Walh

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Walh (au pluriel Walha) est un nom germanique désignant une personne parlant une langue celtique et par extension une langue latine ou romane.

Considéré à tort comme signifiant étranger, il a une portée linguistique et non ethnique ou géographique comme l'a démontré John Ronald Reuel Tolkien dans son article English and Welsh.

«Cela semble clair que le mot walh, wealh que l'anglais a pris avec lui était un mot commun germanique pour un homme dont on devrait dire qu'il est d'expression celtique. Mais dans toutes les langues germaniques connues il apparaît qu'il était également utilisé pour les gens d'expression latine. Cela peut être dû, comme on l'assume habituellement, au fait que le latin occupa la plupart des zones celtophones connues des peuples germains. Mais c'est, je crois, aussi en partie un jugement linguistique, reflétant les grosses similitudes entre le latin et le gallo-brittonique que j'ai déjà mentionnées. Il n'est arrivé à personne d'appeler un Goth un walh même s'il était depuis longtemps installé en Italie ou en Gaule. Bien que étranger soit donné comme première traduction dans les dictionnaires anglo-saxons, c'est trompeur. Le mot ne fut jamais appliqué aux étrangers de langue germanique, ni de langue étrangères : Lapons, Finnois, Estoniens, Lituaniens, Slaves ou Huns, avec qui les peuples germanophones étaient en contact depuis longtemps. (Mais emprunté en vieux slave sous la forme vlach il fut appliqué aux Roumains.) C'était, dès lors, simplement un mot d'importation linguistique; et en lui-même impliquait par ses utilisateurs plus une curiosité et une différentiation linguistique que la simple stupidité du mot grec barbaros.[1]

Le mot serait un très ancien emprunt lexical venant du nom d'une tribu celtique, les Volcae, avec laquelle les Germains auraient eu des contacts prolongés. Il daterait du IVe siècle av. J.-C. dès lors qu'il met en évidence la première mutation consonantique (h → k) et le changement vocalique dans le proto-germanique (o → a)[2]. Ce terme a donné naissance à de nombreux noms propres, puis géographiques, dans différentes langues.

Sommaire

[modifier] Descendance linguistique

Le terme Walh du Proto-germanique se retrouve dans les langues qui lui ont succédé, et a été adopté dans d'autres langues slaves et romanes principalement et avec des rétrécissements sémantiques progressifs.

[modifier] Branche nordique

Bractéate de Tjurkö
Bractéate de Tjurkö

La présence de Walh/Walha dans le nordique est attesté dès le proto-norrois sur des pièces de monnaie. Des bractéates de Tjurkö portent l'inscription en Vieux futhark walhakurne qui signifie «couronne romaine», les bracteates sont censés avoir été des copies recto des pièces de monnaie romaines pour ensuite être utilisés en bijoux.

Walh se transforme dans le vieux norrois en Valir ou Vælir pour désigner les Romains et les Celtes et Valland leur pays. On peut aussi parler des formes adjectives : välsk, velsk en norvégien, vaelsk en danois.

[modifier] Branche orientale

Icône de détail Article connexe : Histoire du terme Vlach.

On retrouve le terme dans le gotique[3] mais aussi dans le burgonde et le lombard[4]. Par l'intermédiaire du gotique, Walh fut adopté dans les langues slaves sous la forme Vlach qui fut également utilisé pour désigner divers peuples comme les Aroumains, les Valaques (avec la racine Walh) et encore aujourd'hui les roumains, voire les Italiens (le polonais Wloch). Par le biais des langues slaves, Walh a aussi été emprunté dans d'autres langues, comme Vlahos en grec, mais aussi Iflak en turc et Walak en arabe (vieillis dans ces deux derniers cas).

[modifier] Branche occidentale

[modifier] Sous-branche méridionale

[modifier] Haut allemand

Le Walh ou Walha du vieux haut allemand (Althochdeutsch) devient Walch, et sa forme adjective Walhisk devient "welsche" en moyen haut allemand – comme par exemple dans le Roman d'Alexandre de Rudolf von Ems[5] – d'où Welsche en allemand moderne pour parler des locuteurs de langue romane. Un terme géographique est apparu aussi en allemand, Welschland, particulièrement utilisé par les Suisses alémaniques, pour la Romandie. En suisse allemand (Schwytzerdütsch), le Suisse romand est appelé Welsch. De même en Alsace, les minorités Romanes notamment de la haute-Bruche, d'Orbey ou de Villé sont désignés par le même terme Welsch, bien que ce terme est actuellement plus souvent employé pour désigner l'ensemble des francophones extérieurs à la région.

Les germanophones italiens du Tyrol du Sud utilisent Walsche pour parler des italiens ou des rhéto-romans.

[modifier] Langues franciques
Icône de détail Article connexe : Histoire du terme Wallon.

Le francique Walha et sa forme adjective Walhisk est utilisé pour les populations romanes et celtiques mais son sens se restreint de plus en plus avec le temps : des populations de la Gaule romane, puis celles de la Neustrie et de l'Austrasie[6]. À ce moment, le latin médiéval emprunte le terme francique en le transformant en Walonicus ou Gualonicus[7] et un dérivé géographique tardif Wallonia. Tout ayant sa portée sémantique diminuer, le mot francique devient Waal en bas-francique et puis Waals en néerlandais, et du bas-francique passe de nouveau dans le roman avec quelques autres variantes romanes[8] et avec wallon et son dérivé géographique Wallonie dont le sens continue à se réduire encore aujourd'hui.[9]

[modifier] Sous-branche anglo-frisonne

[modifier] Langues anglaises

Le sens du terme Walh dans la langue anglaise que l'on retrouve dans les mots Wealh ou Walas et l'adjectif Wielisc en vieil anglais fut très vite restreint aux locuteurs de langue brittonique et latine de la Grande-Bretagne, puis dans uniquement pour les Britons au fur et à mesure de la disparition du latin dans l'île :

Son association spéciale par les Anglais avec les Britons étaient un produit de leur invasion de la Bretagne insulaire. Il contenait le jugement linguistique, mais il ne faisait pas la différence entre les locuteurs du latin et ceux du brittonique. Mais avec le déclin du parler latin sur l'île, et la concentration des intérêts anglais en Bretagne insulaire, walh et ses dérivés devinrent synonymes de Brett et brittisc, jusqu'à les remplacer.[10]

Le sens se restreint encore davantage dès le moyen anglais (Walsch(men)) et dans l'anglais moderne (Welsch) aux habitants du Pays de Galles dont le nom en anglais vient de la même racine : Wales.

[modifier] Langue écossaise

Dans le scots, le mot Welsche ou Welche[11] vient du moyen anglais et est utilisé pour parler des Gallois, car le rétrécissement du champ sémantique s'est déjà opéré.

[modifier] Notes et références

  1. (en) «It seems clear that the word walh, wealh which the English brought with them was a common Germanic name for a man of what we should call Celtic speech. But in all the recorded Germanic languages in which it appears it was also applied to the speakers of Latin. That may be due, as is usually assumed, to the fact that Latin eventually occupied most of the areas of Celtic speech within the knowledge of Germanic peoples. But it is, I think, also in part a linguistic judgement, reflecting that very similarity in style of Latin and Gallo-Brittonic that I have already mentioned. It did not occur to anyone to call a Goth a walh even if he was long settled in Italy or in Gaul. Though 'foreigner' is often given as the first gloss on wealh in Anglo-Saxon dictionaries, this is misleading. The word was not applied to foreigners of Germanic speech, nor to those of alien tongues, Lapps, Finns, Esthonians, Lithuanians, Slavs, or Huns, with whom the Germanic-speaking peoples came into contact in early times. (But borrowed in Old Slavonic in the form vlach it was applied to the Roumanians.) It was, therefore, basically a word of linguistic import; and in itself implied in its users more linguistic curiosity and discrimination than the simple stupidity of the Greek barbaros.» John Ronald Reuel Tolkien, English and Welsch in Angles and Britons: O'Donnell Lectures, University of Cardiff Press, 1963
  2. (en) Oskar Bandle, The Nordic Languages: An International Handbook of the History of the North Germanic Languages, Volume 1, Éd. Walter De Gruyter, 2002, (ISBN 9783110148763), pp. 578-579
  3. (de) Gerhard Köbler, Gotisches Wörterbuch, 1989 [lire en ligne]
  4. Albert Henry, Histoire des mots Wallons et Wallonie, Institut Jules Destrée, Coll. «Notre histoire», Mont-sur-Marchienne, 1990, 3e éd. (1re éd. 1965), p.86
  5. verset 15786 : «von welsch in tiutsch berihtet» Rudolf von Ems, Alexanderroman, [lire en ligne]
  6. «La France proprement dite, c'est-à-dire l'ancienne Neustrie, située entre la Loire, la Meuse, l'Escaut et la frontière bretonne, était habitée par un peuple mixte auquel les Allemands refusaient le nom de Francs, lui attribuant le nom de Wallons ou de Welskes (Velches)» César Cantu, Histoire universelle, tome 9, p167, Institut de France, Paris, 1846.
  7. Albert Henry, ibid., p.18
  8. Citons walois et walesc. Albert Henry, ibid., p.22
  9. Albert Henry, ibid., p.57
  10. (en) «Its special association by the English with the Britons was a product of their invasion of Britain. It contained a linguistic judgement, but it did not discriminate between the speakers of Latin and the speakers of British. But with the perishing of the spoken Latin of the island, and the concentration of English interests in Britain, walh and its derivatives became synonymous with Brett and brittisc, and in the event replaced them.» J.R.R Tolkien, English and Welsch.
  11. Welsche dans le Dictionnaire de la langue écossaise.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • (en) John Ronald Reuel Tolkien, English and Welsch in Angles and Britons: O'Donnell Lectures, University of Cardiff Press, 1963 [lire en ligne]
  • (en) Margaret Lindsay Faull, The semantic development of old English walh in Leeds Studies in English, xviii, 1975, p. 20–44.