Syphilis

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le tréponème pâle, agent de la syphilis.
Le tréponème pâle, agent de la syphilis.

La syphilis (vulgairement appelée vérole, ou mal napolitain) est une maladie vénérienne, infectieuse et contagieuse, due au tréponème pâle. Elle se manifeste par un chancre initial et par des atteintes viscérales et nerveuses tardives, certaines manifestations survenant plusieurs années après.

Le tréponème pâle a été identifié par Fritz Schaudinn et Erich Hoffman à Berlin en 1905.

Sommaire

[modifier] Appellations

Les différentes appellations du nom en Europe montrent bien le cheminement de la progression de la première épidémie.

  • Mal de Naples ou mal napolitain (pour les Français)
  • Mal français (pour les Italiens, les Espagnols, les Allemands, les Polonais et les Anglais)
  • Mal espagnol (pour les Portugais et les Hollandais)
  • Mal anglais (pour les Écossais)
  • Mal allemand (pour les Polonais)
  • Mal polonais (pour les Russes)
  • Las bubas
  • Maladie de Cupidon

Spécificité (terme médical) :

  • Grande (ou « grosse ») vérole (la petite vérole étant la variole)
  • Tabès est l'atteinte de la moelle épinière

[modifier] Histoire

Poster du gouvernement américain pronant un traitement rapide de la syphilis.
Poster du gouvernement américain pronant un traitement rapide de la syphilis.

Les origines de la syphilis ne sont pas connues. Pendant longtemps, la théorie qui a prévalu était que la maladie avait été apportée du Nouveau Monde dans l'Ancien à l'occasion du premier voyage de Christophe Colomb. Cette théorie semble aujourd'hui remise en question. En 1963, Hackett propose une théorie selon laquelle, le tréponème pâle provient d'un autre tréponème, le Treponema caracteum ayant également engendré le Treponema pallidum sub species endemicum également nommé béjel.

Toutefois, Hippocrate semble avoir fait la description de la forme tertiaire de la maladie. Des recherches archéologiques semblent indiquer que la maladie était présente dans la ville grecque de Métaponte en Italie au VIe siècle av. J.-C. De plus, la découverte à Pompéi de dents présentant des cannelures, déformations caractéristiques d'enfants infectés durant la grossesse par leur mère atteinte de la maladie, paraît confirmer cette antériorité.

Cependant, la preuve la plus marquante de la présence de la syphilis dans l'Europe médiévale a été trouvée lors des fouilles du monastère augustinien datant du XIIIe siècle et XIVe siècle dans le port de Kingston-upon-Hull au nord-est de l'Angleterre.

À cette époque, Kingston-upon-Hull était le deuxième port le plus important d'Angleterre après Londres et une ville portuaire à vocation internationale. Son monastère, comme beaucoup d'autres, fut détruit sur ordre d'Henri VIII en 1539, suite à la réforme anglicane.

Les deux tiers des squelettes mis à jour au cours des fouilles présentent des déformations osseuses typiques du troisième stade de la maladie. On découvre ces marques caractéristiques en particulier sur les squelettes inhumés au plus près de l'autel, ce qui signifie que les riches donateurs du monastère, les membres de la classe privilégiée de Kingston-upon-Hull, étaient parmi les personnes touchées par la maladie. La datation au carbone (aujourd'hui controversée) confirmerait que ces squelettes ont été enterrés pendant la période active du monastère, ce qui s'accorde difficilement avec la théorie américaine[1].

Avant ces découvertes récentes, on considérait que la syphilis avait fait son apparition en 1494 à Naples et qu'elle y avait été apportée par des marins espagnols de l'équipage de Christophe Colomb qui participaient à une campagne militaire de Charles VIII.

Une publication de début 2008 redonne un fort crédit à l'hypothèse de l'origine américaine [1]. Elle se base sur l'étude génétique de différentes souches de sous-espèces de Treponema pallidum. Il semblerait que le plus proche « parent » de Trepomnema pallidum sous-espèce pallidum (T. pallidum pallidum) (agent de la syphilis) soit la souche américaine de Treponema pallidum sous-espèce pertenue (T. pallidum pertenue) (agent d'une tréponématose cutanée, le pian ou yaws, transmissible par simple contact cutané, donc non vénérien). L'explication retenue par les auteurs serait que T. pallidum pertenue serait liée à l'espèce humaine depuis l'apparition même de l'homme (des tréponèmes simiens sont très proches de cette souche). Cette sous-espèce aurait migré avec l'homme à travers le monde et aurait présenté quelques mutations. Les compagnons de Christophe Colomb auraient rapporté cette souche en Europe et, lors de ce transfert sur un hôte nouveau, pour une raison inconnue, une dernière mutation aurait transformé son pouvoir pathogène et son mode de transmission et, ainsi, aurait produit T. pallidum pallidum, agent de la syphilis.

Si on considère que le pian peut entrainer des lésions osseuses avec déformations, ce nouvel apport n'est pas forcément en contradiction avec les précédentes constatations.

Selon les pays, elle est appelée « mal de Naples », « mal des Anglais », « mal des Français ». Personne ne veut en revendiquer la paternité. Elle n'épargne pas leurs royales altesses François Ier et Charles Quint.

Le nom de syphilis est utilisé pour la première fois par Girolamo Fracastoro en 1530 dans son œuvre « Syphilis sive de morbo gallico », où il décrit l'histoire allégorique d'un berger nommé Syphilus qui aurait été le premier à contracter la maladie pour avoir mis en colère les dieux.

Ce n'est qu'au XIXe siècle que l'affection sera reconnue cliniquement et bien définie dans sa symptomatologie. Avant 1870, rien du contenu des écrits médicaux ne donne une image angoissante de la syphilis. Elle pose un grave problème de santé publique associée à la propagation vénérienne habituelle. Les traitements à base de mercure sont largement diffusés mais les médecins ont souvent des difficultés à convaincre leurs patients de traiter cette maladie peu spectaculaire. Le mercure, remède pluricentenaire, et l'iodure de potassium semblaient capables à eux deux de régler toutes les situations. En fait, le mercure tuait autant que la syphilis elle-même.

La syphilis était une maladie grave pouvant entrainer la mort avant la découverte des antibiotiques. Depuis leurs découvertes, elle se guérit facilement avec ce type de médicaments. Depuis 1999, la syphilis est en recrudescence en France et dans la plupart des pays, mais elle peut être associée à l'infection par le VIH [2].

Comme pour le VIH, le préservatif ou la connaissance du statut sérologique de son partenaire stable sont les meilleurs moyens de s'en protéger.

[modifier] Épidémiologie

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS)[réf. nécessaire], on aurait dénombré, en 1995, quelques 12 millions de nouveaux cas de syphilis dans la population adulte mondiale. Le plus grand nombre de cas répertoriés sont situés en Asie du Sud et du Sud-Est, suivie par l'Afrique subsaharienne.

[modifier] France France

Selon une enquête[3],[4] de l'Institut de veille sanitaire (InVS), la syphilis est en recrudescence en France depuis les années 2000. Dans ce contexte, le ministère délégué à la Santé a décidé de mettre en place une stratégie de prévention sous forme d'actions de communication et d'actions ciblées vers les populations à risque.

Nombres de cas de syphilis en France, 2000-2006
année nombre de cas
2000 37
2001 207
2002 417
2003 448
2004 403
2005 329
2006 455

[modifier] États-Unis États-Unis

La séroprévalence de la syphilis augmente depuis quelques années dans les grandes villes des États-Unis[réf. nécessaire].

[modifier] Transmission, stades et traitement de la maladie

La syphilis se transmet par des rapports sexuels non protégés (vaginal, anal et bucco génital), par voie sanguine (transfusion ou rarement usage de matériel souillé) et pendant la grossesse, de la mère à l'enfant.

Incubation de 3 semaines à 1 mois.

[modifier] Syphilis primaire

Elle n'a pas toujours de signes apparents, et lorsqu'ils existent, ils n'apparaissent en général que 3 semaines après la contamination. Il s'agit d'une lésion caractéristique des muqueuses appelée le chancre d'inoculation (petite plaie rosée, creuse, atone, à fond induré, à l'aspect cartonné au toucher, et indolore) : il correspond au point d'entrée de la bactérie. Cette ulcération généralement unique, se retrouve au niveau du fourreau de la verge, sur le gland, dans l'urètre (invisible), au niveau du col cervical, du vagin, de la vulve. D'autres localisations sont possibles, anus, amygdales (ce qui fait penser à une angine), lèvres, langue...etc. Cette lésion s'accompagne d'une adénopathie importante, entouré de plusieurs autres plus petites dans la région de drainage lymphatique du chancre. (Préfet de l'aine est le qualificatif pour le plus gros ganglion de l'aine). Ces adénophathies sont légèrement inflammatoires et indolores.

Attention, chez la femme, la lésion peut être intra-vaginale et donc ne pas se voir.

Les lésions syphilitiques sont toutes extrêmement contagieuses. Le prélèvement à la recherche de la bactérie en est donc facilité.

[modifier] Syphilis secondaire

Vaginal syphilis (disturbing image).jpg
Attention, cette image peut choquer
Cas de syphilis secondaire de la vulve


Elle apparaît trois à dix semaines après le chancre. Il s'agit de la généralisation du tréponème par voie sanguine. Elle s'accompagne d'éruptions multiples sur la peau et/ou sur les muqueuses sans démangeaison: c'est la roséole (petites taches rose pâle sur la peau et rouge sur les muqueuses du gland, de l'anus, de la gorge, de la langue, des lèvres). Ces lésions peuvent se voir sur les paumes et la plante des pieds, mais encore sur le torse ou le dos, ce qui est assez rare pour une éruption dermatologique. Les signes visibles peuvent disparaître même sans traitement, mais la syphilis reste présente dans l'organisme et transmissible. C'est de loin la forme la plus contagieuse car un simple contact d'une peau syphilitique contre une peau ayant une forme de lésion quelconque (grattage, coupure, brûlure ou autre forme de plaies) suffit à être contaminant.

[modifier] Syphilis latente

Il s’agit de la persistance du tréponème dans certains sites (œil, cerveau, aorte…). C’est une période asymptomatique qui est souvent décelée à l'occasion d'un examen sérologique de routine (prénuptial, prénatal, d'embauche…).

[modifier] Syphilis tertiaire

Elle s'aggrave sérieusement sans traitement par des atteintes cardio-vasculaires, nerveuses (en particulier céphalées intenses et dysarthrie), articulaires. Elle touche tous les organes de manière générale, et même soignée à temps et donc non contaminante après traitement, elle peut entraîner des signes secondaires comme les brûlures gastriques du tabès. Des épisodes parétiques transitoires sont caractéristiques (aphasie, hémiplégie, hémiparésie etc.) Elle augmente également sérieusement le risque de transmission du VIH et elle se complique chez les personnes séropositives par une évolution plus rapide et des complications neurologiques plus fréquentes. La syphilis neurologique commence donc dès la phase tertiaire.

[modifier] Syphilis quaternaire

Sans traitement, de 8% à 10% des personnes atteintes éprouvent des troubles neurologiques importants dix à vingt ans après le début de la maladie (voir Neurosyphilis). Un quart des patients non traités sont victime d'une méningo-encéphalite (Syphilis cerebrospinalis) qui aboutit à la démence (avec quelquefois une augmentation transitoire des capacités mentales et cognitives des individus contaminés). Des changements extraordinaires dans la sensibilité ou le psychisme ont été décrits au cours de cette phase, mais ils ne sont pas systématiques. L'augmentation excessive de la libido et différentes sortes d'hallucinations ont été rapportées. Les malades peuvent aussi présenter une ataxie locomotrice, dite tabes syphilitique par destruction progressive des racines postérieures ou une dégénérescence des cordons postérieurs de la moelle épinière qui s'accompagne de douleurs invalidantes avec dysfonctionnements et de pertes de contrôle de la vessie et des intestins. L'évolution se fait vers la paralysie générale. Par ailleurs des troubles de la circulation ou des dommages au squelette sont fréquents. Dans les pays occidentaux ce n'est que rarement que nous observons une telle évolution car les antibiotiques permettent une thérapie suffisante.

Moins souvent, la syphilis peut atteindre le cœur et les gros vaisseaux (Aorte par exemple) entraînant une insuffisance cardiaque qui peut être mortelle. Les atteintes ostéo articulaires avec des dommages au squelette sont fréquents avec fractures spontanées et maux perforants plantaires.

[modifier] Syphilis congénitale

Touchant les enfants pendant le 2e et 3e trimestre de la grossesse, si la mère présente une syphilis primaire ou secondaire, elle peut être fulminante et entraîner la mort du nouveau-né ou se transformer en syphilis latente et entraîner des malformations acquises congénitalement et après la naissance.

[modifier] Méthodes diagnostiques

  • Examen direct au microscope sur fond noir : Tréponème facilement identifiable
  • Dépistage par une prise de sang (sérologies syphilitiques)

[modifier] Traitement

C’est la pénicilline parentérale qui représente le traitement de choix de la syphilis à tous ses stades. Cependant pour la syphilis précoce (primo-secondaire), l’OMS conseille ce protocole : injection en intra musculaire de benzathine pénicilline (extencilline), en cas d’allergie les cyclines peuvent être justifiées sauf pour les enfants et les femmes enceintes. Pour la syphilis tardive, l'extencilline est recommandée, il est à noter que les cyclines ou l’érythromycine peuvent se substituer à elles en cas d’allergie. Pour une neurosyphilis, syphilis chez un immunodéprimé (SIDA) la pénicilline G en intraveineuse est recommandée. En cas de diagnostic de syphilis, il est important que le ou les partenaires du patient (contemporain(s) ou ancien(s)) soient pris en charge par un médecin pour qu'un dépistage soient fait et qu'ils soient traités s'ils sont positifs.

[modifier] Cas célèbres d'infection

[modifier] Bibliographie

  • La Méthode Curatoire de la maladie venerienne vulgairement appelée grosse Vérole et de la diversité de ses symptômes. Arnoul L'Angelier. 1552, Paris, Nicolas Pepingué, 1660
    • C'est le premier ouvrage français sur la syphilis, écrit par Thierry de Héry

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Hull City Council : Home
  2. (fr) Recrudescence Syphilis, 14 novembre 2002, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Consulté le 28 février 2008
  3. Actualités épidémiologiques sur le VIH, le sida et les IST
  4. Epidémiologie des infections sexuellement transmissibles (IST) en France