Térence

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Page de titre du Térence de Colman, 1765
Page de titre du Térence de Colman, 1765

Térence (en latin Publius Terentius Afer), né à Carthage vers -190 et mort en -159, était un poète comique latin d'origine berbère[1],[2].

Sommaire

[modifier] Biographie

Suétone, dans une Vie de Térence perdue, mais recueillie par le grammairien Donat (IVe siècle après J.-C.), nous parle de la vie du poète latin.

Né à Carthage vers -184, Térence est réduit en esclavage alors qu'il est encore enfant. Aussi son surnom d'Afer était-il celui qu'on donnait aux Africains. Il est ensuite vendu - ou donné - au sénateur romain Terentius Lucanus. Grâce à son talent et à sa beauté, qui impressionnent fortement son maître, il reçoit une éducation d'homme libre et est rapidement affranchi. Enfin, au cours de sa vie, il aura une fille qui épousera un chevalier romain.

Accueilli dans la haute société aristocratique, Térence est protégé par les Scipions, dont le cercle comprenait Scipion Émilien, C. Laelius, L. Furius Philus... Dès l'origine, des ragots contradictoires courent sur l'identité du véritable auteur des comédies de Térence. Pour ces cercles érudits et friands d'hellénisme, il écrit des pièces plus littéraires et moins axées sur la représentation, ce qui permet à certaines comédies d'êtres jouées plusieurs fois, contre les habitudes du théâtre romain. Cela lui vaut toutefois des difficultés, non seulement avec le public, lors des représentations, mais aussi avec la critique officielle et, en particulier, avec Luscius de Lanuvium, président du collegium poetarum, qui accablera Térence de ses récriminations.

Sa carrière est très brève. Après avoir présenté six comédies à Rome, il partit, en -160, chercher en Grèce des sujets de pièces inédites : il traduisit là, semble-t-il, 108 comédies de Ménandre. Mais à partir de l'année -159, quand il décida de rentrer de Grèce, nous ne savons plus rien de Térence. Sa vie semble s'interrompre à ce moment-là. Deux thèses ont été avancées :

  • Térence aurait fait naufrage en mer, dans la baie de Leucate.
  • Térence, désespéré par la disparition de ses manuscrits, serait mort d'affliction, à Stymphale, en Arcadie.

[modifier] Œuvre

[modifier] L'Andrienne

Imitée du poète grec Ménandre, la pièce de l' Andria (L'Andrienne ou La jeune Fille d'Andros) est représentée en 166 av. J.-C. Elle met en scène l'histoire d'un citoyen d'Athènes, Pamphile, qui a violé Glycène, une jeune fille originaire de l'ile d'Andros. Elle est tombée enceinte, mais Pamphile lui donne sa parole qu'elle sera sa femme. Mais il se garde bien d'en informer son vieux père SImon qui avait projeté de lui donner en mariage une autre épouse, Philomène, la fille de son ami Chrémès.

En apprenant ce qui se trame, Simon hâte le mariage de Pamphile et Glycène pour voir l'attitude de son fils. L'esclave de Simon, Dave, lui a assuré qu'il ne s'agit que d'un stratagème, même si Simon envisage sérieusement le mariage. Chrémès apprend que la jeune fille Glycène est enceinte. On finit bientôt par apprendre que Glycène est la seconde fille de Chrémès, du vrai nom de Pasibula, élevée en bas âge par un tuteur. Philomène peut donc s'unir à Charinus, l'homme qu'elle aime, le meilleur ami de Pamphile, et Glycène peut épouser Pamphile.

[modifier] L'Eunuque

Imitée du poète grec Ménandre, la pièce de l' Eunuchus (L'Eunuque) est représentée en 166 av. J.-C. Elle met en scène un jeune homme, Phédrias, amoureux de la courtisane Thaïs. Trason, un soldat fanfaron, aime aussi la courtisane Thaïs. Phédrias, pour preuve de son amour, achète alors à Thaïs, à grand prix, un eunuque vieux et laid. Trason, pour preuve de son amour lui aussi, offre à Thaïs une jeune esclave de 16 ans, Pamphila.

Chéréas, le frère de Phédrias, aperçoit la jeune esclave Pamphila et s'en éprend. Une nuit, il réussit, grâce à l'ingéniosité de son esclave Parménon, à s'introduire chez Thaïs, à se faire passer pour l'eunuque et à violer Pamphila pendant son sommeil. Le cas de Chéréas est grave : Pamphila est en fait de condition libre. Thaïs vient en effet de retrouver les parents de cette dernière et espère s'en faire une amie en les lui rendant. Phédrias va alors épouser Pamphila à la fin de la pièce pour rétablir la situation de la libre femme violée.

N.B. : La Fontaine adorait cette pièce, qu'il adapta en 1655.

[modifier] L'Hécyre

Empruntée à un inconnu, cette pièce est jouée en 165 av. J.-C. L' Hecyra (L'Hécyre ou La Belle-mère) met en scène un jeune athénien, Pamphile, amant de la courtisane Bacchis. Mais, sur les instances de son père, Pamphile est contraint d'épouser Philomène. Le mariage étant forcé, Pamphile s'abstient de toute relation intime avec sa femme, pendant les 5 premiers mois de leur union. Au terme de ce délai, il finit par rompre avec Bacchis et par se laisser séduire par sa femme.

Après une absence prolongée à l'étranger, Pamphile revient chez lui et trouve la maison vide : sa femme, Philomène, est partie. Le père de Philomène attribue le départ de sa fille à l'attitude de sa belle-mère Sostrata, la mère de Pamphile, et le beau-père de Philomène attribue le départ de sa belle-fille à l'attitude de la mère de Philomène, Myrrhine.

En réalité, Philomène avait été violée avant son mariage par un inconnu ivre et si elle s'est retirée, c'est pour accoucher. Seule sa mère Myrrhine était au courant. Pamphile apprend la nouvelle de la grossesse de sa femme et décide de la rejeter sans la revoir. Mais Myrrhine reconnaît, au doigt de la courtisane Bacchis, un anneau que l'inconnu qui avait violé sa fille lui avait donné avant de partir. Cet inconnu, c'est Pamphile qui était saoul et avait violé Philomène : il peut donc l'épouser.

N.B. : La pièce n'eut aucun succès : le public la trouvait très ennuyeuse.

[modifier] L'Héautontimorouménos ou le "Bourreau de soi-même"

Imitée du poète grec Ménandre, la pièce de l' Héautontimoroumenos (Le Bourreau de soi-même) est représentée en 163 av. J.-C. Elle met en scène le conflit qui oppose Ménédème à son fils Clinia : le père a contraint le fils à s'expatrier, car il condamne l'amour de son fils pour Antiphila. Mais le fils lui manque et, pour se punir de sa méchanceté, le père s'impose une vie rude.

De retour, Clinia se cache chez Chrémès, le voisin de Ménédème et père d'Antiphila. Cette dernière est pleine aux as. L'esclave Syrus persuade Ménédème de recevoir Bacchis, une courtisane qu'aime en secret Clitiphon, le fils de Chrémès. Ménédème accepte cette courtisane chez lui, alors qu'il avait refusé la présence d'Antiphila aux côtés de Clinia.

Clitiphon parvient à soutirer à son père Chrémès 10 mines pour acheter la courtisane. Chrémès apprend qu'il s'est fait berner : son fils ne lui a pas dit qu'il aimait une courtisane et encore moins qu'il voulait l'acheter. Chrémès a été plus exploité que Ménédème, son voisin, qui n'a fait qu'héberger la courtisane chez lui. Ménédème finit par accepter que son fils Clinia épouse Antiphila. Clitiphilon, après avoir rompu avec Bacchis, épouse une fille du voisinage.

[modifier] Le Phormion

Empruntée à Apollodore de Charys, la pièce du Phormio (Le Phormion) est jouée en 161 av. J.-C. Elle met en scène un citoyen d'Athènes, Démiphon, qui part en voyage et laisse chez lui son turbulent fils Antiphon. Par ailleurs, Chrémès, le frère de Démiphon a deux femmes :

  • l'une à Athènes, dont il a un fils, Phédria qui s'est épris d'une esclave.
  • l'autre à Lemnos, dont il a une fille qui est chanteuse.

L'épouse de Lemnos arrive à Athènes et meurt. La jeune orpheline est chargée des funérailles de sa mère. Antiphon s'éprend d'elle et décide de l'épouser. Démiphon, de retour, apprend la nouvelle et s'emporte : il donne 30 mines à un parasite, Phormion, pour qu'il défasse le mariage d'Antiphon et prenne la chanteuse pour femme. Les 30 mines vont servir, en fin de compte, à acheter l'esclave dont Phédria s'était amouraché, et Phormion ne prendra pas la jeune fille pour épouse car Chrémès et Démiphon vont découvrir par sa nourrice que la jeune femme est en fait Phanium, la fille de Chrémès qui vient de Lemnos.

N.B. : La pièce inspira en grande partie à Molière ses Fourberies de Scapin.

[modifier] Les Adelphes

Empruntée à deux pièces du comique grec Ménandre, la pièce des Adelphi (Les Adelphes, Les Frères) est représentée en 160 av. J.-C. Elle met en scène deux garçons, Eschine et Ctésiphon, tous deux fils de Déméas. Le frère de Déméas, Micion, n'en a aucun. Déméas donne alors à Micion, en adoption, son fils Eschine et garde Ctésiphon avec lui. Ctésiphon s'éprend d'une joueuse de cithare, mais leur relation est tenue cachée. Eschine sert d'alibi : il dit que c'est lui qui est amoureux de la musicienne et l'enlève pour son frère.

Mais on apprend que quelque temps auparavant Escine était tombé amoureux de Pamphila et qu'il lui avait promis de l'épouser, puisqu'elle était enceinte. Eschine doit alors épouser Pamphila. Ctésiphon, quant à lui, reprend possession de la musicienne.

Cette pièce à thèse est consacrée au problème de l'éducation. Doit-elle être :

  • permissive ? C'est ce que souhaite Micion qui représente le mos Graecorum ("la coutume des Grecs") et qui prône l'ouverture sur une éducation plus moderne.
  • répressive ? C'est ce que soutient Déméas qui incarne le mos Maiorum ("la coutume des Anciens") et qui défend la tradition des vieilles valeurs romaines.

[modifier] Citations

  • « Homo sum ; humani nil a me alienum puto » : « Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger » (L'Héautontimorouménos, v. 77).
  • « Nae iste magno conatu magnas nugas dixerit » : « Assurément, cet homme va se donner une grande peine pour dire de grandes sottises » (L'Héautontimorouménos, v. 621).
  • « Quot homines, tot sententiae » : « Autant d'hommes, autant d'opinions ». (Le Phormion, v. 454)
  • « Obsequium amicos, veritas odium parit » : « La complaisance fait les amis, la franchise engendre la haine ». (L'Andrienne, v. 68).
  • « Sine Cerere et Libero, friget Venus » : « Sans Cérès et Bacchus, Vénus prend froid ». (L' Eunuque)
  • « Ovem lupo commisit » : « Tu as confié la brebis au loup ». (L' Eunuque)
  • « Habet ullum, eam consilio regere non potes » : « Tu ne peux pas gouverner par raison une chose (= la femme) qui n'a en soi ni raison ni mesure ». (L' Eunuque)

[modifier] Inspiration et innovation

Chez Térence, l'intrigue est grecque, les noms des personnages sont grecs, le lieu de l'action est grec. Térence s'inspire en effet librement du grand représentant de la Néa (la « nouvelle comédie grecque ») : Ménandre. C'est l'individu qui inspire Ménandre : l'auteur grec fuit la politique et s'éloigne ainsi de son illustre prédécesseur, Aristophane, dont les thèmes de prédilection étaient essentiellement politiques.

L'amour hétérosexuel anime les intrigues de la Néa : c'est un amour ridicule, stupide, apolitique. Seuls les problèmes personnels et les conflits de cœur sont représentés.

Chaque fois que Térence a créé une pièce empruntée à Ménandre, cette pièce résulte de la compilation de deux pièces du comique grec. C'est ce qu'on a appelé le procédé de la contaminatio (ou « contamination »).

Les pièces de Térence sont de longueur constante : entre 800 et 1100 vers. Elles sont précédées d'un argumentum (un « résumé ») rédigé par le grammairien Sulpice Apollinaire. À la suite de ce résumé, on trouve un prologue. Ce prologue - il s'agissait d'un personnage à part entière, le Prologus, qui s'avançait sur scène - ne résume pas la pièce : il cherche à capter l'attention du public et à défendre l'auteur en prenant le public à témoin de la mauvaise foi des rivaux de Térence.

[modifier] Notes

  1. Susan Raven, Rome in Africa, Routledge, 1998, p.122
  2. Florence Dupont, Daily Life in Ancient Rome, Blackwell Publishing , 1993, p.64

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources

  • Jean BAYET, Littérature latine, Paris, Armand Colin, 1965, 19962
  • Florence DUPONT, L'Acteur-roi, Paris, Les Belles Lettres, 1985
  • Florence DUPONT, Le Théâtre latin, Paris, Armand Colin, 1988
  • Hubert ZEHNACKER, Jean-Claude FREDOUILLE, Littérature latine, Paris, PUF, 1993