que l'on y rencontre sont entourées de murs de pierres que l'on a posées les unes sur les autres, ou de palissades de bois. Le 9 au matin je suis parti de mon gîte pour me rendre à Newport. Le pays m'a paru moins couvert, mais aussi peu cultivé que la veille. Au total, il n'est pas habité. Les villages sont immenses; il y en a qui ont quatre, cinq et même quinze et vingt milles de long, les maisons étant éparses. Je suis passé à Bristol, qui était une ville très-commerçante avant la guerre; mais les Anglais, en se retirant, ont brûlé plus des trois quarts des maisons, qui ne sont pas encore rétablies. J'ai enfin passé le bac de Bristol-Ferry, qui sépare Rhode Island du continent; le bras de mer a près d'un mille (Un kilomètre six cent neuf mètres environ.). «J'ai trouvé l'armée dans le meilleur état possible, fort peu de malades et les troupes bien tenues. L'île m'a paru fortifiée de manière à ne craindre aucun débarquement. La ville de Newport est la seule de l'île; elle n'a que deux rues considérables, mais elle est assez jolie et devait être très-commerçante avant la guerre. Les trois quarts des maisons éparses dans le reste sont de petites fermes. Il y a en avant du port, au sud-ouest de la ville, l'île de Goat, qui est éloignée d'un demi-mille, sur laquelle il y a une batterie de huit pièces de vingt-quatre qui défend l'entrée de la rade. Au sud-ouest de Goat-Island est la batterie de Brenton, de douze pièces de vingt-quatre et de quatre mortiers de douze pouces, dont le feu croise avec celui des vaisseaux en rade. La batterie de Brenton est à un demi-mille de Goat-Island. «Rhode Island est, dans sa plus grande longueur, tout au plus de quinze milles», et l'endroit le plus large de l'île est de cinq. Ce devait être un des endroits du monde les plus agréables avant la guerre, puisque, malgré ses désastres, quelques maisons détruites et tous ses bois abattus, elle offre encore un charmant séjour. Le terrain est fort coupé, c'est-à-dire que tous les terrains des divers propriétaires sont enclos ou de murs de pierres entassées ou de barrières de bois. Il y a quelques terres défrichées dans lesquelles le seigle et les différents grains viennent à merveille; on y cultive aussi le maïs. Il y a encore, comme en Normandie, des vergers considérables, et les arbres rapportent à peu près les mêmes fruits qu'en France.» «J'ai trouvé l'armée dans le meilleur état possible, fort peu de malades et les troupes bien tenues. L'île m'a paru fortifiée de manière à ne craindre aucun débarquement. La ville de Newport est la seule de l'île; elle n'a que deux rues considérables, mais elle est assez jolie et devait être très-commerçante avant la guerre. Les trois quarts des maisons éparses dans le reste sont de petites fermes. Il y a en avant du port, au sud-ouest de la ville, l'île de Goat, qui est éloignée d'un demi-mille, sur laquelle il y a une batterie de huit pièces de vingt-quatre qui défend l'entrée de la rade. Au sud-ouest de Goal-Island est la batterie de Brenton, de douze pièces de vingt-quatre et de quatre mortiers de douze pouces, dont le feu croise avec celui des vaisseaux en rade. La batterie de Brenton est à un demi-mille de Goat-Island. «Au nord-ouest de Goat-Island, environ à trois quarts de mille, est la batterie de Rase-Island, composée de vingt pièces de trente-six et de quatre mortiers de douze pouces, à laquelle la droite des vaisseaux est appuyée, et elle défend non-seulement l'entrée de la rade, mais aussi les vaisseaux qui pourraient en sortir...Il me paraît d'après la position des batteries et le feu de nos vaisseaux qu'il serait de toute impossibilité à l'ennemi d'entrer dans la rade. «Il y a peu de gibier dans l'île, mais une grande quantité d'animaux domestiques. Les chevaux sont généralement assez bons, quoique sans avoir autant d'espèces que je l'aurais cru, les Anglais ayant apporté leur race dans ce pays ainsi que dans le continent; ils y sont extrêmement chers, et un cheval qui vaut 20 louis en France se paye au moins 40 ou 50. Leur grand talent est de bien sauter, y étant habitués de très-bonne heure. Ils ont tous une allure semblable à celle que nous appelons l'amble et dont on a beaucoup de peine à les déshabituer.»

[modifier] Source

Thomas Balch, Les Français en Amérique pendant la guerre de l'Indépendance des Etats-Unis 1777-1783, 1872 [détail édition]