Ablatif absolu

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L’ablatif absolu (en latin ablativus absolutus) est une tournure propre à la langue latine. Dans les phrases où on le rencontre, il exprime une circonstance de l’action principale. Il est si fréquent qu’on le considère comme un emblème de la latinité (il est parfois appelé « la Rolls-Royce de la grammaire latine » par des latinistes humoristes). Il a pour caractéristiques sa concision et la diversité de ses emplois.

Sommaire

[modifier] Un exemple classique d’ablatif absolu :

Urbe capta, hostes pacem peterunt.

La ville ayant été prise, les ennemis demandèrent la paix.

Détachée de l’action principale (la demande de paix), la prise de la ville est ici présentée comme une circonstance (à la fois causale et temporelle) de celle-ci. Ce « détachement » est à l’origine du nom de la tournure. Le mot « absolu » y a un sens inhabituel en français, même s’il est proche de son origine latine : absolutus (d’où vient « absolu ») est en effet le participe passé passif de absolvere, qui signifie « détacher », « délier ».

Remarquez que le sujet du bloc détaché (à l’ablatif) est toujours différent de celui du verbe principal. C’est même une des conditions d’existence de l’ablatif absolu :

His rebus perfectis, Caesar transivit flumen.

Cela fait (mot à mot : « ces choses ayant été accomplies »), César traversa le fleuve.

Le bloc qui exprime le circonstance détachée est à l’ablatif, sans préposition pour l’introduire. Sous sa forme classique, il se compose d’un nom, qui est le sujet de l’action circonstancielle, et d’un participe, qui en est le verbe.


[modifier] Ablatif absolu participial

Le participe peut être au présent de la voix active :

Romulo regnante

Sous le règne de Romulus (mot à mot « Romulus régnant »)

ou au passé de la voix pasive (c’est le cas le plus fréquent) :

Convocato senatu

Le sénat ayant été convoqué.

[modifier] Ablatif absolu nominal

Le verbe esse (« être ») n’a pas de participe. Celui-ci est cependant sous-entendu dans de nombreux ablatifs absolus composés de deux noms :

Cicerone consule

Sous le consulat de Cicéron (mot à mot : « Cicéron [étant] consul »).


[modifier] Utilisation des pronoms

Comme leur nom l’indique, les pronoms sont des substituts des noms. On peut donc les rencontrer dans des ablatifs absolus :

Eo audito, Caesar dimittit legiones.

Sur ces paroles, (mot à mot : « cela ayant été entendu »), César renvoie les légions .

[modifier] Ablatif absolu réduit à un seul mot

Summum de la concision, il arrive parfois que l’ablatif absolu soit réduit à un seul mot, en l’occurrence un participe passé passif. C’est le cas de formules figées comme augurato (« après avoir pris les augures », mot à mot « [cela] ayant été auguré ») ou explorato (« après avoir effectué une reconnaissance », mot à mot «[le terrain] ayant été exploré [par des éclaireurs] »).

[modifier] Autres exemples

Certains ablatifs absolus sont passés tels quels du latin au français et s’emploient dans notre langue, en raison justement de leur concision. C’est le cas de

mutatis mutandis

en faisant les changements nécessaires, mot à mot, « étant changées les choses qui doivent être changées »,

ou encore de

vice versa

réciproquement, mot à mot « la position ayant été retournée ».

César est passé maître dans l’utilisation de l’ablatif absolu. En voici pour finir une belle cascade, pas moins de cinq enchaînés l’un à l’autre, au début du troisième livre de la Guerre des Gaules (Bellum Gallicum, III, 4) . Le texte rapporte les actions de Galba, lieutenant de César, laissé dans les Alpes à la tête d’une légion alors que César a quitté la Gaule pour l’Italie:

Galba secundis aliquot proeliis factis castellisque compluribus eorum expugnatis, missis ad eum undique legatis obsidibusque datis et pace facta, constituit cohortes duas in Nantuatibus.


Ce qui donne, si on sépare les blocs les uns des autres :


Galba Galba

(1) secundis aliquot proeliis factis quelques combats favorables ayant été livrés

(2) castellisque compluribus eorum expugnatis et plusieurs de leurs forteresses ayant été prises,

(3) missis ad eum undique legatis des députés lui ayant été envoyés de partout

(4) obsidibusque datis et des otages ayant été remis,

(5) et pace facta et la paix ayant été faite

constituit cohortes duas in Nantuatibus. établit deux cohortes chez les Nantuates.

C'est-à-dire, si l'on préfère une traduction qui échappe au mot à mot :

Après quelques combats heureux pour lui, et la prise de plusieurs forteresses, Galba reçut de toutes parts des députés et des otages, fit la paix, plaça deux cohortes en cantonnement chez les Nantuates (traduction de la Collection Nisard, Paris, 1865 ).

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