Siège de Paris (1870)

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Siège de Paris

Le siège de Paris par Jean-Louis-Ernest Meissonier (1815 - 1891)
Informations générales
Date septembre 1870
Lieu Paris, France
Issue Capitulation française
Belligérants
Prusse France
Commandants
Forces en présence
240 000 soldats 200 000 soldats
200 000 miliciens et marins
Pertes
12 000 24 000 tués ou blessés
146 000 capturés
47 000 civils
Guerre franco-prussienne
WissembourgForbach-SpicherenWœrthBorny-ColombeyStrasbourgMars-la-TourGravelotteMetzBeaumontNoisevilleSedanBellevueChâteaudunBouvet et Météor (navale)CoulmiersAmiensBeaune-la-RolandeOrléansl'HallueBapaumeVillersexelLe MansLizaineDijon - St-QuentinBuzenvalParisBelfort

Le Siège de Paris est un épisode de la guerre franco-allemande de 1870-71.

Sommaire

[modifier] Le contexte

Avec la capitulation de Sedan, les armées prussiennes et leurs alliés déferlent sur le Nord de la France et vont mettre le siège devant Paris. Dans la capitale, la nouvelle parvient dans l'après-midi du 3 septembre. Lors de la séance de nuit, Jules Favre présente une motion prononçant la déchéance de Napoléon III. La décision est remise au lendemain. Le 4 septembre, la foule et la Garde nationale envahissent le Palais Bourbon et réclament la déchéance de la dynastie. Alors que l'impératrice Eugénie et le comte de Palikao prennent le chemin de l'exil, Jules Favre entraîne les députés de tendance républicaine à l'Hôtel de Ville et instaure un gouvernement de la Défense nationale. Le général Jules Trochu, gouverneur de Paris en est porté à la présidence et donne la caution de l'armée au mouvement par lequel les républicains bourgeois prennent de court les révolutionnaires (les rouges).

Les proclamations officielles[1] de Trochu et Favre vont dans le sens d'une résistance à outrance contre l'envahisseur. Trochu a choisi de faire rentrer dans la capitale l'armée de 40 000 hommes de Vinoy sur des considérations peut-être plus politiques que militaires[2]. Pendant les semaines qui suivent la proclamation de la République, les troupes prussiennes et alliés continuent donc leur avancée sur le territoire sans grande opposition. Le gouvernement ayant choisi de rester dans Paris, une délégation est envoyé à Tours pour coordonner l'action en province sous les ordres d'Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, accompagné par Glais-Bizoin et l'amiral Fourichon. Le 15 septembre, Adolphe Thiers est mandaté et envoyé en mission auprès des capitales européennes pour rechercher des appuis dans l'espoir, qui s'avèrera vain, de peser sur les exigences prussiennes.

[modifier] L'encerclement

[modifier] Premiers contacts

Alors que Jules Favre a demandé une entrevue avec Otto von Bismarck, entrevue qui se déroule le 19 et 20 septembre à Ferrières[3], Ducrot convainc un Trochu sceptique de reprendre la redoute de Châtillon aux Prussiens. Les moyens engagés sont insuffisants et Ducrot doit se replier dans l'après-midi du 19 sur l'ordre formel de Trochu. Ce double événement montre déjà une certaine duplicité de la part du gouvernement.

[modifier] Les forces en présence

"La Guerre : Défense de Paris - Des étudiants se rendant aux barricades (Illustrated London News, 1er Octobre 1870)
"La Guerre : Défense de Paris - Des étudiants se rendant aux barricades (Illustrated London News, 1er Octobre 1870)

Bismarck et Moltke ont décidé d'éviter d'exposer leurs troupes dans un combat de rues. Ils comptent sur la lassitude et la faim pour obtenir la capitulation de Paris. Ils se contentent donc de repousser toutes tentatives de percées.

Dans un rayon de 10 kilomètres autour de la capitale, les Allemands installent leurs cantonnements mais prudemment, ils ne lancent pas l’attaque attendue par les Parisiens. Manipulés par les Prussiens et démoralisés par l’inaction, les Parisiens ne tentent que quelques sorties contre les Prussiens qui se soldent par des échecs et de lourdes pertes humaines.

Le commandement allemand s'est installé à Versailles. Au début, les allemands disposent de 150 000 hommes, mais ce chiffre progresse au fur et à mesure de la libération des troupes de siège (Metz, Toul, Strasbourg) pour atteindre 400 000 hommes. L'acheminement de l'artillerie lourde ne commence que fin novembre, une fois contrôlés les axes ferroviaires.

Côté français, Paris compte sur 80 000 soldats de l'armée de ligne (13e et 14e corps), de 14 000 marins et 20 000 des corps spéciaux (train, gendarmerie, douaniers...). L'artillerie sur les fortifications avaient été renforcées par le déplacement avant le siège de canons venus des arsenaux et des côtes. La garde nationale mobile, essentiellement levée dans les départements, comprend 100 000 hommes mal encadrés et peu exercés. La garde nationale sédentaire s'élèvera jusqu'à 300 000 hommes, parisiens (bourgeois et ouvriers) hâtivement armés, sans discipline et élisant ses propres officiers. Il faut également noter quelques groupes de francs-tireurs qui interviennent en avant de la ligne de forts. Il y a au total, en permanence, plus de 400 000 hommes disponibles pour défendre Paris, mais moins d'un quart d'entre eux ont une formation militaire.

[modifier] Actions militaires et négociations

  • 17 au 19 septembre : première bataille de Châtillon, l'encerclement de Paris.
L'armée prussienne arrivant de Charleville-Mézières avance vers Paris en deux colonnes, l'une arrive par la Brie et traverse la Seine à Villeneuve-Saint-Georges et Corbeil, l'autre arrive par Écouen et Pontoise.
Le 17 septembre, premiers combats à Montmesly entre les troupes de la défense nationale et l'avant-garde de la IIIe armée allemande. On signale un peu partout la présence des uhlans autour de Paris.
Le 18 septembre au soir, Versailles est encerclée, puis investie le 19 au petit matin. L'état-major s'installe au château l'après-midi[4]. De fait, l'encerclement de Paris se réalise durant la journée de dimanche 18 septembre. Les derniers moyens de communication entre Paris et la province sont interrompues au cours de l'après-midi du 18 septembre.
Le 19 septembre, les troupes françaises tentent d'éviter l'enfermement et de conserver les ouvrages défensifs de Clamart et Châtillon. Sous le commandement du Général Ducrot, 45 000 hommes se déploient en deux ailes, d'un coté entre Bagneux et Montrouge, et de l'autre dans les bois de Clamart et de Meudon, centrées sur la redoute de Châtillon. L'aile gauche recule, abandonne Bagneux sous les attaques des troupes bavaroises. Puis l'après-midi, les allemands pilonnent la route de Châtillon et la redoute fortifiée, la place devient vite intenable. La retraite est sonnée, les hommes se replient dans Paris, en courant pour certains. La prise de cette position par les allemands est un échec pour la défense française, et surtout c'est un point stratégique qui tombe aux mains des allemands qui leur permettra de bombarder Paris en décembre 1870 et janvier 1871.
L'encerclement de Paris et des forts extérieurs est terminé le soir du 19 septembre, après cette première « bataille de Châtillon ». Les armées ennemies se tiennent à distance dans un rayon de 10 à 12 kilomètres et s'étirent en un long cordon d'une centaine de kilomètres. C'est le premier jour du « Siège de Paris ».
  • 22 septembre : le plateau de Villejuif est repris, et conservé malgré une replique à l'artillerie des allemands.
  • 30 septembre : reconnaissance vers Chevilly et Thiais, malgré une avance sans engagement des réserves, la retraite est sonné avant l'arrivée des renforts allemands.
  • 7 octobre : Léon Gambetta quitte Paris à bord du ballon L'Armand Barbès
  • 9 octobre : combats de Malmaison et Chevilly
  • 13 octobre : deuxième bataille de Châtillon (offensive entre Clamart et Bagneux pour reprendre le plateau de Clamart) : combats de Fontenay-aux-Roses et Clamart, les maisons de Châtillon sont reprises une à une. Malgrè le succès et les faibles pertes coté français, la retraite est sonnée. Bombardement de Saint-Cloud par les canons du Mont-Valérien, tenu par les troupes républicaines, et incendie de la ville et du Château de Saint-Cloud suite à ce bombardement.[5]
  • 21 octobre : première bataille de Buzenval, tentative de percée, les troupes françaises atteignent Saint-Cucufa et La Malmaison, les allemands bousculés envisagent le retrait de l'état-major de Versailles. La contre-offensive prussienne fait reculer les troupes de la défense nationale, la retraite est sonnée. Le 22 octobre, les habitants du village de Buzenval sont mis à l'amende, 18 d'entre-eux sont traduits en conseil de guerre pour avoir aidé les troupes françaises, deux seront déportés en allemagne, trois autres seront fusillés devant les habitants. Le village est évacué immédiatement après par les allemands.
  • 28/30 octobre : première bataille du Bourget, après un succès, les troupes françaises se trouvent prises au piège dans le village du Bourget qui sera repris maison par maison par les troupes prussiennes, le dernier carré français replié dans l'église se rend vers 11h30 le 30 octobre, faute de munitions.
  • 30 octobre : retour d'Adolphe Thiers à Paris avec un sauf-conduit prussien - discussion avec le gouvernement sur les modalités d'un armistice

* 31 octobre : journée révolutionnaire.

Icône de détail Article détaillé : Soulèvement du 31 octobre 1870.
  • 3 novembre : plébiscite en faveur du gouvernement
  • 5 novembre : élections des maires des 20 arrondissements
  • 30 nov/3 décembre : la grande sortie - ou Bataille de Champigny : tentative de percée par Champigny vers l'Est dans la boucle de la Marne dans l'espoir de rejoindre l'armée de la Loire qui devait marcher sur Fontainebleau.
L'offensive est menée en direction du plateau d'Avron dans la boucle de la Marne par le général Ducrot. Le lendemain 1er décembre, Ducrot demande une suspension d'armes, à la grande surprise des prussiens alors bousculés. Ce contretemps permet à ces derniers d'obtenir les renforts nécessaires pour passer à la contre-offensive le 2 décembre.
Bataille de Champigny, le four à chaux (détail), tableau d'Alphonse de Neuville
Bataille de Champigny, le four à chaux (détail), tableau d'Alphonse de Neuville
  • 21 décembre : combats de Stains - deuxième bataille du Bourget : Entrepris par le général Ducrot, l'offensive est stoppée dès le lendemain[6]
  • 27 décembre : la ville est bombardée systématiquement, jusqu'en janvier, à partir du plateau de Châtillon, d'où les allemands ajustent leur tirs à partir de la « Tour Biret ».
  • 5 janvier : premiers obus allemands sur la capitale. Les forts de Montrouge de Vanves et d'Issy sont pratiquement détruits, la ville elle-même est très touchée au nieau de la Porte Maillot, ainsi qu'entre la porte d'Orléans et la porte de Saint-Cloud.
  • 7 janvier : l'Affiche rouge où l'on reconnaît le style de Jules Vallès est placardée à l'initiative du Comité central des vingt arrondissements. Elle constitue un acte d'accusation contre l'inertie du gouvernement[7].
  • 19 janvier : dernières tentatives - seconde Bataille de Buzenval et Montretout (Rueil). Les troupes progresse à nouveaux jusqu'à Saint-Cucufa et Garches, la contre offensive détruira le village de Garche.

* 22 janvier : grande manifestation réprimée

Icône de détail Article détaillé : Soulèvement du 22 janvier 1871.
  • 26 janvier : convention armistice et cessez-le feu le soir même à 20h40

[modifier] Le quotidien

Coupée du reste du pays, la capitale va rapidement subir la rigueur exceptionnelle d’un hiver (pointes à -12° en décembre) que les bombardements allemands aggravent dès janvier 1871. Le rationnement des denrées est organisé avec retard, les queues s’allongent devant les commerces de bouche littéralement pris d’assaut. Les prix de la viande, des conserves, du pain et des denrées alimentaires flambent. On mange même du chat, du chien, des rats. Dans les restaurants de luxe, on sert de l’antilope, du chameau, de l’éléphant (les animaux du Jardin des plantes sont sacrifiés). Ces privations affectent surtout les classes populaires, déjà réduites à la misère par l’arrêt des activités économiques. Le taux de mortalité double en quelques mois (notamment suite aux affections pulmonaires dues au froid et à la malnutrition), mais il n'y aura pas de véritables épidémies; les cas de choléra resteront rares. Les clubs révolutionnaires se multiplient où l’on débat de la patrie en danger et où l’on fait revivre le souvenir de 1789-1793. Le 31 octobre et le 22 janvier de grandes manifestations éclatent demandant la Commune et la sortie en masse. Ces manifestations sont réprimées.

[modifier] Les communications

[modifier] Communications entre la province et Paris

On a utilisé, pour communiquer de l'extérieur vers la ville, des boules de Moulins (du nom de la ville de Moulins située loin des combats par où transitait ce type de courrier). On mettait des lettres dans une sphère en métal étanche qui suivant le courant de la Seine (aucune d'entres elles n'est arrivées durant le siège, on en a retrouvé quelques-unes ensuite, très peu, les dernières dans les années 1980.

Mais le moyen qui se révéla le plus sûr et le moins coûteux fut l'utilisation de pigeons-voyageurs. Les microfilms sur pellicule de collodion pouvaient comporter 40 000 messages[8]. Les allemands firent venir d'Allemagne des faucons pour combattre ces messagers volants. Des pigeons quittaient Paris avec les ballons montés et rejoingnaient la ville ensuite avec des messages.

[modifier] Communication entre Paris et l'extérieur

Pour les communications entre Paris et la province, on a eu recours à divers systèmes : Les ballons montés (voir plus bas) et des ballons de baudruche, auxquels on accrochait des messages, (ces derniers appelés de Gravilliers du nom de cette rue du 3e arrondissement d'où ils partaient.

Le transport des personnes s'effectuera au moyen de ballons montés. Le premier à décoller fut le « Neptune » le 24 septembre. Ils étaient rempli de gaz d'éclairage, et hautement inflammables. Certains arrivèrent en Norvège, en Allemagne ou tombèrent dans l'Atlantique, mais la plupart atterrirent en province. Pendant le siège, 65 ballons transportèrent 164 passagers, 381 pigeons, 5 chiens et environ 2 à 3 millions de lettres[9]. C'est le 7 octobre à 11 h que Léon Gambetta s'envola sur l'Armand Barbès. Il atterrit à 3 h de l'après-midi dans le bois de Favières (Oise), rejoint la délégation de Tours le 9 octobre par Montdidier et Rouen. Investi des pouvoirs du ministère de la guerre et de l'intérieur, il va y déployer une énergie peu commune à organiser les armées de province.

Voir aussi : Timbres de France 1870

[modifier] Fin du siège

Après la signature et le cessez-le-feu qui intervient le 26 janvier 1871 à 20h40, les préliminaires de paix se poursuivent en février. Les armées allemandes obtiendront de Thiers une occupation symbolique des Champs-Elysées du 1er au 3 mars. L'Assemblée nationale s'installe à Versailles pour éviter la pression de la garde mobile parisienne en état de quasi-insurrection. Enfin la journée du 18 mars entraîne l'instauration de la commune de Paris et le second siège mené par les armées régulières contre les insurgés.

Icône de détail Article détaillé : Commune de Paris (1871).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Trochu dira publiquement le 2 juin 1871 devant l'Assemblée nationale:L'esprit public était monté au comble de l'excitation et croyez bien que si, à ce moment là, le gouvernement se fut avisé de dire qu'il allait faire la paix et qu'il voulait la paix, il aurait été emporté en une heure
  2. Certains membres du gouvernement (Trochu, Favre) craignaient plus une insurrection populaire que les prussiens
  3. Le contenu de cette entrevue est restée secrète. Les mémoires ultérieurs de Favre et Bismarck sont contradictoires sur les objectifs de cet entretien: discussion sur les buts de guerre et les conditions d'un armistice ou négociation visant à obtenir l'accord des prussiens pour organiser des élections générales afin d'asseoir la légitimité du gouvernement provisoire. Certains membres, notamment Gambetta, sont tenu à l'écart de ces transactions
  4. Delerot, Émile (1834-1912), Versailles pendant l'occupation (consultable sur le site de la BNF)
  5. La terrasse du Château servait de point d'observation pour les prussiens, et le château contenait des munitions, ce bombardement était donc stratégique.
  6. Dans ses Mémoires le général Trochu avouera "la sortie de Stains n'était qu'un simulacre de grande bataille"
  7. C'est Victor Hugo qui qualifiera le général Trochu de participe passé du verbe trop choir
  8. cité dans La grande histoire de la Commune édition du centenaire - Robert Laffont 1970
  9. cité dans La grande histoire de la Commune édition du centenaire - Robert Laffont 1970

[modifier] Bibliographie complémentaire

  • Jacques-Henry Paradis, « Journal du siège de Paris, septembre 1870 - janvier 1871 », 1e édition : 1872, réedité par : éditions Tallandier, collection Texto (format poche), 2008, ISBN 978-2-84734-519-3 / Un riche témoignage d'un « bourgeois de Paris » comme il s'appelle lui-même, au jour le jour, des événements du siège.
  • Bernard Giovanangeli, et al. « 1870, Les soldats et leurs batailles », coédition : Bernard Giovanangeli éditeur, Ministère de la Défense, 2006, ISBN 2-909034-95-X
  • Jérôme Baconin, « Paris 1870-1871, l'année terrible », collection Mémoire en images, éditions Alan Sutton, 2007, ISBN 978-2-84910-705-8 / Un ouvrage illustré faisant une synthèse chronologique des événements du siège.
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