Agnes Meyer Driscoll

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Agnes Meyer Driscoll (1889-1971) était une cryptanalyste américaine. Elle fut à l'origine de plusieurs attaques et analyses des systèmes de chiffrement japonais. Durant les années 1920, elle « casse » le code « RED » japonais, puis le code « BLEU » en 1930. Au début de 1935, elle attaque la machine « ORANGE » connue aussi sous le nom de machine M-1. Ce dispositif était utilisé par les attachés de la marine japonaise disséminés un peu partout dans le monde. Elle contribue à l'emploi de machines pour déchiffrer les messages et accélérer la cryptanalyse.

Peu avant l'attaque sur Pearl Harbor, Driscoll fait d'importantes avancées au sujet du chiffrement JN-25. L'US Navy utilisera ses recherches durant toute la guerre du Pacifique. Elle participera temporairement à la cryptanalyse d'Enigma mais ce travail sera entièrement pris en charge par les cryptanalystes de Bletchley Park.

[modifier] Biographie détaillée

Née en 1889 dans l’Illinois, Agnès May Meyer, diplômée de l’État de l’Ohio, enseigne d’abord les mathématiques et la musique au Texas. En 1918, elle entre dans la Réserve de la marine américaine. Son goût et sa pratique des langues, des mathématiques et de statistiques la vouent tout naturellement à une carrière de cryptanalyste.

D’abord chargé de travaux de secrétariat, elle grimpe rapidement les échelons jusqu’au grade de sous-officier, la plus haute affectation ouverte aux femmes durant la première guerre mondiale. En juillet 1919, à la fin de son service actif, elle décroche un emploi de sténographe auprès du directeur des services secrets de la marine, à Washington. D’abord reléguée à des tâches sans envergure, sa véritable carrière démarre quand elle accepte de rallier le Département du Chiffre de Geneva, dans l’Illinois, près de Chicago.

Également connu sous le nom de Riverbank, Geneva est le lieu de résidence de William et Élisabeth Friedman, éminents cryptologues. C'est ailleurs, à travers les recherches et les ouvrages des Friedman que Meyer aiguise son don pour la cryptanalyse.

Elle quitte l’Illinois en 1921 pour réintégrer la Navy ; là, au sein de la Code and Signal Section, elle s’impose comme une cryptanalyste de tout premier ordre. Dans cet univers machiste, et en dépit des quolibets (Agnès est surnommée « Madame X »), rien ne détourne Meyer de son travail. En 1924, elle épouse Michael Driscoll, procureur de Washington ; la surprise est grande pour ses collègues, persuadés d’avoir affaire à une célibataire endurcie. Driscoll a en charge la formation d’officiers de la marine américaine. Joseph Rochefort et Laurence Safford, entre autres, deux personnalités influentes de la cryptologie au cours de la seconde guerre mondiale, suivant son enseignement. En 1926, Agnès Driscoll effectue les tous premiers déchiffrements du répertoire de codes japonais, surnommé Red par les cryptanalystes américains. Nouveau coup d’éclat en 1931 lorsqu’elle parvient à casser le répertoire de remplacement de Red, baptisé Blue. En 1935, elle identifie un trafic de chiffres générés par une machine, la M1. Driscoll met alors au point un procédé manuel capable de déchiffrer les messages interceptés. Travaillant sur papier millimétré à la variabilité des séquences codées, et finit par isoler la combinaison to-mi-mu-ra. Elle découvre que cette séquence de bigramme signifie « Thompson », nom fréquemment employé dans les communications des représentants japonais à l’étranger.

En 1936, sur la base de ces déchiffrements, des services secrets de la marine mettent un terme aux agissements d’espions opérant sur les deux côtes américaines. Harry Thompson, opérateur radio de la flotte du Pacifique, et J. S. Farnsworth (ou agent K), ex-officier de la Navy, livrent en effet des informations sur l’artillerie et l’équipement américains à des agents japonais. Condamnés, les deux hommes sont incarcérés.

C’est toutefois en 1939 que Driscoll contribue de façon spectaculaire à la sécurité de son pays, en décryptant le système JN, chiffre de la marine japonaise. Le JN25 est un code désordonné d’à peu près 45 000 groupes de 5 chiffres, surchiffré par une clé additive ; à l’automne 1939, les premiers pans du JN25 commencent à céder. L’analyse minutieuse des nombres et mots-codes sous-jacents aboutit en septembre 1940 ; dès lors, les messages JN25 sont transparents.

Ces découvertes sont inestimables pour la stratégie américaine dans le Pacifique, tout particulièrement à l’occasion d’une bataille navale de la mer de Corail et de Midway. Les premiers déchiffrements du JN25 serviront également de base à la pénétration de système intérieur mis en place par la marine impériale.

À la fin de la seconde guerre mondiale, Agnès Driscoll entre au service de la nouvelle agence nationale de cryptologie, qui devint l'Agence de Sécurité des Forces Armées (Armed Forces Security Agency) en 1949, puis l'Agence Nationale de Sécurité NSA (National Security Agency) en 1957, pour y rester jusqu’à sa retraite deux ans plus tard, en 1959. À partir de là, on ne sait rien des activités de cette femme remarquable qui décède, oubliée de tous, en 1971.


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