Ruben Um Nyobe

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Ruben Um Nyobe est un leader nationaliste camerounais et précurseur des indépendances en Afrique francophone né en 1913. Il participe à la création dans un bar de Douala denommé la Sierra le 10 avril 1948 de l'Union des populations du Cameroun, parti combattant pour l'indépendance. Suite au laxisme du premier sécrétaire général de ce parti nationaliste, Ruben Um Nyobè connu pour sa véhémence est propulsé à la tête du parti.Il va se caractériser par son franc-parler et ses nombreux écrits, il va s'opposer au pouvoir colonial français et réclamer selon ses termes "une indépendance totale et immédiate" suscitant alors une prise de conscience nationale et provoquant la décolonisation qui allait suivre en 1960 après lui. Véritable virtuose de son époque, il se rendra deux fois aux Nations unies grâce aux cotisations de pauvres paysans camerounais afin de plaider la cause du Cameroun. Il fut abattu par l'armée française le 13 septembre 1958 en pleine forêt où il se cachait, après que les troupes coloniales françaises l'eurent localisé, grâce à des indiscrétions de quelques "ralliés". Après de longs mois de traque infernale et fort meutrière contre tous ses partisans, tous tués ou capturés les uns après les autres, son campement fut localisé en début septembre 1958 par le capitaine Agostini, officier des renseignements et par M. Conan, inspecteur de la sûreté. Um Nyobe fut tué de plusieurs balles, tombant sur le bord d'un tronc d'arbre qu'il s'efforçait d'enjamber ; c'était près de son village natal, Boumnyebel, dans le département du Nyong-et-Kéllé dans une zone occupée par l'ethnie Bassa dont il était par ailleurs natif. Après l'avoir tué, les militaires traînèrent son cadavre dans la boue, jusqu'au village Liyong. Cela le défigura, sa peau, sa tête et son visage étant profondément déchirés. En travestissant à ce point sa dépouille, la force coloniale voulut "détruire l'individualité de son corps et le ramener à la masse informe et méconnaissble", affirme J.-A. Mbembe. C'est dans le même esprit, poursuit-il, qu'"on ne lui accorda qu'une tombe misérable et anonyme. Aucune épitaphe, aucun signalement particulier n'y furent inscrits. Puisqu'il fallait nier tout ce dont sa vie témoignait, en faisant un mort sans visage, rien ne devait subsister qui fît briller sur ce cadavre un dernier reflet de sa vie. Par la suite, et pour un comble, on l'enterra immergé dans un bloc massif de béton. L'Etat cherchait ainsi à brouiller définitivement les liens de Um avec le sol où il reposait, et où, selon le principe de l'autochtonie propre à la société dont il descendait, se perpétuaient ses rapports avec sa lignée, sa descendance. Il s'agissait, au total, d'effacer UM de la mémoire des hommes en le renvoyant au chaos où il ne serait plus strictement personne". Il fut traité ainsi, achève Joseph-Achille Mbembe, "pour s'être opposé sans compromis au régime colonial et pour avoir résisté à la corruption à laquelle recourait l'administration pour vaincre moralement les Africains qui osaient se dresser contre elle". Il est significatif de voir que, cinquante après sa mort, l'Etat post-colonial camerounais peine, non seulement à rendre hommage à ce héros et martyr de la lutte contre les dominations coloniales, mais qu'il refuse même tout simplement de laisser évoquer son nom dans l'espace et la mémoire collective. Les manuels d'histoire et documents officiels du pays sont ainsi banis de toute référence à sa personne, alors même qu'il est le seul, en son temps, à avoir réussi à articuler un projet clair d'accès de son pays à l'indépendance. A tout jamais gêné par ce cadavre dont il porte lourdement la malédiction, incapable de donner une justification cohérente de son expulsion du champ des savoirs, L'Etat du Cameroun ne trouve justification que dans le silence. Le même silence que celui dans lequel il persiste à faire vivre ce mort. L'historien et politiste camerounais Achille Mbembe est sans doute ainsi, à ce jour, le meilleur connaisseur et narrateur, aussi bien de l'histoire personnelle et politique de Ruben Um Nyobe, que de celle de l'UPC et du Cameroun, tout court. Parmi ses ouvrages les plus retentissants sur ces sujets, figurent "Ecrits sous maquis" (L'Harmattan, 1989) et surtout, l'exceptionnelle "naissance du maquis dans le sud-Cameroun" (Khartala, 1996). Références incontournables auxquelles il faut ajouter de nombreux articles, par le même auteur, sur le même sujet, dont l'un est "Pouvoir des morts et langage des vivants; les errances de la mémoire nationaliste au Cameroun" in Politique africaine, n°22. A Achille Mbembe il faut aussi indiquer le travail de témoigange, tout aussi méritoire, de Stéphane Prévitali intitulé "Je me souviens de Ruben" (Khartala, 1999)

Autres langues