Cécile Renault

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Cécile Renault au Tribunal révolutionnaire, médaillon d'après un dessin par Pajou fils.
Cécile Renault au Tribunal révolutionnaire, médaillon d'après un dessin par Pajou fils.

Cécile-Aimée Renault (1774-1794).

Accusée d'avoir voulu assassiner Robespierre, Cécile Renault fut exécutée avec les siens le 17 juin 1794 (29 prairial an II)

Sommaire

[modifier] Une jeune fille ordinaire

Fille d'un papetier de Paris, Cécile Renault, née à Paris en 1774, vivait sous le toit familial et n'avait pas d'activité professionnelle, son père lui donnant de temps à autre un peu d'argent de poche. Elle était naïve, très coquette et nullement politisée. Son instruction avait été sommaire et, si elle savait un peu lire, elle ne savait pas écrire ou du moins, son procès-verbal d'interrogatoire par la police politique a été signé d'une croix (ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle ait tracé elle-même cette croix). Très surveillée par son père et sa tante qui remplaçait sa mère décédée, elle ne sortait seule que pour des courses rapides dans l'île de la Cité (le domicile familial, rue de la Lanterne se trouvant alors à l'emplacement du Marché aux Fleurs). D'après les témoignages des voisins et riverains — les seuls fiables en la circonstance —, on peut reconstituer son emploi du temps entre le moment où elle quitta la maison paternelle avec un paquet contenant « un déshabillé et ses festons » destiné à sa couturière, et celui où elle s'est retrouvée entre les mains des membres de la police politique, dont quelques membres du Comité de sûreté générale, qui l'ont interrogée — ou « fort tourmentée » selon le policier Sénar, témoin de la scène —, puis placée au secret, sans aucun contact avec l'extérieur, sans avocat et coupée du monde jusqu'au fameux procès expéditif des prétendus assassins des pères du peuple.

[modifier] Un crime imaginaire ?

Le 22 mai 1794, elle avait donc quitté son logis avec son déshabillé enveloppé, avec une seule chose en tête: que la couturière ait fini de retoucher sa robe avant le mariage de sa cousine. Il était, de l'avis des témoins qui la virent partir, un peu plus de dix-sept heures trente, un détail capital. Elle se dirigea non pas chez Robespierre mais chez la couturière qui demeurait dans l'île Saint-Louis (rue des deux-Ponts, n°25), c'est-à-dire une direction exactement opposée à celle de la rue Saint-Honoré, domicile de l'Incorruptible. Cécile atteignit rapidement la rue des Deux-Ponts où elle fit l'emplette d'un petit miroir chez la citoyenne Julle, une commerçante de la rue des deux-Ponts, puis, un peu avant dix-huit heures, elle disparut. À partir de ce moment, on se peut que s'en remettre aux assertions des membres du Comité de sûreté générale qui, travaillant l'interrogatoire de police, ont cherché à suggérer que Cécile Renault avait prémédité un projet meurtrier et qu'elle avait été arrêtée à ...vingt-et-une heures, dans la cour de Robespierre (témoignage du citoyen Châtelet, un des faux témoins du Comité de sûreté générale et du Tribunal révolutionnaire) : c'est sur ce témoignage renforcé par celui de deux autres comparses que fut validée la « tentative » de Cécile Renault telle que l'a imaginée le graveur Duplessis-Bertaux. En admettant que la jeune fille ait subitement décidé de se rendre chez Robespierre — et on se demande pourquoi — elle aurait donc mis trois heures pour couvrir un parcours d'une demi-heure...

[modifier] Un montage polico-policier

Enfermée dans un local du Comité de sûreté générale, elle « n'avait rien d'exalté dans son regard », aux dires du citoyen Monnel, « mais de la résignation. Elle semblait surprise, pourtant, de ce qui lui arrivait. J'eus compassion d'elle car je ne pus douter un moment qu'elle ne fût la victime d'un crime imaginaire ». Un document conservé aux archives de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (Ms. 975, p.65) vient jeter un nouveau doute sur la réalité des charges pesant contre la jeune fille : pour prix de la libération de son mari emprisonné, une dame Lamothe, venue ce soir-là plaider sa cause au Comité de sûreté générale, fut priée de faire une fausse déclaration contre Cécile Renault, portant notamment qu'elle portait sur elle deux petits couteaux, ce qui permit de donner consistance aux aveux selon lesquels la jeune fille se serait rendue chez Robespierre pour, aurait-elle prétendument déclaré, « voir comment était fait un tyran ». Le mot tyran n'était pas anodin car les ennemis de Robespierre — c'est-à-dire tous les députés et représentants qui se sentaient menacés de devoir rendre des comptes publics — avaient à ce moment le plan de doter Robespierre, alors fort populaire, d'une garde prétorienne — ce qu'il refusa farouchement —, mais ce qui aurait permis de le faire passer pour un tyran (la garde prétorienne étant un des attributs du tyran ancien ou moderne). Le crime de Cécile Renault apparaît clairement, en ce sens, comme un montage politico-policier sur lequel l'Incorruptible lui-même a été abusé — il n'a d'ailleurs jamais été cité comme témoin dans cette affaire — car il n'avait aucun contrôle sur les agissements du Comité de sûreté générale.

[modifier] La chemise rouge

L'opération fut rondement menée, un amalgame de complices imaginaires fut réuni à elle, et Cécile Renault, entraînée dans l'engrenage avec son père, ses frères et sa tante, eux-mêmes arrêtés et placés au secret, périt dramatiquement, victime d'une machination qui la dépassait assurément. Elle fut exécutée le 17 juin 1794 (29 prairial an II) recouverte de la chemise rouge des assassins et empoisonneurs[1], en même temps que cinquante-trois prétendus complices, dont son père, Antoine Renault, son frère Antoine-Jacques Renault, et sa tante ex-religieuse, Edmée-Jeanne Renault, qui, avant de mourir, a écrit toute son incompréhension et attesté « avec la plus grande vérité » ne jamais avoir « entendu de propos contre-révolutionnaires » dans la maison familiale[2].

Cet épisode illustre assez bien les propos de Robespierre qui, ne doutant pas que ses ennemis cherchaient à l'abattre, parlait à la veille du 9 thermidor des "conspirations chimériques qu'on mettait en avant pour mieux en cacher de réelles. Dans les jours qui suivirent, il réussit à neutraliser de justesse une autre « affaire » montée par Marc Guillaume Alexis Vadier doyen du Comité de sûreté générale — l'ami intime de Barère —, l'affaire Catherine Théot elle aussi destinée à nuire à l'Incorruptible.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • Olivier Blanc, Les hommes de Londres, Paris Albin Michel, 1989 (documents inédits).
  • Bonnemain, les Chemises rouges, Mémoires pour servir à l'Histoire du règne des anarchistes, Paris, l'an VII, tome II.
  • Alexandre Tuetey, Répertoire général des sources manuscrites de l'Histoire de Paris pendant la Révolution, Paris, 1895, Volume XI.

[modifier] Notes et références

  1. article 4, titre Ier, 1re partie, Code pénal de 1791
  2. AN, W144 (Liasse 1, p.2)
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