Révolution conservatrice (sens moderne)

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Cette expression, qui fait référence à la révolution conservatrice de l'Allemagne de Weimar, est utilisée de nos jours pour caractériser le basculement sur la droite de l'échiquier politique des États-Unis et de la Grande-Bretagne au début des années 1980[1]. On emploie parfois le terme de « révolution libérale »[2].

Sommaire

[modifier] Manifestations

On pourrait résumer rapidement la révolution conservatrice des années 1980 aux États-Unis principalement et en Grande-Bretagne en un certain libéralisme économique mâtiné, surtout aux États-Unis, de conservatisme sociétal[1]. L'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher en est une illustration. La situation américaine fut analysée par Guy Sorman en 1983 dans La Révolution conservatrice américaine. Dans son ouvrage il relate ses rencontres avec 70 Américains pour mieux comprendre le bouleversement alors à l'œuvre dans la société américaine. Il la résume ainsi : « La jeunesse repousse la contestation, les femmes luttent contre le féminisme, les contribuables contre l'impôt, les Églises les plus conservatrices rallient en masse de nouveaux fidèles, les intellectuels défendent le capitalisme, les syndicats ouvriers s'effondrent, les Noirs dénoncent la politique des droits civils. »

Et Theodore Lowi, politologue américain de gauche, de déclarer alors, « Être conservateur, c'est être à la mode » ou « la gauche américaine est intellectuellement aujourd'hui en faillite »[3].

Au Royaume-Uni, émergent des figures comme celles de Keith Joseph ou de Margaret Thatcher, influencées directement par des penseurs comme Milton Friedman et surtout Friedrich Hayek. Révélateur du basculement qui s'opère alors, Keith Joseph déclare en 1974 : « je ne suis devenu conservateur que récemment »[4], il appelle aussi à mettre fin à trente ans de socialisme, incluant donc dans celui-ci les précédents gouvernements conservateurs. Avec l'arrivée à la tête du parti conservateur de Margaret Thatcher, le programme du parti s'oppose progressivement au socialisme du Labour qu'il avait en partie intégré auparavant jusqu'à la rupture libérale permise par l'hiver du mécontentement, quand la politique socialiste de contrôle des salaires s'écroule en hiver 1979.

[modifier] Économie

La fin des années 1970 et les années 1980 voient l'avènement de l'École de Chicago de Milton Friedman. Les idées libérales gagnent les politiques américains en rupture avec la politique d'assistance du New Deal. En 1978, la Californie vote dans un référendum d'initiative populaire la Proposition 13 qui limite l'impôt sur le foncier. Dans son discours d'investiture en 1981, Ronald Reagan déclare que « le gouvernement n’est pas la solution, il est le problème ». Néanmoins ce libéralisme reste nuancé par une réaffirmation de la puissance militaire des États-Unis (America is back) et une très forte hausse des dépenses militaires. En outre, le retrait de l'État de la sphère économique est limité, les prestations sociales ne baissent pas mais leur rythme cesse d'augmenter. Par contre, la dérégulation est importante dans certains secteurs économiques (Télécoms, compagnies aériennes) et permet une baisse du coût pour le consommateur.

[modifier] Société

Dans les années 1970, la société américaine est majoritairement à gauche mais la crise du Watergate, le bourbier vietnamien ou l'affaire des otages en Iran plongent les États-Unis dans une décennie de doute. Par opposition, les années 1980 verront la remise en cause des idées libérales aux États-Unis : remise en cause du droit à l'avortement, retour de la peine de mort ou de la prière à l'école.

[modifier] Figures de la révolution conservatrice

[modifier] Explications

Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer la révolution conservatrice américaine, comme la multiplication des think tanks libéraux et conservateurs ou l'essor de mouvements religieux dans la Bible Belt. On observe également un renouveau de la pensée libérale et libertarienne, en particulier sur les campus américains. Le parti libertarien est fondé en 1971, le Cato Institute en 1977. Des écoles comme celle du Public Choice ou l'école de Chicago se développent et des figures comme celles de Murray Rothbard ou de David Friedman émergent[5].

Pour l'économiste libéral Milton Friedman, elle tient d'avantage à la prise de conscience de l'échec du communisme et du socialisme qu'à la diffusion des idées des penseurs comme Friedrich Hayek; il déclare ainsi dans la préface de l'édition de 1982 de Capitalisme et liberté[6] :

« Le changement dans l'opinion est le résultat de l'expérience et non de la théorie ou de la philosophie. La Russie ou la Chine, grands espoirs des intellectuels, avaient clairement échoué. La Grande-Bretagne dont le socialisme Fabien exerçait une influence dominante sur les intellectuels américains était dans de grands troubles »
    — Milton Friedman, Capitalisme et liberté

[modifier] Phénomène contemporain ?

Guy Sorman, qui avait analysé dans La Révolution conservatrice américaine le phénomène au début des années 1980, considèrait alors que l'élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007 procèdait d'une logique proche et, qu'ainsi, « la France rattrape son époque », après avoir été l'exception socialisante dans les pays développés[7]. Il n'a cependant pas caché sa déception vis à vis de la politique effectivement menée par Nicolas Sarkozy depuis, au delà des promesses.

[modifier] Notes et références

  1. ab Philippe Chassaigne, La Grande Bretagne dans le monde de 1815 à nos jours, 2003, p. 283
  2. Éric Le Boucher, Économiquement incorrect, Grasset, 2005, p. 7.
  3. repris par Guy Sorman in La Révolution conservatrice américaine, 1983.
  4. Margaret Thatcher, 10 Downing Street, Mémoires, p. 23.
  5. Voir à ce sujet Henri Lepage, Demain le capitalisme, 1980, Livre de poche
  6. Préface à l'édition de 1982 de Capitalisme et liberté, p. xiii de l'édition de 2002
  7. « La France rattrape son époque », Guy Sorman, 9 mai 2007

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Bibliographie