Philosophie bouddhiste

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Le Bouddha prononçant le discours de Vārānasī sur les quatre nobles vérités pour le bénéfice de ses anciens condisciples, suite à son plein Éveil.
Le Bouddha prononçant le discours de Vārānasī sur les quatre nobles vérités pour le bénéfice de ses anciens condisciples, suite à son plein Éveil.

Le bouddhisme est l'un des grands systèmes de pensée et d'action orientaux, né en Inde au VIe siècle av. J.-C.. Il est fondé sur les Trois Joyaux : les bouddhistes déclarent prendre refuge dans le Bouddha, le fondateur du bouddhisme, dans le Dharma, la doctrine du Bouddha, et dans le Sangha, la communauté des adeptes.[1]

Icône de détail Article détaillé : Bouddhisme.

À l'origine, le bouddhisme n'est pas vraiment une philosophie ou une religion, mais une « leçon des choses »: dhamma en pali, dharma en sanskrit, ce terme désignant à la fois la réalité, sa loi, et son exposé. De plus lorsqu'on parle de dharmas on désigne diverses lois naturelles particulières.

Sommaire

[modifier] Le Dharma, ou l'enseignement

Les quatre nobles vérités qui sont à l'origine du bouddhisme sont: la vérité de la souffrance ou de l'insatisfaction inhérente, la vérité de l'origine de la souffrance engendrée par le désir et l'attachement, la vérité de la possibilité de la cessation de la souffrance par le détachement, entre autres, et finalement la vérité du chemin menant à la cessation de la souffrance, qui est la voie médiane du noble sentier octuple.

Cependant ces enseignements classiques, et de portée spirituelles plutôt que philosophiques, ne sont que le point de départ de ce qui deviendra une riche pluralité de traditions philosophiques et religieuses. Après tout le bouddhisme avait «conquis» tout l'Asie, du Japon jusqu'à l'Afghanistan, intégrant et/ou s'adaptant à ces différentes cultures. En philosophie particulièrement, tout le spectre des positions et options possibles a, à un moment ou l'autre, été l'objet d'élaborations et de débats. Il a donc connu son «réalisme», son «atomisme», son «nominalisme», etc.

L'Hindouisme, qui est proche historiquement et géographiquement du Bouddhisme, présente lui aussi une telle variété. Pareillement, et à l'instar de la scolastique occidentale, toute philosophie s'inscrit dans le cadre de la religion. Plus précisément, les philosophies bouddhistes ne perdent jamais de vue les préoccupations sotériologiques, c'est-à-dire liées au salut, à la libération.

[modifier] Impermanence et interdépendance

Icône de détail Article détaillé : Coproduction conditionnée.

« Tout phénomène conditionné est insatisfaisant, tout phénomène conditionné est éphémère et toute chose est sans soi. »

  • Le non-soi ( skt. Anātman pal. anatta), ou interdépendance (plutôt coproduction conditionnée) ou encore impersonnalité : de l'atome à l'univers - en passant par les êtres humains et leurs états d'esprit - il n'y a rien qui ait une existence indépendante et réelle par lui même.
  • L’impermanence (skt. anitya pal. anicca) : tout est constamment changeant, tout est flux, rien n'est figé une fois pour toutes.
  • L'insatisfaction (skt. duhkha pal. dukkha), ou souffrance : ce n'est pas que la souffrance physique ; du fait de l'impermanence des choses, rien ne peut nous satisfaire de manière ultime et définitive.

Ces trois caractéristiques de l'existence conditionnée sont universelles, et connues une fois développée la vision directe de la réalité (pal. vipassanā, skt. vipashyanā). Pour ce faire, il faut suivre un entraînement au développement de la vigilance (pal. satipatthāna, skt. smrtipasthāna).

L'être humain n'est donc pas une chose en soi, une entité indestructible contenant une étincelle divine (malgré l'illusion qu'ils en ont), mais la composition impermanente des cinq agrégats que sont la forme (ou corporéité), les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Ces agrégats (skt. skandhas pal. khandha) sont impermanents car soumis eux aussi à la « coproduction conditionnée » (skt. pratītya-samutpāda), selon laquelle tout a un ensemble de causes et un ensemble de conséquences. Pour les bouddhistes, le moi n'est donc que vacuité (skt. Śūnyatā).

À noter que le nirvāna échappe aux caractéristiques de souffrance et d'impermanence. A contrario, il n'est pas un « en soi » (skt. ātman) : il est vide, mais inconditionné.

[modifier] Vacuité

La vacuité (skt śūnyatā) est l'absence de nature propre de tous les phénomènes (conditionnés ou inconditionnés). Ce concept-clé est proche à la fois du concept négatif d'absence de soi (anātman), dont il est une extension, et du concept positif d'Absolu (nirvāna), comme réalité ultime. La vacuité relative est l'absence de substrat permanent des phénomènes (qui n'ont par conséquent de nature que nominale et conventionnelle), tandis que la vacuité absolue désigne la même absence de substance dans l'Absolu lui-même, le nirvāna, "là où il n'y a rien, où rien ne peut être saisi" (Sutta Nipāta). Il n'y a donc pas de dualité entre relatif et Absolu, le terme de vacuité désigne la même réalité vue sous deux angles.

Bien que connu du bouddhisme hīnayāna, ce thème a été développé particulièrement par le bouddhisme mahāyāna dans la pensée prajnaparamita (le texte le plus connu étant le Sūtra du Cœur). Si l'on s'en tient au plan strictement philosophique, il s'agit d'un scepticisme ontologique (plutôt que d'un nihilisme, qui est une thèse rejetée par le bouddhisme). Cependant la vacuité est aussi une expérience personnelle de non-dualité qui va de pair avec le développement de l'intuition métaphysique (prajñā) du pratiquant bouddhiste.

Icône de détail Article détaillé : Vacuité.

[modifier] Non-dualité

Prajñāpāramitā, la  déité personnifiant la « perfection de sagesse », plus précisément l'« intelligence intuitive transcendante ». Étymologiquement « Prajñā » se trancrirait par « pro- gnose »
Prajñāpāramitā, la déité personnifiant la « perfection de sagesse », plus précisément l'« intelligence intuitive transcendante ». Étymologiquement « Prajñā » se trancrirait par « pro- gnose »

La non-dualité désigne l'identité essentielle de nombreuses distinctions ou oppositions, reconnues valides ou utilitaires en une première approche, mais finalement redéfinies comme n'étant que différents aspects d'une même réalité. Le bouddhisme expose la non-dualité du samsara et du nirvāna, de la forme et de la vacuité, de l'objet et du sujet, etc. Par exemple, dans Le soutra du parfait Éveil (ch.36), attribué à Bouddha:

Il n'y a ni identité ni différence, ni asservissement ni libération. Maintenant vous savez que tous les être sensibles sont originellement de parfaits Éveillés; que samsara et nirvana sont comme le rêve de la nuit dernière. Nobles fils, puisqu'ils sont comme les rêves de la nuit dernière, vous devriez savoir que samsara et nirvana n'ont ni avènement ni cessation. ni allée ni venue. Dans cette réalisation il n'y a ni gain ni perte, ni adoption ni rejet. Dans celui qui réalise il n'y a pas "s'efforcer", "laisser-aller", "arrêter les pensées" ou "éliminer les passions". Dans cette réalisation il n'y a ni sujet ni objet, et ultimement ni Réalisation ni Réalisé. La nature [ultime] de tous les phénomènes est égale et indestructible.[2]

Dans les traditions directement non-dualistes du bouddhisme, c'est-à-dire le Zen, le Dzogchen, le Mahāmudrā et le Madhyamaka on parle d'intégrer la spontanéité tout-accomplissante et auto-libératrice du «non-agir» de la nature non-duelle de la réalité. Des notions telles que non-effort, non-soi, non-méditation, non-pensée, etc. réfèrent toutes à une transcendance, une mise hors-jeu, de la dualité intrinsèque que pose n'importe quel concept: agir, avoir, être...

Icône de détail Article connexe : Non-dualité.

[modifier] Écoles philosophiques

Au terme de nombreux processus historiques, il ne subsiste plus que deux grandes écoles philosophiques, particulièrement dans le bouddhisme dit du Mahāyāna[3], ce sont le Cittamatra, esprit seulement, et le Madhyamaka, voie du milieu.

[modifier] Cittamātra

La première est un idéalisme, ou même un solipsisme rationnel : tous les phénomènes ne sont que des faits de conscience, et la conscience est la seule réalité, le monde et les individus en étant la projection.

La conscience qui « crée » le monde est l’ultime nature-de-bouddha lorsque son reflet se particularise dans la conscience individuelle, et que celle-ci ne se reconnaît pas en tant que nature-de-bouddha. Cette méprise « originelle » l'entraîne et la soumet alors à un réseau de causes et d'effets (karma) qu'elle projete elle-même, de par sa complète créativité.

À titre d'exemple, un soutra classique du mahāyāna tel que le lankāvatārasūtra examine et réexprime systématiquement la doctrine de l'esprit-seulement et de son dépassement :

« Les choses, comme les illusions et les rêves,
N'ont pas de naissance, ni de nature propre,
Et comme elles sont toutes naturellement vides [ śūnya ],
Elles ne relevent ni de l'être ni du néant.

[...]

Tout ce qui existe
Résulte d'une erreur de la pensée :
Reliée aux deux natures, [ interdépendante et imaginaire, ]
La conscience fondementale manifeste les mondes.

[...]

Lorsque la connaissance transcendante [ prajñā ]
Lui montre que rien n'a d'essence propre,
Le pratiquant trouve son repos [...]
Quand on réalise que l'essence des choses

N'est jamais né, on atteint la libération.[4] »
Icône de détail Articles détaillés : Tathāgatagarbha et Cittamātra.

[modifier] Madhyamaka

La seconde grande école, le Madhyamaka, se veut plus achevée: Dans sa foncière insondabilité, sa transcendance, la Nature-de-Bouddha ne saurait être appréhendée, et la seule philosophie valide ne saurait être que radicalement négative. Nāgārjuna, la grande figure de cette école résume sa position dans son célèbre tétralemme:

  • On ne peut affirmer: «il existe quelque chose»
  • On ne peut affirmer: «il n'existe rien»
  • On ne peut affirmer: «il existe quelque chose et il n'existe rien»
  • On ne peut affirmer: «il n'existe ni quelque chose, ni rien»[5]

Nāgārjuna l'exprime aussi de cette façon dans le Madhyamakakārika : "Où que ce soit, quelles qu'elles soient, ni de soi ni d'autrui, ni de l'un ni de l'autre, ni indépendamment de l'un et de l'autre, les choses ne sont jamais produites"

Cette philosophie constitue l'aboutissement conséquent et radical de la doctrine de la vacuité.

Icône de détail Article détaillé : Madhyamaka.

[modifier] Notes et références

  1. Sur le bouddhisme voir: Samuel Bercholz et Sherab Chödzin Kohn, Pour comprendre le bouddhisme, Éd. Laffont, 1993, 428 p. (ISBN 2-266-07633-7) et, de Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Éd. Seuil, 2001, 841 p. (ISBN 2-02-036234-1)
  2. Traduction fr. du contributeur d'aprés:The Sutra of Perfect Enlightment. Commentaire du moine coréen Kihwa (1376-1437), Traduit en anglais par A. Charles Muller. State University of New York Press, Albany (NY), 1999. 329 p./ p.116. ISBN 0-7914-4101-6
  3. L'autre grande tradition dite du Theravāda évite soigneusement toutes discussion métaphysique, ou philosophique abstraite, et se concentre sur les aspects méditationnels
  4. Soûtra de l'Entrée à Lankâ, Lankāvatārasūtra. Traduit de la version chinoise de Shikshânanda, par Patrick Carré. Librairie Arthème Fayard, coll. Trésors du bouddhisme, 2006. 381 p./ p.271 à 277. ISBN 2-213-62958-2
  5. Légères variantes aux articles Madhyamaka et Interdépendance

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes


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