Système de vote

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Un système de vote permet aux électeurs de choisir entre des options, souvent dans le cadre d’une élection où des candidats sont désignés pour exercer un mandat public. Le vote peut également être utilisée pour attribuer des prix, choisir entre différents plans d'action, ou par le biais d’un programme informatique afin de trouver une solution à un problème. Le vote peut être contrasté avec la prise de décision par consensus.

L'importance que revêt l'acte de voter dans un système démocratique justifie que de nombreux théoriciens se soient penchés sur les systèmes de vote. L'étude des systèmes de vote formellement définie est appelée théorie du vote, et entre en relation avec la science politique, l'économie ou les mathématiques. À ce jour, plusieurs systèmes de vote sont en vigueur ou proposés ; ils suscitent de nombreuses polémiques qui participent à l'intensification de la démocratie.

Les systèmes de vote sont soit des scrutins utilisant la règle de la majorité, soit la représentation proportionnelle, soit des systèmes mixtes. Compte tenu de la simplicité de la règle de la majorité, ceux qui ne sont pas familiers avec la théorie du vote sont souvent surpris que d'autres systèmes de vote existent, ou que des systèmes basés sur « la règle de la majorité » puissent donner des résultats non soutenus par une majorité d’électeurs. Si chaque élection ne proposait que deux choix, le gagnant serait déterminé en utilisant la règle de la majorité à elle seule. Cependant, quand plus de deux options sont proposées, il est possible qu’aucune option ne soit plus privilégiée qu’une autre par une majorité d’électeurs. Différents systèmes de vote peuvent donner des résultats très différents, en particulier dans les cas où il n'y a pas de préférence clairement majoritaire en faveur d’une seule et même option.

Les aspects de procédure électorale (décompte, scrutin, etc.) et de corps électoral et d'éligibilité sont traités par ailleurs. Un système de vote peut également concerner le poids attribué à chaque vote[1].

Sommaire

[modifier] Modalités d’expression du corps électoral

Droit de vote et d’éligibilité

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des séries sur la politique


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L’exercice par les citoyens de leur droit de suffrage permet d’assurer la représentation du peuple. Dans un système se voulant démocratique, l’élection est donc le moyen privilégié pour la désignation des gouvernants. Le résultat d’une élection peut être d'un seul gagnant, ou de plusieurs gagnants comme pour l'élection d'une assemblée délibérante. Le système de vote peut également fixer de quelle manière le nombre de voix est réparti entre les électeurs, et la façon dont les électeurs sont divisés en sous-groupes (circonscriptions) dont les voix sont comptées indépendamment. Le suffrage est donc conditionné par un certain nombre de règles, qui déterminent les électeurs et les mécanismes relatifs à l’expression de leur vote.

L’environnement dans lequel une élection a lieu n'est généralement pas considéré comme faisant partie du système de vote. Par exemple, si un système de vote spécifie le mode de répartition des votes de manière abstraite, il ne précise pas si la réalité physique scrutin (l’acte de voter) prend la forme d'une feuille de papier, ou d’un écran d'ordinateur. Un système de vote ne précise également pas si ou comment les votes sont tenus secrets, comment vérifier que les votes soient comptabilisés correctement, ou qui est autorisé à voter. Ce sont là des aspects propres aux élections et systèmes électoraux.

[modifier] L'élargissement progressif du droit de vote

[modifier] Le suffrage universel masculin

Le droit de suffrage masculin a généralement été étendu de manière progressive, étant à l’origine presque systématiquement censitaire. Le vote, à défaut d’être considéré comme un droit universel, était perçu comme une fonction réservée aux hommes les plus fortunés, c'est-à-dire à ceux que la fortune dotait d’une véritable indépendance matérielle, d’un esprit conservateur par la propriété et de compétences par l’éducation. En France la composition du corps électoral a souvent varié : les États généraux étaient désignés par des chefs de familles avec un cens très bas, tandis que sous la Révolution, le suffrage est restreint en 1791 avec la distinction entre citoyens « passifs » et citoyens « actifs » (soit les 2/3 de la population masculine de l’époque), ces derniers étant les seuls à bénéficier du droit de vote. De 1815 à 1830, sous la Restauration, le suffrage censitaire a été rétabli, et le sens était si élevé que seuls 100 000 hommes pouvaient alors voter. Après 1830, le cens serra considérablement abaissé, permettant un doublement du corps électoral, jusqu’à ce que le suffrage masculin ne devienne réellement universel dès 1848. L’entre-deux-guerres verra plus tard la généralisation du suffrage universel masculin à toutes les démocraties représentatives.

La question du suffrage universel opposait généralement libéraux (et plus tard la gauche dans son ensemble), favorables à son instauration, et conservateurs, d’un avis contraire. Les ultra-légitimistes, convaincus que le vote des populations paysannes, sous l’influence du clergé et de la noblesse, submergerait le vote progressiste des bourgeois, militèrent cependant eux aussi pour l’instauration du suffrage universel masculin dès le début du XIXe siècle. Les victoires du Parti de l’ordre de 1849 à 1876, date de la première grande victoire républicaine aux élections législatives, leur donneront un temps raison.

[modifier] Le vote féminin

Icône de détail Article détaillé : Droit de vote des femmes.

Les femmes accéderont au droit de vote bien plus tard que les hommes. Le vote des femmes est d'abord autorisé dans l'État américain du Wyoming en 1869, puis en Nouvelle-Zélande dès 1893 et dans le sud de l'Australie en 1894. Les pays scandinaves seront les premiers en Europe à faire voter les femmes (Finlande en 1906, Suède en 1909 pour les élections locales, Norvège en 1913, Islande en 1915). Mais c'est surtout la fin de la Première Guerre mondiale qui a vu l'élargissement du droit de vote aux femmes dans les démocraties occidentales : de 1918 à 1921, les femmes acquièrent le droit de vote (dans l'ordre chronologique) en Autriche, au Danemark, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, aux États-Unis, au Canada, en Belgique (élections locales seulement), en Suède (cette fois-ci pour toutes les élections) et en Irlande. Ces pays ont directement accordé le droit de vote à toutes les citoyennes majeures des deux sexes.

Mais l'instauration du suffrage féminin aura été plus laborieuse dans d'autres pays. Au Royaume-Uni, en 1918, le droit de suffrage est d'abord accordé aux seules femmes de 30 ans et plus (la majorité électorale féminine passera ensuite à 21 ans en 1928). En France, dès la fin de la Première Guerre mondiale, la Chambre des députés vote une loi visant à faire voter les femmes, qui serra finalement rejetée par le Sénat, dominé par le Parti radical, qui craignait qu'elles ne votent massivement pour les candidats conservateurs sous l'influence de l'Église[2]. Les Françaises voteront finalement à partir de 1944, suivies par les Italiennes en 1946, les Belges (pour toutes les élections) en 1948, les Grecques en 1952, les Suisses en 1971.

[modifier] Abaissement des majorités électorales

D’abord élevé, l’âge de la majorité électorale a considérablement baissé au fil du temps. En France, tout d’abord, il passe de 30 ans en 1815 à 25 ans en 1830, puis à 21 ans en 1848, pour enfin être abaissé à l’âge de 18 ans en 1974. Il y a cependant eu quelques exceptions : la Constitution de 1791 fixait ainsi la majorité électorale à 25 ans, et celle de 1793 à 21 ans[3]

Actuellement, 18 ans est l’âge auquel la très grande majorité des démocraties représentatives ont fixé la majorité électorale. En Autriche, en Suisse, au Canada ou en Allemagne pour certain scrutin cet âge pourrait être abaissé à 16 ans.

[modifier] Le vote des étrangers

Icône de détail Article détaillé : Droit de vote des étrangers.

La Grande-Bretagne a été la première à accorder le droit de vote aux résidants étrangers n’ayant pas la nationalité britannique : les Irlandais et les ressortissants de tous les pays du Commonwealth ont le droit de voter à toutes les élections du Royaume-Uni. Dans d’autres pays, les étrangers peuvent voter avec une condition de durée de résidence : l’Irlande (1963), la Suède (1976), le Danemark (1981), la Norvège (1982) et les Pays-Bas (1985) font partie de ces pays. La question d’accorder ou non le droit de vote aux étrangers est souvent posée par l’arrivée de travailleurs immigrés du Tiers-monde en Europe occidentale[3].

En France la question du droit de vote des étrangers aux élections locales s’est souvent posée, mais n’a jamais abouti. En 1981, le Parti socialiste en avait fait l’une de ses promesses de campagne, mais l’avait finalement abandonné face à l’hostilité de l’opinion ; plus récemment, en 2007, Nicolas Sarkozy, durant la campagne précédent son élection, avait inclut cette mesure dans son programme[4] avant de la retirer. Le traité de Maastricht, ratifié en 1992 par plusieurs pays alors membres de l’Union européenne, stipule que les étrangers citoyens d’un pays de l’UE ont le droit de vote aux élections européennes et municipales.

[modifier] Le bulletin de vote

Bulletin de vote utilisé pour les élections législatives ukrainiennes de 2007. L'électeur doit ici cocher la case correspondant à la liste qu'il préfère dans le cadre d'un mode de scrutin proportionnel plurinominal.
Bulletin de vote utilisé pour les élections législatives ukrainiennes de 2007. L'électeur doit ici cocher la case correspondant à la liste qu'il préfère dans le cadre d'un mode de scrutin proportionnel plurinominal.

Les divers systèmes de vote permettent à l'individu d'exprimer son vote de manières différentes. Dans un scrutin de classement ou « de préférence » (Méthode Borda, méthode de Condorcet, etc.), les électeurs établissent une liste de préférences parmi plusieurs options proposées, de celle qu’il préfèrent à celle qu’ils aiment le moins. Avec un système de vote par approbation, les électeurs se prononcent sur chaque option indépendamment l’une de l’autre. Avec un mode de scrutin majoritaire uninominal, les électeurs ne peuvent choisir qu'une seule option, alors qu’avec le vote d'approbation, ils peuvent en choisir autant qu'ils le souhaitent. Avec des systèmes de vote pondéré, comme le vote cumulatif, les électeurs peuvent voter pour les mêmes candidats à plusieurs reprises.

Certains systèmes de vote incluent d'autres choix, parfois optionnels, sur le bulletin de vote, comme l’expression d’une préférence pour tel ou tel candidat au sein d’une liste dans le cadre d’une élection à la représentation proportionnelle, ou la désapprobation d’une option parmi plusieurs autres.

[modifier] Le vote obligatoire

Le vote est considéré, dans la plupart des démocraties contemporaines, comme un devoir plus que comme un droit. Rares sont celles, cependant, qui sanctionnent l'abstentionnisme. Le premier pays a instaurer le vote obligatoire sera la Belgique, en 1893, suivie par l'Australie en 1924, puis par le Danemark, le Luxembourg, la Grèce, le Brésil, le Venezuela, dans quelques cantons suisses ou encore en Turquie. La sanction est généralement une amende de faible niveau, et a donc une fonction symbolique. Cela peu suffire, cependant, pour faire chuter l'abstention dans un pays de manière spectaculaire : en Australie, cette dernière est passée de 40,6 % des inscrits en 1922 à 8,6 % en 1925, après instauration du vote obligatoire[5].

Éradiquer l'abstention n'est toutefois pas un remède efficace au dysfonctionnement d'une démocratie. La question a souvent été posée en France, où une partie de la classe politique rejette cette idée, prétextant que, le vote étant un droit, celui qui en dispose doit avoir le droit de ne pas l'exercer[6].

[modifier] Poids des voix

De nombreuses élections ont lieu dans un souci de respecter, au nom de l’égalité, le principe « une personne, une voix », ce qui signifie que tous les votes d’électeurs doivent être comptés avec le même poids. Ce n'est pas le cas de toutes les élections, toutefois. Le vote plural, par exemple, accorde un poids variable au vote en fonction de la position du votant dans la société, instaurant de fait le mécanisme d’ « une action, une voix ». Des voix supplémentaires sont en fait accordées à certains électeurs compte tenu de leurs capacités supposées. Jusqu’en 1948 au Royaume-Uni, certains électeurs disposaient de deux ou trois voix en raison de leurs diplômes, de leur situation familiale ou de leur fortune personnelle.

En Belgique, en Espagne sous Franco ou encore dans le Portugal salazariste, le vote familial permettait, de la même manière, aux parents de voter au nom de leurs enfants. Ses promoteurs, qui prétendaient se positionner dans l’intérêt de la famille, comptaient en réalité sur le conservatisme supposé des pères de famille. Cette mesure faisait d’ailleurs partie du projet de constitution attribué au maréchal Pétain. Le vote familial s’est finalement heurté au principe égalitaire « une personne, une voix », le fait que le poids électoral des individus puisse varier en fonction de leur situation familiale finissant par être mal accepté par le corps électoral dans son ensemble. Il n’est plus utilisé nulle part à l’heure actuelle. Sa réutilisation dans une démocratie moderne semble peu probable, les enfants acceptant certainement moins facilement, de nos jours, de voir leurs parents voter à leur place.

Les votes peuvent également être pondérés de manière inéquitable pour d'autres raisons, telles que la supériorité du poids du vote de membres de rang plus élevé que d’autres au sein d’une organisation. Le poids du vote ne doit pas être confondu avec le pouvoir électoral. Dans les situations où certains groupes d'électeurs votent tous de la même manière (par exemple, les partis politiques dans un parlement), le pouvoir électoral mesure la capacité d'un groupe à changer le résultat du vote. Les groupes peuvent former des coalitions afin de maximiser leur pouvoir électoral.

[modifier] Les circonscriptions

Icône de détail Article détaillé : Découpage électoral.

S’il arrive que le corps électoral soit appelé à se prononcer de manière globale lors de l’élection d’un chef de l’Etat ou dans le cadre d’un référendum, par exemple, la représentation de citoyens d'une même zone géographique (l’expression politique des citoyens) exige souvent la division du pays en circonscriptions. Dans ces circonscriptions il pourra être procédé à l’élection d’un ou de plusieurs représentants. Par exemple, pour élire les membres d'une assemblée délibérante, il est nécessaire de découper un espace géographique donné en plusieurs circonscriptions, dans chacune desquelles un ou plusieurs sièges sont à pourvoir. Cela conduit donc de fait à l'organisation de plusieurs scrutins différents, en même temps, pour élire plusieurs personnes dans les mêmes conditions et pour exercer la même fonction. C'est pour cela qu'on parle d'élections législatives (ou sénatoriales, générales, municipales, régionales ect) et d'élection présidentielle, où il n'est question d'élire qu'une seule personne dans un un même espace géographique[7].

Le découpage en circonscriptions pose à la fois :

  • le problème du poids relatif de chaque circonscription
  • le problème de la représentativité des différents courants d'opinion.

Un découpage électoral équilibré permet d’organiser un scrutin juste et honnête, ce qui justifie l’intervention d’un contrôle juridictionnel attentif. En effet, si l’arbitraire devait procéder au découpage des circonscriptions, certains pourraient en profiter pour découper les circonscriptions de manière déloyale dans le seul but d’aller dans le sens des intérêts de leur famille politique. Ainsi, en 1812, Elbridge Gerry, gouverneur du Massachusetts, avait-il découpé les circonscriptions de son État afin d’assurer une victoire aussi large que possible à ses partisans pourtant moins nombreux que ses adversaires. Cette technique purement politicienne, baptisée depuis lors « gerrymandering », fait l’objet d’une vigoureuse et quasi-unanime dénonciation. Mais en dehors de toute tentative malhonnête de déformation des résultats de la part de dirigeants politiques peu scrupuleux, il peut arriver qu’un découpage électoral, juste lors de sa réalisation, finisse par devenir, au fil du temps, un foyer de surreprésentation ou de sous représentation pour certains électeurs ; les mouvements de population sont généralement à l’origine de pareils phénomènes. Il peut dès lors être dans l’intérêt de la majorité politique alors au pouvoir de ne procéder à aucun redécoupage des circonscriptions, dans un soucis de garder un avantage technique sur l’opposition. Le découpage des circonscriptions est dès lors examiné avec attention par des autorités juridictionnelles compétentes dans le but de limiter d’éventuelles atteintes à la sincérité du scrutin.

Différents systèmes de circonscription existent. Au Royaume-Uni et en France le mode de scrutin majoritaire conduit à une sous représentation des partis minoritaires. Les circonscriptions françaises pour les élections européennes conduisent les électeurs à ne pas connaître leurs représentants.

[modifier] Les différents modes de scrutin et systèmes électoraux


Type de système électoraux

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Icône de détail Article détaillé : Vote nominal.

On distingue généralement trois grandes "familles" de systèmes de vote. La première regroupe les modes de scrutin majoritaires, régis par la logique du "winner take all" (le vainqueur gagne tout, autrement dit le candidat ou la liste de candidats arrivé premier est le seul représenté). La seconde regroupe les modes de scrutins proportionnels, qui s'efforcent d'attribuer des représentants à toutes les formations politiques en fonction de leurs résultats respectifs. Enfin la famille des scrutins mixtes regroupe tous les systèmes combinant les effets des systèmes issus des deux autres familles. Les systèmes de votes sont extrêmement nombreux et variés à tous points de vue : nous verrons que certains modes de scrutins affiliés à deux familles différentes peuvent même avoir des aboutissements similaires en terme de représentation, alors qu'ils fonctionnent différemment. C'est pourquoi, au sein-même des trois familles, on distingue plusieurs "catégories" de systèmes. Ne serrons décrits que ceux ayant servit dans le cadre d'élections, et non ceux relevant seulement de la théorie (tout au plus seront-ils évoqués).

  • Exemples d'application

Divers exemples d'application des différents systèmes de votes et modes de scrutins seront opérés sur la base de résultats électoraux fictifs, répertoriés dans le tableau suivant :

Voix %
Parti A 49 000 41,5 %
Parti B 38 000 32,2 %
Parti C 22 000 18,6 %
Parti D 9 000 07,6 %
TOTAL 118 000 100 %

[modifier] Les modes de scrutin majoritaire

Schéma du mode de scrutin majoritaire uninominal.
Schéma du mode de scrutin majoritaire uninominal.

Dans un scrutin de type majoritaire, l'objectif est généralement de dégager une majorité forte et uniforme, susceptible de gouverner sans entraves[8]. Ici, le candidat ou le groupe de candidats élu(s) sera celui ayant obtenu le plus de suffrages, aidé en cela par de larges mouvements d'opinion et une vaste assise électorale[9]. Les effets recherchés via l'usage d'un scrutin majoritaire ont des conséquences très importantes sur la manière dont votent les électeurs, la transcription des voix en sièges et, de fait, le fonctionnement du système politique dans une démocratie représentative. Les modes de scrutin majoritaires combinent donc une certaine efficacité, brutale et indiscutable, pour la formation de majorités aptes à gouverner, à de nombreux défauts, en particulier au niveau de la représentation du corps électoral, qui lui valent des critiques importantes[8]. On distingue d'une part les scrutins majoritaires uninominaux (élection d'une seule personne), et d'autre part les scrutins majoritaires plurinominaux (élection d'un groupe de personnes).

[modifier] Scrutins uninominaux

Ces différents modes de scrutins ne permettent qu'au candidat ayant rassemblé une majorité absolue ou relative de suffrages exprimés d'être élu.

[modifier] Le scrutin majoritaire à un tour

Aussi appelé First-past-the-post ou Pluralité, il s'agit du mode de scrutin le plus simple qui soit. Le candidat ayant rassemblé le plus de voix est élu en toutes circonstances : une majorité relative de voix suffit pour gagner une élection. Les démocraties anglo-saxonnes, principalement le Royaume-Uni et les États-Unis, l'utilisent abondamment, en particulier pour l'élection de leurs parlementaires. Le scrutin majoritaire uninominal à un tour est caractérisé par une très forte tendance à mal traduire en nombre d'élus le poids réel d'une formation politique au sein de l'électorat[10]. Il amplifie souvent de manière considérable la victoire de la formation politique arrivée en tête, lui attribuant une part des sièges bien supérieure à sa part des voix. En fonction des circonstances, il peut aussi conduire à une sur-représentation, certes moins forte, ou - plus rarement - à une sous-représentation plus ou moins prononcée du parti ou de la coalition arrivé(e) en seconde position. Enfin les autres formations politiques présentant des candidats sont généralement lourdement sanctionnées[11] : les petits partis sont presque constamment laissés pour compte, à moins de disposer d'une importante réserve de voix concentrée dans plusieurs circonscriptions électorales particulières. Ce scrutin est donc résolument injuste, puisqu'il déforme les résultats d'une élection, en permettant une répartition des sièges entre les différents partis très différente de l'expression de la volonté du corps électoral. Il se peut même qu'un parti majoritaire en voix se retrouve minoritaire en sièges[12], comme cela s'est produit au Royaume-Uni lors des élections de 1951 : les travaillistes, avec 48,8 % des suffrages exprimés, ont obtenu 295 sièges, contre 302 aux conservateurs qui n'avaient pourtant rassemblé que 44,3 % des voix.

Exemple d'application :

Voix % Résultat
Candidat A 49 000 41,5 % ELU
Candidat B 38 000 32,2 % Battu
Candidat C 22 000 18,6 % Battu
Candidat D 9 000 07,6 % Battu
TOTAL 118 000 100 %

[modifier] Le vote alternatif

Exemple de bulletin de vote pouvant être utilisé pour procéder à un vote alternatif.
Exemple de bulletin de vote pouvant être utilisé pour procéder à un vote alternatif.

Instant Runoff Voting en anglais, ce mode de scrutin, inspiré de celui évoqué précédemment, est un système électoral à préférences multiples ordonnées, qui satisfait lui aussi à l'exigence de la majorité absolue. Les électeurs votent pour des candidats dans des circonscriptions où un seul siège est à pourvoir, mais au lieu de voter pour un seul d'entre eux, ils doivent les classer par ordre de préférence sur leur bulletin. Lors du dépouillement, on classe d'abord les bulletins en fonction des premières préférences : si un candidat réunit une majorité absolue de ces premières préférences, il est élu. Sinon le candidat arrivé dernier est éliminé et ses bulletins sont répartis entre les autres candidats suivant les secondes préférences des dis bulletins. On continue le processus jusqu'à ce qu'un candidat soit élu à la majorité absolue. Ce système se rapproche donc de celui du scrutin uninominal à plusieurs tours, sauf qu'il évite aux électeurs de se déplacer deux fois, en incluant directement un processus d'élimination.

Ce mode de scrutin sert à l'élection des députés australiens depuis 1919. Il permet à des partis alliés de se présenter séparément devant les électeurs, mais sans affaiblir leurs chances de coalition, comme c'est le cas en Australie avec les deux partis de droite (Parti libéral et Parti national). En outre les électeurs des petits candidats ne perdent pas leurs votes, puisqu'ils concourent eux aussi à la désignation des principaux candidats grâce à leurs préférences suivantes. Comme pour le scrutin uninominal à un tour, le découpage électoral peut engendrer des risques de contradiction entre la victoire en voix et celle en sièges[13]. Le vote alternatif déforme le vote populaire de la même manière que le scrutin uninominal à un tour : aux élections fédérales australiennes de 2007, les Verts, avec 7,5 % des suffrages exprimés, n'ont obtenu aucun siège, contrairement au Parti national qui en a eu plusieurs avec un score moins important, profitant de son alliance avec le Parti libéral. Il existe d'autres méthodes par classement assez semblables, quoique plus complexes dans le décompte des voix, qui ont été peu ou pas utilisées, comme le vote par approbation (dit aussi vote par assentiment), la méthode Condorcet ou encore la méthode de Coombs.

[modifier] Le scrutin majoritaire à deux tours

Ou Runoff voting en anglais. Il s'agit ici de permettre l'élection d'un candidat au bout de deux tours de scrutins. Les candidats ayant obtenu le plus de voix sont admissibles au second tour, et celui qui y obtient le plus de voix est élu. Dans la très grande majorité des cas, la loi permet cependant à un candidat ayant rassemblée une majorité absolue de suffrages exprimés sur son nom au premier tour d'être directement élu. Ce mode de scrutin est utilisé en France et dans bien d'autres pays pour l'élection présidentielle : un candidat ne peut être élu qu'avec une majorité absolue de suffrages exprimés, et si aucun ne remplit cette condition au premier tour, on organise un second tour de scrutin auquel ne sont admis que les deux premiers candidats. Au terme de ce processus, le président est donc forcément élu avec une majorité absolue de suffrages exprimés. C'est aussi ce mode de scrutin qui est utilisé en France pour les élections législatives, à ceci près que les candidats admissibles au second tour sont ceux ayant obtenu au moins 12,5 % des voix des inscrits sur les listes électorales. Il suffit donc d'une majorité relative de suffrages pour être élu au second tour[14].

Comme les deux systèmes évoqués précédemment, le scrutin majoritaire à deux tours a des effets déformateurs sur la transcription des voix en sièges. Des alliances ou accords entre partis de sensibilité proche permettent cependant à de petits partis d'envoyer quelques députés siéger à la chambre basse, comme c'est le cas en France avec le Parti communiste français, qui jouit encore de ses alliances avec le Parti socialiste, et plus encore avec le Nouveau centre, qui ne doit la formation de son groupe parlementaire qu'à ses alliances avec l'UMP. Ce mode de scrutin sanctionne en revanche durement les partis ne bénéficiant d'aucune alliance : lors des élections législatives françaises de 1997, le Front national, avec environ 15 % des suffrages exprimés, n'avait obtenu qu'un seul siège. En 2007, le Mouvement démocrate, avec 7,6 % des suffrages exprimés, n'a eu que 3 sièges à l'Assemblée nationale.

Exemple d'application :

Voix % Résultat
Candidat A 49 000 41,5 % Admis au second tour
Candidat B 38 000 32,2 % Admis au second tour
Candidat C 22 000 18,6 % Éliminé
Candidat D 9 000 07,6 % Éliminé
TOTAL 118 000 100 %

Un nouveau vote doit ensuite départager les deux candidats admis au second tour

[modifier] Scrutins plurinominaux

Un tel système sélectionne plusieurs (sans limite) options parmi un grand nombre. C'est la procédure qui fixe le nombre d'options retenues, et si ce nombre est fixé par avance ou s'il est un des résultats du vote.

[modifier] Le scrutin majoritaire plurinominal à un tour

Block voting en anglais. Avec ce mode de scrutin, l'élection a lieu dans une circonscription où plusieurs sièges sont en jeu et les candidats arrivés en tête sont élus au prorata du nombre total de sièges à pourvoir. Il n'est plus du tout utilisé pour la désignation des députés dans les démocraties représentatives contemporaines. Deux systèmes différents existent :

- Si les listes ne sont pas bloquées, on a recours au panachage : l'électeur peut composer sa propre liste, en classant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans un ordre de préférence décroissant. Un second tour peut avoir lieu : tout dépend en fait des conditions à remplir par un candidat pour être directement élu. Généralement, on permet à l'électeur, sur une liste composée à l'avance, de rayer les noms des candidats qu'ils ne souhaite pas voir élus, et d'ajouter les noms de candidats extérieurs à cette liste. C'est ainsi que l'on procède, en France, pour l'élection du conseil municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants.

- Dans le cas d'un scrutin à listes bloquées, on a affaire à un vote de liste à la majorité : ce système fonctionne exactement de la même manière que les scrutins uninominaux à un ou deux tours, à ceci prêt que ça n'est pas un, mais plusieurs sièges que remporte la formation politique ayant obtenu le plus de voix. Par exemple, dans une circonscription où 15 sièges sont à pourvoir, le parti politique arrivé en tête au terme d'un second tour de scrutin remporte tous les sièges, quelque soit son score. Le vote de liste à la majorité renforce encore plus l'impact du fait majoritaire que ne le font les scrutins uninominaux, mais peut également donner lieux à une mauvaise transcription des voix en sièges, mettant en minorité au parlement une formation majoritaire en voix. Ce système est employé aux États-Unis pour l'élection du président : dans chaque État, de grands électeurs sont désignés au suffrage direct, et ce sont eux qui éliront ensuite le président. Le nombre de siège varie considérablement d'un État à un autre, mais le mode de scrutin est le même partout : le parti arrivé en tête dans l'État remporte tous les sièges en jeu. Il est donc possible qu'un candidat à la présidence américaine, bien qu'étant dépassé par son concurrent en terme de suffrages exprimés par les électeurs eux-même, soit tout de même élu car ayant le soutien d'un plus grand nombre de grands électeurs. C'est ce qui s'est produit, notamment, lors de l'élection présidentielle des États-Unis d'Amérique 2000 : le candidat républicain, George W. Bush, a été élu par 271 grands électeurs alors qu'il n'avait recueilli que 47,9 % des votes populaires, contre 48,4 % au démocrate Al Gore, qui n'avait reçu le soutien que de 266 grands électeurs.

Exemple d'application :

Il y a en tout 8 sièges à pourvoir

Voix % Sièges obtenus
Parti A 49 000 41,5 % 8
Parti B 38 000 32,2 % 0
Parti C 22 000 18,6 % 0
Parti D 9 000 07,6 % 0
TOTAL 118 000 100 % 8

[modifier] Le scrutin majoritaire plurinominal alternatif

Il s'agit d'une version plurinominale du vote alternatif. Chaque électeur doit classer les candidats par ordre préférentiel. On procède ensuite à autant de dépouillements qu'il y a de sièges à pourvoir afin de pourvoir chaque siège au cas par cas. Comme avec le scrutin uninominal alternatif, les voix excédentaires du premier candidat élu sont réparties entre les autres candidats en fonction des préférences exprimées par les électeurs sur les bulletins concernés. Un parti majoritaire en voix et dont les électeurs sont disciplinés, au point de répartir correctement leurs suffrages entre tous ses candidats, pouvait donc remporter tous les sièges à pourvoir. Ce mode de scrutin a été appliqué uniquement en Australie, de 1919 à 1946, pour les élections sénatoriales : 18 sénateurs étaient alors élus dans 6 circonscription comportant 3 sièges chacune. Les 10 élections sénatoriales ayant eu lieu avec ce système ont permis de prendre la mesure de sa dangerosité : en 1925, avec 45 % des suffrages, les travaillistes n'ont obtenu aucun siège, tandis qu'en 1943, ils les raflaient tous avec seulement 55 % des voix[15]. Les sénateurs australiens sont depuis élus à la représentation proportionnelle. Une variante proportionnelle théorique très complexe de ce mode de scrutin, le vote d'approbation proportionnel, a été mise au point en 2001.

[modifier] Le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours

Ce système fonctionne exactement de la même manière que son équivalent uninominal : la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour permet de remporter directement tous les sièges au terme de ce dernier, tandis qu'un second tour départage les différentes listes ayant atteint un certain nombre voix si aucune d'entre elles n'a obtenu au moins 50 % des suffrages plus une voix. Dans le cas ou le panachage est autorisé, les seuls sièges non pourvus au premier tour sont en jeu au second. Dans le cas de listes de bloquées, celles-ci peuvent avoir le droit de fusionner entre les deux tours, phénomène qui permet l'existence d'une certaine forme de pluralisme politique au sein de différents blocs politiques. Si la fusion est interdite entre les deux tours, le jeu des alliances devient aussi déterminant qu'avec le scrutin uninominal. Utilisé en Belgique jusqu'en 1899 et au Luxembourg jusqu'en 1918 pour la désignation des députés, ce système a pour habitude de déformer le rapport entre voix et sièges en fonction de la répartition géographique des suffrages accordés aux différentes formations politiques. Lors des élections législatives belges de 1894, les Catholiques, avec 51 % des voix, ont obtenu près de 68 % des sièges, les socialistes en ont raflé 18,4 % pour 13,2 % des voix, profitant de la forte concentration de leurs suffrages au sein de plusieurs fiefs électoraux, tandis que les libéraux, souffrant à la fois de leur infériorité en voix et d'une mauvaise répartition géographique de leurs suffrages, n'ont pourvu que 13,2 % des sièges alors qu'ils avaient obtenu 28 % des voix[16]. Avec ce système, plus le nombre de circonscriptions est limité, plus la déformation entre voix et sièges est importante. On en trouve une illustration avec les élections municipales françaises dans les communes de moins de 3500 habitants : chaque conseil municipal est élu sur une seule circonscription, définie par le périmètre de la commune.

[modifier] Parcours historique

Le mode de scrutin majoritaire est le plus ancien de tous les systèmes de vote. Introduit pour la première fois en 1265 pour l'élection des parlementaires britanniques[17], il est toujours en vigueur dans ce pays ainsi que dans plusieurs anciennes colonies anglaises, telles les États-Unis, le Canada ou la Nouvelle-Zélande. À la fin du XIXe siècle, les différents régimes parlementaires utilisaient principalement deux types de systèmes pour la désignation de leurs députés[18]. Les pays anglo-saxons et latino-américains, ainsi que le Danemark, la Suède, l'Espagne, le Portugal et la Grèce recouraient au scrutin à un tour, généralement uninominal, tandis que les autres régimes parlementaires d'Europe continentale, comme la France, l'Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège ou encore l'Autriche lui préféraient le scrutin à deux tours, bientôt rejoints par la Suisse qui abandonne en 1900 son scrutin majoritaire uninominal à trois tours. La Belgique jusqu'en 1899, ainsi que le Luxembourg pratiquaient quant à eux le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours. L'origine des scrutins majoritaires est donc très ancienne.

Le scrutin à un tour, de part sa grande simplicité, est sans doute celui qui a été utilisé le premier, pour désigner un chef ou un délégué quelconque. Sous l'influence de l'Église catholique[18], l'exigence de la majorité absolue a finit par s'imposer dans certains pays, et le scrutin à deux tours a fait son apparition. Autrefois attachée à la règle de l'unanimité, l'élection pouvant faire office dans ces conditions de révélation du choix divin, l'Église interprétait le vote comme une fonction, et non comme un droit. Les minoritaires, parce qu'ils sont minoritaires, étant forcément dans l'erreur, ils ne pouvaient représenter des points de vue légitimes, et l'unanimité devait dès lors être un objectif incontournable. C'était tout particulièrement le cas lors des élections ecclésiastiques par acclamation, au cours desquels les minoritaires comme les hésitants étaient incités à se joindre à la majorité. Mais dans des cadres plus politisés, faisant intervenir des personnes aux origines et aux intérêts plus divers, l'obtention d'une élection à l'unanimité semblait hautement improbable. L'Église a donc peu à peu opté pour la règle de la majorité absolue, voir pour celle de la majorité qualifiée (les deux tiers, par exemple), cette dernière exprimant le regret d'une unanimité de fait inaccessible. Au Moyen-Âge, les pouvoirs civils ont fréquemment fait appel à l'Église pour l'organisation d'élection, en particulier dans le cadre des communes[18].

Le nombre de tours et le seuil de suffrages à atteindre étant définis par le législateur, plusieurs systèmes comportant un nombre infini de tours ont été utilisés, notamment pour l'élection du Pape, ou pour celle du Président de la République française sous les Troisième et Quatrième Républiques. Aujourd'hui encore, les présidents des deux assemblées du Parlement français sont élus au scrutin majoritaire à trois tours, comme c'était le cas en 1789 pour la désignation des représentants du du Tiers-État aux États généraux[18]. Le simple fait de pouvoir désigner un représentant à la majorité absolue des voix en restreignant l'accès, au second tour, aux deux candidats arrivés en tête au premier, a toutefois fait tomber en désuétude ce type de système, qui n'est plus guère utilisé actuellement pour des élections au suffrage direct. Critiqués pour leur injustice, les modes de scrutin majoritaires ne sont en outre appliqués, pour l'élection des assemblées délibérantes, que dans des pays les utilisant traditionnellement depuis l'instauration de la démocratie chez eux. Dans les ex-dictatures d'Amérique latine, d'Europe de l'est ou d'Afrique, c'est généralement la représentation proportionnelle ou un mode de scrutin mixte qui est instauré plutôt qu'un système complètement majoritaire. En Europe, seuls le Royaume-Uni et la France continuent d'élire leurs parlementaires au scrutin majoritaire.

[modifier] Influence des scrutins majoritaires sur le système politique

[modifier] L'injuste transcription des voix en sièges

Graphique comparant la part des voix (en bas) à la part des sièges (en haut) obtenues par les différents partis politiques dans le cadre des élections générales britanniques de 2005 (scrutin majoritaire uninominal à un tour) : une parfaite illustration des effets déformateurs de ce mode de scrutin
Graphique comparant la part des voix (en bas) à la part des sièges (en haut) obtenues par les différents partis politiques dans le cadre des élections générales britanniques de 2005 (scrutin majoritaire uninominal à un tour) : une parfaite illustration des effets déformateurs de ce mode de scrutin

Mis à part les problèmes d'actualisation des découpages des circonscriptions et du gerrymandering, on peut tirer plusieurs conclusions de la transformation des voix en sièges par les différents modes de scrutins majoritaires. 5 phénomènes peuvent être régulièrement observés[19] :

  • Le parti dominant en terme de suffrages l'est encore plus en terme de sièges, on parle généralement d'amplification de la victoire du Parti arrivé en tête sur l'ensemble des suffrages exprimés. Plus le nombre moyen de sièges à pourvoir dans chaque circonscription est bas, plus cette amplification est forte[20].
  • Les tiers-partis, c'est à dire ceux ayant le plus grand nombre de suffrages après le second parti, sont très largement sous-représentés en sièges par rapport à leur poids global en voix.
  • La représentation en terme de sièges d'une formation politique dépend grandement de la répartition géographique de ses suffrages. Si un parti remporte de larges victoires dans des régions bien précises tout en étant marginal dans d'autres, il peut être mieux représenté qu'un parti ayant recueilli plus de voix au total, mais réparties équitablement sur l'ensemble du territoire[21]. Cette règle peut aller jusqu'à annuler les deux précédentes.
  • Les scrutins alternatifs ou à plusieurs tours favorisent grandement la recherche de coalitions électorales ou d'alliances entre des formations politiques de sensibilité proche, ce qui limite la sous représentation des tiers-partis alliés à un plus grand parti. Les tiers-partis isolés sont en revanche fortement pénalisés lors de la répartition des sièges, et peuvent même être privés de toute représentation.
  • Le principe d'égalité des électeurs devant le suffrage impose une bonne équivalence démographique entre les circonscriptions et un nombre égal de sièges à pourvoir en leur sein. L'attribution d'un nombre de sièges proportionnel à la population de chaque circonscription peut se substituer à cette règle, notamment dans le cas d'États fédéraux.

Le phénomène d'amplification de la victoire en sièges du parti dominant a tendance à être encore plus forte avec les scrutins plurinominaux qu'avec les scrutins uninominaux. Ils respectent en outre généralement mieux le principe d'égalité des électeurs devant le suffrage. Il est également plus simple de découper un pays en de multiples petites circonscriptions qu'en quelques tranches plus ou moins larges, en particulier lorsqu'on se retrouve confronté à des frontières administratives (départements, régions, États fédérés…). La recherche de systèmes de votes toujours plus justes de la part des démocraties modernes explique donc que le scrutin plurinominal ait pratiquement disparu au profit des scrutins uninominaux[22]. Il reste toutefois le cas des élections municipales françaises, pour les communes de moins de 3500 habitants.

[modifier] La bipolarisation

Dans toute démocratie représentative, il existe, indépendamment du mode de scrutin, une dynamique dualiste, qui tend à opposer les partisans du gouvernement en place et ceux qui s'y opposent. Mais cette dynamique tend généralement à être contrecarrée par l'existence de différents groupes idéologiques, sociaux ou sociétaux qui, dans une dynamique de dispersions, cherchent à faire en sorte d'être représentés de manière autonome[23]. Le mode de scrutin, s'il ne peut créer la dynamique dualiste, peut néanmoins l'influencer, et la favoriser dans le cas des scrutins majoritaires. Si l'électorat s'avère être relativement homogène, un vrai système bipolarisé peut se mettre en place. Cette bipolarisation prendra soit la forme d'un bipartisme, soit celle d'un regroupement de différentes forces politiques d'un côté ou d'un autre. Le Royaume-Uni, qui a toujours élu ses députés au scrutin majoritaire uninominal à un tour, a pratiquement toujours connu un bipartisme plus ou moins fort. Depuis 1945, le Parti travailliste incarne la gauche britannique, le Parti conservateur, la droite, et les libéraux, puis les Démocrates libéraux après eux, incarnant une troisième force se situant au centre de l'échiquier politique, se verront constamment marginalisés, comme nous le prouvent encore les résultats des dernières élections générales britanniques :

Élections Conservateurs
Travaillistes
Libéraux / LibDems
Part des voix Part des sièges Part des voix Part des sièges Part des voix Part des sièges
1979 43,9 % 53,4 % 36,9 % 42,4 % 13,8 % 1,7 %
1983 42,4 % 61,1 % 27,6 % 32,2 % 25,4 % 3,5 %
1987 42,2 % 57,8 % 30,8 % 35,2 % 22,6 % 3,4 %
1992 41,9 % 51,6 % 34,4 % 41,6 % 17,8 % 3,1 %
1997 30,7 % 25 % 43,2 % 63,4 % 16,8 % 7 %
2001 31,7 % 25,2 % 40,7 % 62,5 % 18,3 % 7,9 %
2005 32,3 % 30,7 % 35,3 % 55,2 % 22,1 % 9,6 %

Mais la bipolarisation ne se traduit pas forcément par l'apparition d'un bipartisme. En France, sous la Ve République (avec élections des députés au scrutin majoritaire à deux tours), les forces politiques ont souvent été bipolarisées avec à gauche les socialistes et les communistes, et à droite les gaullistes et le centre-droit (généralement composé de deux ou trois petits groupes politiques différents). La formation de l'UDF, qui rassemblait la droite non gaulliste au sein d'un seul parti afin d'équilibrer le poids du RPR, a un temps amené la France à une situation de bipolarisation sur la base de quatre grands partis de force équivalente : d'un côté le Parti communiste et le Parti socialiste, et de l'autre l'UDF et le RPR. Cette situation a perduré jusqu'à l'effondrement du PCF dès 1981, au profit du PS, et à la formation de l'UMP, qui a englobé une grande partie de la droite française, en 2002. Depuis, on peut dire que la France a tendance à se diriger vers le bipartisme, le PS et l'UMP détenant à eux seuls environ 85 % des sièges de l'Assemblée nationale au cours des deux dernières législatures[24]. Les sièges restants sont presque tous pourvus par des partis bénéficiant d'accords électoraux avec l'un ou l'autre des deux grands partis. C'est pourquoi il est courant de voir un petit parti mieux représenté qu'un autre si ce dernier n'a pas d'alliés suffisamment puissants.

[modifier] Le vote stratégique

Généralement, lors d'élections, les électeurs votent essentiellement en tenant compte d'enjeux gouvernementaux. Leur capacité à choisir personnellement un élu s'en trouve donc réduite, et plus encore s'ils ne peuvent en outre pas choisir le candidat du parti dont ils se sentent le plus proche. Les scrutins plurinominaux avec listes ouvertes permettent aux électeurs d'exprimer leur degré de préférence pour tel ou tel candidat, mais cela n'empêche en rien le fait majoritaire de l'emporter in fine, sanctionnant les partis de moyenne ou faible importance. Le principe du « vote utile » semble donc être totalement dépendant de l'organisation d'élections au scrutin majoritaire : les électeurs sont incités à porter leurs voix sur un candidat affilié à la formation politique la moins éloignée de leurs opinions politiques personnelles[22]. Le scrutin majoritaire, en particulier à un seul tour, incite donc l'électeur à se rabattre sur le candidat « le moins pire » de son point de vue, parmi ceux ayant le plus de chance d'être élus : il vote stratégiquement afin d'obtenir une représentation idéologique, même imparfaite, plutôt que pas de représentation du tout.

On a toutefois constaté que le comportement des électeurs pouvaient varier en fonction qu'il soit confronté à une élection au scrutin majoritaire se déroulant à un ou à deux tours. Les analyses décrites ci-avant sur la bipolarisation ne concernent que le poids des différents partis en terme de nombre d'élus, et non en terme de voix. Il semblerait, en effet, que les scrutins majoritaires à deux tours soient nettement plus propices au multipartisme que leurs équivalents à un tour[25]. Les scrutins majoritaires ont un effet psychologique sur les électeurs, les incitant à voter de manière stratégique. Mais ce vote stratégique peut prendre des formes totalement différentes en fonction du nombre de tours censés départager les candidats. Ainsi, dans le cas d'un scrutin à un tour, les électeurs voteront "utile", soit pour celui des candidats parmi ceux les mieux placés pour l'emporter le plus proche (ou le moins éloigné) de leurs opinions personnelles. En revanche, dans le cas d'un scrutin à deux tours, l'électeur a plutôt tendance, au premier tour, à voter stratégiquement pour un "petit" candidat, plus proche de ses opinions, de façon à adresser un "message" au candidat le moins éloigné de ses convictions parmi ceux ayant le plus de chance de l'emporter. Les résultats du premier tour de l'élection présidentielle française de 2002 illustrent parfaitement ce phénomène : l'offre politique étant très importante, avec seize candidats, les électeurs ont éparpillé leurs suffrages et pas moins de sept candidats ont passé le seuil symbolique des 5 % des suffrages exprimés, aucun n'atteignant en outre le seuil des 20 %. Les élections législatives qui ont suivi ont, dans une mesure un peu moindre, confirmé cette tendance à l'éparpillement des voix, tout en mettant en évidence les effets mécaniques caractéristiques des scrutins majoritaires lors du passage des voix en sièges (l'UMP ayant obtenu 61,5 % des sièges pour 33,3 % des voix au premier tour).

A l'échelle internationale, la comparaison entre les différents pays démocratiques organisant leur élection présidentielle au scrutin majoritaire à un seul tour, et ceux l'organisant à deux, depuis 1990[26], est éloquente : parmi les six pays recourant au scrutin majoritaire uninominal à un tour, 2,7 candidats en moyenne obtiennent au moins 5 % des suffrages, et l'ensemble des candidats en dehors des deux premiers rassemble en moyenne 12,1 % des voix. Parmi les 39 autres recourant au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, 3,8 candidats en moyenne obtiennent au moins 5 % et les candidats arrivés après les deux premiers rassemblent en moyenne 28,4 % des suffrages. On en déduit que les scrutins majoritaires à deux tours incitent à l'émiettement politique lors du vote tout en favorisant la bipolarisation, voir le bipartisme, lors de la répartition des sièges. Ils se situent ainsi à mi-chemin entre la représentation proportionnelle, qui favorise l'émiettement politique y compris lors de la répartition des sièges, et les scrutins majoritaires à un tour, qui incitent au vote utile tout en favorisant le bipartisme[27].

Deux systèmes permettent toutefois de contrer indirectement ces différents phénomènes. Avant 1996, date de la mise en place du scrutin uninominal majoritaire à deux tours par référendum, le Président de l'Uruguay était élu via un système très particulier. Chaque parti (il y en avait essentiellement deux) pouvait présenter autant de candidats qu'il le voulait. Le nombre de voix obtenus par chaque candidat était ensuite additionné pour savoir quel parti en avait obtenu le plus au total : le candidat élu était alors celui ayant rassemblé le plus de voix parmi les candidats du parti dominant. Les électeurs n'avaient donc pas besoin de « voter utile » et choisissaient eux-mêmes le candidat à élire au sein d'un parti, ce qui permettait d'éviter les contradictions entre ses militants et l'ensemble du corps électoral : un parti ne pouvait pas « imposer » son candidat. Le système des primaires américaines ne pose quant à lui même pas l'inconvénient du choix du parti, puisque celui-ci est déjà opéré à la base : l'électeur vote uniquement pour un candidat[22].

[modifier] La représentation proportionnelle

Icône de détail Article détaillé : Scrutin proportionnel plurinominal.
Schéma du mode de scrutin proportionnel
Schéma du mode de scrutin proportionnel

L'objectif principal de la représentation proportionnelle (RP) est de permettre une représentation de toutes les tendances du corps électoral, et tout particulièrement des minorités, s'opposant en cela de manière fondamentale aux modes de scrutin majoritaire[28]. Il s'agit en fait de répartir plusieurs mandats d'élus entre plusieurs formations politiques, proportionnellement à leur poids électoral. Cela suppose l'établissement de listes de candidats de la part de ces dernières, pour que les électeurs puissent les départager. Bien que permettant, techniquement parlant, l'organisation d'élections à l'échelle nationale, la représentation proportionnelle est généralement appliquée dans le cadre de plusieurs circonscriptions, comme c'est le cas avec les systèmes majoritaires. La RP a su faire des carences des modes de scrutin majoritaire ses qualités, mais elle peut également induire des difficultés quant à la formation d'une majorité politique apte à gouverner convenablement.

Il est très important de retenir que la représentation proportionnelle n'est pas soumise à une seule et même règle, comme cela peut être le cas avec les modes de scrutin majoritaire. Il existe plusieurs méthodes de calculs différentes, qui permettent une répartition des sièges avantageant soit les grands partis, soit les petits partis, et parfois même les partis moyens. Des systèmes expérimentaux, dis pré-proportionnels, ont été mis au point avant que les vrais systèmes proportionnels contemporains ne fassent leur apparition. Ces derniers regroupent des méthodes de répartition complexes, utilisant dans une première phase un quotient électoral, puis dans une seconde phase une méthode de répartition des sièges restants, et des méthodes beaucoup plus simples, en une phase, recourant à des séries de diviseurs.

[modifier] Systèmes pré-proportionnels

Exemple de bulletin de vote pouvant être utilisé pour procéder à un vote cumulatif.
Exemple de bulletin de vote pouvant être utilisé pour procéder à un vote cumulatif.

Il s'agit d'une modification du scrutin majoritaire plurinominal, où l'électeur peut accorder plusieurs voix à un même candidat. Chaque électeur a autant de voix qu'il y a de sièges à pourvoir dans sa circonscription et les candidats ayant eu le plus de voix sont élus au prorata du nombre total de sièges en jeu. Ce mode de scrutin, efficace pour représenter les minorités conséquentes, est assez imprévisible : il est en effet techniquement possible que la formation politique majoritaire en voix ne le soit pas en sièges si ses électeurs ont voté trop massivement pour un seul de ses candidats. Le vote cumulatif a été utilisé dans l'Etat états-unien de l'Illinois de 1870 à 1980, où il avait permis une assez forte proportionnalité entre les votes et les sièges pour les deux principaux partis politiques. Il a également été employé dans quelques circonscriptions législatives au Sri-Lanka de 1946 à 1977, pour permettre à quelques populations minoritaires localisées en des endroits bien précis du territoire d'être représentées au parlement, le scrutin majoritaire uninominal à un tour les privant systématiquement de toute représentation[29]. Plusieurs méthodes fonctionnant selon les mêmes principes, dites du vote pondéré, ont été mises au point, mais elles n'ont pour l'instant jamais été utilisées pour des élections politiques.

  • Le vote limité :

Il s'agit d'une variante du vote cumulatif, proposée pour la première fois par le Marquis de Condorcet en 1793 à la Convention, pour l'élection du bureau des assemblées primaires. Ici l'électeur dispose de moins de voix qu'il n'y a de sièges à pourvoir dans sa circonscription, et il ne peut pas cumuler plusieurs voix sur un même candidat. Un temps utilisé à Malte, en Espagne et au Portugal, le vote limité y a depuis été supplanté par la représentation proportionnelle. Il reste toutefois encore utilisé en Espagne pour l'élection des sénateurs, dans le cadre de circonscriptions à quatre sièges, à raison de trois voix par électeur.

Proposé par Condorcet en 1793 à la Convention pour l'élection des jurés, c'est un système qui s'inspire du vote limité, mais ici l'électeur ne dispose que d'une seule voix quel que soit le nombre de sièges à pouvoir dans sa circonscription. Ce scrutin ajoute une forte proportionnalité des voix et des sièges obtenus par les partis à l'égalité de l'électeur devant le suffrage, ce qui en fait le plus juste des scrutins non-proportionnels[30]. Utilisé au Japon de 1902 à 1993 pour les élections législatives, il y a depuis été remplacé par un système mixte. On dit que le vote est non transférable puisque l'électeur ne dispose que d'une seule voix, qui ne peut servir qu'à l'élection d'un seul candidat, en opposition au vote unique transférable, avec lequel il en a plusieurs, qui peuvent servir à faire élire plusieurs candidats différents (voir ci-dessous). Ce système oblige les formations politiques à prendre garde au nombre de candidats qu'elles présentent dans une circonscription, ainsi qu'à la manière dont les électeurs vont répartir leurs suffrages sur ces différents candidats, comme avec le vote cumulatif.

[modifier] Systèmes proportionnels

[modifier] Le scrutin à vote unique transférable

Aussi appelé système de Hare, c'est le premier système proportionnel de l'histoire des modes de scrutin. Il s'agit d'une méthode par quotient, d'un type très particulier, proposé par Thomas Wright Hill en 1821 dans le cadre d'un vote encore public. Adapté au vote à bulletin secret au Danemark en 1855, il fut popularisé par Thomas Hare courant 1857[31]. D'origine anglaise, il s'agit en quelque sorte d'une version proportionnelle du vote alternatif : il fonctionne à partir de candidatures individuelles dans des circonscriptions n'ayant pas un trop grand nombre de sièges à pourvoir. Chaque électeur doit classer par ordre de préférence les candidats de sa circonscription : les candidats élus sont ceux ayant atteint le quotient sur la base des premières préférences. Si l'un d'entre eux a dépassé le quotient, ses bulletins en surplus sont répartis entre les autres candidats selon les préférences suivantes : c'est le principe du vote transférable (notons qu'un électeur reste libre de n'attribuer qu'une seule préférence, dans ce cas sa préférence n'est pas transférable)[32]. Ce système permet de respecter les candidatures individuelles et incite les partis à afficher leurs alliances devant les électeurs en donnant des consignes de vote bien précises. Les partis alliés ou coalisés augmentent ainsi leurs chances de victoire tandis que les partis isolés sont sanctionnés lors de la répartition des sièges.

[modifier] Méthodes par quotient

Le principe régissant le fonctionnement de ces systèmes, qui présupposent un quotient électoral, est le suivant :

- Dans une première phase de répartition des sièges, chaque formation politique obtient autant de sièges que les fois complètes que ses voix contiennent le quotient électoral. Par exemple, si une liste a obtenu un nombre total de voix contenant quatre fois le quotient électoral, elle reçoit quatre sièges. C'est la phase dite d'attribution des sièges au quotient complet.

- Après cette première répartition, il est très probable que des sièges n'aient pas été pourvus, les voix des différentes formations politiques ne contenant pas suffisamment de fois le quotient électoral. On opère donc une répartition des sièges restants aux listes ayant les plus grands restes de voix, parmi les voix non-utilisées lors de la phase d'attribution au quotient. Le nombre de sièges que chaque formation politique obtient lors de la première phase de répartition est donc égal au chiffre entier donné par l'opération voix du parti sur quotient électoral dans la circonscription, soit (V/Q)[33]. Le ou les sièges restants sont par la suite affectés, par ordre décroissant, aux listes disposant des plus grandes différences entre le nombre total de leurs voix et le produit de la multiplication des sièges qu'ils ont gagné, autrement dit : V-(SxQ).

Il existe couramment quatre méthodes de fixation du quotient électoral. La plus courante est celle du quotient de Hare, qui correspond au résultat du nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre total de sièges à pourvoir, soit Q=V/S. Le quotient de Droop correspond lui au nombre total de suffrages exprimés divisé par le nombre de ses sièges augmentés d'un point, le résultat étant toujours arrondi au premier chiffre entier supérieur. Soit Q=[V/(S+1)]+1. Ce second quotient, très bas, peut parfois rendre possible l'attribution au quotient complet de la totalité des sièges en jeu. L'arrondissement vers le premier chiffre entier supérieur permet d'éviter que ne soient répartis, lors de la première phase d'attribution, plus de sièges qu'il n'y en a à pourvoir. Restent enfin le quotient Impériali et le quotien Impériali renforcé, où les suffrages exprimés sont divisés par le nombre total de sièges à pourvoir, augmenté respectivement de deux ou de trois[34].

Pour les différent exemples d'application, le quotient Hare serra utilisé. Il serra donc de 14 750 (118 000/8). On distingue principalement deux méthodes de répartition des sièges restants :

Avec la méthode des plus forts restes, on utilise le quotient simple, puis on attribue les sièges non pourvus suivant la règle des plus forts restes : les listes disposant des plus importants restes de voix obtiennent les sièges restants, à savoir ceux non-attribués au quotient. Cette méthode est favorable aux petits partis. Elle donne parfois lieu à des paradoxes mathématiques, dus à l'évolution capricieuse des restes de voix[35].

Exemple d'application

Il y a en tout 8 sièges à pourvoir
Partis Suffrages exprimés Sièges au quotient Restes de voix Sièges aux restes Total
Parti A 49 000 3 4 750 0 3
Parti B 38 000 2 8 500 1 3
Parti C 22 000 1 7 250 0 1
Parti D 9 000 0 9 000 1 1

Avec la méthode d'Hondt de la plus forte moyenne, proposée par le mathématicien Victor D'Hondt, on applique le quotient simple dans un premier temps, mais dans un second temps, chaque siège restant est affecté successivement à chaque liste en plus de ceux déjà acquis. Cette seconde répartition s'opère sur la base de la plus forte moyenne de voix par siège (chaque siège est attribué à la liste présentant la plus forte moyenne de voix pour le siège en question). Cette méthode favorise nettement les grands partis, phénomène qui a tendance à être amplifié par le nombre de siège à pourvoir au sein de l'espace électoral dans lequel il est appliqué : moins il y a de sièges à pourvoir, plus les grands partis sont favorisés[36].

Exemple d'application

Il y a en tout 8 sièges à pourvoir
Parti A Parti B Parti C Parti D
Score 49 000 38 000 22 000 09 000
Diviseur électoral (Sièges/votes valables) 14 750 14 750 14 750 14 750
Sièges directs 3 2 1 0
Première moyenne (Score/Sièges +1) 12 250 (49 000/4) 12 666 (38 000/3) 11 000 (22 000/2) 09 000 (9 000/1)
Premier siège supplémentaire 0 1 0 0
Deuxième moyenne (Score/Sièges +1) 12 250 (49 000/4) 09 500 (38 000/4) 11 000 (22 000/2) 09 000 (9 000/1)
Deuxième siège supplémentaire 1 0 0 0
Total 4 3 1 0

[modifier] Méthodes par diviseurs

Il s'agit d'une seconde version de la méthode de Victor D'Hondt, qui donne les mêmes résultats et produit les mêmes effets que la première, mais s'avère être beaucoup plus simple dans la présente version. On recours ici à une série de diviseurs, qui est la suite des nombres entiers : 1, 2, 3, 4, etc. On divise en fait le nombre de voix obtenues par chaque liste par chaque nombre entier, puis on répartit les sièges aux plus fortes moyennes : à chaque fois qu'une liste obtient une plus forte moyenne, elle reçoit un siège[37].

Exemple d'application :

Il y a en tout 8 sièges à pourvoir
Diviseurs 1 2 3 4 5 6 7 8 Sièges obtenus
Moyennes pour A 49 000 24 500 16 333 12 250 09 800 08 166 07 000 06 125 4
Moyennes pour B 38 000 19 000 12 666 09 500 07 600 06 333 05 428 04 750 3
Moyennes pour C 22 000 11 000 07 333 05 500 04 400 03 666 03 142 02 750 1
Moyennes pour D 9 000 4 500 3 000 2 250 1 800 1 500 1 285 1 125 0
Les chiffres en gras sont les plus fortes moyennes

Cette méthode proposée en 1910 par le mathématicien français André Sainte-Laguë fonctionne exactement de la même manière que la méthode d'Hondt, à ceci pret qu'elle prend comme série de diviseurs 1, 3, 5, 7, etc. Cette méthode est beaucoup moins défavorable aux petits partis et ne présente pas de paradoxes mathématiques. Elle est utilisée en Norvège, en Suède et au Danemark. Ces deux derniers ont en outre modifié le premier diviseur (1,4 au lieu de 1), afin de réduire l'influence des petits partis, donnant de fait un avantage aux partis moyens[38].

Exemple d'application :

Il y a en tout 8 sièges à pourvoir
Diviseurs 1 3 5 7 Sièges obtenus
Moyennes pour A 49 000 16 333 09 800 07 000 3
Moyennes pour B 38 000 12 666 07 600 05 428 3
Moyennes pour C 22 000 07 333 04 400 03 142 1
Moyennes pour D 9 000 3 000 1 800 1 285 1
Les chiffres en gras sont les plus fortes moyennes

[modifier] Les systèmes proportionnels de compensation

Ces systèmes ont un but simple : permettre d'atteindre la représentativité la plus exacte possible en attribuant aux formations politiques sous-représentées par le vote de circonscription un certain nombre de sièges de compensation. On distingue principalement deux catégories :

[modifier] Les systèmes proportionnels à deux niveaux d’attribution des sièges

Il s'agit généralement de systèmes permettant l'attribution de sièges de compensation, sur de larges zones géographiques, après répartition des sièges à la proportionnelle dans le cadre de circonscriptions. Les sièges compensatoires sont répartis sur la base des restes de suffrages non utilisés pour la répartition des sièges dans les circonscriptions. Les sièges compensatoires sont soit ceux qui n'ont put être répartis au quotient dans les circonscriptions, soit un nombre de sièges prédéterminé réservés exclusivement à la compensation.

L'Italie utilisait un système semblable de 1946 à 1993 pour l'élection de ses députés. 630 sièges étaient alors à pourvoir dans 31 circonscriptions de base au quotient Imperiali. Les sièges non pourvus via cette première méthode étaient ensuite attribués au niveau national, sur la base de la totalisation des restes, suivant la méthode des plus forts restes. Ce système garantissait une très forte proportionnalité, la loi électorale n'exigeant d'atteindre aucun seuil de suffrages pour accéder à la répartition des sièges. Les plus petits partis étaient généralement parfaitement représentés, tandis que les plus grands ne pouvaient bénéficier que d'une très faible amplification en sièges de leur victoire en voix[39]. Un système similaire est utilisé depuis 1919 en Belgique, également pour l'élection des députés : les sièges à pourvoir sont répartis par arrondissement au quotient simple, et ceux non pourvus via cette méthode sont répartis au niveau des provinces sur la base des restes, en utilisant la méthode d'Hondt.

Le Danemark et la Suède utilisent un système différent : une part du nombre total des sièges à pourvoir est réservée au vote de circonscription, tandis que la part des sièges restants est attribuée au niveau national, sur la base des restes de voix des différentes formations politiques pouvant accéder à la répartition des sièges. Au Danemark, outre les 4 députés représentant les Îles Féroé et le Groenland, 135 députés sont élus à la proportionnelle dans 17 districts, puis 40 députés sont répartis proportionnellement au niveau national, sur la base des voix obtenues par les différents partis qui ne leur ont pas permis d'obtenir suffisamment de sièges dans les districts par rapport à leur poids total en nombre de suffrages. En Suède, 310 députés sont élus dans 29 circonscriptions, puis 39 députés se partagent des sièges de compensation répartis au niveau national de la même manière qu'au Danemark. Les résultats des élections générales suédoises de 2006 et des élections législatives danoises de 2007 permettent de mesurer l'ampleur de la proportionnalité de ces systèmes. Notons enfin que ces deux pays, malgré leur fort multipartisme, ont un système politique caractérisé par la bipolarisation des différentes forces politiques, ce qui garantit une bonne stabilité gouvernementale.

[modifier] Les systèmes mixtes parallèles à finalité proportionnelle

Schéma du mode de fonctionnement du système électoral allemand.
Schéma du mode de fonctionnement du système électoral allemand.

Ce sont ni plus ni moins des systèmes combinant scrutin majoritaire et proportionnelle par compensation. Il s'agit en quelque sorte du contraire des scrutins mixtes à finalité majoritaire : une partie des députés, généralement la moitié, est élue au scrutin majoritaire, puis la mauvaise transcription des voix en sièges résultant de cette première répartition est corrigée par une répartition des sièges restants à la proportionnelle, en fonction du degré de sous-représentativité des différents partis. Il s'agit dans la pratique de systèmes mixtes majoritaire-proportionnel, mais dans les faits il n'en est rien, la répartition s'avérant être au final pleinement proportionnelle[40].

L'Allemagne utilise un système de ce type depuis 1949 pour l'élection des membres du Bundestag. Lors des élections fédérales, la moitié des députés est élue au scrutin majoritaire uninominal à un tour, et l’autre moitié à la proportionnelle par compensation. Les électeurs ont en fait deux voix : une pour choisir le candidat à élire au scrutin majoritaire, et l’autre pour choisir une liste de parti. La répartition proportionnelle s’opère à l’échelle des Länder : c’est ainsi qu’on compense la sous représentation des tiers partis provoquée par le scrutin uninominal. Au final, c’est le second vote, celui pour les listes de partis, qui détermine la composition finale du Bundestag : la répartition est pleinement proportionnelle, et cela malgré le fait qu’une moitié de député soit élue au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Il arrive toutefois qu'un parti ait un nombre d'élus au scrutin uninominal, dans un Land donné, supérieur à ce à quoi il devrait normalement avoir droit avec la représentation proportionnelle. Dans ce cas il garde ses sièges supplémentaires, et a au final un nombre total d'élus supérieur à ce à quoi il aurait eu droit à la proportionnelle. Le système allemand se part dans ces cas-là d'une infime dimension majoritaire. Il faut cependant garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une anomalie, tolérée par la jurisprudence, et qui reste marginale quelque soit l'élection. Ce phénomène est donc pratiquement sans conséquence sur la finalité proportionnelle du système. L'analyse des résultats détaillés des différentes élections fédérales permet de prendre pleinement acte des différence fondamentales opposant le système majoritaire au système proportionnel. Si le scrutin majoritaire à un tour servait à élire tous les députés, l'Allemagne connaitrait le bipartisme, avec d'un côté le Parti social démocrate, et de l'autre les démocrates chrétiens de la CDU et de la CSU, comme nous le prouvent les résultats des élections de 2005 :

Partis Votes au MU1 Sièges au MU1  % de ces sièges Votes à la RP Sièges à la RP  % de ces sièges Total sièges obtenus Part des sièges
CDU/CSU 40,8 % 150 50,2 % 35,2 % 76 24,1 % 226 36,8 %
SPD 38,4 % 145 48,5 % 34,2 % 77 24,4 % 222 36,2 %
FDP 04,7 % 0 00,0 % 09,8 % 61 19,4 % 61 09,9 %
LINKE 08,0 % 3 01,0 % 08,7 % 51 16,2 % 54 08,8 %
GRÜNE 05,4 % 1 00,3 % 08,1 % 50 15,9 % 51 08,3 %

Au final, la part des sièges obtenue par les différents partis est très proche de leur part de seconds votes. Cet exemple permet en outre de mettre l'accent sur le comportement des électeurs en fonction du mode de scrutin qu'on leur propose : les centristes du FDP et les écologistes ont ainsi beaucoup plus de secondes voix que de votes de circonscription. Au contraire, les sociaux et chrétiens démocrate ont plus de voix au scrutin majoritaire qu'à la proportionnelle. Le vote utile influence donc bel et bien le choix de l'électeur.

[modifier] Le vote préférentiel

La représentation proportionnelle est parfaitement compatible avec le fait de permettre à l'électeur de choisir personnellement son élu[41]. Les systèmes de listes permettent en effet aux électeurs d'exprimer leur préférence pour un ou plusieurs candidat(s), au sein de la liste pour laquelle ils votent, si pareille procédure est prévue par la loi électorale. Plusieurs méthodes d'attribution personnelle des sièges existent (à ceci près que la première n’en est en réalité pas une) :

  • La liste pré-ordonnée bloquée : L'ordre des candidats sur la liste est défini avant le vote et les électeurs ne peuvent le modifier. De la même manière qu'avec les scrutins majoritaires uninominaux, c'est ce système qui donne le plus de poids aux partis politiques dans le choix de leurs candidats. Il est utilisé notamment en Espagne, au Portugal et en Allemagne pour la moitié de députés élus à la proportionnelle.
  • La liste pré-ordonnée non bloquée : Les électeurs peuvent, dans ce cas de figure, modifier l'ordre des candidats sur la liste pour laquelle ils ont choisi de voter, mais s'ils ne le font pas, ils sont considérés comme approuvant l'ordre préétabli. Ce système est utilisé en Autriche, en Belgique, en Norvège, en Suède et aux Pays-Bas.
  • La liste libre : ici il n'y aucun ordre préétabli et les électeurs peuvent exprimer leur préférence pour un, voir deux candidats de leur choix sur la liste pour laquelle ils ont choisi de voter. L'électeur choisi donc le parti, et le candidat qu'il souhaite voir élu pour représenter ce parti. Il en revanche impossible d'intégrer des candidats provenant d'autres listes.
  • Le système finlandais : pour les élections législatives finlandaises, chaque parti peut présenter, dans chaque circonscription, autant de candidats qu'ils le souhaite. Les électeurs votent directement pour les candidats puis, après dépouillement, les suffrages des candidats ayant la même étiquette sont additionnés et la répartition des sièges s'opère ensuite à la proportionnelle entre les différents partis (méthode d'Hondt). Les candidats élus sont ceux ayant individuellement obtenu le plus de voix. Ce système unique en son genre donne donc une très large variété de choix à l'électeur, qui, s'il tient absolument à voter pour un parti en particulier, peut choisir un candidat parmi un nombre illimité de personnes investies par ce parti.
  • Le système Hagenbach-Bischoff : Les électeurs ont autant de voix qu'il y a de sièges à pourvoir dans leur circonscription. Ils peuvent voter pour des candidats de listes différentes et ont le droit de cumuler plusieurs de leurs voix sur un seul d'entre eux. La répartition des sièges s’opère ensuite de la même manière qu'avec le système finlandais. Utilisé seulement au Luxembourg et en Suisse, où il a été proposé par le professeur Hagenbach-Bischoff à la fin du XIXe siècle, ce système donne la plus grande liberté possible à l'électeur dans le choix de ses représentants. Il peut en effet exprimer sa préférence pour plusieurs candidats différents et, dans le même temps, pour plusieurs partis différents, en les classant s'il le souhaite. Les longs et complexes dépouillements qu'il induit peuvent cependant être un obstacle à son application dans des pays à plus forte population.

Les quatre dernières méthodes tendent à prouver que la proportionnelle peut à la fois concilier une juste transcription des voix en sièges et une réelle prise en compte du choix de l'électeur parmi les candidats qui se présentent à lui.

[modifier] Classification par degré de proportionnalité

La proportionnelle sélective suédoise : part des voix (en bas) et part des sièges (en haut) obtenues par les différentes formations politiques suédoises lors des élections générales de 2006
La proportionnelle sélective suédoise : part des voix (en bas) et part des sièges (en haut) obtenues par les différentes formations politiques suédoises lors des élections générales de 2006

Comme nous venons de le voir, les différentes méthodes de répartition des sièges à la proportionnelle peuvent avoir des effets variables. Plus elles sont favorables aux grands partis et défavorables aux petits, moins elles sont proportionnelles. Le politologue E. Nikolakopoulos a classifié ces méthodes sur la base d'une combinaison entre deux critères : leur effet restrictif et leur effet déformateur. Le premier effet prend en compte la part d'électeurs ayant voté pour des partis privés de représentation, et le second concerne l'ampleur de la sur-représentation ou de la sous-représentation des formations politiques obtenant des sièges. Ses analyses l'ont conduit à classifier les systèmes proportionnels en trois catégories distinctes :

  • Les proportionnelles produisant des effets restrictifs et déformateurs très faibles. A l'époque où l'auteur écrivait, il s'agissait des systèmes italien, danois, néerlandais, belge et autrichien.
  • Les proportionnelles caractérisées par un fort effet restrictif et un faible effet déformateur. Entrent dans cette catégorie les systèmes prévoyant un seuil minimum à atteindre pour recevoir des sièges, tout en assurant une répartition très proportionnelles pour les formations atteignant ce seuil. M. Nikolakopoulos prenait alors comme exemples l'Allemagne et la Suède.
  • Restent enfin les proportionnelles connaissant une importance égale des deux effets. Ce sont donc les moins proportionnelles des méthodes de répartition proportionnelles. Dans les pays recourant à ce type de système, la législation prévoit généralement des circonscription à faible magnitude, dans lesquelles les sièges sont répartis selon la méthode d'Hondt, avec en plus un seuil de représentation à atteindre. La Suisse, la Finlande et l'Espagne, entre autres, entrent dans cette catégorie.

Thanassis Diamantopoulos s'est basé sur ces différents critères pour établir une classification plus exhaustive, prenant en compte des facteurs plus fonctionnels[42]. Il distingue ainsi quatre catégories réparties dans deux grandes familles.

[modifier] Les proportionnelles fonctionnelles

Malgré leurs différences plus ou moins marquées, ces trois catégories partagent une caractéristique commune, celle d'empêcher implicitement la formation de majorités parlementaires unipartisanes, même si elles ne poursuivent pas ce but avec la même intensité. Elles conviennent donc en principe aux pays dans lesquels la formation d'alliances gouvernementales est acceptée par la classe politique dans son ensemble. Elles ne favorisent évidemment pas la structuration bipartisane du système politique et vont dans le seuil d'un parlementarisme multipartisan. Rappelons encore que dans tous les cas, la représentation proportionnelle est parfaitement compatible avec la bipolarisation du paysage politique.

  • Les proportionnelles intégrales regroupent les systèmes les plus justes possibles, qui ne prévoient aucun seuil de représentation significatif (1 % par exemple), et permettent une répartition des sièges dans une seule circonscription nationale. C'est le cas notamment d'Israël. Il peut aussi s'agir de systèmes utilisant des circonscriptions à très forte magnitude (au moins vingt sièges par circonscription), dans lesquelles la répartition des sièges s'opère via une méthode particulièrement juste (celles de Sainte-Laguë ou des plus forts restes par exemple), et prévoyant un correctif proportionnel, comme cela se fait, par exemple, au Danemark. Le but à atteindre via ces systèmes est l'obtention, par les différents partis, de pourcentages d'élus les plus proches possibles de leurs pourcentages de sièges. D'après Thanassis Diamantopoulos, les proportionnelles entrant dans cette catégorie sont celles "où aucune formation politique n'est sur-représentée ou sous-représentée de plus de trois points ni de plus de 10 % au maximum par rapport à son pourcentage électoral". D'un point de vue mathématique, le degré total de proportionnalité doit être en dessous de cinq points d'après l'indice de Loosemore/Hanby ou de 2,25 points d'après celui de Gallagher. Ces systèmes, qui permettent même aux plus petits partis d'obtenir ne serait-ce qu'un élu, incitent forcément à l'émiettement des suffrages, voir à l'éclatement du paysage politique. En effet les électeurs ne sont aucunement incités à voter "utile" et les partis, totalement indépendants les uns des autres, peuvent présenter des candidats partout, pratiquement assuré qu'ils sont d'entrer au parlement même avec un score dérisoire.
  • Les proportionnelles sélectives regroupent les systèmes imposant un seuil significatif de suffrages exprimés à atteindre pour accéder à la répartition des sièges. Le seuil est généralement compris entre 3 et 5 %. Ces systèmes entrainent forcément l'exclusion de toute représentation des partis obtenant une part des votes inférieure à ce seuil, ou au moins leur sous-représentation très considérable si plusieurs niveaux d'attribution des sièges sont prévus. Cependant, la répartition des sièges parmi les formations politiques atteignant ou dépassant ce seuil reste très proportionnelle, comme en témoignent les exemples allemand et suédois. En Allemagne, il faut soit atteindre un seuil de 5 % des suffrages exprimés au niveau national, soit obtenir au moins trois élus au scrutin majoritaire pour accéder à la répartition proportionnelle des sièges (voir explications ci-avant). En Suède, il faut atteindre un seuil de suffrages exprimés soit de 4 % au niveau national, soit de 12 % dans une circonscription. En 2006, cela a eu pour effet d'empêcher les Démocrates suédois (extrême-droite), qui avaient recueillis près de 3 % des voix au niveau national, d'entrer au Riksdag.
  • Les proportionnelles relativisées regroupent les systèmes produisant des écarts non négligeables entre la part des voix et la part des sièges obtenues par les différentes formations politiques. Cet effet est généralement rarement suffisant pour garantir la formation d'une majorité parlementaire par une seule formation politique à moins, bien sûr, qu'elle ne soit majoritaire en voix sur l'ensemble du pays. Pour M. Diamantopoulos, il s'agit de systèmes "qui ne génèrent pour aucune formation politique de sur- ou de sous-représentation en sièges de plus de six points ni de plus de 20 % maximum par rapport à son pourcentage électoral". Le degré total de disproportionnalité serrait dès lors compris entre six et dix points d'après le critère de Loosemore/Hanby, et entre 2,5 et 3,5 points d'après celui de Gallagher. Combinés à un même seuil électoral à atteindre que ceux évoqués précédemment, plusieurs systèmes peuvent produire ces effets : une répartition aux plus forts restes, via le quotient de Droop, dans des circonscription pourvoyant dix sièges en moyenne; une répartition selon la méthode d'Hondt, dans des circonscription pourvoyant quinze sièges en moyenne; une répartition selon la méthode modifiée (premier diviseur à 1,4) de Sainte-Laguë, dans des circonscription pourvoyant dix sièges en moyenne; ou encore un quelconque système de répartition des sièges à plusieurs niveaux différents, avantageant d'une façon ou d'une autre les grands partis et, éventuellement, les partis moyens.

[modifier] Les proportionnelles à tendance majoritaire

La proportionnelle à tendance majoritaire espagnole : part des voix (en bas) et part des sièges (en haut) obtenues par les différentes formations politiques espagnoles lors des élections législatives de 2008
La proportionnelle à tendance majoritaire espagnole : part des voix (en bas) et part des sièges (en haut) obtenues par les différentes formations politiques espagnoles lors des élections législatives de 2008

Le but politique de ce type de système proportionnel est l'inverse de celui de ceux évoqués précédemment. Il s'agit en effet ici de faciliter la formation de majorités gouvernementales unipartisanes, tout en assurant, dans une certaine mesure, la représentation parlementaire autonome des formations politiques minoritaires. Ces "proportionnelles à faible proportionnalité" doivent donc indirectement favoriser la sur-représentation du parti ayant reçu le plus de voix. Pour Thanassis Diamantopoulos, cette sur-représentation ne doit pas excéder dix points, "ce qui pourrait être considéré comme le maximum politique acceptable dans un pays proportionnel". Avec ces systèmes, une formation politique obtenant au total au moins 40 % des suffrages exprimés est pratiquement assurée d'investir une majorité absolue de sièges au parlement, sous réserve de disposer d'une avance son négligeable sur son principal concurrent.

Combiné à un seuil à atteindre d'au moins 3 ou 4 %, les systèmes pouvant être utilisés pour atteindre cet objectif sont la méthode d'Hondt appliquée dans des circonscription pourvoyant en moyenne 7 sièges maximum (comme en Espagne), ou un système à plusieurs niveaux d'attribution des sièges, avec tous les sièges des niveaux supérieurs réservés aux grands partis. Dans le second cas, l'instauration de seuils électoraux variables d'un niveau à un autre peut jouer un rôle déterminant. Les proportionnelles à tendance majoritaire produisent des effets très proches de ceux des systèmes mixtes, ce qui amène M. Diamantopoulos à classer ces deux familles de modes de scrutin au sein d'une grande catégorie, dite des "systèmes intermédiaires"[43].

[modifier] Parcours historique

Au milieu du XIXe siècle, se fondant sur les travaux de mathématiciens ayant tenté de mettre au point diverses formules proportionnelles de traduction des voix en sièges, plusieurs philosophes politiques comme Thomas Hare et John Stuart Mill ont porté l’idée de la proportionnalité. À partir de là, différents mouvements favorables à ce nouveau mode de scrutin émergeront partout en Europe, séduisant à terme la classe politique ou tout du moins une partie d’elle.

Les défenseurs de la représentation proportionnelle ont en général deux types d’arguments. D’une part, l’injustice du système majoritaire, qui ne permet pas aux minorités d’être représentées au sein des assemblées délibérantes[44]. D'autre part, la capacité de la RP à permettre la formation de gouvernements de coalition, sur la base d'une majorité parlementaire pluripartisane, plus modérés et plus consensuels que des gouvernements monopartisans. Au début du siècle dernier, les partis conservateurs ou issus de milieux bourgeois, défendaient ardemment ce mode de scrutin, pensant que la représentation proportionnelle permettrait de freiner la montée du mouvement ouvrier qui pourrait obtenir, avec une majorité relative de suffrages, une majorité absolue de sièges dans le cadre d'élections au scrutin majoritaire[45]. L’extension du droit de vote dans de nombreux pays permettra la diffusion de ces idées, le mouvement proportionnaliste atteindra son apogée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Plusieurs pays abandonnèrent alors les systèmes majoritaires en faveur de formules proportionnelles. Au cours des années 1920, le nouveau mode de scrutin avait séduit bon nombre de démocraties européennes, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse ayant alors choisi de recourir à la représentation proportionnelle pour l’élection de leurs députés. Mais ce succès fut de courte durée. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la représentation proportionnelle fut mise en cause par certains pour avoir permis la montée du Parti national-socialiste en Allemagne. On reprochait alors au faible seuil d’éligibilité de la représentation proportionnelle de permettre à de nouvelles formations antidémocrates d’investir la chambre basse du Parlement assez rapidement[46]. Celles-ci avaient alors les moyens, comme les partis traditionnels, de faire connaître leurs idées en disposant d’un espace où elles pouvaient se structurer et se solidifier progressivement. En outre, l’instabilité gouvernementale qui avait affecté certains pays connaissant un pluripartisme important dans les années 1930 et 1940 avait décrédibilisé la proportionnelle aux yeux de certains, qui l’assimilait à un éclatement exacerbé du paysage politique.

Au sortir du second conflit mondial, la représentation proportionnelle avait donc été délaissée par les démocraties occidentales. Il faudra attendre les années 1990 pour qu’elle regagne du crédit dans cette partie du monde, notamment dans un souci croissant d’être en mesure de représenter la société dans sa diversité. Mais les critiques à l’égard de ce mode de scrutin ont tout de même perduré. Il était alors intéressant de tenter de concilier les avantages de la représentation proportionnelle et ceux des autres modes de scrutin, notamment le scrutin uninominal. Des systèmes mixtes ont peu à peu vu le jour en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas ou encore au Japon.

[modifier] Influence de la représentation proportionnelle sur le système politique

[modifier] Idées reçues sur le pluripartisme et l'instabilité ministérielle

Contrairement aux idées reçues, la représentation proportionnelle ne conduit pas automatiquement à un éclatement de la classe politique, et n'est pas fatalement un facteur d'instabilité ministérielle. Cette mauvaise réputation lui a été attribuée suite à la chute de la République allemande de Weimar, puis à celle de la Quatrième République française, utilisant toutes deux des systèmes très proportionnels pour l'élection de leurs députés. Ces deux arguments méritent d'être tempérés par plusieurs faits important : d'une part, la stabilité ministérielle ayant précédée la République de Weimar était en grande partie due au caractères impérial et fort peu démocratique du régime, d'autre part, la composition des différentes législatures de la Troisième République française était, malgré l'élection des députés au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, aussi confuse, si ce n'est plus, que celle des trois législatures de la Quatrième République. En outre, la première législature de la Cinquième République, dont les membres étaient intégralement élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, était toute aussi hétéroclite que celles du régime précédent[47].

Le pluripartisme ne dépend donc pas, ou tout du moins pas seulement, du mode de scrutin utilisé. D'autre part la représentation proportionnelle est tout à fait compatible avec un système bipartisan : c'est notamment le cas de l'Espagne, où deux grands parti, le Parti socialiste et le Parti populaire, détiennent à eux deux environ 90 % des sièges de la chambre basse, les autres étant occupés par de petits partis régionalistes à l'électorat fortement localisé. Le pluripartisme lui-même n'est pas forcément facteur d'instabilité ministérielle : les pays scandinaves (Suède, Norvège, Danemark) connaissent ainsi un très fort pluripartisme, mais qui est très nettement tempéré par une bipolarisation quasi-inébranlable du paysage politique, sur la base du clivage droite/gauche, et ce malgré le caractère très fortement proportionnalisant de leurs modes de scrutin. Il en résulte une stabilité gouvernementale régulière et solide, qui permet à des chefs de gouvernement de rester plus de dix ans au pouvoir sans interruption.

[modifier] Les partis "charnière"

Composition du Bundestag après les élections fédérales allemandes de 1980 : un cas typique de la position de parti charnière du Parti libéral-démocrate (FDP, en jaune)
Composition du Bundestag après les élections fédérales allemandes de 1980 : un cas typique de la position de parti charnière du Parti libéral-démocrate (FDP, en jaune)

Lorsque la répartition des suffrages entres les différentes forces politiques le permet, la représentation proportionnelle peut favoriser l'importance de partis "charnière", souvent centristes. C'était notamment le cas de la Démocratie chrétienne, le principal parti politique italien jusqu'en 1994, acteur incontournable lors de la formation de coalitions gouvernementales. L'Allemagne a connu une situation relativement semblable jusqu'en 1998 : le FDP, petit parti centriste, a longtemps été le seul parti, en plus du SDP et de la CDU, a accéder à la représentation parlementaire. L'Allemagne utilisant un système très proportionnel, il était impossible pour l'un des deux grands partis, à moins qu'il n'obtienne une majorité absolue de suffrages exprimés, de prendre la tête du gouvernement sans le soutien du FPD. Si le Royaume-Uni utilisait un système similaire, les Démocrates libéraux auraient très souvent été dans cette situation très favorable de force d'appoint, qui détermine pratiquement à elle seule l'orientation de la nouvelle majorité après une élection. L'irruption du Mouvement démocrate en France lors des élections législatives de 2007 aurait probablement donné les mêmes résultats si la France élisait elle aussi ses députés à la représentation proportionnelle.

Ce phénomène amène certains défenseurs des scrutins majoritaires à affirmer que la représentation proportionnelle peut donner un rôle excessif à ces partis centristes par rapport à leur influence électorale effective. Mais ce raisonnement ne se suffit de toute manière pas à lui-même, les partis charnière devant aussi tenir compte de l'opinion dans leur stratégie d'alliance. Par exemple, en 1982, le FDP a mis fin à 13 ans d'alliance avec le SPD au vu des résultats catastrophiques de ce dernier lors d'élections locales, et a ainsi formé une nouvelle coalition de centre-droit avec la CDU, dont les représentants étaient préférés par une majorité d'allemands à un gouvernement abandonné par l'opinion. Le FDP ne bénéficiant en outre pas d'une position dominante, il n'accède jamais au poste de chef du gouvernement : la répartition des rôles reste donc juste et équitable. Il peut en revanche en aller différemment lorsque le parti centriste arrive en tête des élections, comme c'est le cas depuis peu en Finlande. Ainsi, en 2007, lorsque les conservateurs ont dépassé le Parti social-démocrate aux élections législatives, le Parti du centre, arrivé en tête, a rompu son alliance avec les sociaux-démocrates pour former une nouvelle coalition de centre-droit avec les conservateurs.

On reconnait généralement à ces partis centristes un rôle modérateur qu'ils ne peuvent obtenir dans le cadre d'un système majoritaire, forcément dominé par le dualisme et la logique du conflit. Ils peuvent en effet éviter qu'un parti n'impose des politiques excessives à la population dans son ensemble, en se reposant sur une majorité absolue de sièges attribuée par une majorité relative d'électeurs. La représentation proportionnelle, par ce moyen, peut donc donner aux partis charnière un rôle de frein aux mesures extrémistes[48].

[modifier] Le rôle des seuils

Un exemple d'effet pervers d'un seuil trop élevé avec les élections législatives turques de 2002. L'AKP et le CHP, seuls partis à avoir dépassé le seuil de 10 % des suffrages exprimés pour recevoir des sièges, se partagent tous les sièges à pourvoir, alors qu'ils n'ont rassemblé à eux deux que 53,7 % des suffrages exprimé. L'AKP pourra ensuite gouverner seul alors que 34,3 % des votants seulement ont porté leurs suffrages sur ses candidats.
Un exemple d'effet pervers d'un seuil trop élevé avec les élections législatives turques de 2002. L'AKP et le CHP, seuls partis à avoir dépassé le seuil de 10 % des suffrages exprimés pour recevoir des sièges, se partagent tous les sièges à pourvoir, alors qu'ils n'ont rassemblé à eux deux que 53,7 % des suffrages exprimé. L'AKP pourra ensuite gouverner seul alors que 34,3 % des votants seulement ont porté leurs suffrages sur ses candidats.

La représentation proportionnelle est compatible, tout comme les modes de scrutin majoritaire, avec la mise en place de seuils d'éligibilité. Les systèmes proportionnels sont donc généralement accompagnés de seuils à atteindre pour accéder à la répartition des sièges. Le seuil peut être établit au niveau national (5 % des suffrages exprimés sur l'ensemble du territoire en Allemagne pour pouvoir recevoir des sièges à la proportionnelle dans les circonscriptions), ou au niveau des circonscriptions (en 1986, les députés français étaient élus dans les départements sur la base des seules listes ayant rassemblé au moins 5 % des suffrages exprimés). D'autres pays utilisent même concurremment ces deux types de seuils : en Suède, un parti peut accéder à la répartition des sièges en obtenant 4 % des suffrages exprimés au niveau national, ou bien 12 % dans une circonscription.

Les seuils servent généralement à limiter l'émiettement politique. Ils peuvent toutefois mettre en péril la légitimité d'une assemblée ainsi élu s'ils sont trop élevés ou si le dit émiettement est trop prononcé. En Turquie, le seuil est de 10 % au niveau national, ce qui a eu pour effet, en 2002 puis en 2007, d'exclure la communauté kurde de toute représentation formelle, ses seuls candidats élus s'étant présentés sans étiquette. En 2002, seuls deux partis, l'AKP et le CHP, ont franchit ce seuil, alors qu'ils n'avaient recueilli à eux deux que 53,83 % des suffrages exprimés sur l'ensemble du pays[49]. Ce phénomène n'est d'ailleurs pas nouveau : en Bulgarie, près d'un quart du corps électoral a été exclut de toute représentation lors des élections de 1992, et ce malgré la faiblesse du seuil (4 % au niveau national)[50].

En 1993, les députés polonais étaient élus à la proportionnelle avec un seuil de 5 % pour les partis et de 8 % pour les coalitions au niveau national. L'objectif était de lutter contre l'émiettement politique qui avait permis, lors du scrutin précédent, à pas moins de 19 partis de faire leur entrée au Parlement, le plus fort d'entre eux n'obtenant que 12,3 % des voix. L'impact de cette mesure fut catastrophique : l'émiettement politique a perduré, et 35 % des suffrages exprimés ont été exclus de toute représentation. Les ex-communistes du Parti social-démocrate et leurs alliés du Parti paysan ont ainsi investit 300 sièges sur 460 alors qu'ils n'avaient rassemblé que 36 % des suffrages exprimés[51]. Ces effets pervers des seuils peuvent donc rendre la représentation proportionnelle encore plus injuste que les modes de scrutin majoritaire, c'est pourquoi ils doivent être utilisés avec prudence. On constate toutefois que jamais pareils phénomènes n'ont put être observés dans les démocraties occidentales, qui recourent généralement à un seuil de 4 ou 5 %.

[modifier] Les systèmes mixtes

Ce schéma simplifié illustre le principe de fonctionnement d'un mode de scrutin mixte pourvoyant une moitié de sièges au scrutin majoritaire et l'autre moitié à la représentation proportionnelle. Tous les systèmes décrits précédemment peuvent être utilisés (à l'exception de la proportionnelle par compensation, cf système allemand). L'importance effective de chacune des deux parties peut varier en fonction de la législation, il n'y pas de mode de scrutin mixte prédéfinit.
Ce schéma simplifié illustre le principe de fonctionnement d'un mode de scrutin mixte pourvoyant une moitié de sièges au scrutin majoritaire et l'autre moitié à la représentation proportionnelle. Tous les systèmes décrits précédemment peuvent être utilisés (à l'exception de la proportionnelle par compensation, cf système allemand). L'importance effective de chacune des deux parties peut varier en fonction de la législation, il n'y pas de mode de scrutin mixte prédéfinit.

Les modes de scrutin mixtes combinent à la fois un aspect proportionnel et un aspect majoritaire dans la méthode de désignation des élus. Pour la plupart assez récents, ils restent rares et sont beaucoup moins utilisés que les systèmes entièrement proportionnels ou entièrement majoritaires. Ils sont généralement critiqués pour leur complexité. Cependant, le recours à des systèmes mixtes pour l’élection des députés a sensiblement progressé à l’occasion des vagues de démocratisation en Asie et en Europe de l’est. La Corée du Sud, Taiwan, la Géorgie, la Hongrie ou encore la Russie se dotèrent en effet de modes de scrutins mixtes durant ces périodes. L’Italie et le Japon y recourent depuis les années 1990. Mais ce récent succès des systèmes mixtes ne remet pas en cause leur fragilité[52].

La Bulgarie a ainsi renoncé à son scrutin mixte pour recourir dès 1991 à la représentation proportionnelle intégrale. La Corée a quand à elle sensiblement renforcé le caractère majoritaire du sien en 1988. La Russie a également abandonné son système mixte en 2007 pour un système entièrement proportionnel. Les scrutins mixtes restent tout de même bien implantés dans les grandes démocraties d’Europe occidentale, la France et l’Italie l’utilisant pour la désignation de divers types de représentants[53]. Cette expansion récente témoigne de la volonté des législateurs de trouver des systèmes bénéficiant à la fois des qualités des modes de scrutin majoritaire et de ceux de la représentation proportionnelle[54]. Le fait de ne pas disposer de longues séries de résultats électoraux empêche une véritable analyse de l’impact de ces systèmes mixtes sur la vie politique et sur la manière avec laquelle les différentes formations politiques sont amenées à se comporter. On remarque toutefois que l’importance des effets majoritaires et proportionnels varie fortement en fonction de l’importance de la part des sièges concernés par l’un ou l’autre des deux aspects[55]. L’effet majoritaire n’est ainsi dominant qu’avec les modes de scrutin à finalité majoritaire, qui garantissent au vainqueur de disposer d’une majorité absolue de sièges dans l’assemblée.

Les systèmes mixtes ne constituent pas une catégorie homogène, et la souplesse des règles qui leur sont associées permet une très large variété de choix quant à la définition d’un mode de scrutin mixte par le législateur.

[modifier] Les systèmes géographiquement mixtes

Ces systèmes combinent un scrutin majoritaire uninominal ou plurinominal dans les circonscriptions qui ont le plus faible nombre de sièges à pourvoir, et la représentation proportionnelle dans les circonscriptions à plus fort nombre de sièges. Ils peuvent donc permettre d’équilibrer l’amplification en sièges d’une victoire en voix, grâce au scrutin majoritaire, par une représentation des forces minoritaires, grâce à la proportionnelle. Ce type de scrutin présente cependant des caractéristiques dangereuses quant à la légitimité de la composition de l’assemblée ainsi élue. Les circonscriptions les moins peuplées concernent généralement des zones rurales, tandis que les plus peuplées se trouvent être celles concentrant des populations urbaines. Un parti, ayant une forte implantation électorale dans les zones rurales, peut ainsi remporter un très grand nombre de sièges dans les circonscriptions recourant au scrutin majoritaire, tandis qu’un autre, mieux implanté dans les zones urbaines, ne bénéficiera pas d’une amplification en sièges de sa victoire en voix, puisqu’il n’obtiendra des sièges que dans les circonscriptions où la représentation proportionnelle est en vigueur.

Un système semblable était en application en Islande, dans les années 1930, pour l'élection des députés. Il n’était alors pas rare de voir les agrariens, bien implantés dans les zones rurales, emporter une majorité absolue de sièges, tout en étant largement minoritaires en voix au niveau national. Au contraire des conservateurs qui, bien qu’ayant remporté une nette victoire en voix, se retrouvaient marginalisés à l’assemblée, leurs électeurs étant concentrés dans la capitale de Reykjavík, qui élisait ses députés à la proportionnelle. Les députés islandais sont maintenant intégralement élus à la représentation proportionnelle depuis 1959. C’est aussi un système de ce type qui sert à élire les sénateurs français depuis la mise en place de la Vème République. Les départements élisant moins de 4 sénateurs le font au scrutin majoritaire plurinominal de liste, tandis que les autres recourent à la représentation proportionnelle. Depuis les élections sénatoriales de 1959, les formations politiques de droite et du centre droit ont toujours disposé d’une confortable majorité de sièges au Sénat, les représentants des conseils municipaux, traditionnellement plus orientés à droite, formant 95 % du collège électoral chargé d'élire les sénateurs. Là aussi les milieux ruraux, au vote généralement plus conservateur que celui des zones urbaines, facilitent grandement les victoires des partis de droite dans les départements où les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire.

[modifier] Les systèmes géographiquement homogènes

Ces systèmes permettent d'élire une partie de l'assemblée via un mode de scrutin majoritaire, tandis que l'autre serra élue au scrutin proportionnel. L'électeur dispose généralement de deux votes, et les deux répartitions peuvent s'opérer totalement indépendamment l'une de l'autre, contrairement aux scrutins recourant à la proportionnelle par compensation. C'est pourquoi le système électoral allemand, qui est à finalité intégralement proportionnel, n'entre pas dans cette catégorie[56]. Ces systèmes permettent un très grand nombre variantes. Il est en effet possible d'allier tout type de scrutin majoritaire à n'importe quelle méthode de répartition proportionnelle. Les exemples sont donc nombreux et forts différents les uns des autres.

Ainsi, de 1993 à 2003, la Russie employait un système mixte alliant le scrutin uninominal à un tour à la représentation proportionnelle pour l'élection des membres de la Douma. 225 députés étaient élus dans autant de circonscriptions au scrutin uninominal, tandis que les 225 restants étaient élus à la représentation proportionnelle au niveau national. Bon nombre de pays d'Europe orientale ont opté pour des systèmes de ce type à la fin des années 1990, afin de concilier les revendications de l'opposition, désireuse d'être justement représentée, et la nécessité pour le pouvoir soviétique vacillant de se maintenir en place, en favorisant l'élection de notables[57].

De 1993 à 2005, les députés et sénateurs italiens étaient élus au scrutin majoritaire uninominal pour les 3/4 d'entre eux, le quart restant des sièges étant répartis à la représentation proportionnelle à titre de compensation. Des partis qui n'avaient obtenu aucun sièges au scrutin majoritaire en obtenaient en contrepartie à la proportionnelle, mais rien n'empêchait l'amplification en sièges de la victoire en voix des partis dominants. On en déduit que, dans un système mixte de ce type, l'effet proportionnel est le double de la proportion de sièges affectés à la RP de compensation[58]. Avec l'ancien système italien, les tiers-partis recevaient la moitié de ce qu'ils auraient du recevoir à la représentation proportionnelle intégrale, tandis qu'avec le système allemand, ils reçoivent une part de sièges équivalente à leur part de suffrages. C'est pourquoi le premier est un système mixte tandis que le second, qui annule totalement les effets du scrutin majoritaire au niveau de la composition de l'assemblée, est un mode de scrutin pleinement proportionnel.

D'autres systèmes nettement plus complexe existent ou ont existé. En France, lors des élections législatives de 1919 et de 1924, on avait allié un mode de scrutin majoritaire plurinominal à un tour à la représentation proportionnelle. L'électeur disposait d'autant de voix qu'il y avait de sièges à pourvoir dans son département. Il y avait ensuite trois façons d'obtenir des sièges : d'une part les candidats ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés étaient directement élus ; d'autre part les sièges non pourvus de cette manière étaient répartis au quotient de Hare entre toutes les listes (chaque candidat faisait partie d'une liste, il fallait donc ajouter les suffrages des candidats ayant une même étiquette pour trouver le score de la liste) ; enfin les sièges non pourvus via ces deux méthodes de répartition étaient tous attribués à la liste arrivée en tête. Ce système rendait le jeu des alliances entre formations politiques déterminant. Pour les législatives de 1951 et de 1956, la loi des apparentements permettait aux listes de partis de se déclarer « apparentées » avant le vote. Si l'addition des suffrages des différentes listes apparentées atteignait la majorité absolue des suffrages exprimés, elles recevaient tous les sièges à pourvoir dans le département (autrement la répartition s'opérait à la représentation proportionnelle entre toutes les listes). Si ce dernier système a permis à la Troisième force, vaste coalition centriste, de l'emporter en 1951, il n'a été pratiquement d'aucun effet en 1956, tant l'émiettement politique était fort.

Plusieurs pays d'Asie, comme la Corée du Sud ou Taiwan, combinent le vote unique à la représentation proportionnelle. Ces systèmes sont très simples pour l'électeur qui a juste à choisir un candidat, mais ils amplifient considérablement la victoire en sièges du parti dominant en voix. En Corée du sud, lors des législatives de 1981 et de 1985, le PJD a ainsi pu obtenir une majorité absolue de sièges pour seulement 35,6 puis 35,3 % des suffrages exprimés. Plus la part des sièges pourvus à la RP est faible, plus le fait majoritaire est fort. Ces derniers systèmes se rapprochent donc des systèmes mixtes à finalité majoritaire[59].

[modifier] Les systèmes mixtes à finalité majoritaire

Schéma d'un exemple de mise en pratique du mode de scrutin utilisé pour les élections régionales en France.
Schéma d'un exemple de mise en pratique du mode de scrutin utilisé pour les élections régionales en France.

Notons que techniquement parlant, les scrutins de type proportionnel sont à finalité proportionnelle, tandis que les scrutins majoritaires sont à effet majoritaire. Il n'est donc pas certain qu'une assemblée, dont les membres sont élus au scrutin majoritaire, se retrouve au final dominée par un parti ou par une coalition détenant une majorité absolue de sièges[60]. C'est également le cas des systèmes mixtes à finalité majoritaire, qui combinent le scrutin majoritaire de liste à la représentation proportionnelle. Il s'agit en fait généralement d'attribuer une part du total des sièges à pourvoir, un quart, un tiers ou la moitié, à la formation politique arrivée en tête, à titre de prime majoritaire. Les sièges restants sont ensuite répartis à la proportionnelle entre toutes les listes, y comprit celle ayant bénéficié de la prime majoritaire. L'Italie et la France sont les deux principales démocraties à user régulièrement de systèmes de ce type.

[modifier] Les exemples italiens

L'Italie a pour la première fois élue ses députés avec un système mixte en 1919, peu après l'arrivée de Mussolini au pouvoir. Le scrutin avait lieu dans 15 circonscriptions, et la liste arrivée en tête au niveau national, si elle obtenait au moins 25 % des suffrages exprimés, recevait une prime majoritaire s'élevant aux deux tiers des sièges à pourvoir dans la chambre basse. Le tiers des sièges restants était ensuite réparti à la proportionnelle entre toutes les listes à l'échelle des circonscriptions. Cette loi restera en vigueur pour les législatives de 1919 et 1921, mais elle ne serra pas d'une grande utilité aux fascistes et à leurs alliés, les pressions qu’ils exerçaient sur les électeurs leur ayant assuré 65 % des voix sur l'ensemble du pays[61].

La loi électorale de décembre 2005 se rapproche de ce système : les sièges sont répartis entre les coalitions ayant obtenu plus de 10 % des suffrages exprimés (et dans ces coalitions, parmi les listes ayant obtenu plus de 2% des suffrages au total, plus celle ayant le plus de voix parmi les listes en dessous de 2%), ainsi qu'entre les listes indépendantes ayant obtenu 4 % ou plus. La coalition ou la liste arrivée en tête obtient au minimum 55% des sièges (340 parmi les 617), les 45 % restants étant répartis à la proportionnelle dans les circonscriptions. Aux élections générales italiennes de 2006, deux grandes coalitions, L'Union et la Maison des libertés, ont polarisé à elles seules 99,5 % des suffrages exprimés. L'Union, avec 49,81 % des voix, a obtenu 340 sièges, tandis que la Casa delle libertà en a eu 277 pour 49,74 % des voix : le principe de la finalité majoritaire a effectivement été atteint, et ce malgré la très courte avance de la première coalition sur la seconde.

[modifier] Les exemples français

La France recours à des systèmes mixtes pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants depuis 1983, et pour les élections régionales depuis 2004. Les électeurs votent pour des listes bloquées. Lors du premier tour, si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, elle reçoit la moitié des sièges à pourvoir (un quart dans le cas des élections régionales), et la moitié restante est répartie entre toutes les listes à la représentation proportionnelle. Sinon, un second tour de scrutin est organisé, auquel ne sont admises que les listes ayant rassemblé au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour (celles qui ont eu au moins 5 % peuvent fusionner avec celles passant au second tour). La liste ayant eu le plus de voix à l'issue de ce second tour obtient la prime majoritaire (50 % ou 25 % selon le type d'élection) et les sièges restants sont répartis entre toutes les listes à la proportionnelle. La répartition à la proportionnelle ne s'opère en outre que sur la base des listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés (pour les répartitions au premier comme au second tour)[62].

Depuis que ce mode de scrutin est en vigueur, tous les conseils régionaux français (exception faite de l'assemblée territoriale de Corse qui utilise un système légèrement différent) disposent d'une majorité claire, de droite ou de gauche, ce qui n'était pas le cas avant, avec une répartition de tous les sièges à la RP. Les minorités sont généralement représentées, surtout à l'issue d'un second tour. La loi municipale a toutefois tendance à marginaliser l'opposition. L'Italie utilise un système légèrement différent pour ses élections municipales, depuis 1993 : les électeurs votent à la fois pour un candidat à la mairie et pour une liste pour le conseil municipal. Au final, les listes ayant soutenu le candidat vainqueur se partagent 60 % des sièges, les 40 % restants étant répartis à la proportionnelle entre les autres listes (et seulement elles)[63].

[modifier] Aspects historiques

[modifier] La démocratie représentative vénitienne

Le doge de Venise, XVIe siècle
Le doge de Venise, XVIe siècle

Le vote a été utilisé comme un élément essentiel de la démocratie depuis le VIe siècle avant J.-C., lorsque la démocratie a été instaurée dans la ville grecque d’Athènes. L'une des premières élections enregistrée à Athènes a été un vote plural qu'il n'était pas souhaitable de « gagner » : dans un processus appelé ostracisme, les électeurs choisissait le citoyen à condamner à l'exil pendant dix ans. La plupart des élections du début de l'histoire de la démocratie ont également été organisées selon le principe d’un vote plural ou d'une variante de celui-ci, mais l’État de Venise au XIIIe siècle a fait exception : nous savons maintenant qu’on y utilisait un système de vote d’approbation pour l'élection de leur Grand Conseil[64].

Le système d'élection du Doge vénitien est un processus particulièrement tortueux, composé de cinq tours de tirage au sort et de cinq tours de vote d'approbation. Par tirage au sort, un corps de 30 électeurs est désigné, et est ensuite ramené à 9 électeurs par tirage au sort à nouveau. Le collège électoral de 9 membres élit ensuite 40 personnes par un vote d'approbation ; ces 40 élus formeront ensuite un deuxième collège électoral de 12 membres par tirage au sort désignés par tirage au sort parmi eux. Le deuxième collège électoral est composé de 25 personnes élues au terme d’un vote d’approbation, puis de 9 membres désignés par tirage au sort. Le troisième collège électoral a lui élu 45 personnes, qui seront réduites à former un quatrième collège électoral de 11 personnes choisies par tirage au sort. Ils éliront à leur tour un dernier corps électoral de 41 membres, qui seront finalement chargés d’élire le Doge. En dépit de sa complexité, ce système a certaines propriétés intéressantes, en veillant à ce que le gagnant reflète les opinions de la majorité et celles des factions minoritaires[65]. Ce processus a été utilisé avec peu de modifications depuis 1268 jusqu'à la fin de la République de Venise en 1797, et a été l'un des facteurs contribuant à la continuité de la république vénitienne.

[modifier] Fondements de la théorie du vote

La théorie du vote est devenue un objet d'étude universitaire à l'époque de la Révolution française[66]. Jean-Charles de Borda a proposé en 1770 une méthode d'élection des membres de l'Académie des Sciences. Son système a été contesté par le marquis de Condorcet, qui propose plutôt la méthode de comparaison par paires qu'il avait conçue. Les systèmes électoraux découlant de cette dernière méthode sont appelés « méthodes Condorcet ». Le marquis a aussi développé des théories sur le paradoxe de Condorcet, qu'il appelait l’intransigeance des préférences de la majorité[67] .

Alors que Condorcet et Borda sont généralement considérés comme les pères fondateurs de la théorie du vote, des recherches récentes ont montré que le philosophe Ramon Llull avait découvert à la fois la méthode Borda et une méthode qui satisfait aux critères de Condorcet au XIIIe siècle. Les manuscrits dans lesquels il a décrit ces méthodes avaient été oubliés par l’histoire, jusqu'à leur redécouverte en 2001[68].

Plus tard, au XVIIIe siècle, le sujet de la répartition a commencé à être étudiée. L'impulsion pour la recherche sur les méthodes de répartition équitable est venue, en effet, de la Constitution des États-Unis, qui précise que les sièges à la Chambre des représentants doivent être répartis entre les États proportionnellement à leur population, mais sans préciser comment[69]. Diverses méthodes ont été proposées par des hommes d’Etat, tels Alexander Hamilton, Thomas Jefferson, ou encore Daniel Webster. Certaines des méthodes de répartition découvertes aux États-Unis ont été redécouvertes en Europe au XIXème siècle, en même temps qu’étaient mis au point les systèmes de représentation proportionnelle. Plusieurs méthodes identiques ont ainsi des noms différents : la méthode de Sainte-Lagüe est également appelée méthode de Webster[70].

La même situation a pu être observée pour le scrutin à vote unique transférable, qui a été conçu par Carl Andrae au Danemark en 1855, mais aussi en Angleterre par Thomas Hare en 1857. Leurs découvertes peuvent ou non avoir été indépendantes l’une de l’autre. Les premières élections recourant à ce système ont eu lieu au Danemark en 1856, puis en Tasmanie en 1896 après que son utilisation a été encouragée par Andrew Inglis Clark. La représentation proportionnelle a quant à elle commencé à se généraliser en Europe au début du XXème siècle, la Belgique étant la première à la mettre en œuvre en 1900. Depuis, les systèmes proportionnels ou mixtes sont utilisés dans une majorité de démocraties, les pays anglo-saxons faisant toutefois figure d’exceptions[71].

[modifier] La renaissance des scrutins majoritaires

Lewis Carroll (autoportrait)
Lewis Carroll (autoportrait)

Peut-être influencé par l'évolution rapide des multiples méthodes consacrant plusieurs gagnants, les théoriciens ont commencé à publier de nouvelles conclusions sur les méthodes à un seul vainqueur à la fin du XIXe siècle. Cela a commencé vers 1870, quand William Robert Ware a proposé d'appliquer un nouveau type de système à un seul vainqueur à des élections, proche du vote alternatif[72]. Peu de temps après, des mathématiciens ont commencé à revoir les idées de Condorcet et à inventer de nouvelles méthodes pour compléter ses analyses. Edward J. Nanson a ainsi combiné le nouveau vote alternatif à la méthode Borda dans le but de concevoir une nouvelle méthode de Condorcet appelée « méthode de Nanson ». Charles Dodgson, mieux connu sous le nom de Lewis Carroll, a publié des brochures sur la théorie du vote, en se concentrant en particulier sur les méthodes Condorcet. Il a introduit l'utilisation de matrices de Condorcet pour analyser les élections, bien que cela ait aussi déjà été présenté sous une certaine forme par Ramon Llull.

Des systèmes de vote à préférence multiple ordonnée ont plus tard été mis en application. En Australie, le vote alternatif a été adopté pour la première fois en 1893, et continue à être utilisé aujourd'hui. Aux États-Unis, au début du XXe siècle, plusieurs municipalités ont commencé à utiliser le Bucklin vote, mais les résultats n'étaient pas satisfaisants pour les électeurs. Ce système n’est plus du tout utilisé depuis, et a même été déclaré inconstitutionnel dans le Minnesota[73].

[modifier] Influence de la théorie du jeu

Après que John von Neumann et d'autres chercheurs aient mis au point le domaine mathématique de la théorie du jeu dans les années 1940, de nouveaux outils mathématiques, visant à analyser les systèmes de vote et leurs stratégies, font leur apparition. Cela a conduit à la découverte d'importants nouveaux résultats qui ont bouleversé le domaine de la théorie du vote[74]. L'utilisation de critères mathématiques permettant d'évaluer les systèmes de vote a été introduite par Kenneth Arrow, qui a démontré, avec son théorème d'impossibilité, que certains critères intuitivement désirables entraient aujourd'hui en contradiction, pointant du doigt les limites inhérentes aux différents théorèmes de vote. Le théorème d'Arrow est le plus cité comme résultat de l'étude du vote, s'inspirant de plusieurs résultats significatifs tels que le théorème de Gibbard-Satterthwaite, qui démontre que le vote stratégique est inévitable dans certaines circonstances communes.

L'utilisation de la théorie du jeu pour analyser les systèmes de vote a également conduit à des découvertes sur les effets stratégiques émergents de certains systèmes. La loi de Duverger, qui montre que le scrutin majoritaire à un tour conduit souvent à un système bipartite, en est un bon exemple. Des recherches approfondies sur les aspects du vote dans la théorie du jeu, menées par Steven Brams et Peter Fishburn, les ont conduit à définir et à promouvoir officiellement l'utilisation du vote par approbation en 1977. Bien que le vote par approbation ait déjà été utilisé auparavant, il n'avait pas été cité ou considéré comme un objet d'étude universitaire, en particulier parce qu'il viole l'hypothèse selon laquelle seules les méthodes dégageant un seul vainqueur sont fondées sur un classement préférentiel.

[modifier] Développements contemporains

La théorie du vote est venue de mettre l'accent sur les critères d'un système de vote presque autant que sur certains systèmes de vote particuliers. Maintenant, toute description d'un avantage ou d'une faiblesse dans un système de vote devrait être soutenu par un critère définit mathématiquement. Des recherches récentes dans le domaine de la théorie du vote ont permi l'élaboration de nouveaux critères et de nouvelles méthodes de calcul visant à répondre à certains critères.

Parmi les éminents théoriciens de la théorie du vote contemporains, Nicolas Tideman a officialisé les concepts stratégiques, tels que la nomination stratégique et l'effet spoiler dans l'indépendance de critères clones. Tideman aussi conçu la méthode de classement par paires, une méthode Condorcet qui n'est pas soumise aux critères clones. Donald G. Saari a quant à lui fait renaître l'intérêt pour les méthodes Borda avec les livres qu'il a publiés depuis 2001. Saari utilise des modèles géométriques de la position des systèmes de vote pour promouvoir ses nouvelles méthodes.

La disponibilité accrue du traitement des données par ordinateur a accru la pratique de la méthode Condorcet avec rangement des paires par ordre décroissant, et des méthodes Schulze, qui permettent un classement des choix des plus populaires aux moins populaires.

L'avènement d'Internet a accru l'intérêt pour les systèmes de vote. Contrairement à beaucoup d'autres domaines mathématiques, la théorie du vote est généralement assez accessible aux non-spécialistes, et de nouveaux résultats sont fréquemment découverts par des amateurs. C'est pourquoi de nombreuses découvertes récentes dans la théorie du vote proviennent non pas de documents publiés, mais de discussions informelles entre passionnés, sur des forums en ligne et des listes de diffusion.

L'étude des systèmes de vote a donné une nouvelle impulsion à l'idée de réforme électorale, plusieurs personnes proposant de remplacer les scrutins majoritaires par de nouvelles méthodes moins injustes. Diverses municipalités aux États-Unis ont commencé à adopter le vote alternatif dans les années 2000. La Nouvelle-Zélande a adopté la représentation proportionnelle pour les élections législatives en 1993 et le scrutin à vote unique transférable pour certaines élections locales en 2004. La province canadienne de Colombie-Britannique tiendra un deuxième référendum sur l'adoption de vote unique transférable en 2008. La province de l'Ontario organisera quant à elle un référendum le 10 octobre 2007, sur l'opportunité d'adopter un système mixte proportionnel/majoritaire. En outre, en septembre 2007, le Nouveau Parti démocrate uni de la Corée du Sud a commencé le premier à utiliser des systèmes de vote mobiles pour ses primaires présidentielles[75]. Une gamme encore plus large de systèmes de vote est maintenant diffusée dans les organisations non gouvernementales.

[modifier] Aspects théoriques

Les différents systèmes de votes possèdent certains avantages et certains inconvénients. Pour déterminer le système de vote qui correspond le mieux à l'objectif de l'organisateur, ont été précisés des critères de systèmes de vote. Ils permettent de faciliter le choix de l'organisateur mais il n'existe aucun système de vote vérifiant tous les critères inventoriés.

[modifier] Justice mathématique d’un système électoral

La recherche d'un système juste (et donc, à priori, proportionnel) repose sur sa capacité à transposer efficacement les voix en sièges. D'après Pierre Martin[76], la justice d'un système électoral doit être appréciée sur la base de trois critères :

  • L'indice de représentativité :

Il est ici question du rapport entre les électeurs effectivement représentés, c'est à dire ayant voté pour un candidat élu ou pour une liste ayant reçu des sièges, et l'ensemble des électeurs[76]. Reprenons nos résultats fictifs utilisés précédemment :

Voix %
Parti A 49 000 41,5 %
Parti B 38 000 32,2 %
Parti C 22 000 18,6 %
Parti D 9 000 07,6 %
TOTAL 118 000 100 %

Si le mode de scrutin employé est de type majoritaire à un tour, seul le candidat du Parti A serra élu (ou seule sa liste aura des sièges). La représentativité du résultat est donc de 41,5 %. Si au contraire on répartit 8 sièges entre les différentes listes avec la méthode d'Hondt de la plus forte moyenne, A obtiendra quatre sièges, B trois, C un et D aucun. La représentativité est ici de 92,4 %. Cet indice est très utile pour différencier un vrai système proportionnel d'un autre qui le serrait pas hasard, comme par exemple celui de la Chambre des représentants des États-Unis, où la répartition des sièges est très proche de celle des suffrages des électeurs. Pourtant ses membres sont tous élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour. En réalité, la proportionnalité globale est forte mais l'indice de représentativité faible, ce qui permet de le différencier d'un véritable mode de scrutin proportionnel[77].

  • La monotonie :

La monotonie d'un mode de scrutin correspond à sa capacité à respecter dans la répartition des sièges l'ordre dans lequel sont arrivés les différents partis en terme de voix. Si tel parti obtient plus de voix qu'un autre, il apparait évidemment juste que le premier obtienne plus de sièges que le second. L'exemple des élections législatives britanniques de 1951, abordé dans la partie sur les scrutins majoritaire, permet d'affirmer, par exemple, que le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour n'a pas du tout été monotone. Notons enfin qu'il est bien plus grave d'inverser l'ordre en sièges par rapport à l'ordre en voix pour les grands partis que pour les partis plus petits[77].

  • La disproportionnalité :

La disproportionnalité d'un système à une élection ont été pour la première fois mesurés par des indices mis au point en 1882 par Victor D'Hondt puis en 1910 par André Sainte-Laguë. Le premier proposa de mesurer le maximum du rapport entre la proportion des sièges et la proportions des voix d'un même parti, tandis que le second proposa de calculer la somme, sur l'ensemble des partis, des carrés des différences entre la proportion de sièges reçus et celle des votes obtenus. Pour D'Hondt, il s'agissait d'abaisser le rapport maximum entre la proportion des sièges et celle des voix, et pour Sainte-Laguë, il fallait chercher à minimiser l'écart entre ces deux proportions[77]. D'autres indices ont été proposés depuis, le plus aboutit étant pour l'instant celui des moindres carrés de M. Gallaguer[78] :

I = \sqrt{{(\frac{1}{2}\sum_{i} (V_i - S_i)^2)}}

Où V et S représentent respectivement la part de voix et la part de sièges obtenus par chaque parti i.

[modifier] Correspondance entre les modes de scrutin

De manière générale, lorsqu'un seul siège est à pourvoir dans une même circonscription, plusieurs correspondances entre les modes de scrutin peuvent logiquement être observées. Par exemple, la représentation proportionnelle appliquée dans ce cas de figure se mue en scrutin majoritaire uninominal, avec des propriétés différentes en fonction du système de calculs utilisé. De la même façon, un mode de scrutin plurinominal devient de facto uninominal en pareilles circonstances.

Les scrutins uninominaux correspondent donc à la fois à l'application la moins proportionnelle des systèmes proportionnels, et l'application la moins majoritariste des systèmes majoritaires[79]. C'est la magnitude minimum, réduite à 1, qui provoque pareil phénomène. Le tableau suivant permet d'y voir plus clair :

Scrutins majoritaires plurinominaux Scrutins majoritaires uninominaux Systèmes proportionnels
Plurinominal à un tour Uninominal à un tour Vote cumulatif, vote limité et RP
Plurinominal alternatif Uninominal alternatif Vote unique transférable
Plurinominal à deux tours Uninominal à deux tours

En passant de la première à la seconde colonne, on est dans une logique majoritaire, mais la proportionnalité augmente au fur et à mesure que la magnitude diminue. En passant de la seconde à la troisième colonne, on passe dans une logique proportionnelle, et pourtant la proportionnalité diminue en même temps que la magnitude diminue. On en déduira :

  • que tous les systèmes proportionnels, en dehors du vote unique transférable, correspondent au scrutin uninominal majoritaire à un tour ;
  • que le vote cumulatif et le vote limité sont proportionnels puisque leur proportionnalité diminue avec la magnitude, d'où leur classification dans la catégorie des système pré-proportionnels ;
  • que les systèmes proportionnels contraignant à une attribution des sièges directement après le premier vote, ils ne peuvent correspondre à des modes de scrutin majoritaire à plusieurs tours, quels qu'ils soient ;
  • que les systèmes à classement préférentiel des candidats correspondent bien les uns aux autres.

Ces quatre remarques[80] démontrent que si les modes de scrutin sont tous très variés et très différents les uns des autres, ils convergent au fond vers le même objectif.

[modifier] Le débat scrutin majoritaire / représentation proportionnelle

Les défenseurs de la représentation proportionnelle défendent généralement la justice de ce système électoral, qui permet une représentation plus ou moins exacte en sièges du poids en voix d'un parti ou d'une coalition politique. Face à cet argument de bon sens, les partisans des scrutins majoritaires insistent souvent sur la nécessité d'accorder au régime politique une stabilité indispensable à sa continuité. Cela les amène dès lors à affirmer que le mode de scrutin influence directement l'électorat, notamment via le principe du "vote utile". En avantageant les grands partis lors de la répartition des sièges et en permettant, en principe, au parti ayant rassemblé le plus de voix d'obtenir une majorité absolue de représentants, les scrutins majoritaires aboutissent à la formation d'un gouvernement unicolore logiquement plus stable qu'un gouvernement de coalition[81].

Pour les défenseurs des scrutins majoritaires, le système politique idéal serrait un système bipartisan, avec une alternance politique possible qu'entre deux grands partis, l'un ou l'autre disposant d'une majorité absolue de représentants au parlement. Les pays anglo-saxons, et tout particulièrement les États-Unis, ont plus ou moins réalisé cet idéal. A l'inverse, pour les partisans de la représentation proportionnelle, un bon système politique est un système au sein duquel les sièges au parlement, mais aussi le pouvoir sont partagés, en encourageant la formation de gouvernements de coalition. L'Allemagne et les pays scandinaves[82] sont sans aucun doute les meilleurs exemples de ce type de système, avec en plus une tendance à la bipolarisation des forces politiques permettant une véritable alternance gouvernementale[83].

Dans d'autres pays, le principe de la coopération a été poussé à son paroxysme, comme la Suisse de 1919, date de l'instauration d'un système proportionnel, au 13 décembre 2007, date à laquelle l'Union démocratique du centre est passé dans l'opposition. Les principaux partis suisses se sont en effet très tôt mis d'accord pour se partager systématiquement les responsabilités gouvernementales. Cela a eu pour conséquence l'effondrement de la participation électorale à environ la moitié des électeurs inscrits, les élections n'ayant plus pour réel objectif que de tester la légitimité des différents partis au pouvoir. Même scénario au Liechtenstein, où les deux partis représentés au parlement se partagent le pouvoir depuis 1938, le plus fort obtenant le poste de chef du gouvernement et un plus grand nombre de ministères[84]. On remarquera au passage que le nombre de partis représentés influence grandement les enjeux de cette stratégie de partage du pouvoir. On ne peut également s'empêcher de constater que, comme cela a été le cas en Autriche et en Suisse récemment, une radicalisation des partis de droite peut aboutir à une percée électorale de ces derniers et à un bouleversement brutal du mode de fonctionnement du système politique. Le retour à l'alternance bipolaire en Autriche a toutefois contribué à la régression de l'extrême droite à partir de 2002[85].

La représentation proportionnelle n'est donc pas synonyme d'instabilité ministérielle ni même de morcellement du paysage politique. Comme cela a été vu précédemment, il en va de même pour les scrutins majoritaires, qui ne garantissent pas forcément une forte polarisation politique et une bonne stabilité ministérielle. C'était même tout à fait l'inverse en France sous la Troisième République. Dans un cas de figure comme dans l'autre, les modes de scrutin produisent en réalité des effets qui dépendent largement de la nature du système politique dans le pays au sein duquel ils sont utilisés.

Au delà des problèmes de justice de la représentation électorale et des préoccupations liées à la stabilité gouvernementale, on constate souvent que les défenseurs de la représentation proportionnelle d'une part, des scrutins majoritaires d'autre part, ont deux conceptions bien différentes de la vie politique[84]. Les scrutins majoritaires correspondent en effet à des logiques d'affrontement tandis que les scrutins proportionnels sont plus tournés vers la coopération. Dans n'importe quel système politique démocratique, les phénomènes d'affrontement et de coopération sont présents, mais on constate que dans la grande majorité des cas, le mode de scrutin amplifie l'un ou l'autre de ces phénomènes. C'est donc aussi l'influence du mode de scrutin sur le système politique qui va déterminer les contours du débat tournant autour de cette question dans une démocratie représentative donnée.

[modifier] Influence du mode de scrutin sur le système politique

Le Bundestag allemand en 2005 : le pluripartisme entretenu par la représentation proportionnelle
Le Bundestag allemand en 2005 : le pluripartisme entretenu par la représentation proportionnelle
Le Congrès des députés espagnol en 2008 : un bipartisme relatif alors que les députés sont tous élus à RP
Le Congrès des députés espagnol en 2008 : un bipartisme relatif alors que les députés sont tous élus à RP

Les analystes de la politique, au fur et à mesure que la diversité des modes de scrutin s'amplifiait, ont fini par noter que ces derniers ont des effets sur le système politique qui transcendent largement la transformation des voix en sièges. Les stratégie des différentes formations politiques concurrentes et le comportement des électeurs jouent également des rôles pouvant être déterminants[86].

Le politologue Maurice Duverger a synthétisé l'ensemble de ces analyses et en a conclu qu'elles répondent à trois "lois" fondamentales[87] :

  • La représentation proportionnelle tend à un système de partis multiples, rigides, indépendants et stables (des mouvements passionnels pouvant toutefois bouleverser cette logique).
  • Le scrutin majoritaire uninominal à un tour tend à un système dualiste, avec alternance de grands partis ou coalitions indépendants les uns des autres.
  • Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours tend à un système de partis multiples, souples, relativement stables et fortement dépendants les uns des autres, tout en conservant la logique du dualisme (notamment via l'exclusion de la représentation des partis moyens n'ayant pas d'alliés suffisamment puissants).

M. Duverger a donc présenté les systèmes partisans comme une simple production des modes de scrutin. Ses conclusions ont été vivement critiquées par plusieurs autres analystes politiques. A titre d'exemple, Georges Lavau pense au contraire que la sociologie et l'histoire d'un pays influencent eux aussi considérablement son système politique, le mode de scrutin n'occupant qu'une place secondaire au sein des facteurs explicatifs[88]. L'entretien du débat a ensuite amené M. Duverger a nuancer ses propos. De manière générale, les caractères des systèmes partisans répondent aux logiques évoquées par ces deux analyses[89].

On a parfois tendance à surestimer l'influence des systèmes électoraux d'un pays sur son système partisan. S'il parait évident que la justice plus ou moins grande de la représentation des différentes forces politiques qu'ils permettent ont un réel impact sur la composition politique des assemblées et sur les systèmes d'alliances des partis politiques, les modes de scrutin n'influencent jamais directement la structuration des systèmes partisans. Quant à la répartition des votes, cette influence est souvent trop faible pour être déterminante. Comme l'a justement affirmé Pierre Martin[90], "les modes de scrutins peuvent fabriquer des majorités parlementaires, pas des systèmes partisans", allant ainsi à l'encontre de l'opinion de nombreux défenseurs des systèmes majoritaires.

D'après Arend Lijphart[91], il est plus exact de parler de correspondances entre les systèmes partisans et les systèmes électoraux, plutôt que d'affirmer que les seconds conditionnent les premiers. Par exemple, le scrutin majoritaire uninominal à un tour correspond souvent à des systèmes bipartisans, tandis que les systèmes majoritaires à préférences multiples ordonnées ou à deux tours font intervenir le jeu des alliances entre les partis, correspondant donc plutôt à des systèmes bipolarisés. Dans le premier cas, les alliances électorales prennent la forme de répartitions de candidats de différents partis, membres d'une même alliance, dans différentes circonscriptions. Dans le second cas, des accords de désistements entre candidats membres de partis alliés sont passés entre les deux tours, en plus du système de répartition de circonscriptions dès le premier tour[92]. Les systèmes proportionnels, bien moins contraignants, amènent les différents partis politiques, même s'ils sont alliés, à se présenter séparément devant les électeurs (exception faite du système de Hare)[93]. Les exemples illustrés ci-contre permettent de valider cette analyse tout en y apportant une contradiction avec l'exemple espagnol.

L'impact des systèmes électoraux sur la stabilité d'un système politique donné ne va pas non plus de soi. Les scrutins majoritaires allant forcément de paire avec la stabilité gouvernementale et les scrutins proportionnels allant systématiquement dans le sens inverse est un raisonnement faux qui a déjà été contredit par l'histoire d'innombrables fois. La stabilité ministérielle dépend bien plus de la structuration idéologique du système partisan et de certaines règles du parlementarisme, comme le montrent particulièrement bien les exemples français et italiens[90]. À la fin de la Troisième République française, l'instabilité ministérielle était devenue la règle, alors que les députés étaient tous élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours (exception faite de courtes périodes au cours desquelles ont été utilisés des systèmes mixtes, comme en 1919). La situation était en tous points comparable à celle de la Quatrième République qui lui succèdera, alors que les membres de l'Assemblée nationale étaient élus à la représentation proportionnelle puis via un système mixte à partir de 1951. Le mode de scrutin n'a donc en aucun cas était un facteur déterminant de l'inefficacité de ces régimes. Ceux qui accusent la proportionnelle d'avoir causé la chute de la Quatrième République ferraient bien de prendre en compte le fait qu'à l'époque, le Parti communiste français était le premier parti de France... Une majorité absolue de députés communistes aurait elle fait concensus au sein de la population ? Il est permit d'en douter.

En revanche, il est important de noter, comme le souligne Pierre Martin[93], que les systèmes majoritaires correspondent à des systèmes politiques valorisant la concurrence et l'affrontement, tandis que les systèmes proportionnels correspondent plutôt à des systèmes politiques valorisant la coopération, sans pour autant être incompatibles avec des systèmes politiques bipolarisés (Suède, Danemark). À titre d'exemple, le choix de la représentation proportionnelle par l'Afrique du sud à partir de 1994 correspondait à un souhait de formation d'un gouvernement d'union nationale. Au sortir de l'apartheid, ce pays avait besoin d'un système favorisant la coopération plutôt que le conflit.

[modifier] Théorème d'impossibilité

Icône de détail Article détaillé : Théorème d'impossibilité d'Arrow.

Il est impossible de dire que tel ou tel système de vote est LE système parfait, car certaines des caractéristiques, qui font qu'un système est bon, sont contradictoires. Si, par exemple, un candidat est extrêmement apprécié par la majorité des électeurs, mais aussi extrêmement haï par les autres ; cela fait-il de lui un meilleur ou un pire candidat que celui qui serait modérément apprécié par tous ? Les systèmes de vote ont chacun une vision différente de ce type de problèmes.

Kenneth Arrow en 2004
Kenneth Arrow en 2004

Kenneth Arrow a reçu le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel en 1972 pour avoir démontré, dans sa thèse de 1951, l'impossibilité de transformer des préférences individuelles en choix collectif sans violer au moins une des conditions suivantes[94]  :

  • Le système de vote doit toujours aboutir.
  • Toutes les éventualités doivent pouvoir se réaliser.
  • Pas de dictature : le système ne doit pas tenir compte des choix d'un individu au détriment des autres.
  • Si un votant améliore le rang d'une option, cela ne doit jamais la désavantager.
  • Ôter un candidat (autre qu'un gagnant) ne doit pas changer le résultat du vote.

En fait, tous les différents systèmes violent de différentes façons ces conditions. Beaucoup trouvent que la méthode Condorcet reste suffisamment bonne, car elle ne viole que de façon mineure un critère parmi les moins importants.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

Scrutins visant à l’approbation ou au rejet d’une option prédéterminée : Ce type de scrutin doit, pour fonctionner, être combiné à une procédure pour construire et sélectionner l'option à soumettre. Cela le fait parfois considérer comme moins démocratique, en raison des contraintes pesant sur le choix.

Théoriciens des systèmes de vote :

[modifier] Bibliographie

Ouvrages traitant des systèmes électoraux :

Ouvrages traitant des relations entre les systèmes électoraux et d'autres facteurs :

  • (fr) Maurice Duverger (dir), L'influence des systèmes électoraux sur la vie politique, Armand Colin, 1950. Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • (fr) A. Laurent, P. Delfosse, A-P. Frognier (dir), Les systèmes électoraux, permanences et innovations, L'Harmattan, Collection "Logiques politiques", 2004. (ISBN 2-7475-6433-9) Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • (en) Kenneth Arrow (1951, 2nd ed., 1963), Social Choice and Individual Values. New Haven: Yale University Press. (ISBN 0-300-01364-7)
  • (en) Josep M. ed. Colomer (2004). Handbook of Electoral System Choice. London and New York: Palgrave-Macmillan.  (ISBN 1-4039-0454-5)

Ouvrages abordant la question des systèmes électoraux mais traitant un sujet plus vaste :

  • (fr) Jean-Louis Boursin, Les dés et les urnes, les calculs de la démocratie, Seuil, 1990, réédité en 2004.
  • (fr) Maurice Duverger, Les partis politiques, Armand Colin, 1981. (ISBN 2-02-018377-3) Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • (fr) Georges Lavau, Partis politiques et réalités sociales, Armand Colin, 1953. Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • (fr) Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, 3e édition, Montchrestien, Collection "Focus droit", 2006. (ISBN 2-7076-1409-2) (pages 239 à 256) Cet ouvrage a été utilisé pour la rédaction de cet article
  • (fr) Dominique Chagnollaud, Droit constitutionnel contemporain, Tome 1, Dalloz, 2007.
  • (fr) Marcel Prélot, Institutions politiques et droit constitutionnel, Dalloz, 1987.
  • (fr) Adhémar Esmein, Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Panthéon-Assas, Collection "Les introuvables", réédité en 2001. (ISBN 2-913397-25-5)
  • (fr) Georges Burdeau, Traité de science politique, t. IV : Les régimes politiques, LGDJ, 1952.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. LeMonde.fr : Système de vote : Varsovie insiste pour modifier le traité européen
  2. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 16
  3. ab Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 17
  4. Betapolitique.fr, Nicolas Sarkozy pour le droit de vote des étrangers français
  5. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, p. 21
  6. Le 5 décembre 1982, le ministre de l'Intérieur répond à un sénateur défendant le vote obligatoire : « quiconque possède un droit, possède aussi celui de ne pas l'exercer » (P. Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, p. 22)
  7. Les États-Unis dérogent à ces deux règles : les électeurs des différents États fédérés élisent de grands électeurs, qui se chargeront de choisir un "couple" présidentiel (président et vice-président) : l'élection présidentielle a donc lieu dans le cadre de circonscriptions pour élire deux personnes en même temps. Mais le vocabulaire reste malgré tout le même puisque, in fine, l'élection a pour but de désigner un président (le vice-président n'ayant aucun pouvoir)
  8. ab Bertrand Pauvert, Élections et modes de scrutin, deuxième édition, p. 27
  9. Selon G. Burdeau, le scrutin majoritaire favorise « les larges mouvements d'opinion et assoit ce qui deviendra volonté dirigeante dans les assemblées et les conseils gouvernementaux sur une assise électorale large et sans équivoque »
  10. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 127
  11. Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, 3e édition, p. 243
  12. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 128
  13. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, p. 46
  14. Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, 3e édition, p. 244
  15. Pierre Martin, Systèmes électoraux et modes de scrutin, 3e édition, p. 55
  16. Pierre Martin, Systèmes électoraux et modes de scrutin, 3e édition, p. 56
  17. Pascal Jan, Droit de suffrage et modes de scrutin, 2008, p. 23
  18. abcd Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 35
  19. Pierre Martin, Systèmes électoraux et modes de scrutin, 3e édition, p. 57
  20. Ou, inversement, plus le nombre de circonscriptions est important, plus l'amplification de la victoire en sièges du parti dominant est forte
  21. Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, 3e édition, p. 245
  22. abc Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 58
  23. Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 113
  24. Voir l'article "Composition de l'Assemblée nationale française par législature"
  25. André Blais in Les systèmes électoraux : permanences et innovations, p. 66 et 67
  26. "un pays étant considéré comme démocratique s'il obtient un score de 1 ou de 2 sur la question des droits politiques tels qu'évalués par Freedom House" ; André Blais in Les systèmes électoraux : permanences et innovations, p. 61
  27. Maurice Duverger, Les partis politiques, p. 247 à 269 : "le scrutin majoritaire à un tour tend au dualisme des partis [...] tandis que le scrutin majoritaire à deux tours ou la représentation proportionnelle tendent au multipartisme"
  28. Bertrand Pauvert, Élections et modes de scrutin, deuxième édition, p. 30
  29. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 62
  30. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 64
  31. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 82
  32. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 83
  33. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 67
  34. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 68
  35. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 73
  36. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 75
  37. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 75
  38. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 81
  39. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 79
  40. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 80
  41. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 91
  42. Thanassis Diamantopoulos, Les systèmes électoraux aux présidentielles et aux législatives, p. 98 à 101
  43. Thanassis Diamantopoulos in Les systèmes électoraux, permanences et innovations, p. 71 à 90
  44. Selon Stengers, « l’idée-force est qu’il y a là, politiquement, un déni de justice. Injustice foncière, dit-on, puisque les minorités sont privées de toute représentation – au point que, dans nombre de cas, elles renoncent même à lutter ».
  45. Fondation pour l'innovation politique, Etude Plus de proportionnelle pour mieux représenter la societé civile ?, février 2007, première partie
  46. Dans le cas des nazis en Allemagne, il est toutefois très important de retenir qu'à partir du moment où le Parti national-socialiste est devenu la première force politique du pays, la proportionnelle l'a empêché d'investir une majorité absolue de sièges au Reichstag. Cela a grandement compliqué la tâche d'Hitler, qui aurait sans doute conquis le pouvoir beaucoup plus rapidement si un mode de scrutin lui permettant de devenir directement majoritaire au parlement dès les élections de juillet 1932 avait alors été en vigueur
  47. André Blais in Les systèmes électoraux : permanences et innovations, p. 57
  48. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 132
  49. Voir l'article Partis politiques turcs
  50. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 83
  51. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 84
  52. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 93
  53. Bertrand Pauvert, Élections et modes de scrutin, deuxième édition, p. 37
  54. Bertrand Pauvert, Élections et modes de scrutin, deuxième édition, p. 36
  55. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 110
  56. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 98
  57. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 99
  58. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 101
  59. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 102
  60. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 103
  61. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 104
  62. Bertrand Pauvert, "Élections et modes de scrutin", deuxième édition, p. 65
  63. Pierre Martin, Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 108
  64. (en) J. J. O'Connor and E. F. Robertson, The history of voting, The MacTutor History of Mathematics Archive
  65. (en) Miranda Mowbray and Dieter Gollmann, Electing the Doge of Venice: Analysis of a 13th Century Protocol
  66. (en) J. J. O'Connor and E. F. Robertson, The history of voting, The MacTutor History of Mathematics Archive
  67. (en) J. J. O'Connor and E. F. Robertson, Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat Condorcet, The MacTutor History of Mathematics Archive
  68. (en) G. Hägele and F. Pukelsheim, Llull's writings on electoral systems, Studia Lulliana, 2001, volume 3, pages 3 à 38
  69. (en) Joseph Malkevitch, Apportionment, AMS Feature Columns
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  71. (en) FairVote.org, Proportional Voting Around the World
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  73. (en) Bench & Bar of Minnesota, Municipal Voting System Reform: Overcoming the Legal Obstacles, Tony Anderson Solgård and Paul Landskroener
  74. (en) J. J. O'Connor and E. F. Robertson, The history of voting, The MacTutor History of Mathematics Archive
  75. (en) UNDP Promote Mobile Phone Voting, KBS Global, Retrieved on 28 septembre 2007
  76. ab Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 87
  77. abc Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 88-89
  78. (en) M. Gallaguer, Electoral studies 10 (1991), p. 38
  79. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 86
  80. Pierre Martin Les Systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 87
  81. Pierre Martin, "Les systèmes électoraux et les modes de scrutin", 3e édition, p. 112
  82. Exception faite de la Finlande, où le Parti du centre, parti dominant, s'allie soit aux conservateurs, soit aux sociaux-démocrates, en fonction de leur poids en voix, pour gouverner
  83. Même si, comme en Allemagne après les élections fédérales de 2005, l'irruption d'une nouvelle force politique au parlement peut entraîner la formation de grandes coalitions, qui annulent au moins partiellement la logique "majorité/opposition"
  84. ab Pierre Martin, "Les systèmes électoraux et les modes de scrutin", 3e édition, p. 133
  85. Pierre Martin, "Les systèmes électoraux et les modes de scrutin", 3e édition, p. 134, il est ici question des Libéraux autrichiens, qui, en s'alliant aux conservateurs en 1999, ont sonné le glas de la grande coalition entre ces derniers et les sociaux-démocrates et de l'UDC suisse, qui s'est peu à peut exclue du système politique suisse en adoptant des discours anti-immigration
  86. Pierre Martin, "Les systèmes électoraux et les modes de scrutin", 3e édition, p. 111
  87. Maurice Duverger, "Les partis politiques", 1951
  88. Georges Lavau, "Partis politiques et réalités sociales"
  89. Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 113
  90. ab Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 135
  91. (en)Arend Lijphart, Electoral systems and party systems, p. 141
  92. La France est sans doute l'exemple le plus frappant : à droite, l'UMP réserve quelques circonscriptions à l'UDF (puis au NC), et des accords de désistements ont lieu entre les deux tours. À gauche, le PS apporte son soutiens à des candidats du PRG, des verts ou du MRC dès le premier tour, puis passe des accords de désistements entre les deux tours avec ces différents partis ainsi qu'avec le PCF dans les autres circonscriptions
  93. ab Pierre Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e édition, p. 136
  94. (en) Kenneth J. Arrow, The Sveriges Riksbank Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel 1972