Adolphe (roman)

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Adolphe

Illustration de Adolphe

Auteur Benjamin Constant
Genre Roman de mœurs et d’analyse
Pays d’origine France France
Lieu de parution Paris
Éditeur Treuttel et Würtz
Date de parution 1816
Illustration : Édition Charpentier, 1842
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Adolphe, anecdote trouvée dans les papiers d'un inconnu, et publiée est un roman de Benjamin Constant publié en 1816.

Sommaire

[modifier] Personnages principaux

[modifier] Adolphe

Adolphe a 22 ans quand débute le récit. Il est, semble-t-il, intelligent et apte au travail. Le jeune homme est pourtant assez solitaire et se réfugie dans l’humour pour ne pas avoir à en dire trop de lui-même. La lâcheté est une composante essentielle de sa personnalité : il est incapable de se montrer ferme mais honnête avec Ellénore, de peur de la faire souffrir. Tous ces éléments rassemblés feraient de lui un personnage assez fragile si on ne mentionnait pas aussi l’orgueil qui l’habite et le pousse à séduire Ellénore. De ce point de vue, on peut le rappocher du Julien Sorel de Stendhal dans le Rouge et le Noir qui se fixe comme objectif de conquérir Mme de Rênal ; à ceci près que Sorel tombe bien amoureux d’elle. De manière générale, Adolphe n’est pas passionné. Il apparaît même assez calculateur dans sa manière de séduire Elléonore ou de demander à M. de T*** de lui accorder un délai pour rompre avec sa maîtresse. Ce qui fait la particularité de ce personnage, c’est sa capacité à s’auto-analyser en permanence, ayant toujours du recul par rapport à la situation qu’il vit et ne lui permettant donc pas de la vivre pleinement. Alors que le héros romantique typique est entier, Adolphe est divisé. Il est lucide quant à sa situation mais ne parvient pas à s’en extirper.

D’autre part, Adolphe est aussi le narrateur du roman, imposant toute sa subjectivité à l’œuvre. tout ce que nous savons de lui, c’est lui-même qui le dit. Il en va de même pour son point de vue sur les autres personnages.

[modifier] Ellénore

Ellénore est l’amoureuse d’Adolphe. Elle est sensible et meurt de peine d’amour. On peut voir en elle le personnage romantique d’une victime de la passion. On peut en faire une autre interprétation et la regarder comme l’une des allégories de la fatalité qui pèse sur Adolphe. Certes, l’héroïne est elle-même victime de la fatalité (fatalité de la passion, fatalité sociale, fatalité des circonstances) mais elle apparaît bien plus comme une « élue du destin » pour porter malheur à Adolphe. A cet égard, un trait frappant chez l’héroïne est son évolution. « Elle [Ellénore] était douce, elle devient impérieuse et violente. » En effet, de victime de la société, elle devient geôlière de son amant et va exercer sur lui une violente tyrannie. Un exemple significatif de cette autorité se trouve au chapitre IV, lorsqu’elle annonce à Adolphe son intention de rompre avec le comte de P*** :

«  (...) si je romps avec le comte, refuserez-vous de me voir ? Le refuserez-vous ? Reprit-elle en saisissant mon bras avec une violence qui me fit frémir. (…) »

Et lorsque le jeune homme tente d’émettre une objection :

« Tout est considéré, interrompit-elle. ( ) Retirez-vous maintenant, ne revenez plus ici. »

En vérité, Ellénore n’a pas besoin d’être si impérieuse. Adolphe est un jeune homme sans expérience qui ne sait pas ce qu’il attend d’une amante conquise inconséquemment. Il n’imaginait pas l'« avidité » de cette femme de trente ans qui voit sa dernière chance de connaître la passion. Ellénore a bien vu que son amant ne pouvait pas supporter de la voir souffrir. Elle tire de ses protestations de douleur tout l’empire qu’elle exerce sur lui. Voici un exemple de l’effet produit sur Adolphe par ce spectacle de la douleur d’Ellénore:

« En parlant ainsi, je vis son visage couvert tout à coup de pleurs : je m’arrêtai, je revins sur mes pas, je désavouai, j’expliquai. »

On ne peut manquer de noter que l’extériorisation de cette douleur (teint pâle, visage qui se défait, larmes) revient comme un leitmotiv dans le roman. Enfin, la mort même de l’héroïne est tyrannique : elle laisse à Adolphe toute l’amertume de la culpabilité. Elle lui enlève sa dernière chance de retrouver une dignité dans la rupture à laquelle il s’était enfin résolu. On ne peut pas faire le procès d’une morte. Adolphe se retrouve donc accablé de tous les reproches. Il n’a plus qu’à errer sans but. Ellénore n’a pas seulement tyrannisé son amant dans la vie. Elle se l’est éternellement attaché dans la mort.

Subtilement impliquée par une narration focalisée, cette interprétation du personnage d’Ellénore est préparée afin de contribuer à la stratégie d’autodisculpation du héros-narrateur.

[modifier] M. de T***

M. de T*** est un personnage secondaire mais nous nous permettons de l’étudier très brièvement pour le rôle décisif qu’il a dans l’intrigue. On ne sait, en effet, pas grand chose de lui, aussi bien sur le plan physique que psychique. C’est un homme de morale et en tant qu’ami du père d’Adolphe, il est chargé de réorienter le fils sur le bon chemin. Il intervient à la fin du récit comme seul élément permettant d’amener l’intrigue à évoluer. Sa présence prouve que les deux personnages d’Adolphe et d’Ellénore étaient enfermés dans une situation ne concernant qu’eux et que ce n’est qu’en introduisant dans ce huis-clos un élément extérieur que l’on pouvait dénouer l’intrigue.

[modifier] Thèmes

Adolphe propose l’étude de la responsabilité d’un être humain. La forme adoptée par l’œuvre nous fait nous demander s’il s’agit d’une fiction ou si la part autobiographique apparaît plus que dans un roman habituel. La présence du « je » narratif nous conduit à la seconde piste si on la relie au sous-titre d’Adolphe : « Anecdote trouvée dans les papiers d’un inconnu » et aux nombreuses similitudes que l’on trouve entre Adolphe et la vie de Constant. Ce dernier se défend pourtant énergiquement, dans ses différentes préfaces, face à cette hypothèse.

Le roman amène également un regard critique sur la société de son époque. On y voit comment la vie mondaine porte un jugement sur tout, et comment la vie de chacun se retrouve exposée aux yeux de tous. Ainsi le statut de maîtresse est-il vivement contesté par exemple. Le malaise-même que le personnage d’Adolphe éprouve dans ce milieu est peut-être un indice de la dureté de la société. Même la relation entre le père et son fils a quelque chose de faussé car elle ne repose pas sur une réelle affection d’un père pour son fils mais sur le respect d’un homme pour les qualités dans lesquels un autre homme s’est révélé compétent.

[modifier] Cadre spatio-temporel

L’action d’Adolphe semble se passer en Allemagne puisqu’il est question dans le premier chapitre de la ville de Gottingue mais c’est ensuite dans la ville de « D*** » que le personnage poursuit ses études. On comprend tout de suite, ici, que même si le livre comporte plusieurs indications de lieu, l’action reste tout de même difficile à localiser de manière précise. Les deux personnages d’Adolphe et d’Ellénore s’installent à « Caden » en Bohême puis partent pour la Pologne. D’autre part, si l’époque d’Adolphe se devine globalement, de part le statut de la femme qui y est dépeint ou par le mode de vie propre au XVIIIe siècle, aucune information temporelle précise n’est donnée.

On peut y voir le désir de l’auteur de laisser dans le flou les éléments spatio-temporels afin qu’on ne fasse pas de rapprochement avec sa vie privée. On peut également penser que cette absence générale de précisions s’approche d’une confusion proche de celle qui règne dans l’esprit. Le récit étant rédigé à la première personne et sous la forme d’une analyse constante de soi, l’absence de données claires se mêle à la vie d’un esprit ; ce qui importe avant tout dans Adolphe, ce n’est pas où l’on est ni quand mais pourquoi tel personnage agit ainsi. On se focalise ainsi plus facilement sur cette introspection du narrateur par lui-même, sans données extérieures.

Peut-être y a-t-il aussi dans le livre un désir d’universalisation de l’être humain en général, à travers ce personnage d’Adolphe, lâche et incapable de faire un choix.

[modifier] Genre de l’œuvre

Adolphe est un roman de mœurs, d’analyse. En effet, l’intrigue n’est pas très originale dans son fonctionnement mais c’est la façon dont le personnage-narrateur s’analyse, se critique, se juge qui donne sa tonalité au récit. La brièveté de ce dernier pourrait d’ailleurs nous pousser à nous interroger sur le type-même de l’œuvre : on ne peut tout à fait dire qu’il s’agit d’une nouvelle mais l’intrigue est très concentrée dans ce roman. Le sous-titre de l’œuvre nous éclaire un peu plus sur le genre d’Adolphe ; il s’agit d’une anecdote. En effet, le récit est à la première personne et fait donc croire à une sorte de journal intime. Il ne s’agit pas que de l’utilisation de la première personne mais en même temps du fait que ce « je » qui raconte l’histoire en est aussi l’acteur principal et transforme donc le récit en son récit.

Le registre de l’œuvre est très sérieux, allant de pair avec une analyse rigoureuse et sévère parfois. Le dénouement-même de l’histoire est tragique mais ce qui domine l’œuvre, c’est plutôt la notion de tension dans le sens où le héros est tiraillé entre l’envie de quitter Elléonore et l’impossibilité de le faire.

[modifier] Séquences et citations clés

Le roman étant très court, les séquences clés se suivent rapidement dans le récit. On notera tout d’abord le moment où Adolphe séduit Ellénore puis la séquence où il ne supporte plus la relation étouffante qu’il vit. La séquence clé qui suit est celle où Ellénore quitte le comte de P*** puis celle où après avoir été obligé de suivre Ellénore en Pologne, Adolphe rencontre M. de T*** qui veut l’aider à mettre fin à sa relation. Enfin, la dernière séquence clé est celle de la mort d’Ellénore.

  • « Malheur à l’homme qui, dans les premiers moments d’une liaison d’amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle. » (chap. III)
  • « Il y a des choses qu’on est longtemps sans se dire, mais quand une fois elles sont dites, on ne cesse jamais de les répéter. » (chap. IV)
  • « Nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose. » (chap. V)
  • « C’est un affreux malheur de n’être pas aimé quand on aime ; mais c’en est un bien plus grand d’être aimé avec passion quand on aime plus. » (chap. V)
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