Chimère (mythologie)

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Chimère sur un plat à figures rouges apulien, v. 350-340 av. J.-C., musée du Louvre
Chimère sur un plat à figures rouges apulien, v. 350-340 av. J.-C., musée du Louvre

Dans la mythologie grecque, la Chimère (du latin Chĭmæra, emprunté au grec ancien Χίμαιρα / Khímaira, qui désigne d'abord une jeune chèvre ayant passé un hiver — χεῖμα / kheĩma[1]) est une créature fantastique ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent, qui crache le feu et dévore les humains. Elle est tuée par le héros Bellérophon.

Sommaire

[modifier] Mythe grec

Fille de Typhon et d'Échidna[2] ou de l'Hydre de Lerne[3], la Chimère est élevée à Pathéra, en Asie Mineure, par le roi de Carie, Amisodarès[4]. Homère en fait un monstre « lion par-devant, serpent par-derrière, chèvre au milieu[5] » ; Hésiode comme un monstre à trois têtes, l'une de lion, l'autre de chèvre, la tierce de serpent[6]. Chez les deux auteurs, la Chimère crache le feu[7]. Elle s'unit avec le chien Orthos et donne naissance au Sphinx et au Lion de Némée[8].

Sa réputation fait craindre à Iobatès, roi de Lycie, pour la vie de ses sujets. Ainsi, demande-t-il à Bellérophon de le débarrasser de cette créature. Celui-ci, monté sur son cheval ailé Pégase, se précipite sur elle, lui enfonce dans la gueule une boule de plomb qui, sous l'action du feu, fond et l'étouffe (selon une autre version, il la crible de flèches).

Plutarque en livre une version historicisante : la Chimère n'était pas un monstre mais un capitaine pirate, nommé Chimarros, qui aurait causé de nombreux dommages aux Lyciens. Son bateau était orné d'un lion à la proue et d'un dragon à la poupe, tandis que sur sa voile était représentée une chèvre. Bellérophon l'aurait pris en chasse avec son propre navire, le Pégase, et l'aurait tué.

[modifier] Interprétation

La Chimère et son mythe offrent un terreau fertile aux interprétations:

  • les animaux sont traditionnellement porteurs de multiples symboles (royauté pour le lion, etc.), et la chimère réunit ainsi les symboles de trois animaux (le sens à lui donner n'étant pas aussi évident pour nous qu'il pouvait l'être à l'époque...) ;
  • inversement, les animaux peuvent servir de symboles et emblèmes ;
  • le thème classique de la victoire du héros sur le monstre peut s'interpréter à tout niveau, du psychologique le plus profondément enfoui, au plus collectif (victoire d'un peuple sur un autre --ou une coalition de plusieurs peuples--, d'une religion sur une autre, d'une organisation politique sur une autre, etc.). La seule condition est de rassembler des indices liant le monstre au(x) vaincu(s) et le héros (et ses alliés ou caractéristiques) au(x) vainqueur(s). Et d'être convainquant car en la matière il n'y a pas de preuves...

[modifier] Interprétation de Robert Graves

Pour Robert Graves, chacune de ses parties correspond, dans la société à filiation matriarcale qui prècéde celle patriarcale des Achéens, aux trois âges de la vie d'une femme: le lion pour la puberté, la chèvre pour la maturité, le serpent pour la ménopause. On attribuait également à ces mêmes animaux les trois saisons du cours de l'année : le printemps pour le lion, l'été pour la chèvre et l'hiver pour le serpent qui est froid, qui mue, se "régénère" dans l'ombre. L'assemblage de ces trois éléments de la compréhension du temps et de la nature symbolisait la vie qui passe, la vie dans son cours : la Déesse-Mère dans son accomplissement.

La légende selon laquelle elle fut tuée signifie l'abandon de son culte et de ses prérogatives, remplacés par ceux des nouveaux dieux masculins. Qu'elle crache du feu, etc. correspond au respect qui lui était dû qui, si désobéi, vous embrasait. Le symbole du serpent se retrouve dans la Genèse de la Bible, encore sous la forme d'un animal féminin, mais cette fois là néfaste ; et dans la religion chrétienne on donne encore à la Vierge le pouvoir de dominer son serpent. Mais tandis que dans les temps de la Chimère, en tant que représentante de la Déesse-Mère, le serpent était le symbole d'un âge, d'une époque de l'année, il est devenu un symbole phallique dans la société patriarcale.

Les sibylles utilisant l'interprétation chamanique des colchidiens et cimmériens, toujours présente dans les rites Tungus, où la Chimère est le symbole de la connaissance, clé alchimique permettant de forger métaux et pierres grace à la combinaison des forces élémentaires (Lion/Serpent Terre, Poisson/Dauphin eau, Salamandre Feu, Aigle Air). La plupart d'entre elles étant représentée sous la forme d'une Chimère, comme par exemple la sirène Parthénope représentant Aristodème, sibylle de Cumes, la Sphinge d'Érythrée, le Griffon (Lion, Poisson, Salamandre, Aigle) de Colchide et (Dauphin, Aigle, Python, Chèvre) pour la Pythie de Delphes.

Le culte de la Chimère, assez complexe, comporta un temps des sacrifices humains, coutumier de tout les cultes de l'époque, pour chacune des formes primaires de la Chimère avant d'y substituer un bouc pour le même usage.

[modifier] Interprétation de Mouravieff

Boris Mouravieff, dans Gnôsis (t.2), mentionne la Chimère comme étant un symbole de la condition de l'homme moderne, ayant un centre intellectuel excessivement développé (tête de lion), corrompant l'activité du centre émotionnel (corps de chèvre), tout en laissant libre cours aux instincts vulgaires du centre moteur (queue de serpent). Le Travail ésotérique permet de retrouver un équilibre de ces centres, et donc de la Personnalité, condition essentielle au développement de l'être.

[modifier] Représentations artistiques

[modifier] Notes

  1. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (édition mise à jour) (ISBN 2-252-03277-4) à l'article Χίμαιρα.
  2. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne] (319).
  3. Suivant la manière dont l'on interprète le pronom personnel du début du vers 319 — « elle enfantait aussi Chimère… » —, qui peut renvoyer à Échidna, dont on parle tout au long du passage, ou à l'Hydre, sujet des vers 316-318.
  4. Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (XVI, 328-329).
  5. Iliade (VI, 181-182. Extrait de la traduction de Paul Mazon pour les Belles Lettres.
  6. Théogonie, 321-322.
  7. Hésiode : Théogonie (319) et Catalogue des femmes [détail des éditions] [(en) lire en ligne] (frag. 43a87 MW) ; Iliade (182). Selon les scholies exégétiques de l'Iliade, c'est la tête de lion qui crache le feu, alors que dans les représentations orientalisantes et postérieures, et chez Ovide, Métamorphoses [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 647), c'est la tête de chèvre. G. S. Kirk (éd.), The Iliad: a Commentary, vol. II (chants V-VIII), Cambridge University Press, Cambridge, 1990 (ISBN 0-521-28172-5), commentaire des vers VI, 179-183.
  8. Théogonie (326-332).

[modifier] Sources

[modifier] Voir aussi

  • le terme anglais shemale, désignant des androgynes, contient une référence à la chimère par sa prononciation et son concept.

[modifier] Lien externe

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