Philosophie des mathématiques

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La philosophie des mathématiques est la branche de la philosophie qui tente de répondre aux interrogations sur les fondements des mathématiques ainsi que sur leur usage. On y croise des questions telles que : « pourquoi les mathématiques sont-elles utiles ou efficaces pour décrire la nature ? », « dans quel(s) sens, peut-on dire que les entités mathématiques existent ? » ou « pourquoi et comment peut-on dire qu'une proposition mathématique est vraie ? ».

Les différentes réponses possibles à ces questions s'organisent en différentes écoles de pensée, au nombre desquelles on compte, entre autres :

Ces pistes seront abordées dans la suite de l'article.

Sommaire

[modifier] La nature des objets mathématiques

De quoi traitent les mathématiques ? La biologie moléculaire cherche à expliquer le fonctionnement du vivant par l'étude des interactions chimiques entre les molécules. La cosmologie cherche à donner une description cohérente de l'Univers dans son ensemble en oubliant les structures particulières. Les neurosciences cherchent à explorer le fonctionnement interne du cerveau et à comprendre l'origine de la pensée. Et les mathématiques ?

Les mathématiques traitent de nombreux objets dont les propriétés diffèrent. Mais ces objets sont des définitions fruits de la réflexion humaine. En ce sens, les mathématiques sont des créations de l'esprit humain le résultat d'une « construction neuronale » comme l'affirme le neurologue Jean-Pierre Changeux. L'exploration mathématique consisterait à l'énumération de propriétés vérifiées par les objets définis au préalables. Pourtant, la pratique permet de différencier le vrai du faux, de cerner la justesse des raisonnements, et même la pertinence des définitions.

Au contraire, de nombreux mathématiciens sont d'avis de placer les raisonnements mathématiques comme préexistant à l'esprit humain. En ce sens, énoncer un nouveau théorème n'est pas une invention, mais une découverte. Le mathématicien français Jean-Pierre Serre est de cet avis. Il apparente l'étude des cas particuliers, des exemples et contre-exemples à l'expérimentation.

À première vue, les mathématiques sont une discipline de la pensée qui ne se confronte pas avec le réel. À première vue seulement. Si les mathématiques sont un langage indispensable pour une description de la physique, les sciences de la nature ont conduit au développement interne des mathématiques. Ne sont que des exemples :

  • La géométrie est née de la confrontation à la vision, et de la compréhension du positionnement relatif des objets dans l'espace.
  • Le calcul différentiel trouve ses origines dans la volonté de poser les équations de la dynamique avec Newton.
  • Les séries de Fourier résultent de la résolution de l'équation de la propagation de la chaleur.
  • La géométrie riemannienne est née des incohérences apparentes des cartographies de la Terre.
  • Les ondelettes résultent de problèmes liés à la sismologie.

[modifier] La question des origines

Quand commence la mathématique ? Difficile de répondre précisément. Tout dépend du sens du terme « mathématique ».

La mathématique dans une acception très large est un ensemble de concepts et de méthodologie. Les mathématiques commencent donc avec le dénombrement. Ce savoir est antérieur à l'écriture. Des entailles sur des os préfigurent des calendriers lunaires, à l'instar de l'os d'Ishango. L'utilisation des nombres était effective dès les premières civilisations (Mésopotamie, IVe millinénaire).

Toutefois, si on limite les mathématiques à une connaissance scientifique reposant sur des raisonnements vérifiables, les premières mathématiques datent de la civilisation grecque.

Une troisième école date les débuts des mathématiques avec le renouveau culturel en Europe à la Renaissance.

Ces différends sur les origines mathématiques portent davantage sur la définition de cette science que sur l'authenticité des preuves historiques.

[modifier] Philosophies des mathématiques

L'universalité manifeste des mathématiques et leur efficacité sont, au moins depuis l'antiquité grecque, la source de questions philosophiques et métaphysiques. L'histoire des idées est intimement liée à la réflexion sur la nature des mathématiques. On peut distinguer trois grandes questions principales :

  • Quel est le mode d'existence des objets mathématiques ? Sont-ils réels et, le cas échéant, de quelle réalité s'agit-il ? N'est-ce qu'une production purement raisonnée de la pensée ?
  • Pourquoi les mathématiques semblent-elles universelles ?
  • Pourquoi les mathématiques, qui relèvent d'une création de l'esprit, permettent-elles de comprendre un aspect de l'univers ?

[modifier] Le platonisme

«Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre», était-il gravé sur le portail de l'Académie, école de Platon. Pour ce philosophe, les mathématiques sont un intermédiaire pour accéder au royaume des Idées.

[modifier] L'aristotélisme

Concernant les mathématiques, Aristote est encore très empreint de platonisme. L'univers au-delà de la Lune, les étoiles et les planètes, peuvent être compris par les mathématiques, car ils sont ordonnés suivant des lois éternelles et parfaites. En revanche, pour Aristote le monde sublunaire est sujet au changement et au mouvement, et la physique ne peut en aucun cas prétendre aquérir la rigueur et l'universalité des mathématiques.

[modifier] Le logicisme

Le logicisme considère que les mathématiques sont toutes entières incluses dans l'ensemble des connexions logiques élémentaires, théoriquement explicitables, qui composent une démonstration.

[modifier] L'intuitionnisme

«La possibilité même de la science mathématique semble une contradiction insoluble. Si cette science n'est déductive qu'en apparence, d'où lui vient cette parfaite rigueur que personne ne songe à mettre en doute ? Si, au contraire, toutes les propositions qu'elle énonce peuvent se tirer les unes des autres par les règles de la logique formelle, comment la mathématique ne se réduit-elle pas à une immense tautologie ? Le syllogisme ne peut rien nous apprendre d'essentiellement nouveau et, si tout devait sortir du principe d'identité, tout devrait aussi pouvoir s'y ramener. », Henri Poincaré, La Science et l'hypothèse

[modifier] Le platonisme d'Albert Lautman

Pour Albert Lautman, le monde des idées mathématiques est le parangon du monde des Idées platoniciennes. Plus précisément, il considère que les relations entre les objets mathématiques mises en évidence dans les démonstrations sont des relations plus générales, métamathématiques. Dans ses ouvrages, Lautman montre que dans le déroulement d'une démonstration d'un théorème, des idées développées par des philosophes dans un tout autre contexte sont réalisées.

[modifier] Le constructivisme

Les constructivistes n'admettent que les mathématiques construites. Plus techniquement, ils n'acceptent dans les démonstrations que les inférences finies. Par exemple, le raisonnement par récurrence ainsi que l'axiome du choix sont prohibés. Les démonstrations par l'absurde sont également interdites, puisqu'elles ne donnent l'existence de l'être mathématique que par l'impossibilité de son non-être, et non pas par l'explicitation concrète de son existence.

[modifier] Le calculationnisme

Les calculationnistes sont ceux qui comme Stephen Wolfram identifient la nature au calcul. Pour eux, une pomme qui tombe est une instantiation du calcul de la mécanique.