Varègue

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Les Varègues étaient des Danois et Suédois qui voyagèrent vers l’est depuis le Danemark et la Suède. Vivant du commerce, de la piraterie et s'offrant comme mercenaires, ils écumèrent le réseau fluvial de ce qui sera plus tard la Russie, atteignant ensuite la mer Caspienne et Constantinople. Ils créèrent un ensemble de forts et de postes d’échanges, installant ainsi le premier état russe.

Les Slaves et les Byzantins ne distinguaient cependant pas les Scandinaves des Saxons parmi ces mercenaires. D'ailleurs, les gardes varègues de l'empire byzantin étaient le plus souvent des Saxons (voir ci-dessous). Dans la première chronique russe ce terme inclut aussi des Angles provenant de l'île de Bretagne.

Sommaire

[modifier] Rus'

Guests from Overseas de Nicholas Roerich, 1899 (Les Varègues en Russie)
Guests from Overseas de Nicholas Roerich, 1899 (Les Varègues en Russie)

Nom que se donnaient les Varègues et qui a donné les mots Russe et Russie.

Les Varègues (Варяги, en russe) sont mentionnés par la première chronique russe comme étant arrivés d’au-delà la mer Baltique, vers le IXe siècle, invités par les tribus slaves et finnoises pour pacifier la région. Ils étaient menés par Riourik (Rörek) et ses deux frères Siniéous et Trouvor, qui s’établirent autour de la ville slave de Novgorod. Ces premiers Varègues furent peut-être légendaires, mais une véritable colonisation suédoise, Aldeigjuborg, fut établie autour du lac Ladoga au VIIIe siècle. Les habitants slaves appelèrent ces Suédois Rus’.

Le rôle de ces Varègues dans l’histoire russe fut un sujet important de discussion dans l’histographie russe au XIXe siècle. Les partisans de cette théorie normaniste sur l’État russe — incluant Nikolai Karamzin et plus tard, Sergueï Pogodin — pensaient que, d'après les indications de la première chronique, les Varègues avaient été invités par les Slaves de l’est pour qu'ils les gouvernent et maintiennent l'ordre. Cette théorie n’était pas sans implication politique. Dans les écrits de Karamzin la théorie normaniste justifiait la domination du peuple par l’aristocratie, et Pogodin utilisait la théorie pour expliquer que la soumission du peuple était volontaire depuis le départ — ce qui était contesté par les plus libéraux de la société russe, et des historiens polonais.

[modifier] Les sources

Les Annales de saint Bertin mentionnent l’arrivée d’une ambassade varègue à la Cour de Louis le Pieux à Ingelheim, près de Mayence et précisent que « ces inconnus disaient s’appeler Rhos » (18 mai 839). Plus tard, la chronique des temps passés indiquera que « les Slaves et les Russes sont un même peuple et c’est des Varègues que les Russes tirèrent leur nom, alors que, primitivement, ils étaient slaves ».

Le mot rús peut être mis en relation avec le finnois ruotsi (suède), qui remonterait au vieux norrois róthr (ramer) et à la province suédoise de Roslagen. Une autre hypothèse (Thomsen, Vernardsky) avance que les Scandinaves auraient emprunté le mot rús à la tribu des Alains Ruxs. Söderling rapproche l’origine du mot aux Goths, originaires de Suède, qui ont atteint la mer Noire vers le IIIe siècle. Les Slaves les auraient appelés Rús, « les gens roux », puis ce vocable aurait désigné l’ensemble des peuples scandinaves, dont les Varègues de Novgorod et de Kiev.

Certains historiens suggèrent que les Rús, négociants et guerriers scandinaves, se sont enfermés, pour se défendre et protéger leurs marchandises, dans des domaines-fortins, qu’ils appellent gardhr. Les populations locales les imitent et créent des refuges plus larges qu’ils nomment goroda. Dans ces refuges-comptoirs se développe une sorte de civilisation urbaine qui étonne les Scandinaves, car chez eux, les villes n’existent pas ; c’est pourquoi la Russie est appelée en vieux norrois Gardhariki (le « pays des villes »). Les Slaves font de ces cités le noyau de leurs minuscules États (volosti). Pour les défendre, ils font appel à des mercenaires scandinaves qui, exerçant le pouvoir militaire, se seraient emparés du pouvoir politique après une série de petits coups d’État, comme à Novgorod (Riourik) ou à Kiev.

Le commerce des esclaves dans l'Europe de l'Est au Haut Moyen âge, toile de Sergey Vasilievich Ivanov (1864-1910)
Le commerce des esclaves dans l'Europe de l'Est au Haut Moyen âge, toile de Sergey Vasilievich Ivanov (1864-1910)

Un voyageur persan, Istakhri, vers 950, distingue trois sortes de Rús : ceux de Kiev, les Slawijah (les Slaves de Novgorod) et les Arthaniyah, dont le roi habite à Artha (les Erz’a, une tribu finnoise fixée sur la Soura, à l’ouest de Bolghar).

Dans De administrando imperio, écrit en 950, l’empereur byzantin Constantin VII Porphyrogénète note un itinéraire commercial de Grobin (près de Rīga) à Gnezdovo par la Dvina, puis par le Dniepr jusqu’à Kiev et Berezany, en Crimée. Il décrit la périlleuse descente des sept rapides du Dniepr dont se rendent capables les Rhos et mentionne le nom de cinq d’entre eux en langues slave, grecque et rhos. Il note que les Rhos perçoivent des tributs des différentes peuplades slaves (monnaies, fourrures et esclaves).

Le diplomate persan Ibn Rustah décrit les mœurs des Rús vers 950 : ils font principalement la chasse aux esclaves et le commerce des fourrures. Ils ne cessent de voyager et font la guerre en bateaux. Ils sont vaillants et très perfides. Au demeurant, beaux, propres et bien vêtus. Ils sont hospitaliers, mais querelleurs et portés sur le duel et ne se séparent jamais de leurs armes. Ils ont des prêtres (?) et pratiquent des sacrifices humains et animaux, qui se font par pendaison.

Le lettré musulman d’origine kurde Ibn Fadlân a également laissé d’eux une description, notamment la description très détaillée de l’enterrement par bateau d’un de leurs chefs de clan comprenant un sacrifice humain.

Voir aussi l’article Rus' de Kiev.

[modifier] La garde varègue

Icône de détail Article détaillé : Garde varangienne.

Les Varègues apparurent dans le monde byzantin en 839 quand l’empereur Théophile négocia avec eux pour obtenir quelques mercenaires pour son armée. Bien que les Rus' eussent le plus souvent des relations pacifiques avec les Byzantins, les raids varègues depuis le nord n'était pas rares. Ces attaques eurent lieu en 860, 907, 911, 941, 945, 971, et finalement en 1043. Ces raids n’eurent d'autre succès qu'une renégociation des traités de commerce ; militairement, les Varègues étaient toujours vaincus par la flotte de Constantinople, qui utilisait le feu grégeois.

La classe gouvernante des deux villes-États puissantes de Novgorod et Kiev finit par devenir varègue, et les Byzantins purent bientôt acheter les services d'une force mercenaire officielle, qui devint la garde varègue. Ceci advint 988, quand le prince de Kiev, Vladimir Ier se convertit à l’orthodoxie. En échange de la main de la sœur de Basile II, Anne, Vladimir donna 6 000 Varègues comme garde personnelle. Elle fut l'un des éléments les plus efficaces et plus loyaux de l’armée byzantine, comme le rapporte la chronique d’Anne Comnène pendant le règne de son père Alexis Ier Comnène. Leur arme principale était une longue hache, mais ils utilisaient aussi l’épée et l’arc. Ce furent les seuls à défendre avec succès une partie de Constantinople pendant la Quatrième croisade, mais elle fut apparemment dissoute après la prise de la ville en 1204. À cette date, le terme « varègue » référait à n’importe quel mercenaire du nord de l’Europe et la garde était plus composée de Britanniques et de Normands que de Russes ou de Scandinaves.

L’un des membres les plus célèbres de la garde varègue fut celui qui allait devenir le futur roi Harald III de Norvège, le « Dernier des Vikings  », un géant de plus de deux mètres, un grand guerrier également connu sous le nom d'Harald Hardrada (le « Sévère »), et qui arriva à Constantinople en 1035. Il participa à pas moins de 18 batailles, jusqu'en Sicile (1038/40), et devint ἀκόλυθοςἀ (acolythos), commandant de la garde, avant de retourner chez lui en 1043.

Contrairement à la très forte influence viking en Normandie et dans les Îles Britanniques, la culture varègue ne survécut pas en tant que telle à l’est et fut rapidement fondue dans le substrat slave.

[modifier] Voir aussi

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