Bataille de Teutobourg

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52° 24′ 29″ N 8° 07′ 46″ E / 52.4080, 8.1294

Reconstitution du site hypothétique de la bataille à Kalkeise
Reconstitution du site hypothétique de la bataille à Kalkeise

La Bataille de Teutobourg, également connue sous les noms de bataille du Teutoburger Wald ou bataille de Teutberg (Schlacht im Teutoburger Wald, Varusschlacht ou Hermannsschlacht en allemand) (clades Variana en latin) désigne la destruction de trois légions de l'Empire romain commandées par Publius Quinctilius Varus en l'an 9 face à une alliance de tribus germaniques menée par le chef chérusque Arminius, dans le cadre de la conquête de la Germanie sous le Principat d'Auguste.

Les circonstances de la destruction des trois légions, ainsi que la localisation de l'évênement, sont mal connues et donnent lieu à des disputes d'experts. Dans le cadre de la célébration du 2000 ème anniversaire de la bataille, prévue le 9 septembre 2009, la tension est montée en Allemagne, la justice a été saisie et la page allemande de Wikipedia est devenue protégée. La page anglaise de Wikipedia est accessible et démocratique.

Sommaire

[modifier] La bataille

À l'automne de l'an 9 ap. J.-C., Arminius, alors âgé de vingt-cinq ans, et les tribus germaniques qui avaient constitué une alliance (Chérusques, Marses, Chattes et Bructères), tendirent une embuscade à l'armée romaine qui comprenait les XVIIe, XVIIIe et XIXe légions ainsi que trois détachements de cavalerie alae et six cohortes de troupes auxiliaires, au total environ 20 000 à 25 000 hommes sous le commandement de Varus. Les cohortes d'auxiliaires trahirent, des légionnaires en fuite se réfugièrent dans le camp romain proche d'Aliso, des légionnaires furent capturés certains pendant 28 ans, les autres soldats romains furent exterminés et les trois Aigle (emblème)|aigles des légions furent capturés. Numonius Vala tenta de s'enfuir à la tête de la cavalerie mais en vain, Ceionius se rendit, Lucius Eggius, Préfet du camp romain, mourut à la tête de ses troupes et Varus se suicida sur son épée. Tous les camps romains jusqu'au Rhin furent pris par les Germains, à l'exception d'Aliso qui résista jusqu'à une sortie des survivants vers Castra Vetera (Xanten) sur le Rhin. La tête de Varus fut envoyée aux Marcomans par les Chérusques pour les entraîner dans le soulèvement. Ceux-ci refusèrent sagement et transmirent la tête de Varus à Rome où elle fut inhumée.

Cette défaite traumatisa l’empereur. Suétone écrit : « À ce qu’on raconte, enfin, Auguste fut tellement abattu par ce désastre, que plusieurs mois de suite il ne se coupa plus la barbe ni les cheveux, et qu'il lui arrivait de se frapper de temps en temps la tête contre la porte, avec ce cri: « Quintilius Varus, rends-moi mes légions ! . » Ce fut le coup d'arrêt à l'expansion romaine en Grande Germanie (Magna Germania) durant son règne; plusieurs siècles plus tard, l'armée romaine n'avait toujours pas reconstitué les légions XVII, XVIII ou XIX.

[modifier] Le contexte de la bataille de Teutoburg

Voir page Germanie sur la conquête romaine de la Grande Germanie à l'est du Rhin. En 7 après JC, Varus est nommé Gouverneur de la Germanie avec pour mission le recensement, la collecte de tribut et le recrutement de soldats auxiliaires ; ces mesures impérialistes, globalement efficaces en Mediterranée, se révèleront incompatibles avec la mentalité d'homme libre des Germains de l'est du Rhin ; on observera ultérieurement l'efficacité geopolitique des Germains de l'est du Rhin qui leur permettra de créer les empires mérovingiens puis carolingiens, socles de l'Europe occidentale moderne. La localisation de la bataille de Teutoburg est rendue possible par la citation de Tacite (Annales I 60) ductum inde agmen ad ultimos Bructerorum, quantumque Amisiam et Lupiam amnis inter vastatum, haud procul Teutoburgiensi saltu in quo reliquae Vari legionumque insepultae dicebantur (ensuite l'armée s'avança jusqu'aux dernières limites des Bructères, et tout fut ravagé entre l'Ems et la Lippe, non loin de la forêt de Teutoburg où, disait-on, gisaient sans sépulture les restes de Varus et de ses légions). La traduction, controversée sur les noms des rivières et sur le mot saltus, aboutit à plusieurs centaines de thèses, dont les principales sont les suivantes :

[modifier] La thèse de la localisation à Detmold dans l'Osning

Au 16ème siècle, dans le cadre du pangermanisme et de la création du mythe du héros Arminius, renommé Hermann, le site de la bataille a été officiellement localisé dans la région de l'Osning, à proximité de Detmold. L'Osning a été rebaptisé Forêt de Teutoburg. Un mémorial Hermannsdenkmal controversé a été érigé en 1875.

[modifier] La thèse de la localisation à Hildesheim

Jurgen Regel et Marianne Zocher défendent la thèse que Drusus aurait dépassé la Weser très tôt, avant d'atteindre l'Elbe. La thèse situe Arbalo, Teutoburg, Aliso et Idistaviso à proximité de Hildesheim. Cette thèse est étayée par le trésor romain trouvé à proximité. http://zocher-regel.gmxhome.de

[modifier] La thèse de la localisation à Kalkreise

Un champ de bataille a été localisé par un prospecteur, grâce à son détecteur de métaux en 1989, à Kalkriese, 15 km au Nord d'Osnabrück. Un splendide masque cérémonial d'officier romain a été retrouvé par les archéologues. Il semble que c´est la bataille dite de "Ponte Longis" entre les Germains et le général Caecina en 15 ap. J.-C., qui s´y déroula.[1]

[modifier] La contestation de la localisation à Kalkreise

Plusieurs érudits de la famille Schoppe, de l'Université d'Hambourg, contestent radicalement le site de la localisation de la défaite de Varus à Kalkreise. Ils demandent en particulier la modification de la page allemande de Wikipedia. Lien vers leur site http://www.arminius-varusschlacht.de

[modifier] La thèse de la localisation à Paderborn

La récente théorie de Peter Oppitz, éditée en 2006 chez Zagara Verlag, situe la défaite de Varus à l'intérieur d'un camp d'été ; ce camp d'été serait situé au centre ville de Paderborn, lieu des sources de la rivière Pader, affluent de la Lippe ; la défaite de Varus serait intervenue en deux temps : d'abord, une attaque surprise des Chérusques d'Arminius, en temps de paix, à l'issue d'un repas et d'une assemblée, réunissant l'état-major des trois légions et les Germains dans le camp d'été ; ensuite, les défaites successives des cohortes réparties dans les camps militaires le long de la rivière Lippe, occupées à des travaux quotidiens, non mobilisées et privées d'encadrement. Cette grave carence militaire de Varus, et indirectement d'Auguste, aurait été masquée pour des raisons politiques, les mêmes raisons auraient symboliquement empêché la reconstitution des trois légions détruites et auraient motivé les raids de représaille réalisés par Germanicus de 14 à 16 après JC. La théorie de Paderborn est issue de la relecture critique de Florus, de Velleius Paterculus et de Tacite, ainsi que de l'abandon de Dion Cassius. Cette théorie de légions démobilisées explique enfin comment la redoutable force de trois légions a pu être totalement défaite. Par ailleurs, cette théorie situe le camp mythique d'Aliso à proximité immédiate de Paderborn, sur l'importante route militaire ouverte par Drusus, de Xanten à la Weser puis à l'Elbe.

[modifier] Les représailles romaines

De 11 à 14 après JC, Auguste fait renforcer la frontière du Rhin par Germanicus. De 14 à 16 après JC, Tibère devenu empereur ordonne des représailles et confie à Germanicus, 8 légions soutenues par une flotte de 1000 navires. Germanicus visite le site de la bataille de Teutoburg, récupère 2 des 3 Aigles chez les Bructères et les Marses, bat Arminius à Idistaviso sur la Weser et capture son épouse Thusnelda. En 42 après JC, le troisième aigle est récupéré par Publius Gabinius chez les Chauques. Enfin, vers 37 après JC, Lucius Pomponius bat les Chattes et délivre des prisonniers des légions de Varus (Tacite, annales, xii 27).

[modifier] Les sources historiques

  • Ovide, Les Tristes, rédigé en 10 et 11.
  • Marcus Manilius, Les Astronomiques, rédigé au 1er siècle.
  • Strabon, Geographie, rédigé vers 18.
  • Velleius Paterculus, Histoire romaine, rédigé en 30.
  • Tacite, Annales, rédigé au début du 2ème siècle
  • Suetone, Vie des 12 Césars, rédigé en 121.
  • Florus, Epitome, rédigé au 2ème siècle.
  • Dion Cassius, Histoire romaine, rédigé au 3ème siècle.

Les sources historiques proviennent exclusivement d'historiens romains, en l'absence de sources germaniques ou tierces. Parmi les historiens romains, le plus détaillé est peu crédible (Dion Cassius), le plus fiable est fragmentaire sur le sujet (Tacite), d'autres se contentent de citer l'évênement (Ovide, Manilius, Strabon) et les derniers ne le décrivent pas avec précision (Paterculus, Suetone, Florus). La relecture des auteurs fiables conclut à la disparition de trois légions plus qu'à la défaite militaire d'une armée en campagne.

Il semble qu'Auguste ait commis l'erreur de confier à son proche parent Varus une mission d'intégration de la Germanie à l'Empire, alors que le territoire n'était pas encore pacifié. Il semble également que Varus ait commis l'erreur de débuter l'administration juridique et fiscale du territoire sans conserver la mobilisation de ses légions. Cette situation aurait entraîné les historiens romains, peu soucieux d'encourir les foudres du pouvoir impérial, à pratiquer l'auto-censure (mollesse de Varus, traitrise d'Arminius, terrain défavorable, etc...) voire d'imaginer des détails exonérant l'Empereur de ses responsabilités (Dion Cassius).

[modifier] Une source historique remarquable : Velleius Paterculus

Contemporain des faits, chargé de commandement militaire en Germanie, Velleius Paterculus a rédigé une Histoire Romaine. Né vers 19 av.J.C. et mort vers 31 ap.J.C., Velleius Paterculus fut tribun militaire, puis légat dans l'armée de Tibère, en particulier en Germanie, puis préteur. Bien que manquant d'impartialité envers Tibère, Velleius Paterculus, fournit de précieuses indications sur la mort de Varus, le massacre de trois légions, de trois corps de cavalerie et de six cohortes ; de façon étonnante, il refuse de donner des détails sur les circonstances de cet affreux désastre (se proposant de les exposer en détail dans un ouvrage plus étendu, mais inconnu des historiens) et il loue les remarquables qualités de l'armée la plus courageuse et qui se distinguait par sa discipline, sa vigueur, et son expérience de la guerre; il dénonce avec force la perfidie de l'ennemi et la traitrise d'Arminius ; il dénonce également en détail les faibles qualités militaires de Varus, son imprévoyance, son apathie, son manque de discernement et sa faible combativité. Cette source historique la plus proche des faits est compatible avec les autres sources historiques, sauf avec Dion Cassius. L'analyse de cette source révèle le caractère anormal de l'évênement, la difficulté de l'historien à le décrire et donc la probable auto-censure.

[modifier] Filmographie

La bataille de la forêt de Teutberg a déjà été représentée trois fois au cinéma :

  • la première fois dans les années 1922 et 1923, comme film muet, sous le titre de Hermannschlacht. La mise en scène dirigée par Leo König était tournée non loin du monument d'Arminius et des Externsteine. Le 27 février 1924, on a représenté au théâtre régional de Lippe, à Detmold, cette version que la critique a généralement regardée comme une œuvre nationaliste. Longtemps, elle a passé pour disparue. Et c'est seulement après la chute de l'Union soviétique qu'on l'a redécouverte dans une filmothèque de Moscou.
  • La deuxième adaptation cinématographique porte en allemand le titre de Hermann der Cherusker – Die Schlacht im Teutoburger Wald. Il s'agit d'une co-production italo-germano-yougoslave qui a été réalisée à Zagreb dans les coulisses d'autres péplums sous la direction de Freddy Baldwin (pseudonyme de Ferdinando Baldi). Bien que cette œuvre eût été réalisée dès les années soixante avec Hans von Borsody dans le rôle d'Hermann, il a fallu attendre dix ans pour qu'elle fut représentée pour la première fois en Allemagne, le 3 février 1977.
  • Dans les années 1993-1995 est apparue la troisième version cinématographique. Les producteurs et auteurs étaient Christian Deckert, Hartmut Kiesel, Christoph Köster, Stefan Mischer et Cornelius Völker. La bataille a été tournée dans la forêt de Teutobourg et en Rhénanie. À côté des acteurs principaux et de centaines de figurants, les artistes Markus Lüpertz, Tony Cragg et Alfonso Hüppi ainsi que l'historien de l'art Werner Spies jouent dans ce film comme acteurs. Die Hermannsschlacht a été présentée en première en mai 1995 à Düsseldorf et a paru en 2005 sur DVD, dans une édition accompagnée d'une notice de tournage et commentée par Werner Broer, spécialiste de philologie classique, et l'archéologue Martin Schmidt.

[modifier] Liens

[modifier] Notes et références

  1. Voir Varus