Broderie de Fontenoy-le-Château

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Fontenoy-le-Château fut à partir de (1850) un haut lieu de la broderie dite broderie blanche. Cette broderie synonyme de luxe était exportée dans les cours royales du monde entier.

Cadre d'échantillon, imprimé par le brodeur pour tester une nouvelle brodeuse et aussi pour apprendre les différents style de monogrammes.
Musée de la broderie, place Gilbert
Musée de la broderie, place Gilbert

Sommaire

[modifier] Histoire de la broderie en France

Les Romains apportèrent avec leur art de vivre le raffinement de la broderie décorative. Cet art se pratique dans les couvents où les moines produisent pour le sacré. Catherine de Médicis, elle-même très habile dit-on à la broderie, la popularise à la cour de France. Le règne de Louis XIV avec Colbert, fils de marchand de draps, favorise le commerce du luxe. La Révolution française met fin aux grands ateliers des chasubliers qui brodaient pour l'Église. Il faudra attendre l'opulence du second empire pour que la broderie revienne à la pointe de la mode.

[modifier] Histoire de la broderie de Fontenoy-le-Château

[modifier] Naissance de la broderie à Fontenoy

La vallée du Côney compte de nombreuses forges, la Manufacture royale de Bains-les-Bains, la Pipée, le Grurupt, Le Moulin aux Bois qui fournissent de l'ouvrage aux hommes.

Les femmes qui ne s'emploient pas aux forges y sont donc disponibles pour apprendre à broder. Vers 1836 une dame Chancerel[1],[2], venant de Paris, installe un atelier, école de broderie, aux environs de Vincey à La Laumont puis à Chamberg près de Mirecourt. Son atelier prenant de l'ampleur, elle recherche du personnel à former et fait ouvrir un nouvel atelier à Fontenoy[3]. Les monitrices et professeurs y sont huit femmes de Fontenoy qui avaient été pensionnaires et formées chez madame Chancerel soit à Chamberg soit à à La Laumont[4].

-Dès lors toutes les femmes de Fontenoy quittèrent les champs, la quenouille et le fuseau pour l'aiguille de la brodeuse.[5]

Ornements d'église

[modifier] L’âge d'or de la broderie de Fontenoy

Deux facteurs se sont conjugués pour favoriser le développement de la broderie à Fontenoy et alentour.

Les métiers à tisser mécaniques et les filatures industrielles qui se sont rapidement répandus dans les Vosges, après leur invention en Angleterre en 1821, permettent de fournir de grandes quantités de tissus à broder.

Les villes d'eau des Vosges fournissent une clientèle aisée qui apprécie le linge brodé.Plombières a les faveur du couple impérial.

-Les travaux les plus fins et les plus délicats se firent à Fontenoy ; on y broda pour l'Impératrice Eugénie des robes admirables; toutes les dames de la cour voulurent aussi des broderies du pays, et bientôt il ne se fit pas un mariage royal ou princier dont la corbeille ne contînt à profusion des broderies sorties des mains magiques des fées de Fontenoy.[6]

Les premiers bureaux de broderie sont administrés par des femmes instruites sachant rédiger du courrier commercial et tenir des comptes parfois compliqués.

Les premières maisons de broderie sont tenues par des facteurs en broderie faisant travailler directement ou en deuxièmes mains, pour les magasins de Paris.[7]

Les recensements les nomment factrices en broderie ou placières en broderie. On relève les noms de Coralie Irroy en 1848, Henriette Mauchand en 1852, Joséphine Mathez en 1853, Zoé Tassard en 1855 et en 1852 sa cousine Julie Daubié [8]. Ces facteurs ou placières fournissaient du travail aux brodeuses de Fontenoy et des environs.

Les blanches épaules des femmes du monde…
Les blanches épaules des femmes du monde…

En 1852, le docteur Bailly fait de Fontenoy cette description peu flatteuse mais révélatrice.

C'est une vieille coquette dont la tournure élégante vous séduit encore à distance. Admirez de loin, n'approchez pas. La misère, la vétusté ont flétri, souillé tous ses ornements; l'industrie du couvert battu y a noirci les figures et les maisons et cependant c'est de ses demeures sales et délabrées que sortent les fines broderies qui vont reparaître au milieu des salons dorés sur les blanches épaules des femmes du monde.[9]

Abel Daubié[10] crée ses propres modèles en 1860 suivi en 1865 par son beau-frère Alexandre Robin. Ils ont des représentants qui voyagent en Europe pour présenter les collections.

Dans la Géographie des Vosges parue en 1870 il est porté que l'industrie des broderies a pris depuis quelques années un développement considérable et que ces broderies s'écoulent en Europe et en Amérique[11].

En 1873, ce sont 500 personnes qui sont occupées à la broderie à Fontenoy. Les deux plus importantes entreprises de broderie étant à cette date la maison Gueprat et la maison Rodier-Robin.[12]

Les brodeurs et brodeuses de Fontenoy remportent de nombreux concours. On les sollicite pour les cadeaux officiels. La beauté d'un écran brodé par Charles Marchand père et offert à l’amiral Avellan lors de la réception de la flotte russe dans la rade de Toulon en 1893 est restée dans les mémoires. Le bel écran n'arriva jamais à son destinataire, le chef-d’œuvre avait été volé pendant le transport. [13]

L'année suivante le même brodeur avait remporté le concours organisé par les grands magasins du Louvre à Paris. Le concours visait à récompenser le ou la meilleure brodeuse de France, le travail devait être réalisé sur un mouchoir. La maison Robin-Mathieu remporte le premier prix grâce à la virtuosité de Monsieur Marchand et s'assure ainsi une belle renommée.[14]

Diplome reçu à l'exposition universelle de 1867
Diplome reçu à l'exposition universelle de 1867

Le salaire des meilleurs brodeurs et brodeuses valaient ou dépassait le salaire des ouvriers les plus qualifiés, aussi était-il courant d'observer qu'une mère de famille, brodeuse émérite, soit déchargée de tout travail domestique pouvant lui gâter les mains.

Fontenoy exporte sa broderie mais aussi ses brodeuses vers l'Angleterre et l'Amérique.Les grandes maisons de broderie, comme la maison Robin, ouvrent des magasins de linges brodés dans différentes villes de France.

Jusqu'à la crise de 1936 le marché de la broderie de Fontenoy est florissant. Les ventes reprennent timidement jusqu'au bouleversement économique que crée la guerre de 1940. Puis commence le grand déclin qui aboutira à la fermeture du dernier bureau de broderie en 1976.

En 1978 s'ouvrait le musée de la broderie où sont exposés des pièces remarquables et du matériel pour broderie, tambour, métiers plats, carafe de brodeuse, machine à piquer pour encrer.

Matériel de boderie
Loupe, fils et cahiers
Loupe, fils et cahiers
Carafes servant à concentrer les rayons lumineux sur l'ouvrage.
Carafes servant à concentrer les rayons lumineux sur l'ouvrage.
Un métier plat et un tambour
Un métier plat et un tambour
Roulettes à encrer pour imprimer des frises sur les tissus à broder.
Roulettes à encrer pour imprimer des frises sur les tissus à broder.
Pièces exposées
Draps brodés
Draps brodés
Parure de lit
Parure de lit
Mouchoir de communion.
Mouchoir de communion.

[modifier] Fonctionnement d'une maison de broderie

  • Un magasin de linge fin passe commande à un grossiste.
  • Le grossiste reçoit la commande, choisit avec le client les modèles sur catalogue, envoie les références à une entreprise de broderie.
  • L'entrepreneur reçoit la commande, l’enregistre et la confie au dessinateur.
  • Le dessin est porté sur un calque, passé à la machine à piquer, et encré sur le tissu.
  • la Première d'atelier sélectionne les cotons à broder, les coloris et la quantité exacte de fils nécessaire.
  • La pièce à broder est confiée aux brodeuses suivant leur spécialité/ jours, festons, satin, sablé.
  • La pièce terminée retourne à la maison de broderie.
  • L'entreprise de broderie vérifie le travail, lave et repasse les pièces brodées, les conditionnent et les adressent au grossiste ou au client.[15]
  • Le mois de janvier était pour les grands magasins la période des inventaires, aussi les commandes n'arrivaient-elles pas aux bureaux de broderie. Ce temps mort était mis à profit par les brodeuses pour travailler à leur propre linge et à leur trousseau.[16]
Brodeuses vers 1908 dans la cour de la maison Robin

Plusieurs brodeuses travaillent au rond sur le même ouvrage de grande taille.

[modifier] Les outils de la brodeuse

Décors de grecques au point de cordon sur cadre.
Décors de grecques au point de cordon sur cadre.

Le métier plat est le plus ancien, il se pose parfois sur de léger tréteaux en hêtre.

Le métier rond est plus maniable, il se fixe à Fontenoy sur un pied à rotule.

Une belle broderie se fait toujours dans le même sens sans jamais tourner le métier.

Pour l'exécution de certains points comme le point d'échelle, un poinçon était nécessaire. À Fontenoy, on utilisait parfois les manches des couverts "loupés" des fabriques locales pour fabriquer des poinçons parfaitement adaptés à un travail.

Il existait des fils de différents calibres et de matières variés. Néanmoins, dans les années 1880, une brodeuse d'un grand talent, Anna Poirot qui brodait des ornements d'église, se servait de ses propres cheveux comme fil à broder pour réaliser les cheveux des anges sur ses décors[17].

Métier rond à rotule spécifique de Fontenoy
Métier rond à rotule spécifique de Fontenoy
Un "rond" et ses ciseaux dans la courroie, travail en cours de mademoiselle B. Rollot
Un "rond" et ses ciseaux dans la courroie, travail en cours de mademoiselle B. Rollot

[modifier] Les points de broderie blanche

Le point de plumetis, d’un grand raffinement est le point le plus utilisé dans les monogrammes pour le chiffrage ou l’héraldique. C’est un point rembourré.

Un plumetis bien fait doit être harmonieusement bombé et avoir une marge extérieure très régulière.

différents points pour le plumetis:

  • Le point de cordon, est un point rembourré où des fils épais sont enserrés dans des points très fins qui leur servent de gaine. Cela permet de dessiner, comme le nom l’indique, un cordonnet en relief en forme de baguette ou en courbe. Il existe des points de cordon ombré avec une couleur plus soutenue sur un bord et des points de cordon à liseré avec une couleur sur chaque côté du cordon.
  • Le point de satin est surtout utilisé pour rendre le mouvement de sujets ou de personnage dans la broderie.
  • Le point mêlé ou point croisé est souvent utilisé en mélangeant les couleurs pour rendre des fleurs.
  • Le point d'échelle consiste à ajourer avec un point arrière et un poinçon une fine bande de tissus comprise entre deux rangs de point de cordon, le rendu donne l'aspect d'une minuscule échelle d'où le nom du point.
  • Le point de feston se fait en brodant de gauche à droite, c'est une broderie au doigt et non pas au métier. On le réalise parfois avec un rembourrage comme les points de plumetis ou de cordon. Le passage du fil crée une bordure qui servira de guide pour araser le tissu avec une paire de ciseaux bien aiguisé. Ce point utilisé au bord de l’ouvrage donne un décor ne nécessitant pas d’ourlet.
Exemples de chiffre
Chiffre ombré
Chiffre ombré
Chiffre décoré d'un vermicelle
Chiffre décoré d'un vermicelle
Chiffre décors amande et décors points sablés
Chiffre décors amande et décors points sablés
Chiffre signature décoré d'un paraphe
Chiffre signature décoré d'un paraphe

[modifier] Références

  1. Certains écrivent Chancerelle
  2. Art et industrie de la broderie en Lorraine, Albert Heymann
  3. Les industries d'art les écoles et les musées d'art industriel en France, Marius Vachon 1897.
  4. Exposition universelle 1851, travaux de la commission T1
  5. Histoire de Fontenoy, par l'abbé Constant Olivier
  6. Histoire de Fontenoy par l'Abbé Constant Olivier.
  7. Louis Olivier, Notules sur Fontenoy-le-Château
  8. Julie Daubié est la soeur et la marraine de Julie-Victoire Daubié, la première bachelière de France
  9. Traité sur les eaux thermales, Docteur Bailly, 1852, bibliothèque Saint Colomban Bains les Bains.
  10. Abel Daubié est le cousin germain de Julie Daubié et de Julie-Victoire Daubié
  11. Gérard Gley, Géographie des Vosges, Epinal 1870
  12. Archives départementales des Vosges, Annuaire des Vosges 1873
  13. Louis Olivier, Notules sur Fontenoy-le-Château
  14. Louis Olivier, Notules sur Fontenoy-le-Château
  15. D'après les explications du dépliant du musée de la broderie.
  16. Souvenirs familiaux J. Colin
  17. Souvenirs familiaux de J. Colin