Tristan et Iseut

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L’histoire de Tristan et Iseut (ou Iseult, Yseut, Yseult) a traversé les siècles pour intégrer la littérature. D’origine celtique, ce sont les poètes normands qui en ont fait les premières rédactions qui nous sont conservées.

Tristan et Iseut à la fontaine
Tristan et Iseut à la fontaine

Sommaire

[modifier] Origine du mythe

[modifier] Les textes

Littérature

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Issue de la tradition orale, la très populaire histoire de Tristan et Iseut fait son entrée dans la littérature écrite au XIIe siècle. Plusieurs textes différents ont vu le jour, dont les célèbres versions de Béroul et de Thomas d'Angleterre, certains ont été malheureusement perdus comme celui de Chrétien de Troyes, aucun de ceux qui nous sont parvenus ne sont intégraux.

  • Le Roman de Tristan est l'œuvre du Normand Béroul. Les critiques diffèrent sur la date de sa rédaction. La version communément admise est que la première partie (jusqu'au réveil dans le Morrois) date de 1170, et que la deuxième partie a été rédigée plus tardivement. Incomplet, le manuscrit conservé est une copie de la fin du XIIIe siècle. Il constitue ce qu'on appelle généralement la « version commune » de la légende de Tristan.
  • Le Tristan de Thomas d'Angleterre date de 1175. On l’a baptisé « version courtoise », en raison de la profondeur du développement de la psychologie des personnages. Cependant, la matière même du mythe de Tristan fait que cette version s’inscrit en opposition avec nombre de codes de la tradition courtoise.
  • Deux manuscrits racontent un épisode où Tristan s’est déguisé en fou pour revoir Iseut ; ils s’appellent tous deux Folie Tristan. La Folie Tristan d’Oxford est généralement rattachée au roman de Thomas et la Folie Tristan de Berne à la version dite commune de Béroul.
  • Marie de France traite aussi cette histoire dans le Lai du Chèvrefeuille. Il a sans doute été composé entre 1160 et 1189.
  • Lanzelet de Ulrich von Zatzikhoven, écrit vers l'an 1200, où Tristan est un chevalier de la cour d'Arthur.
  • Dans Le Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu, écrit également vers 1200, Tristan organise, avec le Roux de Montescler, le tournoi de Valedon, où s'illustrent de nombreux chevaliers, dont Tristan lui-même, Gauvain et surtout Guinglain, le fils de Gauvain.
  • Le poète allemand Gottfried von Strassburg a composé un Tristan und Isolde vers 1210, sans doute inspiré de la version de Thomas d’Angleterre.
  • La saga de Tristan et Iseut, écrite en 1226 par Frère Robert à l'intention du roi Hakon IV de Norvège, est un récit complet reprenant de nombreux éléments du Tristan de Thomas d'Angleterre et du Roman de Tristan de Béroul, auxquels ont été ajoutées quelques traces de mythologie scandinave.
  • Le Roman de Jaufré (Anonyme, XIIIe siècle), fait évoluer le personnage de Tristan pour en faire un chevalier de la table ronde, à la cour du roi Arthur.
  • Version cyclique Post-Vulgate, Le Tristan en prose (Luce del Gat et Hélie de Boron, deux chevaliers-écrivains, XIIIe siècle) où Tristan participe dans la Quête du Graal.
  • Version anglaise de Thomas Malory, The Book of Sir Tristram de Lyones (aka Le Morte D'Arthur, XVe siècle)

[modifier] Une origine celtique

L’origine de l'histoire est incertaine ; Tristan serait à la base un héros picte d’Écosse, le mot Drust (Drostan), dans cette langue pouvant signifier « impétueux », mais la légende serait pour une bonne partie due aux apports de différents peuples celtes (dont les Gallois, les Cornouaillais, les Bretons armoricains) de l’aire culturelle brittonique. Certains critiques comme Bédier, Golther ou Schoeperle situent le texte initial de la légende dans la première moitié du XIIe siècle, d’autres comme Carney le font remonter au VIIIe siècle. Cependant, l’existence même d’un premier récit unique et complet à la base de ceux qui nous ont été conservés est sujette à caution. La légende ne s'est probablement pas constituée en une seule fois, mais développée progressivement de manière orale et transmise de génération en génération, puis au fil des réécritures, des réinterprétations, et d’enrichissements ou déformations culturels ou géographiques. En se fondant notamment sur les éléments les plus archaïques de la légende, on peut cependant supposer que les bardes gallois, à l'origine des premiers écrits connus sur Tristan (les triades), se sont eux-mêmes inspirés d'une légende de la littérature celtique, qui a pour protagonistes les amoureux Diarmaid et Grainne. Nombre de motifs présents dans cette légende se retrouvent dans les récits de Tristan. On a aussi pu donner comme autre source du mythe la légende de Deirdre et de Noise.

[modifier] Influence des romans antiques

Même si les motifs de Tristan sont directement liés à ceux de mythes celtiques, il est possible d’établir des relations entre les romans antiques et les romans de Tristan, notamment celui de Thomas. En effet, les caractéristiques les plus originales de ce dernier par rapport à la version commune, comme la multiplication des monologues et des commentaires au détriment du récit pur, semblent empruntées au roman antique. Elles sont la base d’une réflexion sur l’amour au sein même du roman qui se rapproche des préoccupations de certains romans antiques. Surtout, et ici de façon plus générale, les romans de Tristan, même si aucun n'est complet, retracent le parcours du héros de sa naissance jusqu’à sa mort. Ils se caractérisent par ce que Baumgartner appelle dans son étude Tristan et Iseut : de la légende aux récits en vers une « structure biographique » qui calque « le temps du récit sur le modèle du temps humain ». Cette structure est héritée en droite ligne des romans antiques.

[modifier] Les romans de Tristan et la tradition courtoise

Tristan et Iseut de Edmund Blair Leighton (1902)
Tristan et Iseut de Edmund Blair Leighton (1902)

La présence du terme de fin'amor dans le manuscrit de Béroul comme celle d’un véritable discours sur l’amour chez Thomas peuvent induire en erreur et amener à rapprocher trop rapidement les romans de Tristan du genre du roman courtois. La différence majeure tient à ce que dans la tradition courtoise, le désir est unilatéral (de l’homme vers la femme objet de désir) et est absolument maîtrisé et canalisé dans le but de produire le discours amoureux qui constitue la matière même de l'œuvre. Or ce qui fonde les romans de Tristan et au-delà la légende même de Tristan et Iseut, c'est l’incapacité des deux amants à maîtriser leur désir. Quand le désir dans la tradition courtoise est fécond parce qu’il n'est jamais réalisé et permet au poète de chanter son amour, le désir dans les romans de Tristan, en raison du philtre, est toujours déjà réalisé, et constitue une source d’angoisse plus qu’un sujet d’exaltation. Au culte du désir de la tradition courtoise les romans de Tristan substituent l’image d'un désir destructeur, qui constitue même un contre-modèle dont on doit détourner les jeunes générations. Le récit de cette passion funeste doit chez Thomas prévenir les nouveaux amants.

Encuntre tuiz engins d'amur !

(Contre tous les pièges de l'amour). Cependant, une interprétation purement négative du désir dans les romans de Tristan serait biaisée ; on peut également voir dans la mort des amants la réalisation suprême d’un amour qui dépassait nécessairement les bornes du monde des hommes. Il reste que le désir dans les romans de Tristan est, contrairement à sa position dans les romans courtois, à la fois réciproque et impossible à maîtriser.

[modifier] La légende

Ce résumé n’est qu'une courte synthèse tant la légende connaît de versions et de développements différents, parfois contradictoires.

  • Rivalen, roi de Loonois a épousé Bleunwenn (nom breton signifiant «Blanche-Fleur »), la sœur de Marc'h, roi de Cornouaille en Armorique. Rivalen s’en va en guerre où il trouve la mort. Bleunwenn, avant de mourir de chagrin donne naissance à un fils, Tristan.
  • L’enfant est recueilli et élevé par son oncle, le roi Marc'h, en Bretagne armoricaine. Ce dernier devait s’acquitter du paiement d’un tribut auprès du roi d’Irlande. Quelques années plus tard, Tristan décide d’en finir avec cette coutume et quand il arrive dans l’île, il doit combattre le géant Morholt, le beau-frère du roi. Tristan reçoit un coup d’épée empoisonnée, mais il blesse mortellement le géant qui, dans un dernier souffle, lui indique qu’Iseut, la fille du roi, a le pouvoir de neutraliser le poison. La jeune fille guérit Tristan de ses maux sans qu’elle sache qu’il a tué son oncle Morholt. Une fois rétabli, il reprend la mer et retourne près de son oncle.
  • Marc'h souhaite que son neveu lui succède à la tête de la Cornouaille, mais des seigneurs s’y opposent, préférant une succession directe. Le roi décrète qu'il épousera celle à qui appartient le cheveu d'or, déposé le matin même par un oiseau. Tristan se souvient d’Iseut et suggère une ambassade auprès du roi d’Irlande. À peine débarqué, surgit un terrible dragon qu’il doit combattre et occire non sans avoir été blessé. Pour la seconde fois, il est soigné par la fille du roi. Iseut voit que l’épée du chevalier porte une marque qui correspond à un morceau de fer, retrouvé dans le crâne de Morholt ; elle comprend que c’est Tristan qui a tué son oncle, mais renonce à toute idée de vengeance. Il s’acquitte de sa mission et le père accepte que sa fille épouse le roi de Cornouaille, ce qui est une manière d'effacer les différends entre les deux royaumes. Iseut éprouve quelque ressentiment du peu d’intérêt que lui manifeste Tristan, mais s’embarque pour la Bretagne.
  • La reine d’Irlande remet un philtre magique à Brangien, la servante d’Iseut qui est du voyage. Il est destiné aux nouveaux mariés le soir de leur nuit de noces. La puissance du philtre est telle qu’après absorption, les amants sont éternellement épris et heureux, et qu’une séparation leur serait insupportable, voire fatale. Durant la navigation entre l’île et le continent, croyant se désaltérer avec de l’eau, Tristan boit du breuvage magique et en offre à Iseut. L’effet est instantané. En dépit de ce nouvel amour indéfectible, la jeune fille épouse le roi Marc'h, mais le soir des noces, c’est la servante Brangien qui prend place dans le lit du roi.
  • Les amants prennent la fuite et décident de vivre dans la forêt, fuyant toute âme qui vive. Au bout de trois ans, la magie du philtre finit par s’estomper. Après un long temps de recherche, le roi les surprend endormis dans la grotte qui les abrite, l’épée de Tristan plantée dans le sol entre eux deux. Le roi pense qu’il s'agit d’un signe de chasteté et respecte la pureté de leurs sentiments. Il remplace l’épée par la sienne, met son anneau au doigt d’Iseut et s'en va. Au réveil, ils comprennent que le roi les a épargnés. C’est la séparation, Iseut retourne près du roi Marc'h.
  • Tristan s'en va dans l’île de Bretagne où il finit par épouser Iseut aux mains blanches, dont la beauté lui rappelle celle d’Iseut la blonde. Son occupation principale est la guerre et lors d’une expédition, il est gravement blessé. Une fois de plus, seule Iseut la Blonde peut le sauver. Il la fait réclamer en convenant que le bateau revienne avec une voile blanche si elle accepte de le secourir. Iseut arrive alors dans un vaisseau à la voile blanche, mais l’épouse de Tristan, de colère et de jalousie, lui dit que la voile est noire. Se croyant abandonné par celle qu’il aime, il se laisse mourir (ou se tue d’un coup d’épée). Iseut la blonde, arrivée près du corps de Tristan, meurt à son tour de chagrin. Le roi Marc'h prend la mer et ramène les corps des amants et les fait inhumer en Cornouaille, l’un près de l’autre.

[modifier] Compléments

[modifier] Écrits contemporains

Yann Brekilien, dans son roman Iseult et Tristan (noter l’inversion des prénoms), replace l’histoire dans son contexte mythologique afin de montrer le mythe dans son sens primitif. Il redonne à Iseut la place qu’avait la femme celte dans la société, c’est-à-dire l’égale de l’homme (voir la reine Medb qui déchenche la Razzia des vaches de Cooley, pour égaler en patrimoine son époux, le roi Ailill). Elle est l’initiatrice de la fuite avec son amant, affirmant son indépendance, ce qui était inconcevable pour les trouvères normands.

[modifier] Les récits français

[modifier] Tristan et la musique

  • À partir de cette légende, Richard Wagner a composé un opéra intitulé Tristan und Isolde (création en 1865).
  • D’autres compositeurs ont brodé autour de ce mythe, dont Karol Szymanowski dans l’une des pièces de ses Masques, Tantris le bouffon, où Tantris, inversion de Tristan, se déguise en bouffon afin d’essayer d’approcher Iseut ; ce morceau est inspiré par la pièce de théâtre d’Ernst Hardt.
  • Frank Martin a également composé un opéra intitulé Le Vin herbé, dont le livret est plus directement inspiré par la légende médiévale que le livret de Wagner.

[modifier] Filmographie

[modifier] Bibliographie

Consulter aussi la Bibliographie de la mythologie celtique et la Bibliographie sur les Celtes.

  • Emmanuèle Baumgartner, Tristan et Iseut, De la légende aux récits en vers, Paris, P.U.F, 1993
  • Jean-Charles Huchet, Tristan et le sang de l'écriture, Paris, P.U.F, 1990
  • Jacques Ribard, Le Tristan de Béroul, un monde de l'illusion ?, in Du mythique au mystique. La littérature médiévale et ses symboles, Paris, Champion, 1995
  • Rougemont, L'amour et l'occident
  • Michel Zink, Introduction à la littérature française du moyen-âge, Paris, Le livre de poche, 1993

Romans/récits

Bande dessinée

  • Xavier Josset, Frédéric Bihel, La quête de la fille aux cheveux d'or, Éditions du Lombard, coll. « Histoires et légendes », Bruxelles, 1991 (ISBN 2-8036-0908-8)
  • Chauvel, Lereculey, Simon, Arthur une épopée celtique, Tome 5 : Drystan et Esyllt, Éditions Delcourt, coll. « Conquistador », Paris, 2002 (ISBN 2-84055-806-8)

[modifier] Wikisource

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Tristan et Iseut est disponible sur Wikisource.